Publié par Guy Millière le 15 janvier 2012
L’Europe est présentement dans une phase de déclin qui va sans aucun doute s’accentuer dans les prochaines années. Les Etats-Unis ne sortent pas vraiment de la récession dans laquelle ils sont plongés depuis l’automne 2008, et ne pourront en sortir que si Obama quitte la Maison Blanche en janvier 2013, ce qui est loin d’être assuré. Si on ajoute à cela l’effondrement présent du monde arabe, la fin de la croissance en Turquie, le ralentissement de la croissance au Brésil et en Inde, il aurait été très surprenant que la Chine ne subisse aucune conséquence. 
 
Et de fait, même si nul ou presque n‘en parle, la Chine subit les conséquences. 
 
Les Etats-Unis représentent une part très importante des exportations chinoises, l’Europe une autre part très importante, et l’addition des exportations chinoises en direction de l’Europe et des Etats-Unis représente plus de cinquante pour cent du total des exportations chinoises : les Etats-Unis et l’Europe achètent beaucoup moins, ce qui se traduit par un ralentissement de l’économie chinoise. 
 
Le gouvernement chinois a tenté de limiter ce ralentissement en dépensant des sommes immenses dans le secteur de la construction et des infrastructures et en creusant ses déficits budgétaires. L’injection d’argent public ainsi opérée a débouché sur des réalisations hâtives et très déficitaires telles un réseau de trains à grande vitesse dangereux que personne n’utilise, et sur une bulle immobilière qui est en train de crever (il y a en Chine environ soixante-quatre millions de logements vides qui ne trouvent pas d’acquéreur au prix exigé). Les prix des denrées agricoles importées (et la Chine est importatrice de denrées alimentaires bien davantage qu’on ne pense) se sont fortement accrus parce qu’ils se sont accrus à l’échelle planétaire, sans que les salaires dans les entreprises industrielles suivent, ce qui débouche sur des grèves et d’autres formes de protestation violentes. 
 
Augmenter les salaires aurait pour effet immédiat de voir les entreprises occidentales qui font fabriquer en Chine chercher d’autres fournisseurs ailleurs en Asie. Ne pas les augmenter conduirait sans aucun doute à davantage de grèves et de protestations violentes. 
 
Voir la croissance chinoise passer de son niveau actuel, entre neuf et dix pour cent par an, à un niveau de cinq pour cent, comme divers économistes l’anticipent, aggraverait considérablement une situation déjà grave. La possibilité pour le régime d’user, vis-à-vis des campagnes, du bâton de la répression, tout en brandissant la carotte qu’est l’espoir de passage vers les villes et le secteur industriel, se fera moins efficace, ce qui promet des turbulences.
 
On risque fort de s’apercevoir en ces conditions que l’édifice chinois a des allures de château de cartes et n’est en rien un « modèle ». Et les discours clamant que la Chine dominera le vingt-et-unième siècle risquent fort eux-mêmes de s’avérer aussi ineptes que ceux qui avaient dit, voici trente ans, que le Japon dominerait le monde. 
 
On a affaire à un régime autoritaire qui tente de gérer l’économie depuis le haut, et qui repose sur la cooptation, la corruption, et l’obéissance forcée. 
 
L’esprit d’entreprise se trouve largement stérilisé par la nécessité pour ceux qui veulent entreprendre de rentrer dans des circuits initiatiques, de payer des commissions qui n’en finissent pas de s’ajouter les unes aux autres, de rester dans des cadres préalablement définis ou de ne pouvoir en sortir qu’en payant davantage de commissions encore : cela permet de faire fortune néanmoins, certes, mais cela alimente aussi des fortunes strictement parasitaires. 
 
Les chiffres se trouvent faussés d’un bout à l’autre de la trajectoire, sur un mode qui rappelle la façon dont ils étaient faussés dans d’autres régimes du même type : un responsable de commune ou de ville est tenu de respecter un chiffre de croissance défini et réalise cette croissance en dépensant de l’argent pour construire des ponts qui ne mènent nulle part ou des quartiers que nul n’habite, et les responsables de province renvoient les chiffres transmis par les responsables de communes et de villes. Les banques sont tenues de prêter aux responsables de communes et de villes ou aux responsables de province pour remplir elles-mêmes leurs quotas, même si l’argent est gaspillé. 
 
La monnaie, non convertible, est délibérément sous-évaluée pour sauver ce qui peut l’être des exportations, ce qui accroît encore le prix des denrées agricoles importées. 
 
Si on ajoute les effets démographiques dévastateurs (en termes de vieillissement de la population) de la politique de l’enfant unique mise en œuvre depuis des années, le fait que les « avortements » tardifs touchant des filles fait que le nombre d’hommes est plus important que celui de femmes, ce qui contraint des millions d’êtres de sexe masculin (dix sept millions aujourd’hui) au célibat obligatoire, les effets d’un niveau d’éducation plus élevé sur la curiosité intellectuelle et les aspirations à la liberté, ou de multiples catastrophes en matière d’environnement, on voit qu’on se trouve face à une situation aisément explosive. 
 
Le régime ne tombera pas : il dispose d’une armée nombreuse, d’une police tout aussi nombreuse, et il n’hésitera jamais à faire tirer dans la foule si la nécessité s’en fait sentir, néanmoins ceux qui regardent la Chine avec admiration seraient bien avisés d’observer la situation chinoise de plus près. Ceux qui regardent la Chine avec inquiétude pourraient fort bien voir leur inquiétude confirmées. 
 
Un livre au succès immense publié par Alain Peyrefitte voici quelques décennies s’appelait « Quand la Chine s’éveillera », et la phrase complète ajoutait : « le monde tremblera ». Une phrase plus adéquate aujourd’hui devrait dire : Quand la Chine s’effondrera. Et il serait alors légitime d’ajouter : ce jour-là, le monde tremblera, oui, vraiment.
 
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© Guy Millière pour www.Dreuz.info

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