Publié par Michel Garroté le 16 août 2011

 

Michel Garroté – Soixante six ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, des archives, longtemps tenues secrètes, sont, aujourd’hui, accessibles. J’ai toujours estimé – on me le reproche assez – que la culture historique et la mémoire historique sont essentielles lorsque l’on prétend défendre la société libre et laïque de culture judéo-chrétienne. Du reste – comme je l’ai souvent écrit – cela vaut également pour la Guerre froide. Concrètement, ici, il est question de Coco Chanel, à la fois icône de la haute couture française et agente des nationaux-socialistes allemands.

Coco Chanel collaboratrice des nazis, a-t-elle été convoquée à Berlin puis envoyée en mission à Madrid en 1943 par le bras droit de Himmler pour négocier une paix séparée avec Churchill ? « Lorsque je suis tombé sur un document de la Police nationale française d’après-guerre révélant que Coco Chanel avait été une agente de l’Abwher nazi, je n’y croyais pas », avoue Hal Vaughan. L’Américain qui vit à Paris, écrivain, ancien journaliste et diplomate, ne lâche pas le morceau. Résultat : une formidable enquête sur l’icône de la haute couture française, qui s’est mise au service des nazis par le truchement de son amant, le baron Hans Günther von Dincklage. L’ouvrage que signe Hal Vaughan paraît, la semaine prochaine, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie et en Hollande (ndmg – et pas en France).

Pourquoi une énième biographie de Coco Chanel, dont les accointances avec les nazis sont connues ?

Hal Vaughan : « Oui, tous les biographes de Chanel ont parlé de son amant allemand, Hans von Dincklage, bel homme et « bon vivant qui aimait les cigares et les beaux habits ». Mais les documents que j’ai mis au jour racontent autre chose. Dincklage était depuis 1919 impliqué dans le service d’espionnage militaire allemand, devenu plus tard l’Abwehr. Il sera chargé de missions par rien de moins que Goebbels. D’ailleurs, dès 1939, pour cette raison, les polices vaudoise et fédérale lui interdisent l’entrée sur le territoire suisse. C’est lui qui fera de Coco Chanel une agente active, la mettant en contact avec le Français Louis de Vaufreland, qui travaille pour les nazis. Coco Chanel devait lui ouvrir des portes, grâce à ses relations avec le duc de Westminster, l’ambassadeur de Grande-Bretagne à Madrid et surtout Churchill ».

Coco Chanel, que vous dites antisémite, a-t-elle agi par opportunisme ou par conviction ?

Hal Vaughan : « Les deux. Oui, elle était antisémite, comme la moitié de la France l’était (ndmg – 99% de la France). Elle ne s’en cachait pas. Mais surtout elle fut une totale opportuniste. Les Allemands arrivent à Paris, elle se met en mèche avec eux – même si elle est aussi l’amie de Churchill. Même ambivalence avec la famille juive Wertheimer, propriétaire de la Société Bourjois : Chanel s’associe à elle en 1924 pour créer la société Les Parfums Chanel SA et lui cède 90% des actions. Mais, pendant la guerre, elle sera prête à tout pour faire aryaniser la société afin de reprendre ses droits ».

Que cherche Coco Chanel avec les nazis ?

Hal Vaughan : « En 1941, elle veut obtenir la libération de son neveu André Palasse, arrêté par les Allemands. Ensuite, influencée par le duc de Westminster, dont elle fut longtemps la maîtresse, elle est convaincue que la grande terreur pour l’Europe, ce sont les bolcheviques. Dès 1943, l’idée circule d’une paix séparée entre l’Allemagne, sans Hitler, et la Grande-Bretagne, pour arrêter les communistes. Chanel se rend à Berlin avec Dincklage. Ils rencontrent Walter Schellenberg. Le bras droit de Himmler demande à la Française de se rendre à Madrid pour essayer de contacter Churchill. La mission (ndlr. Opération «Modelhut», Chapeau de couture) échoue, notamment parce que Coco est trahie par une amie anglaise ».

Le parfum Chanel N°5 fut au cœur de ses compromissions avec les nazis. Pourquoi ?

Hal Vaughan : « J’ai découvert qu’un Américain était venu à Paris en 1940 pour chercher la formule du parfum ! En fait Coco Chanel comptait sur les nazis pour déposséder les Wertheimer et récupérer la majorité de la société Les Parfums Chanel. Fin 1941, elle a rencontré au quartier général de la Gestapo à Paris le Dr Kurt Blanke, responsable du programme de confiscation des biens juifs. Mais les Wertheimer, pressentant le sort réservé aux juifs, se sont réfugiés aux Etats-Unis dès 1940, après avoir secrètement confié leur société au Français Félix Amiot. L’Américain Gregory Thomas, venu chercher la formule du parfum, travaillait en fait pour les Wertheimer, qui firent ensuite fabriquer le parfum dans leur usine du New Jersey ».

Coco Chanel a été arrêtée en 1944 puis relâchée. Le 16 avril 1946, alors qu’elle vit à Lausanne, elle est convoquée pour interrogatoire à Paris. Elle revient tranquillement à Lausanne. Comment l’expliquez-vous ?

Hal Vaughan : « Le juge a affirmé que Chanel n’avait donné que des réponses très vagues. Pourtant les services secrets connaissaient ses activités. N’oubliez pas: Chanel était une amie de Churchill et une icône française vendue partout dans le monde ».

Avez-vous trouvé un dossier sur Chanel dans les archives suisses ?

Hal Vaughan : « Non, et cela me semble incroyable. D’autant plus que l’espion Dincklage était connu des polices vaudoise et fédérale. Persona non grata en Suisse dès 1939, il y séjourna pourtant avec Coco Chanel après la guerre ».

Votre livre va-t-il ternir l’image de Mademoiselle Chanel ?

Hal Vaughan : « Je n’ai pas voulu faire un livre contre Chanel. D’ailleurs, à la fin de mon enquête, je me suis dit: quelle femme ! Opportuniste, mais extraordinaire ! Elle coupe ses cheveux, et le monde entier coupe ses cheveux ; elle dessine un tailleur, et tout le monde veut le porter. Même avec tout ce qu’elle a fait de condamnable et de dégueulasse pendant la guerre, elle en sort gagnante. Elle a su se faire oublier à Lausanne, d’où elle appellera plus tard Pierre Wertheimer pour lui dire qu’elle veut recommencer. Et que fait Pierre, amoureux de Coco depuis le début ? Il lui ouvre sa bourse. A 71ans, en 1954, elle fait son come-back à Paris. Et en 1957 elle reçoit à Dallas le ‘Neiman Marcus Award’, créé par la célèbre famille juive du Texas qui a fondé le groupe de luxe du même nom. N’est-ce pas incroyable, fantastique, superbe ? », conclut Hal Vaughan.

Incroyable ? Sans doute. Quoique vrai en fin de compte. Et donc, croyable

Fantastique ? D’une certaine façon, oui.

Superbe ? Pas vraiment, non…

Michel Garroté http://dreuz.info/

http://www.cicad.ch/index.php?id=3462&tx_ttnews[tt_news]=103579&tx_ttnews[backPid]=3459&cHash=6ab1a046be

http://archives.24heures.ch/VQ/LAUSANNE/-/article-2011-08-1234/lorsque-la-star-de-la-mode-rejoint-lausanne-en-1944-c8217est-pour-faire-oublier-ses-missions

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