Publié par Dreuz Info le 6 novembre 2008

L’ultime combat au crépuscule, par Eli Lake

 

Trad : Marc Brzustowski

The New Republic


 

http://www.tnr.com/politics/story.html?id=9c613d05-0441-4a14-bf40-ef3ac16a42b5

 

Dans les derniers jours avant la clôture de son mandat, l’Administration Bush procède à une montée en puissance de la guerre contre la terreur.

Publié le 28 Octobre 2008

 

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Samedi (25/10), les hélicoptères américains transportant une unité des forces spéciales (Task Force 88) ont frappé Sukkariyeh, en Syrie, juste de l’autre côté de la frontière avec l’Irak.


Il s’agissait d’un raid qui comportait d’énormes implications pour la guerre en Irak et l’anti-terrorisme global. La cible du raid était un homme appelé Badran Turki Hishan al-Mazidih, plus connu au sein de ses réseaux sous le nom d’Abu Ghadiya. Depuis 2004, les responsables du renseignement ont pourchassé Abu Ghadiya pour son rôle pernicieux en Irak, contribuant à alimenter l’insurrection sunnite par le transit de combattants étrangers, d’argent et d’armes. Les Américains n’avaient jamais frappé auparavant à l’intérieur de la Syrie en laissant des empreintes aussi nettes. Mais les responsables pensent qu’éliminer Abu Ghadiya justifait ce type d’action chirurgicale. Un responsable militaire m’a raconté que l’élimination d’Abu Ghadiya représente une victoire significative contre Al Qaeda en Irak. « L’organisation est désormais quasiment exsangue », m’a-t-il confié.

 

L’histoire -de ce raid- serait longue à raconter. Mais elle ne suffit pas à saisir toute la magnitude de la frappe de Sukkariyeh. En effet, nous sommes entrés dans une nouvelle phase de la guerre anti-terroriste. En juillet, selon au moins 3 sources convergentes au sein de l’Administration Bush, celle-ci a formellement conféré à l’armée le pouvoir inédit de s’en prendre aux sanctuaires terroristes hors d’Irak et d’Afghanistan. Jusqu’à présent, une frappe militaire dans un pays tel que la Syrie ou le Pakistan aurait requis l’approbation du Président Bush en personne. A présent, ce genre de frappes dans la région peut survenir à la discrétion du Commandant de l’Etat-Major Central (Centcom) qui vient de prendre ses fonctions, le Général David Petraeus


Une source au sein du renseignement a décrit cette directive comme l’institutionnalisation du «made in Chicago », une allusion à la fameuse répartie de Sean Connery selon laquelle « il vaut mieux se munir d’un “six-coups” pour se rendre à un combat au couteau »

Cette nouvelle directive pourrait paver le chemin à une série d’actions directes au Kenya, au Mali, au Pakistan, au Soudan, en Syrie et au Yémen. – toutes zones où les Américains pensent qu’Al Qaeda dispose d’une présence significative, mais où ils ne peuvent pas réellement compter sur les services de sécurité autochtones pour agir. Dans le jargon de la « guerre froide », Petraeus aura désormais autorité pour mener une guerre régionale faite de « coups tordus » (« dirty war »). Lorsqu’on l’interroge au sujet de la directive de juillet 08, le porte-parole délégué au Conseil National de Sécurité Ben Chang n’émet aucun commentaire. 


D’éventuels coups portés en Iran pourraient relever de cette directive, puisque des dirigeants majeurs d’Al Qaeda, tels que Saïf al Adel sont présumés utiliser ce pays comme base arrière pour venir en aide aux Taliban Afghans et aux réseaux d’Al Qaeda regroupés jusque dans le Kurdistan irakien. Pour l’instant, cependant, toute action à l’intérieur du territoire iranien requerrait au minimum l’assentiment du responsable du Pentagone, à cause de la capacité de l’Iran de répliquer n’importe où dans le monde occidental.

Pourquoi l’Administration a t-elle change de politique à une date aussi tardive? Pour ce qui est des prémisses, l’Administration est particulièrement inquiète de la résurgence d’Al Qaeda, non seulement au Pakistan, mais aussi à travers l’Asie et l’Afrique. Au sein de l’Administration, on ressent une frustration croissante au fait que les services de sécurité (alliés) soient incapables ou simplement ne souhaitent pas éradiquer Al Qaeda à l’intérieur de leurs propres frontières. Le Pakistan est sûrement l’illustration la plus criante de cette sombre  réalité. Et même des services amis, tel que celui du Kenya, n’ont fait que des progrès infinitésimaux dans leur lutte contre le terrorisme.


Lorsque l’Administration a proposé cette approche pour la première fois, il a rencontré une forte résistance intérieure. Le Conseil a rédigé un document soulignant les risques associés à ce changement de politique, comme celui consistant à saborder les chances d’une meilleure coopération ultérieure. Et l’Amiral William Fallon, qui précédait Petraeus au CentCom, refusait fermement d’entreprendre ce type d’actions directes contre Al Qaeda et d’autres cibles affiliées en Syrie. Mais, alors que sonnent les dernières heures de cette Administration, elle éprouve un appétit plus grand pour engranger quelques victoires supplémentaires contre Al Qaeda – et se montre moins préoccupée par les conséquences politiques résiduelles résultant des frappes. Roger Cressey, ancien délégué auprès de Richard Clarke au sein des Administrations Clinton et Bush, disait : « Avec une Administration parvenue dans ses toutes dernières semaines, le veto à toute opération militaire se trouve abaissé parce que les contrecoups sont minimes pour le Président ».

Le grand mystère qui subsiste désormais consiste à savoir si la prochaine Administration démantèlera cette orientation politique ou au contraire permettra à Petraeus de la poursuivre jusqu’à ce qu’elle ait porté ses fruits. Obama n’a rien déclaré de particulier au sujet du raid de samedi dernier (25/10) en Syrie (un silence qui lui aura au moins épargné les railleries des partisans de la Campagne Mc Cain). Dans un certain sens, cette nouvelle politique pose un conflit d’intérêt avec les déclarations d’Obama exposant son désir d’ouvrir des canaux diplomatiques en direction de Téhéran et Damas. D’un autre côté, c’est précisément le genre de politique qu’il n’a eu de cesse de promettre au moins à l’encontre du Pakistan, dont le territoire est supposé accueillir Osama Ben Laden : «  Si l’Amérique dispose d’une information crédible sur les leaders d’Al Qaeda, et que le pays abritant ces terroristes se repose sur ses lauriers, nous agirons ! ». Sa rhétorique de campagne est désormais devenue une politique officielle d’intervention dont il devra hériter. Est-ce là un développement qui lui agréera ?


Eli Lake était le reporter sur les questions de sécurité nationale pour le New York Sun, journal qui a cessé de publier

 

 

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