par Daniel Pipes
USA Today, 11 juin 2008
VO: http://www.danielpipes.org/article/5585
Dans un rapport déclassifié du renseignement américain intitulé Iran: Nuclear Intentions and Capabilities (Iran: intentions et capacités nucléaires), les agences de renseignement américaines annonçaient en décembre dernier: «Nous estimons avec une grande certitude que Téhéran a suspendu son programme d’armement nucléaire au printemps 2003.»
Cette conclusion extrêmement controversée a incité les dirigeants iraniens à écarter l’éventualité d’une attaque américaine, ce qui a permis à Téhéran d’adopter une position toujours plus belliqueuse et a rendu futiles, comme il fallait s’y attendre, toutes les négociations ultérieures.
Dans l’idéal, les Iraniens eux-mêmes doivent être conduits à stopper leur programme nucléaire, car les alternatives – lancer une attaque américaine ou israélienne, ou permettre aux dirigeants de Téhéran hantés par l’Apocalypse de se procurer la bombe – sont bien pires.
L’unique moyen d’y parvenir est de raviver un sentiment d’appréhension en Iran. Pour que Washington ait une chance de les persuader de mettre un terme à leur programme nucléaire, et d’éviter ainsi la nécessité d’une action militaire, il faut impérativement convaincre les stratèges de Téhéran qu’ils ne seront jamais autorisés à obtenir des armes nucléaires. C’est encore possible, mais à condition de modifier profondément la politique des États-Unis.
Premièrement, l’administration Bush doit se préparer à attaquer l’infrastructure nucléaire iranienne. Deuxièmement, elle doit le faire savoir bruyamment (et les leaders israéliens devraient faire de même, comme certains l’ont déjà compris). Troisièmement, l’administration doit supporter l’inévitable tsunami de critiques. Quatrièmement, elle doit encourager les gouvernements les plus opposés à une telle attaque – dont l’Union européenne, la Russie et la Chine – à faire pression sur Téhéran pour que l’Iran mette fin à son programme nucléaire.
Si cette démarche réussit, la crise est résolue. Si elle échoue, l’élection présidentielle américaine de novembre revêtira une importance cruciale. «Il n’y a qu’une éventualité qui soit encore pire que l’option militaire», a déclaré John McCain. «C’est un Iran doté de l’arme nucléaire.» De son côté, Barack Obama a parlé de «diplomatie résolue», de «sanctions [économiques] plus sévères» et de «sources d’énergie de remplacement» – au fond un appel à persister dans la voie actuelle.
Si la présidence de George W. Bush se termine sur une victoire de McCain, Bush va probablement temporiser et laisser McCain prendre les prochaines décisions. Mais l’intention affichée d’Obama de perpétuer la vaine politique actuelle indique que s’il gagne, Bush pourrait ignorer la tradition voulant que les présidents sortants ne prennent pas d’initiatives majeures pendant les dernières semaines de leur mandat. Et lancer l’action militaire contre l’Iran.
« Un raid israélien contre l’Iran avant le départ de George Bush? ». Menaces d’intervention militaire israélienne d’un côté, pressions diplomatiques de l’autre: l’Iran et son programme nucléaire font à nouveau la une de l’actualité. Décryptage. BERNARD BRIDEL 11 Juin. La guerre des nerfs se poursuit entre l’Iran, Israël et la communauté internationale. Mais dans ce formidable jeu de poker menteur, «on ne peut rien exclure, et surtout pas une interventionmilitaire israélienne contre les installations nucléaires iraniennes», assure Joseph Henrotin, chercheur au Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux (Capri), à Aix-en-Provence. Et ce avant le départ de George Bush de la Maison-Blanche, soit dans les six mois à venir. Voici pourquoi. La pression diplomatique. Hier en Slovénie, à l’occasion d’un sommet Etats-Unis – Union européenne, le président américain a déclaré qu’ « avec l’arme nucléaire, l’Iran serait incroyablement dangereux pour la paix dans le monde ». Interrogé sur l’hypothèse d’un raid de Tsahal évoquée ces derniers jours en Israël, Bush a répondu « que si vous étiez Israélien, vous seriez également nerveux », compte tenu des menaces répétées du président Ahmadinejad à l’encontre de l’Etat hébreu. Se gardant d’être plus précis, le bientôt ex-locataire de la Maison-Blanche a souligné qu’en l’état actuel, il convenait de négocier avec l’Iran pour l’obliger à faire toute la lumière sur son programme nucléaire. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la visite que doit faire ce dimanche à Téhéran le chef de la diplomatie de l’UE, Javier Solana. « C’est le côté carotte de la diplomatie », explique Henrotin. Le contexte israélien. C’est vendredi dernier que le scénario d’un raid israélien en Iran a été relancé par le ministre des Transports de l’Etat hébreu, Shaul Mofaz. « Si l’Iran poursuit son programme d’armement nucléaire, nous l’attaquerons », a affirmé cet ancien chef d’état-major de Tsahal né… en Iran, et qui brigue la place de l’actuel premier ministre Ehoud Olmert, mis en cause dans une affaire de corruption. « Il faudra voir si les propos de Mofaz ne sont destinés qu’à sa lutte politique pour le pouvoir ou si le camp des faucons le suivra et l’emportera », dit le chercheur du Capri. « Ce qui est sûr, c’est que les durs feront tout pour lancer l’opération avant le changement de président aux Etats-Unis. Car ils savent que convaincre le nouvel élu que ce soit Obama ou McCain prendra du temps ». Les moyens d’Israël. Techniquement, l’armée israélienne a les moyens de frapper en Iran. « Plus facilement, même, qu’en 1981 lorsqu’elle a détruit le réacteur expérimental irakien Osirak, au sud de Bagdad », assure Henrotin. C’est qu’aujourd’hui, elle peut passer sans problème par-dessus l’Irak et bénéficierait sans doute d’un appui logistique des Etats-Unis. « De plus, précise encore le chercheur, alors qu’il y a quelques mois, on estimait qu’elle devrait détruire les défenses aériennes iraniennes avant de frapper les cibles nucléaires, il semble que le raid qu’elle a effectué en septembre dernier en Syrie lui ait permis de mettre au point des systèmes de guerre électronique lui permettant d’aveugler ladéfense aérienne iranienne ». Les risques d’escalade. Ils sont évidemment énormes, dans la mesure où Téhéran déclencherait immédiatement des représailles pouvant aller du tir de missiles à tête chimique sur Israël à des opérations terroristes, en passant par le blocus du détroit d’Ormuz pour couper la route du pétrole. Un scénario catastrophique. Mais possible. Lueur d’espoir. Reste que le pire n’est peut-être pas inévitable, conclut Henrotin. « Je pense que les Iraniens n’iront jamais trop loin et éviteront tout acte légitimant un raid israélien. Mais ils feront tout pour obtenir une ‘capacité de seuil’, c’est-à-dire qu’ils ne produiront pas la bombe, mais maîtriseront tout le cycle pour l’avoir très rapidement ».