Publié par Dreuz Info le 30 mai 2010

 

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Troisième partie


L’une des plus significatives manifestations internationales du pseudo-antiracisme visant le sionisme et Israël aura été la première « Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance », organisée par l’ONU à Durban (Afrique du Sud) du 31 août au 8 septembre 2001, quelques jours donc avant les attentats antiaméricains du 11-Septembre8. La corruption idéologique de la défense des droits de l’homme et de la lutte contre le racisme, détournés et instrumentalisées par les promoteurs d’un néo-tiers-mondisme mâtiné d’islamisme, s’est révélée à travers le déchaînement de haine contre Israël et l’Occident qui marqua cette prétendue « Conférence mondiale contre le racisme ». Ce qui s’est passé à Durban, où des milliers d’ONG ont déversé leur haine, a montré que la démonisation « antiraciste » d’Israël et du « sionisme » restait le principal geste rituel des nouveaux judéophobes. Mais l’accusation de « racisme » véhiculant une série d’autres accusations diabolisantes et criminalisantes, qui culminent dans celle d’extermination et de génocide, une nouvelle figure du Juif comme ennemi absolu a été construite. Condamner l’État d’Israël comme « État raciste », en l’assimilant au Troisième Reich ou au régime sud-africain d’apartheid, c’est le vouer à la destruction. On ne discute pas avec l’ennemi absolu, on l’élimine physiquement.


 

Huit ans plus tard, du 20 au 24 avril 2009 s’est tenue à Genève la Conférence de suivi, dite de « Durban II ». L’objectif de cette seconde Conférence mondiale de l’ONU contre le racisme était de « préciser les acquis de Durban ». Le projet de résolution qui devait être adopté au terme de cette Conférence mentionnait Israël comme un pays « raciste et occupant ». Fin février 2009, le projet de document final comportait cinq paragraphes consacrés à Israël, accusé de racisme et de mener un politique raciste similaire à l’apartheid vis-à-vis des Palestiniens. On ne saurait s’en étonner, compte tenu de la composition du Bureau du comité préparatoire, dont les membres ont été élus en août 2007 : la Libye y figure en tant que présidente, Cuba en tant que rapporteur, la République islamique d’Iran comme vice-présidente, et le Pakistan s’y affirme comme porte-parole militant de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). C’est sous la pression de l’OCI qu’avaient été inclus, dans les dernières versions du projet de déclaration finale, jugées inacceptables par les pays européens, outre une violente mise en accusation d’Israël, le thème de la « diffamation des religions », puis la notion de « stéréotype négatif des religions », à l’évidence en vue d’interdire toute critique de l’islam. Cependant, le 17 avril 2009, le troisième et dernier comité préparatoire de la conférence d’examen de Durban, après un dur marchandage, s’est conclu sur un « compromis minimal ». Huit pays ont néanmoins décidé de boycotter la conférence avant même son ouverture : Israël, le Canada, les États-Unis, l’Italie, la Pologne, les Pays-Bas, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Ils ont été rejoints par la République tchèque le 20 avril 2009, après la diatribe anti-israélienne du président iranien, présentant comme une action criminelle la création de l’État d’Israël et dénonçant le « gouvernement raciste » d’Israël. La veille de son discours à la tribune genevoise de l’ONU, Mahmoud Ahmadinejad a déclaré à la télévision iranienne que « l’idéologie et le régime sionistes sont les porte-drapeaux du racisme », précisant que les sionistes « pillent les richesses des nations en contrôlant les centres de pouvoir du monde » et qu’ils « ont créé les conditions pour que rien ne puisse être dit au sujet de ce phénomène diabolique dont les effets pèsent sur les habitants des nations ». Il a ajouté que la Conférence de l’ONU se tiendrait alors que « le sionisme mondial va employer tous les moyens pour étouffer les voix innocentes contre la tyrannie ». Les institutions internationales les plus prestigieuses sont ainsi devenues des scènes sur lesquelles les représentants des pires dictatures donnent des leçons de liberté et de fraternité au genre humain.

 

 

Dans son intervention du 20 avril à Genève, le jour de l’ouverture du Colloque de l’ONU – qui coïncidait avec la journée annuelle du souvenir de la Shoah -, le président iranien a accusé Israël d’être le « régime le plus cruel et le plus raciste ». Il a stigmatisé la création de l’État hébreu après la victoire des Alliés sur le nazisme, esquissant pour l’occasion un récit historique parfaitement fantaisiste mettant une fois de plus l’Occident en accusation :

« Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils [les Alliés] ont eu recours à l’agression militaire pour priver de terres une nation entière sous le prétexte de la souffrance juive. […] Ils ont envoyé des migrants d’Europe, des États-Unis et du monde de l’Holocauste pour établir un gouvernement totalement raciste en Palestine occupée. »

 


Les propos virulents du président iranien, applaudis par les pays musulmans et de nombreux pays africains et asiatiques, ont provoqué le départ de la salle du siège de l’ONU à Genève, sous les huées de la salle, d’une quarantaine de diplomates représentant 23 pays européens (4 autres pays ayant boycotté la réunion). Pourtant, Ahmadinejad avait décidé au dernier moment, pour des raisons tactiques, d’atténuer la virulence de son allocution. Le même jour, le leader du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), Olivier Besancenot, effectuait une visite en Israël et à Gaza pour « témoigner de sa solidarité avec la population palestinienne et avec ceux qui, en Israël, s’opposent à la politique criminelle de leur État ». Une journée hautement symbolique.

 

 

Dans la construction du « sionisme » comme une entreprise génocidaire, les propagandistes font feu de tout bois : après avoir transformé « les Palestiniens » en symboles des pauvres, des humiliés et des offensés, puis en victimes de « l’impérialisme d’Israël », du « colonialisme » ou du « racisme » incarnés par « le sionisme », et, plus largement, d’un « complot américano-sioniste » mondial, ils leur donnent le visage de prétendus enfants « martyrs ». C’est en effet par assimilation avec la légende du « crime rituel juif » que s’est opérée l’exploitation internationale, par toutes les propagandes « antisionistes », du prétendu assassinat par l’armée israélienne, au cours d’une fusillade au carrefour de Netzarim (bande de Gaza), le 30 septembre 2000 – alors que commençait la seconde Intifada -, du « petit Mohammed », selon des images prises par le caméraman palestinien Talal Abu Rahma, diffusées le jour même par la chaîne de télévision publique France 2 au cours de son Journal de 20 heures, et commentées en voix off par le journaliste franco-israélien Charles Enderlin. Ce bref reportage de 48 secondes semblait montrer en direct la mort de l’enfant dans les bras de son père. Le commentaire de ces images désignait les soldats israéliens comme les auteurs des tirs mortels. Telle est l’origine de la rumeur de l’assassinat par l’armée israélienne du « petit Mohammed ». Diffusées dans un contexte où se multipliaient les rumeurs contradictoires sur les affrontements en cours, ces images ont joué le rôle d’un puissant catalyseur de la seconde Intifada, nourri la volonté de vengeance des Palestiniens et bien sûr aiguisé le désir de tous les « antisionistes » d’en découdre avec Israël.

 


Érigé en enfant « martyr », « le petit Mohammed » est aussitôt devenu la figure emblématique de l’Intifada al-Aqsa, et les images présentées comme celles de son « agonie » précédant sa « mort atroce », attribuée à des tirs israéliens non accidentels, sont devenues un « emblème du sadisme israélien ». Les images du prétendu meurtre du jeune Palestinien par l’armée israélienne, réactivant le stéréotype du « Juif tueur d’enfants », ont été diffusées à de nombreuses reprises sur la chaîne de télévision de l’Autorité Palestinienne, désireuse d’instrumentaliser l’indignation pour mobiliser ses troupes dans sa guerre non conventionnelle contre Israël. En outre, France 2 a réalisé des copies du reportage et, d’une façon inhabituelle, les a distribuées gratuitement sous forme de cassettes-vidéo à des chaînes concurrentes, comme CNN ou la BBC, en affirmant vertueusement ne pas vouloir faire d’argent avec la « mort d’un enfant ». Dès les premiers mois de sa diffusion, ce reportage est apparu à la fois comme trompeur et incendiaire, délivrant à tous les ennemis d’Israël, et plus largement des Juifs, un permis de tuer. La diffusion de ces images, puissant appel à la vengeance meurtrière, a fonctionné comme une opération de propagande « antisioniste » d’extension internationale. Les stratèges cyniques de la guerre culturelle contre Israël ont exploité systématiquement les images de l’enfant-victime, qui déclenchent l’indignation maximale et incitent à la vengeance meurtrière9.

 


Le tournant dans l’histoire des débats et controverses a eu lieu lorsque France 2 et Charles Enderlin ont décidé d’engager des poursuites contre Philippe Karsenty pour avoir publié le 22 novembre 2004 sur le site de Media-Ratings, agence de « notation des médias » qu’il dirige, un article intitulé « France 2 : Arlette Chabot et Charles Enderlin doivent être démis de leurs fonctions », où l’on pouvait lire notamment : « Au regard des éléments dont nous disposons, nous affirmons que le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin, a effectivement diffusé un faux reportage ce 30 septembre 2000. »

 

 

Ce fut la naissance de « l’affaire al-Dura », doublée d’une « affaire Enderlin » (ou « Enderlin et France 2 ») : le correspondant de France 2 s’est-il trompé ou bien a-t-il été trompé ? Dans les deux cas de figure, on pouvait lui reprocher d’avoir trompé le public, en refusant de reconnaître par la suite comme non fondées ou pour le moins fort douteuses les deux affirmations constitutives de son commentaire : en premier lieu, l’origine israélienne des tirs supposés mortels – jugée hautement improbable par les expertises balistiques ; en deuxième lieu, la « mort en direct » de Mohammed al-Dura, dont le reportage de France 2 ne comporte aucune image – les rushes ayant permis au contraire de voir, dans l’image qui suit la dernière du reportage, l’enfant relever la tête et lever un bras après sa mort supposée.

 

 

Ces images de la mort d’un prétendu « enfant-martyr » palestinien ont été massivement diffusées au cours de la seconde Intifada qu’elles ont servi à justifier et à radicaliser, avant de servir de prétexte à des actions terroristes ou des assassinats de Juifs en tant que juifs (tel celui de Daniel Pearl, fin janvier 2002). La décennie 2000-2010, qui a commencé par la vague judéophobe mondiale ayant accompagné la seconde Intifada, symbolisée par l’image du « petit Mohammed » présumé « assassiné » par « les sionistes », s’est terminée par une série de violences « antisionistes », souvent clairement antijuives, dont l’offensive militaire israélienne contre le Hamas à Gaza (27 décembre 2008-18 janvier 2009), pourtant fort justifiée, a servi de déclencheur et de prétexte.

 

 

L’analyse des développements de l’affaire al-Dura, replacée dans son contexte de guerre médiatique totale menée contre Israël, confirme et renforce l’une des thèses principales soutenues dans mon livre paru en janvier 2002 : La Nouvelle Judéophobie, en ce qu’elle permet d’établir clairement le triple rôle joué par la plupart des médias (en particulier ceux dits « de gauche »), en France et ailleurs en Europe de l’Ouest, dans leur guerre politico-culturelle contre Israël et « le sionisme » : incitation à la haine, légitimation de la haine, silence sur les effets de la haine ainsi entretenue et justifiée, voire complaisance à l’égard des actes de violence provoqués.

 

 

Pierre-André Taguieff

 

8- P.-A. Taguieff, La Nouvelle Judéophobie, op. cit., p. 130-131, 140-145 ; Prêcheurs de haine, op. cit., p. 336 sq.

9- Voir Pierre-André Taguieff, La Judéophobie des Modernes, op. cit., pp. 353 sq., 407 sq.

 

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