Publié par Guy Millière le 27 novembre 2011
L’Iran, montre le dernier rapport de l’AIEA, n’a jamais été aussi proche de l’arme atomique. Il en résulte un léger vent de panique chez les dirigeants européens et américains. Mais ce vent de panique est très largement artificiel et se dissipera plus vite que le nuage de Tchernobyl. On parle désormais de sanctions. Ces sanctions s’ajouteront aux autres sanctions votées depuis des années, et n’auront pas davantage d’effet.
 
Ni la Russie ni la Chine, principaux partenaires de Téhéran, n’approuvent ou pratiquent les sanctions. Plusieurs pays européens, au premier chef l’Allemagne, approuvent les sanctions d’une main et continuent, avec l’autre main, à signer des contrats avec le régime des mollahs. Le principal allié de l’Iran dans la région, la Syrie de Bachar Al Assad, continue à massacrer sa population, avec l’aide de gardes révolutionnaires iraniens et d’hommes de main du Hezbollah, mais nul n’a envisagé jusque voici peu, d’intervenir militairement à Damas, et, si le régime tombe, un régime de rechange dirigé par les Frères musulmans, et concocté entre Ankara, Washington et Paris, se mettra en place. Et si Téhéran perd Damas, il restera à Téhéran le Liban, et, aussi l’Irak, dont Barack Obama vient de lui faire cadeau en décidant de retirer toutes les troupes américaines d’ici au 31 décembre. 
 
Cela signifie-t-il que l’accès de l’Iran à l’arme atomique est inéluctable ? La réponse reste plutôt « oui » au sein de l’administration Obama, pour qui l’idée de voir l’Iran en position de puissance hégémonique régionale est, depuis le départ, une donnée acquise. La réponse des pays européens est la même que celle de l’administration Obama. 
 
Divers pays arabes du Proche-Orient aimeraient fortement que la réponse soit « non », mais ne peuvent agir eux-mêmes, faute des moyens militaires requis et, anticipant le pire, envisagent d’ores et déjà de se doter eux-mêmes de l’arme atomique si l’Iran en vient à disposer de celle-ci.
 
Un pays, Israël, tient, lui, absolument à ce que la réponse soit « non ». Et il y tient bien davantage que tout pays arabe de la région, car il sait que ce qui se joue est sa survie. Ce pour des raisons très limpides : Ahmadinejad et Khamenei entendent disposer d’une hégémonie régionale, mais ils sont aussi imprégnés d’un discours apocalyptique et fanatique, qui place la destruction d’Israël au cœur de leur priorités. La dissuasion et l’endiguement peuvent fonctionner avec des acteurs usant de la logique et du calcul, tels les dirigeants soviétiques : ni dissuasion ni endiguement ne sont à même d’avoir d’effet sur des fanatiques apocalyptiques.
 
Ahmadinejad et Khamenei sont, par ailleurs, d’ores et déjà, les principaux pourvoyeurs de fonds et de moyens au terrorisme islamique international, alors que l’Iran n’est pas sanctuarisé : on n’ose imaginer ce qu’ils pourraient envisager, indépendamment même de la destruction d’Israël, si l’Iran était sanctuarisé. Israël mesure de surcroît les conséquences qu’il y aurait à voir non seulement l’Iran, mais les pays arabes de la région et, sans doute, la Turquie, disposer eux-mêmes de l’arme atomique. 
 
Quelles sont les possibilités d’action d’Israël ? Je dirai qu’elles sont réduites, mais pas du tout inexistantes. 
 
Pour l’heure, Israël parle d’action militaire possible, et a posé le débat sur l’avant-scène. Le but est de pousser les Etats-Unis et l’Europe à aller au delà des sanctions, et des frappes militaires américaines ciblées seraient à même de parvenir à des résultats, c’est incontestable : Obama étant Obama, on peut néanmoins dire que de telles frappes sont absolument improbables. 
 
Alors ? 
 
On peut gager qu’Israël attendra autant qu’il est possible d’attendre. On peut gager que des virus informatiques du type Stuxnet seront utilisés et feront leur effet. On peut gager que des explosions et des assassinats ciblés auront lieu encore en Iran. Mais on peut gager aussi que s’il n’y a plus d’autre issue, Israël devra frapper. 
 
Que d’éventuelles frappes israéliennes soient couronnées de succès est une hypothèse qui peut être retenue, et les frappes, le cas échéant, devront être couronnées de succès : elle concerneront, le cas échéant, les casernes et installations des gardes révolutionnaires tout autant que les installations atomiques. Elles devront être accompagnées d’un brouillage des systèmes de communication iraniens, et les capacités de brouillage sont disponibles : Israël les a utilisées au moment des frappes contre les installations nucléaires syriennes. 
 
Des frappes israéliennes, le cas échéant toujours, pourront entraîner une réaction du Hezbollah, et Israël devra anticiper cette réaction, en sachant que cette fois, il s’agira de faire mieux que lors de la dernière guerre du Liban : le Hezbollah est, cela dit, dans une position différente de celle qui était la sienne lors de la dernière guerre du Liban, au vu de ce qui se passe en Syrie, et le Hezbollah est aujourd’hui sur la défensive, sans bases arrières. Des frappes pourraient venir de Gaza, mais le Hamas a quitté l’orbite de Téhéran pour rejoindre le giron sunnite des Frères musulmans dont il est issue, et ce n’est pas lui qui agira : Israël pourra, par contre, lui demander d’agir contre les islamistes liés à l’Iran, sous peine de destruction du Hamas. L’Iran pourra, aussi, bloquer le détroit d’Ormuz, ce qui impliquera une réaction américaine. 
 
Israël, le cas échéant encore, sera condamné, fustigé, détesté, mais Israël n’a cessé d’être condamné, fustigé, détesté. Il n’y aura rien de nouveau. Il y a pire qu’être condamné, fustigé, détesté : disparaître. Et Israël ne se laissera pas condamner à mort sans agir. N’en déplaise aux antisémites (pardon, je sais qu’il faut dire « antisionistes ») occidentaux. 
 
Il est honteux et lamentable que l’administration Obama et les pays d’Europe se lavent les mains de la nucléarisation imminente de l’Iran. Obama pense qu’un Proche-Orient plus sûr pour l’islam radical stabiliserait le monde : c’est tout au moins ce qu’il dit et ce que lui dit son ami Fareed Zakaria. Que ceux qui trouvent cela inepte sachent, en me lisant, que j’ai, d’emblée, su à quoi m’en tenir concernant Obama. Les dirigeants européens ne pensent rien, sinon aux différentes postures de soumission à l’islam radical qu’il leur est possible d’adopter. Nous vivons une triste époque.
 
Israël est seul et, en même temps, pas totalement seul : le peuple américain et une bonne part de la classe politique américaine sont du côté d’Israël, et cela évitera, quoi qu’il se passe, Israël de passer de la solitude à l’isolement, qui sont deux choses très différentes. L’isolement est davantage que la solitude, c’est l’abandon par tous, et Israël n’en est pas là du tout. Heureusement.
 
Existe-t-il une alternative à des frappes israéliennes ? Peut-être. 
 
Une révolte intérieure continue à bouillonner en Iran : cette révolte aurait pu l’emporter en juin 2009 si le monde occidental n’avait accepté de voir les manifestants iraniens se faire tirer dessus. Elle pourrait encore l’emporter si le monde occidental lui tendait la main, plutôt que de la tendre à ses bourreaux, ou qu’agiter des « sanctions » de pacotille. Des raffineries et des oléoducs sont sabotés chaque mois par l’opposition iranienne. Des grèves s’épandent. Des installations des gardes révolutionnaires sont attaquées. 
 
L’Iran s’approche de l’explosion : celle-ci peut être une explosion intérieure. Celle-ci peut être due à des frappes venues de l’extérieur. Mais tout indique qu’elle aura lieu. Et tout indique qu’elle aura lieu dans les douze mois à venir. Après, il pourrait tout simplement être trop tard.
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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