Les élections législatives en Turquie se sont passées sans surprise, dimanche 12 juin 2011.
Le parti issu de la mouvance islamiste du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a remporté une victoire écrasante lors des législatives, assurant une troisième législature consécutive, après dépouillement de la quasi-totalité des bulletins. Après comptage de 94% des voix, le Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan, au pouvoir depuis 2002, a remporté 50,4% des suffrages, selon la chaîne d'information CNN-Türk.
Le Parti du Premier ministre s'assure ainsi largement la majorité absolue au Parlement de 550 sièges. Vient en deuxième position le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), principale force d'opposition avec 25,8% des voix, suivie des nationalistes du MHP (Parti de l'action nationaliste) avec 13,2%.
Le parti islamo-conservateur au pouvoir, issu de la mouvance islamiste, pourra former seul un gouvernement. C’est depuis que les turques ont élus ce parti islamiste que beaucoup de choses ont changé.
En 2002, un parti islamiste, l’AKP, arrive au pouvoir. Il nomme des fonctionnaires religieux à des postes clefs au Ministère de l’éducation, de la justice et des affaires sociales.
En Août 2010, le conseilleur du Premier ministre déclare qu'il envisageait d'épouser une quatrième femme.
En Octobre 2010, un haut magistrat tire la sonnette d'alarme ; Le procureur général Abdurrahman Yalcinkaya met en garde contre la levée de l'interdiction du voile à l'université, estimant que cela "ouvrirait une brèche dans le principe de laïcité, en fondant un arrangement public légal sur des bases religieuses".
Le Parti Républicain du Peuple (CHP), parti d’opposition, soupçonne, quant à lui, que l’AKP veuille exploiter les sentiments religieux pour gagner les élections.
L'AKP a en effet inventé une théorie du complot, qu'il a appelée Ergenekon, dans le but d'arrêter environ deux cent opposants au parti, parmi lesquels des officiers de l'armée, les accusant de comploter pour renverser le gouvernement élu. Le gouvernement islamo-conservateur a ainsi réussi à annihiler l'influence de l'armée turque en tant que protectrice de la démocratie laïque.
Le 22 février 2010, la justice turque a arrêté une centaine d’officiers de haut rang. Ce coup de filet sans précédent a mis un point final à la guerre que mène l'état-major laïciste contre le gouvernement islamiste du Premier ministre Erdogan depuis son arrivée au pouvoir.
En septembre 2010 le gouvernement Erdogan a fait voter des amendements modifiant la Constitution de 1982. Avec ces amendements, Erdogan a surtout voulu en finir avec l’héritage de Mustapha Kemal.
L’AKP a ainsi abandonné l’alliance turco-israélo-américaine, et l'a échangée pour s'intègre dans le clan pro-musulmans, pro-palestiniens et antisioniste.
Puie le Parti d’Erdogan a amorcé un retour massif vers l'Islam, voire l'islamisme. Il a réussi à renforcer les relations de son pays au sein du Moyen Orient, plutôt qu'avec l'Occident, notamment auprès de deux de ses voisins, l'Iran et la Syrie.
Le rapprochement entre la Turquie et les pays de l’axe du Mal, et les tensions dans les relations entre Ankara et Jérusalem ont déjà provoqué des effets collatéraux préoccupants au sein de la communauté juive turque.
Les Juifs de Turquie s'inquiètent des conséquences éventuelles sur leur communauté, après cette nouvelle victoire des islamistes aux législatives.
L’atmosphère est déjà tendue et hostile, et certains des slogans de campagne visaient les juifs et non pas seulement l’état israélien. Plus de dix mille Turcs ont défilé, le mois dernier, le long de l'avenue Istiklal, la principale artère commerçante d'Istanbul, aux cris de "Maudit soit Israël!" et "Israël, assassin!", agitant des drapeaux palestiniens et des flambeaux, pour commémorer l'assaut contre le Mavi Marmara, l'an dernier.
Cette atmosphère hostile trouve confirmation dans la violence des commentaires et de l’attitude du premier ministre, qui alimente l’hostilité envers Israël.
Erdogan avait levé le voile sur son changement de stratégie dès 2004, en qualifiant Israël «d’Etat terroriste», quand Israël a éliminé le Cheikh Yassine. Il avait alors invité à Ankara le chef du Hamas, Khaled Mashaal, en février 2006, et l'avait reçu avec les honneurs réservés aux personnalités, et avait traité Shimon Pérès «d’expert en assassinat» à la conférence de Davos de janvier 2009.
En Octobre 2009 le Premier ministre Erdogan a tenu des propos incendiaires, accusant Israël d’avoir « lancé des bombes au phosphore sur des enfants innocents dans la bande de Gaza ». Il a porté des accusations très graves contre Tsahal, n’hésitant pas à affirmer qu’ils avaient commis des « crimes de guerre » pendant l’opération Plomb Durci.
Erdogan a rallumé le feu en soufflant sur tout le Moyen Orient : visite en Iran, visite en Syrie, soutien au Hamas et au Hezbollah.
En janvier 2011, il déclarait sur Al Jazira que son pays soutien le Hamas (…) : « Nous soutenons le Hamas quand il a raison, parce que le mouvement Hamas est un mouvement de résistance. Le Hamas n’est pas un mouvement terroriste. Ces gens là défendent la terre. C’est un groupe politique qui a remporté les élections », .(…) Erdogan a aussi exhorté Tony Blair à inclure le Hamas dans le processus de paix.
Le régime islamique turc de Erdogan a minutieusement planifié et mis en marche, en mai 2010, avec les dirigeants du mouvement terroriste palestinien Hamas, depuis la zone chypriote occupée par l’armée turque, une flottille du jihad. Neuf terroristes ont été tués lors de l'opération israélienne contre ces militants pro-palestiniens et pseudo-pacifistes, à bord de la première flottille pour Gaza.
Dans la flottille II pour Gaza, fin juin 2011, il y aura aussi un bon nombre d’extrémistes turcs, membres de l’"association humanitaire" islamiste connue par son sigle IHH. Par cette nouvelle opération, la Turquie veut asseoir son leadership sous l'égide de l'idéologie panislamiste et jihadiste. D'où le soutien et le relais apporté par le gouvernement turc AKP aux relais de l'Iran dans la région : Syrie, Hezbollah, Hamas. La Turquie organise ainsi sa nouvelle mise sous tutelle du Proche-Orient.
Selon le quotidien koweïtien as-Siyassa du 11 juin, Recep Tayyip Erdogan a adressé une invitation officielle au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Le quotidien affirme que l'initiative du chef du gouvernement turc a été prise à la demande du président du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal. De même source, on indique que la visite de Nasrallah à Ankara ne serait possible que si les gardiens de la révolution iranienne assurent la protection du chef du Hezbollah durant son séjour en Turquie ainsi que durant son déplacement.
La politique turque du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan n’est pas si étrange que ça, elle s’inscrit dans la ligne de celle de l’Iran et de la Syrie dont l’objectif est de créer un bloc islamo/dominant. Alors que les observateurs notent une dangereuse radicalisation du gouvernement d’Ankara, un haut responsable turc proche du Premier ministre a confirmé, le 15 avril dernier, qu'une représentation diplomatique des Talibans allait bientôt être établie à Istanbul !
Ces éléments ne rassurent pas sur les conséquences régionales de cette victoire des islamistes aux élections législatives, alors qu’en Tunisie, par exemple, le mouvement islamique d’Ennahda (Parti de la Renaissance) qui se dit proche de l'AKP, se frotte les mains à l'idée de prendre les commandes de l’Etat, le 23 octobre prochain, lors des premières élections de l'après-Ben Ali.
Reproduction autorisée avec la mention suivante et le lien vers cet article :
© Ftouh Souhail depuis Tunis, pour Dreuz.info
Le Mythe de la Caverne (Platon)
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Figure-toi des hommes dans une
demeure souterraine, en forme de
caverne, ayant sur toute sa largeur une
entrée ouverte à la lumière; ces hommes
sont là depuis leur enfance, les jambes
et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne
peuvent bouger ni voir ailleurs que
devant eux, la chaîne les empêchant de
tourner la tête;
la lumière leur vient d’un feu allumé
sur une hauteur, au loin derrière eux;
entre le feu et les prisonniers passe
une route élevée : imagine que le long
de cette route est construit un petit
mur, pareil aux cloisons que les
montreurs de marionnettes dressent
devant eux, et au-dessus desquelles ils
font voir leurs merveilles.
Je vois cela, dit-il.
Figure-toi maintenant le long de ce
petit mur des hommes portant des objets
de toute sorte, qui dépassent le mur,
et des statuettes d’hommes et
d’animaux, en pierre, en bois, et
en toute espèce de matière;
naturellement, parmi ces porteurs, les
uns parlent et les autres se taisent.
Voilà, s’écria-t-il, un étrange
tableau et d’étranges prisonniers.
Ils nous ressemblent, répondis-je;
et d’abord, penses-tu que
dans une telle situation ils aient
jamais vu autre chose d’eux-mêmes et de
leurs voisins que les ombres projetées
par le feu sur la paroi de la caverne
qui leur fait face?
Et comment? observa-t-il, s’ils sont
forcés de rester la tête immobile
durant toute leur vie?
Et pour les objets qui défilent, n’en
est-il pas de même?
Sans contredit.
Si donc ils pouvaient s’entretenir
ensemble ne penses-tu pas qu’ils
prendraient pour des objets réels les
ombres qu’ils verraient?
Il y a nécessité.
Et si la paroi du fond de la prison
avait un écho, chaque fois que l’un des
porteurs parlerait, croiraient-ils
entendre autre chose que l’ombre qui
passerait devant eux?
Non, par Zeus, dit-il.
Assurément, repris-je, de tels
hommes n’attribueront de réalité qu’aux
ombres des objets fabriqués.
C’est de toute nécessité.
Considère maintenant ce qui leur
arrivera naturellement si on les
délivre de leurs chaînes et qu’on les
guérisse de leur ignorance. Qu’on
détache l’un de ces prisonniers, qu’on
le force à se dresser immédiatement, à
tourner le cou, à marcher, à lever les
yeux vers la lumière : en faisant tous
ces mouvements il souffrira, et
l’éblouissement l’empêchera de
distinguer ces objets dont tout à
l’heure il voyait les ombres.
Que crois-tu donc qu’il répondra si
quelqu’un lui vient dire qu’il n’a vu
jusqu’alors que de vains fantômes, mais
qu’à présent, plus près de la réalité
et tourné vers des objets plus réels,
il voit plus juste?
si, enfin, en lui montrant chacune des
choses qui passent, on l’oblige, à force
de questions, à dire ce que c’est? Ne
penses-tu pas qu’il sera embarrassé, et
que les ombres qu’il voyait tout à
l’heure lui paraîtront plus vraies que
les objets qu’on lui montre maintenant?
Beaucoup plus vraies, reconnut-il.
Et si on le force à regarder la
lumière elle-même, ses yeux n’en
seront-ils pas blessés? n’en fuira-t-il
pas la vue pour retourner aux choses
qu’il peut regarder, et ne croira-t-il
pas que ces dernières sont réellement
plus distinctes que celles qu’on lui
montre?
Assurément.
Et si, repris-je, on l’arrache de sa
caverne par force, qu’on lui fasse
gravir la montée rude et escarpée, et
qu’on ne le lâche pas avant de l’avoir
traîné jusqu’à la lumière du soleil, ne
souffrira-t-il pas vivement, et ne se
plaindra-t-il pas de ces violences? Et
lorsqu’il sera parvenu à la lumière
pourra-t-il, les yeux tout éblouis par
son éclat, distinguer une seule des
choses que maintenant nous appelons
vraies?
Il ne le pourra pas, répondit-il; du
moins dès l’abord.
Il aura, je pense, besoin d’habitude
pour voir les objets de la région
supérieure. D’abord ce seront les
ombres qu’il distinguera le plus
facilement, puis les images des hommes
et des autres objets qui se reflètent
dans les eaux, ensuite les objets
eux-mêmes. Après cela, il pourra,
affrontant la clarté des astres et de
la lune, contempler plus
facilement pendant la nuit les corps
célestes et le ciel lui-même, que
pendant le jour le soleil et sa lumière.
Sans doute.
À la fin, j’imagine, ce sera le
soleil – non ses vaines images
réfléchies dans les eaux ou en quelque
autre endroit – mais le soleil lui-même
à sa vraie place, qu’il pourra voir et
contempler tel qu’il est.
Nécessairement, dit-il.
Après cela il en viendra à conclure
au sujet du soleil, que c’est lui qui
fait les saisons et les années, qui
gouverne tout dans le monde visible, et
qui, d’une certaine manière, est
la cause de tout ce qu’il voyait avec
ses compagnons dans la caverne.
Evidemment, c’est à cette conclusion
qu’il arrivera.
Or donc, se souvenant de sa première
demeure, de la sagesse que l’on y
professe, et de ceux qui y furent ses
compagnons de captivité, ne crois-tu
pas qu’il se réjouira du changement et
plaindra ces derniers?
Si, certes.
Et s’ils se décernaient alors entre
eux honneurs et louanges, s’ils avaient
des récompenses pour celui qui
saisissait de l’oeil le plus vif le
passage des ombres, qui se rappelait le
mieux celles qui avaient coutume de
venir les premières ou les dernières,
ou de marcher ensemble, et qui par
là était le plus habile à deviner leur
apparition, penses-tu que notre
homme fût jaloux de ces distinctions,
et qu’il portât envie à ceux qui, parmi
les prisonniers, sont honorés et
puissants?
Ou bien, comme le héros
d’Homère, ne préférera-t-il pas
mille fois n’être qu’un valet de
charrue, au service d’un pauvre
laboureur, et souffrir tout au monde
plutôt que de revenir à ses anciennes
illusions et de vivre comme il vivait?
Je suis de ton avis, dit-il; il
préférera tout souffrir plutôt que de
vivre de cette façon-là.
Imagine encore que cet homme
redescende dans la caverne et aille
s’asseoir à son ancienne place :
n’aura-t-il pas les yeux aveuglés par
les ténèbres en venant brusquement du
plein soleil?
Assurément si, dit-il.
Et s’il lui faut entrer de nouveau en
compétition, pour juger ces ombres,
avec les prisonniers qui n’ont point
quitté leurs chaînes, dans le moment où
sa vue est encore confuse et avant
que ses yeux se soient remis (or
l’accoutumance à l’obscurité demandera
un temps assez long), n’apprêtera-t-il
pas à rire à ses dépens, et ne
diront-ils pas qu’étant allé là-haut il
en est revenu avec la vue ruinée, de
sorte que ce n’est même pas la peine
d’essayer d’y monter? Et si quelqu’un
tente de les délier et de les conduire
en haut, et qu’ils le puissent tenir en
leurs mains et tuer, ne le tueront-ils
pas?
Sans aucun doute, répondit-il.
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« Dès qu’il y a des gens qui
bougent, les immobiles disent qu’ils
fuient. »
[Jacques Brel]
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On ne va jamais si loin que lorsque
l’on ne sait pas où l’on va.
[Rivarol]