Publié par Dreuz Info le 24 septembre 2009

” Féministes, je vous écris d’Alger …..” , vous vous souvenez?

Je vous remets en ligne cet article de Wassyla Tamzali, Directrice du Collectif Maghreb Egalité , qui n´a rien perdu de son actualité et je vous le fais suivre de l´article ” Sous le voile des femmes ” et du lien qui vous permet de lire cinq histoires de femmes voilées en Belgique.
Personnellement, je suis plus que sceptique sur les conclusions de ce deuxième article que je livre à votre analyse.

Rachel Franco

I ) Féministes, je vous écris d’Alger

Le port du voile n’est pas une affaire de culture

par Wassyla Tamzali, Directrice du Collectif Maghreb Egalité

 

La question du voile aura décidément mis la France de gauche sens dessus dessous. Que des féministes françaises aient souhaité s’exprimer sur le sujet, quoi de plus normal ? Que nous, des féministes arabes, espérions trouver sous leurs plumes unanimes une salutaire remise des pendules à l’heure et un regard incrédule sur l’amalgame religion et patriarcat, quoi de plus normal ?


Depuis de longues années, les pensées des féministes françaises et des féministes du Sud que nous sommes se croisent, et, sur les discriminations sexistes, nous avons toujours eu globalement les mêmes démarches. Cela confortait notre conviction que le féminisme était universel, puisque, elles d’ici et nous de là-bas, nous partagions des analyses, des colères et des buts identiques.


Enfin, pensions-nous, nos amies féministes, sur ce sujet du voile qu’elles connaissent parfaitement, sauront tordre le cou au relativisme culturel qui fleurit bizarrement jusque dans les rangs de la gauche intellectuelle, dans les enceintes sacralisées, comme la Ligue des droits de l’homme ! Eh bien non ! Il faudra ajouter au voile une autre victoire, celle de diviser les féministes, d’obscurcir le clair discours de ce mouvement français par la bouche de certaines de ses plus vaillantes défenderesses comme on a pu le lire dans le journal Le Monde (1) et de rompre, pour la première fois, les alliances anciennes et si nécessaires entre elles et nous.


Que, pour cette frange intellectuelle, ce soit l’occasion de monter au créneau de la France dominante, cela serait acceptable si, dans le même mouvement, elle ne remettait pas en cause les bases mêmes de notre combat. Il s’agit là d’un dépassement que, nous les féministes du Sud, ne pouvons passer sous silence.


J’ai un solide ressentiment à l’égard de la société patriarcale judéo-chrétienne française qui a oublié et qui continue à oublier les principes qui nous font l’aimer malgré les histoires passées : liberté, égalité, fraternité. C’est sans doute vrai que bon nombre de positions antivoile ne sont pas dictées par un attachement au principe de l’égalité des sexes, et que pour une partie de l’opinion publique, il s’agirait plutôt d’une posture ethnico-culturelle, judéo-chrétienne, et dominante qui s’oppose à une autre posture ethnico-culturelle, franco-musulmane, minoritaire celle-là.


Il s’agit en effet très peu de l’affirmation d’un principe qui est le nôtre et d’une contribution au combat que nous menons depuis de longues années. Et s’il en était ainsi, où serait le mal ? Cela veut dire que la majorité en France est égalitariste comme le monsieur Jourdain de Molière fait de la prose ; que les femmes voilées choquent le fonds culturel français. Cela veut dire que l’opinion française a pris du recul avec l’anticléricalisme originel – n’a-t-elle pas accepté depuis longtemps les kippas à l’école ? – et exprime là son refus de voir des jeunes filles couvrir leurs cheveux, donnant ainsi une image violente et archaïque de la subordination des femmes. N’est-ce pas pour cela que nous nous sommes battues, pour que l’égalité des sexes soit non seulement une loi mais une attitude sociale ?


Je suis aussi d’accord avec celles et ceux qui disent que ces fragiles jeunes filles voilées ne mettent pas en péril la maison France, qu’il faut garder son sang-froid et remettre à leur place les intentions de certaines de ces filles, comme celles qui veulent régler leur compte à des parents juifs, kabyles et/ou convertis qui les avaient conçues contre tous tabous religieux et ethniques, leur laissant en héritage une liberté difficile à vivre aujourd’hui… Je suis d’accord, les débats d’aujourd’hui cachent les discriminations plus larges que ces jeunes filles d’origine maghrébine subissent avec toute leur communauté. Je suis aussi d’accord pour dire qu’il y a en France un racisme antimaghrébin.


Mais à partir de ce constat, accepter la pratique, maghrébine ou pas, musulmane ou pas, de cacher ses cheveux, de ne pas se faire soigner par un homme, de ne pas serrer la main des hommes, c’est-à-dire accepter des pratiques de stricte ségrégation sexiste, me semble être une mauvaise réponse à un vrai problème. Refuser le voile ne signifie pas accepter le racisme ! Mener la discussion de cette sorte est faire preuve de mauvaise foi, la même mauvaise foi qui faisait réfuter le féminisme dans mon pays comme appartenant au monde occidental, monde qui commit les plus grands crimes dans nos pays, c’est vrai !


Les féministes étaient montrées comme les alliées objectives des Occidentaux. Il en est de même pour la démocratie, le « parti de la France ». J’ai trop souffert de cette mauvaise foi-là pour accepter celle-ci, venant de féministes et de démocrates ! Et pas seulement moi, l’individu, ce qui serait déjà une bonne raison de m’insurger, mais nous, les intellectuels des pays du Sud, des pays non européens, qui luttons contre l’utilisation de la culture, du ressentiment, de la haine anti-occidentale pour étouffer la démocratie et la liberté. Nous luttons contre les régimes que l’on connaît, et faut-il ajouter l’opposition de ceux qui devraient être à nos côtés et à qui nous demandons d’user de la même rigueur à notre égard qu’à l’égard de leur société ?

Il faut revenir à plus de raison. Si le débat sur le voile occulte le débat sur les discriminations racistes, que dire alors de l’assujettissement des femmes qui disparaît derrière le débat aberrant sur le droit ou pas de se cacher les cheveux, d’enfermer un individu dans son corps érotique ? La pensée féministe n’a-t-elle pas débusqué tout ce qui pourrait rattacher la femme à sa sexualité reproductive et à son appartenance exclusive à la tribu qui règle son sort ? Comment ici ne dira-t-elle pas avec force que le voile est bien le symbole de cet asservissement des femmes et que sa portée ne peut être altérée par son utilisation frivole ou à contresens par certaines ? Il ne faut pas stigmatiser l’islam. Je ne vais pas dire ici que le voile n’a rien à voir, ou si peu, avec la religion. Je fais partie de ces féministes arabes qui n’ont plus de voix car elles se sont époumonées à démontrer le poids terrible de la société patriarcale sur la femme et le peu d’influence de la spiritualité islamique sur les moeurs à ce sujet. Eh oui ! Je veux simplement rappeler que la peur de stigmatiser le christianisme n’a pas arrêté la lutte des féministes, pour la conquête essentielle du droit à l’avortement et de la liberté de disposer de son corps. On touchait là à un dogme beaucoup plus sérieux et avéré que le voile dans l’islam.


Alors, ce qui est bon pour une religion ne l’est pas pour l’autre ? La gauche, une certaine gauche, les féministes, certaines féministes, par leur attitude, nous poussent à croire que ce qui touche à l’islam est en dehors de la pensée. Peut-on dire que ce qui conduit la pensée féministe en général n’est pas bon pour ce qui concerne les femmes dites musulmanes ? Nous avons déjà assez de mal comme ça pour que des intellectuelles ajoutent leurs voix – et quelles voix ! -, à ceux qui pensent avec Tariq Ramadan qu’il existe un genre « femme musulmane »


Enfin, que penser du danger de la multiplication d’écoles confessionnelles ? Des écoles rattachées à l’islam et sous contrôle de l’Etat comme pour les autres confessions seraient-elles plus condamnables que leurs semblables ? Ne s’agit-il pas là aussi de la liberté ? Et puis, des générations entières de petits Français et Françaises d’origine et de pratique chrétienne, devenus ensuite, pour le meilleur de la pensée française, des réformateurs, des laïcs, des libres-penseurs… des féministes, sont passées par des écoles religieuses et ont fait leur révolution de l’intérieur. Les filles musulmanes, alors, décideront d’enlever leur voile qui deviendra, ce qu’il est réellement, le symbole de l’oppression plutôt que de le porter comme un symbole de résistance à la culture dominante.


1. « Un voile sur les discriminations », signé notamment par la sociologue Françoise Gaspard, Le Monde, 17 décembre 2003.

- Publié dans Rebonds, Libération, le 14 janvier 2004.

© Sisyphe 2002-2009

http://sisyphe.org/spip.php?article873

II) Sous le voile des femmes

 

Le foulard islamique prospère. Pour les sociologues qui ont étudié le phénomène, c’est davantage le reflet d’une affirmation identitaire, d’un choix individuel, que la marque d’un asservissement.

 

Que cache le foulard islamique ? L’asservissement des femmes qui le portent ? Leur soumission à une religion machiste ?… Idées reçues, à en croire l’une des rares études de terrain menées sur le port du voile. Les sociologues Françoise Gaspard et Farhad Khosrokhavar ont rencontré 200 « voilées », dans les banlieues des villes françaises, pour en tirer une typologie qui continue à faire autorité (1). Et qui dément l’équation réduisant le voile au signe d’une domination subie ou intériorisée. « Cette étude, jamais remise en cause, établit que le port du foulard n’a pas de sens univoque. Elle distingue, au contraire, plusieurs modèles qui se sont multipliés depuis lors, en France comme en Belgique », relève la politologue bruxelloise Fatima Zibouh, elle-même adepte du foulard.

 

Gaspard et Khosrokhavar identifient quatre modèles. Le voile de l’immigrée, d’abord, celui des mères débarquées du Maroc, pour qui le foulard représente les traditions ancestrales, l’identité d’origine, la société patriarcale dont elles sont issues. En opposition à ce premier moule : le foulard des adolescentes, celui qui rassure les parents, qui leur accorde le droit de sortir, d’aller à l’école…

 

C’est le voile opportuniste, qui fait office de passerelle entre le cercle familial et le monde extérieur. Troisième modèle : le voile revendiqué, par lequel certaines jeunes filles affirment leur identité, réclament le droit d’être à la fois occidentales et musulmanes, modernes et voilées, face à une société qui refoule au nom de l’universel. Enfin, le voile religieux, qui marque davantage l’appartenance confessionnelle qu’une véritable pratique religieuse.

 

« Le religieux s’affirme désormais non plus comme l’expression d’une culture communautaire, mais comme un choix personnel, un acte de foi, relève le politologue Olivier Roy, dans la dernière livraison du Monde des religions. L’islam des parents est rejeté comme impur au profit du salafisme où les marqueurs religieux (halal et voile) sont accrochés sur des segments de culture occidentale (le fastfood, les jeans et les baskets). » Farhad Khosrokhavar constate, lui, l’essor d’un « hyperfondamentalisme » dont les adeptes contestent la mixité homme-femme. Une minorité, insiste l’anthropologue Malek Chebel. La majorité n’affiche plus l’islam « comme une revendication syndicale, mais comme une facette de leur personnalité mosaïque. L’islam est un trait de leur personnalité collective, mais aussi une composante de notre modernité »

 

RICARDO GUTIÉRREZ

 

(1) Le foulard et la République, La Découverte, 1995.

5 Histoires de femmes voilées, en Belgique.

 http://portfolio.lesoir.be/v/belgique/voile/

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