Publié par Ivan Rioufol le 17 février 2012
 
Une démocratie qui s'interroge sur ses valeurs, se méfie des référendums, craint de débattre, risque d'empêcher un courant de pensée de concourir à la présidentielle, laisse des associations subventionnées multiplier les plaintes pour pénaliser des opinions, cette démocratie-là est malade. La France est dans cet état, quand la gauche n'ose défendre la laïcité et les fondamentaux de la République de peur de froisser des minorités, quand des humanistes de salon voient un danger dans l'hypothèse évoquée par Nicolas Sarkozy de demander aux citoyens de trancher des blocages idéologiques, quand les grands partis se contenteraient d'une absence de Marine Le Pen faute de parrainages, quand un écrivain (Renaud Camus) est poursuivi à son tour par un pandore (le Mrap) de la pensée lisse, quand un député (Christian Vanneste) est lâché par sa famille politique (UMP) pour avoir dit une vérité historique. Y a-t-il un médecin ?
 
Ne pas compter sur François Hollande pour résister à cette "dégénérescence démocratique", évoquée jeudi par Ségolène Royal : son parti s'effraie de la voix du peuple et doute ouvertement de ses idéaux de jadis, qu'il laisse à Marine Le Pen quand elle met en garde contre l'emprise religieuse, le sexisme, le communautarisme. Si François Bayrou a su se démarquer du PS et de l'UMP en évoquant la perte de confiance des citoyens dans la démocratie en cas d'empêchement du FN, son opposition à des référendums sur l'assistanat ou l'immigration rappelle son refus d'entendre certaines exaspérations. Reste à savoir si Nicolas Sarkozy, candidat depuis mercredi soir, saura être celui qui se réconciliera avec le peuple, abandonné pour partie aux sirènes du FN ou au découragement abstentionniste. Mais chat échaudé craint l'eau froide.
 
Nombreux sont les électeurs sarkozystes qui ont été déçus par l'oubli des promesses de 2007 et par la relégation de la question identitaire sous la pression d'un confort intellectuel dont le chef de l'État ne s'était pas totalement affranchi.
 
La désinvolture qui a conduit le Parlement, en 2007, à l’invitation du président, à revenir sur le choix des Français de refuser par référendum, en 2005, une Europe sans âme est de ces humiliations qui ne s'oublient pas non plus aisément. L'empressement que mettent Alain Juppé et François Fillon à démentir l’analyse qui assure que le candidat entend faire une campagne à droite peut faire douter de la cohérence d'une majorité toujours habitée par la crainte de déplaire aux bonnes manières de la caste.

Autant dire que Sarkozy, s'il veut redonner un sens à la démocratie, va devoir s'engager sérieusement auprès du peuple. La meilleure démonstration de son intention de lui rendre la parole serait d'ailleurs d'accueillir le référendum d'initiative populaire, conspué par les prolophobes qui sont pléthore au PS. Le peuple oublié veut redevenir maître de son destin, qu'il a abandonné aux mains de représentants ayant parfois perdu leurs repères et dont certains sont prêts, sous l'effet d'une subversion intellectuelle, à abandonner la République à la loi des nouvelles communautés.

C'est pour cela qu'il est urgent de s'affirmer réactionnaire, c'est-à-dire de résister à l'inertie du conformisme et à la détérioration de notre modèle de société, dont se lassent des élites désabusées.
 
La société civile en renfort
La société civile, méprisée pal les oligarchies, est une force politique potentiellement réactive. Elle ne demande qu'à soutenir les réformateurs, s'ils le lui demandent. Car le blocage de la France n'est pas de son fait. Il est dû à trente ans de décisions en vase clos qui ont acheté la paix sociale en berçant les électeurs de mots détournés et de slogans. Il est faux de penser que les gens seraient attirés par la facilité, comme le
laissent croire ceux qui mettent en garde contre le « populisme » : ils confondent le peuple, qui est en haut, et la foule, qui est en bas. Un sondage récent montrait que 80 % des Français souhaiteraient une réduction des dépenses publiques, cette inévitable issue qu'aucun parti n'ose promouvoir. Depuis que Marine Le Pen défend le retour à la retraite à 60 ans et autres billevesées économiques, elle perd de sa crédibilité dans les sondages.
 
Les Français abandonnés peuvent reprendre confiance en la politique, pourvu qu'elle se mette à leur écoute. Si Sarkozy entend se plier réellement à cette démarche, il peut l’emporter en mai. Certes, le chef de l'État a su ouvrir des brèches durant son quinquennat, singulièrement avec la réforme des retraites. Mais son penchant d'avocat pour les compromis, qui tranche avec ses discours à l’emporte-pièce, ne fait avancer la France qu'à petits pas, alors qu'elle doit entrer dans le XXIe siècle.
 
Pourquoi ne pas envisager une consultation populaire sur la réforme du modèle social, qui ne peut plus être financé par la seule solidarité ? Un référendum sur la poursuite du regroupement familial et l’accès à la nationalité permettrait aussi de clarifier le choix du modèle de société.
 
Silence dans les rangs
Ceux qui cherchent encore à imposer le silence dans les rangs reproduisent des pratiques staliniennes. Ils veulent faire taire ou faire condamner les propos tenus par tel député ou écrivain, mais aussi par des journalistes, associations, sites Internet, etc. La manière dont Jean François Copé, au nom de l’UMP, a choisi mercredi d'exclure Vanneste, coupable d'avoir dit une vérité interdite en assurant qu'il n'y avait pas eu de déportation d'homosexuels en France (ce que confirme notamment Serge Klarsfeld) est révélatrice de la persistance du mépris des faits en politique et du poids de certaines communautés, sexuelles ou ethniques, dans la falsification des réalités. Ce même refus d'admettre des évidences conduit des bouffeurs de curés à refuser d'aborder la place de l’islam dans la vie publique. « Des territoires entiers sont régis par la loi de la charia » écrit le député André Gerin (PCF) dans son dernier livre préfacé par Malek Boutih (Les Ghettos de la République*, Editions Le Publieur). Mais les belles âmes ne veulent entendre là qu'un inacceptable reproche fait aux musulmans. Ainsi s'abîme la démocratie.
 
© Ivan Rioufol, publié avec son aimable autorisation.
 
L’article original est disponible sur le blog d’Ivan Rioufol

Ivan Rioufol participera à un débat avec Jean-Luc Mélenchon, samedi, après la série Objectif Elysée, de Serge Moati, sur la chaîne LCP (19h30-21h30)
 
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