Publié par Dreuz Info le 13 mai 2010

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Quand il était au service de l’apartheid, Richard Goldstone avait envoyé un enfant noir de treize ans en prison… L’étrange parcours d’une “autorité morale”.


By Michel Gurfinkiel, le 9 mai 2010.



Le 5 novembre 2009, l’Assemblée générale des Nations Unies a approuvé, par cent quatorze voix contre dix-huit et quarante-quatre abstentions, un rapport accusant Israël de crimes de guerres à Gaza pendant l’opération Plomb Durci. Depuis la résolution 3379 du 10 novembre 1975 assimilant le sionisme au racisme, jamais l’Onu n’a voté un texte aussi hostile envers l’Etat juif, ni aussi inique. Par certains côtés, la résolution de 2009 est même plus inquiétante que celle de 1975. A la « majorité automatique » (la coalition des pays islamiques, des dictatures communistes ou post-communistes et de divers pays faillis ou non-fonctionnels, qui domine arithmétiquement l’Assemblée générale) se sont en effet ajoutés de nombreux pays occidentaux, notamment la France, le Royaume-Uni et les pays scandinaves, qui ont préféré s’abstenir, alors qu’ils avaient fait cause commune avec Israël trente-quatre ans plus tôt.

Cette défection a tenu, dans une large mesure, à la personnalité du président de la commission qui a enquêté sur la guerre de Gaza : un magistrat sud-africain d’origine juive, âgé de soixante et onze ans, Richard Goldstone, qui passe pour être l’un des meilleurs experts internationaux des questions relatives aux droits de l’homme.

Président d’une commission d’enquête sur les abus de l’apartheid et les violences partisanes dès 1991, membre de la Cour constitutionnelle sud-africaine après l’instauration de la démocratie multiraciale en 1994, procureur principal auprès du Tribunal international chargé de juger les crimes de guerre et contre l’humanité commis dans l’ex-Yougoslavie et au Rwanda de 1994 à 1996, membre d’une commission d’enquête sur le néonazisme en Argentine en 1997, Goldstone a présidé la commission d’enquête internationale sur le Kosovo en 1999, avant de faire partie en 2004 de la commission d’enquête sur le scandale Pétrole contre nourriture, une affaire où de hauts fonctionnaires de l’Onu aidaient le régime de Saddam Hussein à détourner une aide humanitaire destinée aux civils irakiens. Et il siège, par ailleurs, au conseil d’administration de nombreuses organisations humanitaires, savantes, académiques ou militantes : du Séminaire global de Salzburg à l’ONG Human Rights Watch (HRW), ou encore, sur le plan juif, de l’université hébraïque de Jérusalem à l’ORT. On a parlé de lui pour le prix Nobel de la paix, ou le poste de secrétaire général des Nations Unies.

Comment un tel homme aurait-il pu cautionner un rapport hâtif ou mensonger, ou cherché à nuire à Israël ?

Quelques mois ont passé. Le véritable visage de Goldstone commence à apparaître. Il est bien différent de celui que les médias avaient jusqu’ici accrédité.

Avant toute chose, on redécouvre que Goldstone a fait l’essentiel de sa carrière sous le régime de l’apartheid entre 1976 et 1994. Et que celle-ci a été particulièrement brillante, puisqu’il a été rapidement nommé membre de la Cour suprême de la province du Transvaal puis de la Chambre d’Appel de la Cour suprême de la République, l’équivalent sud-africain de la Cour de Cassation. Or à cette époque, la communauté juive sud-africaine est unanimement hostile à l’apartheid : c’est la circonscription de Houghton, à Johannesburg, où les électeurs juifs sont majoritaires, qui élit Helen Suzman, l’unique députée « progressiste » (antiraciste) du parlement du Cap. Dans ce contexte, un Juif tel que Goldstone ne peut devenir l’un principaux juges du pays qu’en donnant des gages tangibles d’inféodation au pouvoir en place, c’est à dire en veillant, de manière délibérée et continuelle, à l’application d’une législation contraire aux droits de l’homme, que ce soit en matière de discrimination raciale, de libertés individuelles ou de sûreté personnelle. Mais inversement, il bénéficie, dès lors qu’il les donne, de nombreuses faveurs, tant son ralliement sert l’image du régime.

Des recherches dans les archives judiciaires sud-africaines indiquent que Goldstone a confirmé vingt-huit peines de mort contre des Noirs sud-africains en tant que juge de dernier recours, ainsi que de nombreuses peines enfreignant les droits de l’homme les plus élémentaires, comme le fouet pour des relations sexuelles entre personnes de race différente, ou la prison pour la détention d’un enregistrement vidéo d’un discours de Nelson Mandela. En 1986, il est allé jusqu’à maintenir une peine de prison ferme infligée à un adolescent de treize ans pour avoir participé à une manifestation contre l’apartheid au sein d’un établissement scolaire. Interrogé aujourd’hui à ce sujet par le New York Times et d’autres médias, il affirme : « La législation en vigueur à cette époque ne me laissait pas le choix ». L’avocat américain Alan Dershowitz note que les anciens nazis ne recouraient pas à d’autres arguments après 1945 quand ils devaient rendre compte de leurs crimes.

Ce passé aurait du interdire à Goldstone de poursuivre sa carrière après 1994, et à plus forte raison d’acquérir une image morale prestigieuse. Mais l’homme qui s’était vendu à l’apartheid a su, lors du changement de régime, opérer un changement à vue, et faire allégeance à l’ANC, le parti nationaliste noir qui, à la suite d’un « compromis historique » avec l’ancien parti nationaliste blanc NP, allait désormais diriger le pays. Entre 1991 et 1994, pendant la transition entre le pouvoir blanc et le pouvoir multiracial, il s’en prend sans cesse à l’armée et à la police blanches – mais ignore les exactions et crimes des milices et groupes terroristes noirs. Le gouvernement ANC lui ayant manifesté sa gratitude en le nommant à la Cour constitutionnelle, Goldstone s’empresse d’y rejoindre, dans un débat juridique qui fera date, la majorité qui invalide les cartes d’identité de plusieurs millions d’électeurs noirs appartenant à des groupes ethniques peu favorables au nouveau parti dominant, et les exclut donc momentanément de certains scrutins. Ce qui lui vaut une seconde récompense : sa nomination aux Tribunaux de La Haye, qui lui permet d’acquérir une stature internationale.

Goldstone a sans doute vu dans la guerre de Gaza l’occasion de parachever sa mue. Dès le 16 mars 2009, il cosigne avec l’activiste pro-Hamas américain Randall Travis et l’avocate pakistanaise Hina Jilani une lettre ouverte au secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-Moon, et aux ambassadeurs auprès de l’Onu siégeant au Conseil de sécurité de l’Onu, faisant état d’un « choc » face aux événements de Gaza, et exigeant des poursuites contre « ceux qui ont perpétré de graves infractions aux lois de la guerre », notamment en « prenant pour cible des populations civiles ». Ce qui revient en pratique à prendre position contre Israël. Néanmoins, diverses ONG avancent son nom pour présider une commission d’enquête « indépendante ». Et c’est bien lui que le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies – un organisme où siègent des pays totalitaires comme Cuba, semi-totalitaires comme l’Arabie Saoudite, ou autoritaires comme la Russie, la Chine, l’Egypte – désigne le 3 avril 2009. Dans un système judiciaire régulier, il aurait été évidemment récusé pour « suspicion légitime ».

Goldstone a failli ne pas aller à la bar-mitzva (confirmation religieuse juive, célébrée à treize ans) de l’un de ses petits-fils : la Fédération sioniste d’Afrique du Sud menaçant de faire le siège de la synagogue Beth Hamidrash ha Gadol de Sandton, dans la banlieue de Johannesburg, où devait se dérouler la cérémonie. Il a finalement été admis par la petite porte. A-t-il alors pensé à l’ enfant noir du même âge qu’il avait un jour envoyé en prison ?

 

© Michel Gurfinkiel,


Repris avec l’aimable autorisation de Michel Gurfinkiel depuis son blog :

http://www.michelgurfinkiel.com/articles/293-Afrique-du-Sud-Goldstone-rattrappe-par-son-passe.html

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