Publié par Guy Millière le 13 avril 2011

Comme je l’avais prévu* (j’aurais aimé me tromper), l’aventure dans laquelle la France s’est engagée en Libye tourne au fiasco.  

Les « rebelles » apparaissent de plus en plus comme étant une cohorte hétéroclite, disparate, infiltrée par des islamistes. Après avoir acclamé les opérations des forces alliées contre Kadhafi, ils manifestent maintenant leur dépit, leur frustration et leur amertume. Ils ont des exigences. Et leurs exigences ne sont pas satisfaites.  

Kadhafi, qui ne s’est pas maintenu au pouvoir pendant quarante deux ans sans connaître un minimum de stratégie et de tactique est passé d’une position de guerre conventionnelle à une posture de guérilla urbaine.  

Les interventions aériennes deviennent du coup largement inopérantes. Et, ce doit être dit, le resteront. D’autant plus que les Etats-Unis se sont retirés de manière quasiment complète et que ne restent engagées, pour l’essentiel, que les forces françaises et britanniques.  

La diplomatie africaine s’active et propose un règlement négocié que Kadhafi se déclare prêt à accepter, bien sûr. Les diplomaties chinoise et russe appuient les propositions africaines. La Ligue Arabe se tient désormais dans une position très critique et très réticente.  

Une victoire des « rebelles » paraît, en ce contexte, très improbable. Dois-je dire qu’elle l’a toujours été ?  

Comme je l’ai déjà écrit, sans troupes au sol, sans engagement clair, net précis et puissant du seul et unique pays doté d’une armée à même d’emporter la décision, vaincre Kadhafi était impossible.  

Le maintien de Kadhafi au pouvoir dans les conditions présentes serait à l’évidence très dangereux : car ce ne sera plus le Kadhafi prêt à coopérer avec les Occidentaux.  

Alors ? Une partition du pays ? Une guerre sans fin aux allures d’enlisement ? Un glissement vers une Somalie sur Méditerranée ? Tout est possible désormais. Tous les scénarios sont sur la table.  

Les dégâts sont déjà très visibles. Le régime libyen n’a plus aucune raison de retenir les migrants d’Afrique subsaharienne désireux de passer vers l’Europe. Il a même toutes les raisons d’accentuer le flux, et je ne serais pas surpris qu’il ait l’idée d’y glisser des éléments délétères. Les tensions entre l’Italie et d’autres pays européens ne font, sur ce plan, que commencer.  

Les dégâts sont aussi dans la structure même de l’Europe. L’Union Européenne est déjà en très mauvaise posture en raison du naufrage lent et sûr de l’euro, qui aura du mal à passer l’année 2011. Elle apparaît désormais sans politique étrangère commune : ce qui n’est sans doute pas plus mal, vues les positions exprimées par madame Ashton.  

Les dégâts, enfin, touchent aussi l’OTAN, et c’est bien plus préoccupant. On ne cesse de dire en France que l’action en Libye est une action de l’OTAN. Mais il faut être sérieux et ne pas plaisanter lorsqu’il s’agit d’un sujet grave.  

Aucune réunion de l’OTAN n’a eu lieu pour décider quoi que ce soit. Aucune décision n’a été prise par l’OTAN selon les procédures requises. Aucune stratégie n’a été définie à l’échelle de l’OTAN. Deux membres importants de l’OTAN ont exprimé leur hostilité à l’action en Libye : l’Allemagne et la Turquie. Un troisième membre de l’OTAN a fait comprendre son malaise, l’Italie, pour les raisons exposées plus haut, entre autres. La principale puissance de l’OTAN, les Etats Unis n’est plus partie prenante.  

C’est l’OTAN réduit à la France et au Royaume-Uni. La Suède a fini par participer, les Pays Bas aussi, mais l’ordre de mission des avions suédois et néerlandais est de ne tirer que sur des avions libyens en vol, au nom du principe de la zone de non survol. Dès lors que plus aucun avion libyen ne vole, c’est une mission très simple.  

Je sais, Obama a dit lui aussi que c’était aujourd’hui une opération de l’OTAN, sans les Etats-Unis. Je sais : Obama n’a pas dit que c’était une opération de l’OTAN menée surtout par deux pays qui n’ont pas les moyens de faire bouger les lignes de manière décisive. Dès lors que je pense qu’Obama veut détériorer, voire détruire l’OTAN, ce n’est pas si mal joué de sa part.  

Je soupçonne Obama de ne pas détester le fiasco qui se dessine.  

Comme dirait l’autre, que je ne nommerai pas dans cette phrases, c’est une opération pleinement légitime puisqu’elle a l’aval des Nations Unies, à part le fait que les Nations Unies n’ont accordé un mandat que pour la « protection des civils », et absolument rien d’autre. Ce qui signifie que les Nations Unies ont donné mandat pour le fiasco.

L’action en Libye est populaire auprès des Français aujourd’hui. Elle fait quasiment l’unanimité de la classe politique. Que restera-t-il de cette euphorie lorsque l’addition sera présentée et que le résultat sera si flagrant que le journaliste le plus docile ne pourra pas le dissimuler. La question devrait être posée au voyant extra-lucide qui est à l’origine de tout.  

Quelle est la stratégie pour les semaines à venir ? Le voyant extra-lucide doit le savoir. Nicolas Sarkozy est sans aucun doute en train de lui demander. Allo, Bernard Henri…

Guy Millière

* et annoncé ici sur Dreuz.info, note de JPG

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