Publié par Dreuz Info le 4 mars 2010


Bonjour à tous,

Je soumets à votre appréciation les élements de cette affaire ainsi que la réaction de la Ligue des Droits de l´Homme.

Rachel Franco

Le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB) déplore la condamnation par la Ligue des droits de l’Homme de la décision des autorités communales de Saint-Josse d’interdire un spectacle de Dieudonné en mars 2009, et celle de trois communes bruxelloises de s’opposer en août dernier à la distribution sur la voie publique de tracts appelant au boycott des dattes israéliennes.

Dans son bilan pour l’année 2009, la Ligue des droits de l’Homme considère en effet qu’«il nous revient de rester attentif à préserver l’espace nécessaire à la liberté d’expression».

Le CCOJB est interpellé par le souci de la Ligue des droits de l’Homme de garantir la liberté d’expression d’un «humoriste» condamné à trois reprises déjà par les tribunaux français pour propos antisémites, et dont la récente dénonciation du «puissant lobby de youpins sionistes» fait en ce moment l’objet d’une instruction judiciaire.

Le CCOJB rappelle que l’antisémitisme n’est pas une opinion mais un délit, et souligne à cet égard que la Ligue des droits de l’Homme-France s’est, elle, félicitée de la récente condamnation de Dieudonné par la justice française, «espér[ant] qu’ainsi cette décision ouvrira les yeux à celles et ceux qui croient encore que Dieudonné est un artiste persécuté»…

Le CCOJB est également préoccupé par la caution morale accordée par la Ligue des droits de l’Homme aux promoteurs de l’importation du conflit israélo-arabe dans nos rues à travers le boycott de produits israéliens, avec les conséquences néfastes – que la Ligue des droits de l’Homme ne peut méconnaître – pour la communauté juive de notre pays.

Le CCOJB s’inquiète du fait que la section belge de la Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme, institution créée en France en 1898 dans le sillage de l’Affaire Dreyfus, cautionne aujourd’hui des individus et des initiatives en opposition avec sa mission originelle.

                                                               REACTION DE LA LDH

Suite au communiqué de presse du CCOJB du 17 février 2010 («La Ligue des droits de l’homme à la rescousse de Dieudonné»), Benoît Van der Meerschen, président de la Ligue des droits de l’Homme, nous demande de publier sa réponse, ce que nous faisons bien volontiers.


Nous rejoignons Benoît Van der Meerschen lorsqu’il écrit: «Comme l’a fermement établi la Cour européenne des Droits de l’Homme à de multiples reprises, la liberté d’expression protège aussi les idées qui heurtent, choquent, inquiètent, dès lors qu’elles ne relèvent pas d’une incitation à la haine raciale».

Il se trouve que Dieudonné a démontré qu’il appartient précisément à la catégorie de personnes dont «les idées relèvent de l’incitation à la haine raciale». Ses condamnations répétées par les tribunaux français l’illustrent:


1. Le 15 novembre 2007, la Cour d’appel de Paris confirme la condamnation de Dieudonné reconnu coupable d’«incitation à la haine raciale».

2. Le 26 juin 2008, la Cour d’appel de Paris confirme la condamnation de Dieudonné pour «diffamation publique à caractère racial».

3. Le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris condamne Dieudonné pour avoir proféré «des injures commises à l’encontre d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, en l’espèce des injures antisémites».

A ces affaires s’ajoute l’enquête préliminaire ouverte le 4 juin 2009 par le parquet de Paris à l’encontre de Dieudonné pour injure antisémite dans une vidéo sur internet où il déclare notamment: «Le puissant lobby de youpins sionistes qu’il représente est voleur, raciste et menteur».


A l’attention de M. Joël Rubinfeld,
Président du Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB).


Monsieur le Président,


J’ai pris connaissance avec étonnement du communiqué de presse du CCOJB daté du 17 février 2010 et intitulé «La Ligue des Droits de l’Homme à la rescousse de Dieudonné».


Dans celui-ci, diverses accusations fantaisistes et dénigrantes sont portées à l’encontre de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), raison pour laquelle je me permets de vous demander de pouvoir y répondre, en diffusant ce courrier à l’ensemble des personnes auxquelles vous avez diffusé le communiqué de presse susmentionné.


Notre réponse à ce communiqué vous semblera sans doute un peu longue. Nous estimons que les accusations que vous portez à l’encontre de la LDH méritent une réponse détaillée. Contrairement à la direction éditoriale qu’a choisie le CCOJB ou son Président pour rédiger son communiqué de presse, la LDH n’aime pas les raccourcis.


Tout d’abord, vous affirmez que la LDH vient «à la rescousse de Dieudonné» et opposez la prétendue position favorable à Dieudonné de la LDH Belgique à la position de la LDH France, qui a salué une de ses condamnations judiciaires. Vous écrivez la phrase suivante: «espér[ant] qu’ainsi cette décision ouvrira les yeux à celles et ceux qui croient encore que Dieudonné est un artiste persécuté». Vous laissez par là sous-entendre que la LDH compte parmi les aveugles qui considèrent Dieudonné comme un «artiste persécuté».


La seule position que la LDH ait adoptée sur ce sujet, celle sur laquelle se base avec une remarquable mauvaise foi votre communiqué, tient en une dizaine de lignes figurant à la page 32 de «L’état des Droits de l’Homme en Belgique», publié par la LDH (lire annexe 1). Comme le lecteur, même distrait, pourra le constater, celles-ci se bornent à rappeler le droit existant à l’heure actuelle en Belgique, à savoir l’interdiction de la censure préalable.


La censure est interdite en Belgique, ce qui est une valeur fondamentale dans les sociétés démocratiques, d’ailleurs consacrée par la Constitution belge et la Convention européenne des Droits de l’Homme, entre autres. C’est cela que rappelle la LDH dans son ouvrage, indépendamment de l’orateur. D’ailleurs, il faut souligner que ce n’est pas la LDH qui a été la première à affirmer ce principe dans le cas du « spectacle » de Dieudonné, mais bien le Conseil d’Etat. Pourquoi le CCOJB s’en prend-t-il donc à la LDH, plutôt qu’au Conseil d’Etat?


En outre, j’apporte à votre attention le fait que la LDH France soutient totalement la position de la LDH Belgique. Vous trouverez en annexe le texte que celle-ci a tenu à produire en réponse à vos allégations diffamatoires. En voici un extrait: «La LDH (France) entend souligner que si elle a poursuivi DIEUDONNE pour des propos scandaleusement antisémites et s’est effectivement félicitée des condamnations intervenues, elle n’a jamais demandé l’interdiction préalable des spectacles de DIEUDONNE. Interdire de manière préalable un spectacle est effectivement une atteinte à la liberté d’expression et de création que la LDH (France) ne saurait cautionner. Au surplus, c’est offrir à l’intéressé la possibilité de se présenter comme un artiste persécuté.». Sans commentaire.


Dans la deuxième affaire dans laquelle vous mettez en cause la LDH, à savoir la distribution de tracts incitant au boycott de produits israéliens par des activistes pro-palestiniens, la LDH s’est ici encore bornée à rappeler l’état du droit en Belgique. En effet, la distribution de tracts, quel qu’en soit le motif, ne peut être interdite a priori dès lors qu’elle ne trouble pas l’ordre public. La LDH n’a pas pris position sur le contenu du message. Elle a légitimement souligné que la liberté d’expression ne permettait pas une censure préalable. Et, en tant que tel, s’il n’est pas couplé à une incitation à la haine par exemple, l’appel au boycott n’est nullement punissable en droit belge.


En effet, ces interdictions préventives étaient illégales au regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat, de la Constitution belge et de la Convention européenne des Droits de l’Homme. La LDH n’a jamais pris position sur la question de la légitimité du boycott. Par ailleurs, cette position (la liberté d’expression impose que les communes n’exercent pas de censure préalable sur les distributions de tracts), est partagée par l’Association de la Ville et des Communes de la Région de Bruxelles-Capitale (AVCB). Je suppose que vous leur aurez transmis, comme à nous, vos griefs.


Dans un cas comme dans l’autre, si des propos contraires à la loi avaient été tenus, ils auraient pu et dû faire l’objet de poursuites pénales. A cet égard, la LDH n’a pas de leçon à recevoir du CCOJB et est peu suspecte de sympathie avec l’antisémitisme et les discours de l’extrême droite. En effet, elle a obtenu la condamnation, entre autres, de Daniel Féret et du Front National, de Marguerite Bastien et du Front Nouveau de Belgique, du Vlaams Blok et de ses associations fondatrices, ou encore de George-Pierre Tonnelier et de quelques autres affidés de l’extrême droite belge. En outre, la LDH a introduit une action en justice contre l’Etat belge pour son défaut de faire entrer en vigueur la loi relative au financement des partis liberticides, ce qui a été couronné de succès, vu que cette loi est finalement entrée en vigueur. Où était le CCOJB dans tous ces combats?


Par ailleurs, si les rédacteurs du communiqué de presse avaient pris la peine de lire l’ouvrage jusqu’au bout, il auraient pu lire à la page 133 la mention du fait que « La Cour d’appel de Bruxelles condamne les gestionnaires du site Internet du Centre islamique belge pour incitation à la haine et à la violence raciale. Elle précise que la liberté d’expression a des limites et que l’on ne peut se dissimuler derrière la liberté de culte pour propager la haine raciale. » L’omission de cette phrase dans votre communiqué de presse découle soit d’une volonté de ne fournir au lecteur qu’une information partielle et partiale, soit, et ce n’est pas moins grave, d’un manque de professionnalisme; l’ouvrage critiqué n’ayant visiblement pas été lu jusqu’au bout.


Enfin, dire que la LDH apporte sa «caution morale (…) aux promoteurs de l’importation du conflit israélo-arabe dans nos rues» est proprement abject. La LDH n’a jamais pris et n’a pas à prendre position sur la question du conflit israélo-palestinien pour la simple raison que cela ne relève pas de son mandat. La LDH n’est compétente que pour traiter des problématiques belges et elle s’y tient: toute prise de position concernant une problématique étrangère ou internationale est le fait de sa structure internationale, à savoir la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH).


Accuser la LDH d’importer le conflit en Belgique alors qu’elle n’a jamais tenu le moindre propos sur le sujet, c’est précisément pratiquer vous-même ce que vous nous reprochez erronément. Vos imputations arbitraires visent en effet à faire surgir le conflit israélo-palestinien là où il n’a rien à faire, et à assigner sans aucun fondement la LDH à un camp plutôt qu’à un autre. Cette pratique est détestable.


Il convient encore de souligner que, contrairement à ce qu’affirme le communiqué, la FIDH n’a pas été créée en 1898, mais bien en 1922. La LDH Belgique a été créée en 1901 et est une émanation directe de l’Affaire Dreyfus. Fidèle à cet esprit fondateur, la LDH persiste et signe quant au rôle qu’elle entend continuer à jouer concernant la liberté d’expression: nous estimons en effet que c’est précisément son rôle de «rester attentif à préserver l’espace nécessaire à la liberté d’expression».


Comme l’a fermement établi la Cour européenne des Droits de l’Homme à de multiples reprises, la liberté d’expression protège aussi les idées qui heurtent, choquent, inquiètent, dès lors qu’elles ne relèvent pas d’une incitation à la haine raciale. Le type de réaction qui est le vôtre incite d’autant plus la LDH à défendre la liberté d’expression.

Enfin, si le CCOJB avait des critiques à émettre à l’encontre de la LDH ou de ses positions, il aurait aussi pu prendre contact avec celle-ci, afin de lui faire part de ces critiques. La LDH est toujours ouverte au dialogue et n’aurait pas fermé sa porte au CCOJB. Malheureusement, celui-ci a visiblement choisi la voie de l’opprobre, du conflit plutôt que du dialogue. Quelle motivation pousse le CCOJB a agir de manière dénigrante à l’égard de la LDH alors qu’il pourrait être, théoriquement du moins, un allié de celle-ci dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme?


Nous vous invitons à transmettre le présent courrier à l’ensemble des personnes auxquelles votre communiqué de presse a été envoyé, celui-ci portant gravement préjudice, de manière injustifiée, à notre association. A défaut, nous serions ravis de venir en discuter avec vous devant les tribunaux.


Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes sentiments les meilleurs,

Benoît Van der Meerschen
Président de la Ligue des droits de l’Homme

 

ANNEXE 1 – Extrait contenant les passages mis en cause par le CCOJB

Article «Menaces persistantes sur la liberté d’expression» par Pierre-Arnaud Perrouty dans «L’état des droits de l’Homme en Belgique – Rapport 2009-2010», pp 31-32, Ed. Aden, 2010

«Les dérapages s’accumulent

Effet indirect de la lutte contre le terrorisme, le climat sécuritaire qui s’installe depuis quelques années a conduit à criminaliser des mouvements sociaux et des contestations pacifiques. Les exemples de dérapages s’accumulent: les affaires Fosso, D14, Secours rouge et Greenpeace en témoignent. Ce climat déteint désormais aussi sur certaines communes. Ainsi, en mars 2009, la commune de Saint-Josse (Bruxelles) a pris un arrêté pour interdire préventivement un spectacle de Dieudonné au motif que ses propos antérieurs laissaient craindre des troubles de l’ordre public. Cet arrêté a été suspendu par un arrêt du Conseil d’Etat du 23 mars 2009, aussi sévère que justifié: sans chercher à défendre les propos tenus par Dieudonné, le Conseil rappelle que la liberté d’expression vaut pour des idées qui heurtent, choquent ou inquiètent et souligne que les communes n’ont pas pour mission de « veiller préventivement à la correction politique ou morale (…) des spectacles ». Si des propos tombent sous le coup de la loi, ils peuvent ensuite donner lieu à des poursuites. Au mois d’août 2009, plusieurs communes bruxelloises ont interdit la distribution de tracts appelant au boycott de dattes israéliennes, avec des motivations pour le moins boiteuses. Or, un appel au boycott qui n’incite ni à la haine ni à la violence relève de la liberté d’expression et n’est pas punissable en droit belge. Plus burlesque, la commune de Saint-Gilles avait pris une éphémère ordonnance en avril 2006 pour interdire « tout rassemblement, manifestation ou cortège de plus de cinq personnes, ayant trait à la problématique des sans-papiers » ! Entre burlesque et danger réel d’interventions préventives ou de poursuites postérieures, un climat sombre pourrait bien s’installer durablement. Il nous revient de rester attentifs à préserver l’espace nécessaire à la liberté d’expression et de réaffirmer obstinément l’usage que nous voulons en faire.»

ANNEXE 2 – Courrier de la LDH France transmis au CCOJB le 18 février 2010


Le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique reproche à la Ligue des droits de l’Homme Belge (francophone) d’avoir condamné l’interdiction de plusieurs spectacles de DIEUDONNE en Belgique.

Ce comité semble considérer que la condamnation de DIEUDONNE à plusieurs reprises pour des propos antisémites justifierait ces interdictions. Il croit devoir s’appuyer sur le fait que la LDH (France) s’est félicitée de ces condamnations (qu’elle a obtenues avec d’autres organisations et le Parquet) pour contredire la Ligue des droits de l’Homme Belge (Francophone).

La LDH (France) entend souligner que si elle a poursuivi DIEUDONNE pour des propos scandaleusement antisémites et s’est effectivement félicitée des condamnations intervenues, elle n’a jamais demandé l’interdiction préalable des spectacles de DIEUDONNE.

Interdire de manière préalable un spectacle est effectivement une atteinte à la liberté d’expression et de création que la LDH (France) ne saurait cautionner. Au surplus, c’est offrir à l’intéressé la possibilité de se présenter comme un artiste persécuté.

Faire sanctionner d’éventuels propos racistes et antisémites relève d’une toute autre démarche plus respectueuse des principes démocratiques que la Ligue française a mis en œuvre et recommencera autant de fois que nécessaire.

De la même manière, la LDH (France) entend rappeler qu’en ce qui concerne le conflit Israélo-Palestinien, elle adhère à la position de la plateforme des ONG française pour la Palestine en faveur de sanctions à l’encontre des autorités israéliennes. La position complète de la plateforme peut être consultée sur le site www.plateforme-palestine.org

Michel Tubiana
Président d’honneur de la LDH

http://www.ccojb.be/publications/communiques/la-ligue-des-droits-de-l-homme-a-la-rescousse-de-dieudonne/

http://www.ccojb.be/publications/communiques/reaction-de-la-ligue-des-droits-de-l-homme/

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