Publié par Abbé Alain René Arbez le 5 juillet 2011

Il y a repos et repos…

 

PRENEZ MON JOUG, VOUS AUREZ ACCES AU REPOS

 

Abbé A. R. Arbez

 

Dans l’évangile de Matthieu, on trouve cette invitation étrange : « venez à moi, vous qui peinez sous le poids de votre fardeau et je vous donnerai accès au repos ! Prenez mon joug, il n’est pas pesant, car je suis doux et humble de cœur ».Dans un pays d’Israël quadrillé par les Romains, et où le trésor spirituel des pères a bien du mal à communiquer son oxygène à ceux qui souffrent, Jésus s’adresse particulièrement à des hommes et à des femmes confrontés à toutes sortes de problèmes : victimes de l’occupant païen, blessés de la vie, désenchantés de la religion, déçus de la relation humaine, personnes fragilisées par une rupture ou un deuil.

 

Dans la mission qu’il a reçue et qui l’a convaincu d’annoncer des temps nouveaux, le rabbi rencontre tous les profils humains possibles, issus de tous les milieux et de toutes opinions. Il est très attentif aux gens simples et assoiffés de vérité. Mais il est allergique aux arrogants et aux suffisants, surtout dans le domaine religieux, car cela est étranger à la vraie spiritualité juive qui depuis longtemps évoque un D.ieu plein d’amour, lent à la juste colère, et généreux en miséricorde. C’est ce qui fait que Jésus critique ceux des représentants religieux qui sont focalisés sur les apparences extérieures, comme des comptables de bonnes actions, mais qui restent indifférents à l’action de l’Esprit capable de susciter un renouveau profond de la liberté chez tout être qui attend un tournant salutaire.

 

A ceux qui réglementent excessivement la pratique ou prétendent avoir déjà atteint le but par leurs efforts ou leurs connaissances, il préfère l’authenticité des humbles de cœur, les anawîm. Il est évident que seule la simplicité d’âme ouvre un espace de relations humaines vraies, tandis que la suffisance  paralyse tout dialogue. C’est ainsi en constatant que tant d’hommes et de femmes traînent les pieds dans l’existence, sans horizon, sans idéal, que Jésus propose son école de vie : « Venez à moi vous tous qui peinez sous le poids de vos fardeaux, et je vous donnerai le repos ». Le repos dans la période de vacances où nous sommes, cette phrase résonne bizarrement. Est-ce une pub pour le farniente ? Est-ce un slogan pour entrer dans une sorte de méditation transcendantale qui nous déconnecterait de tout souci quotidien ? Ce n’est pourtant ni une fuite des réalités, ni un langage d’initiés ! Quel est véritablement ce repos auquel Jésus invite ses auditeurs, et auquel il propose d’accéder ? Pour comprendre ce terme, il faut revenir au  repos dans le sens biblique.

 

Si on ne se situe pas spontanément dans cette perspective en lisant l’appel de Jésus, c’est parce qu’on oublie trop souvent que la culture biblique est à l’origine du repos. Ce qu’on appelle aujourd’hui week-end est un temps sacré laïcisé qui provient de la tradition hébraïque ! Ce rythme hebdomadaire auquel nous sommes si habitués dans notre culture moderne des loisirs, et qui fait alterner travail et détente, est bel et bien issu des Ecritures et de la tradition d’Israël.

 

Nous lisons au Livre de la Genèse, second chapitre :

« Ainsi furent achevés les cieux, la terre et tout ce qu’ils renferment, Dieu qui avait terminé le septième jour l’œuvre qu’il avait faite se reposa de son labeur. Il bénit le septième jour et le consacra parce qu’en ce jour-là il s’était reposé de l’ouvrage de la création ». Le repos n’est donc pas l’arrêt, mais l’accomplissement de l’activité ! Ce n’est pas un temps mort, mais un espace de revitalisation de l’être, un temps de consécration et de bénédiction. Quand Jésus propose le « repos », il fait entrer dans la logique du shabbat. Il invite à la louange, à l’admiration de la création, ce qui signifie aussi reprendre notre souffle. Il s’agit d’être capables de poursuivre cette création en cours, confiée par D.ieu à l’humanité pour la parachever.

 

Si le shabbat demande d’arrêter toute activité, c’est pour consacrer ce temps à se rapprocher de D.ieu et à se rapprocher des autres, tout en s’accordant à soi-même un espace bénéfique. Jésus encourage de ce fait ses auditeurs – fatigués par l’enchaînement sans fin de leurs difficultés –  à savoir s’arrêter et à s’approcher du mystère de la présence de Dieu au cœur de la création. Car cette rencontre remet l’homme debout, elle offre à chacun la conscience d’un parcours de vie, avec des points de repère, des valeurs qui lui permettent de ne pas être conditionné par les engrenages ambiants. On comprend comment le repos dominical moderne issu du shabbat devrait correspondre à la réalisation d’un temps de re-création du cœur et de l’esprit, tous les sept jours, pour notre bien à tous. Ce que ni la civilisation grecque ni l’empire romain n’avaient imaginé, la tradition biblique et hébraïque l’a réalisé.

 

« Souviens-toi du shabbat pour le sanctifier, le septième jour tu ne feras aucun travail ». Jésus propose la sanctification du saint nom de D.ieu, HaShem, non seulement pour l’honorer mais en même temps pour permettre par là-même à l’homme de rester humain. Savoir s’arrêter pour respirer, pour s’émerveiller, se ressourcer. C’est dans le même sens que la prière est une respiration de l’âme. L’admiration de la création recrée le cœur fatigué, de même que l’écoute de la musique, l’art, la rencontre authentique avec les autres, le partage de questions autour du sens de la vie.

 

Mon joug est facile à porter, dit Jésus. On sait combien Jésus admire les merveilles de la nature et le travail des hommes qui collaborent à l’accomplissement de la création. Lorsqu’il voit dans un champ une paire de bœufs attelés par un joug qui multiplie leurs forces pour labourer la terre, il pense à l’alliance entre D.ieu et l’homme. Joug signifie relier, joindre. Comme les bœufs attelés jumelés par la tête pour permettre au sol d’être labouré et de voir un jour se lever de magnifiques moissons, de même Jésus nous propose de nous relier à lui, à son enseignement spirituel, à sa présence vivante pour produire des fruits d’humanité et de sainteté. Mon joug est facile à porter : il y a un échange, nous laissons notre fardeau, et nous prenons son joug ; nous relions notre vie à sa personne. Notre existence peut alors changer du tout au tout, car l’enseignement de Jésus n’est pas un poids contraignant qui alourdirait la vie quotidienne. Au contraire, c’est un élan, un dynamisme qui change la manière de faire des choix et de résoudre les inévitables problèmes.

 

En utilisant l’image parlante du joug, Jésus invite ses auditeurs à vivre l’alliance avec D.ieu, à entrer en relation plus étroite avec lui en se mettant à son école de vie, qui est une interprétation dynamique et humaniste de la Torah, des messages des prophètes et de la sagesse ancestrale d’Israël. Cela vaut la peine d’entrer dans cette poésie expressive de Jésus, en laissant les graines salvatrices de la Parole ensemencer les sillons de nos existences. C’est l’Esprit qui peut faire surgir de nos champs d’action multiples des fruits de bénédiction dans le domaine de l’amour de D.ieu et du service des autres.

 

Reproduction autorisée avec la mention suivante et un lien vers cet article :

© Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info

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