Publié par Gilles William Goldnadel le 29 février 2012

Roselyne Bachelot proscrit désormais l’usage du terme "Mademoiselle" et Nathalie Kosciusko-Morizet s’apprête à interdire de nouveau le maïs OGM de Monsanto. La droite serait-elle fascinée par le discours du camp adverse ?

Sarkozy peut-il encore gagner ? Le Monde, qui la semaine dernière annonçait péremptoirement que sa déclaration de candidature n’avait été d’aucun effet, a été contraint d’en rabattre ce samedi, sondages divergents à l’appui. Comme le dit sans rire le « politologue » pas vraiment à droite Roland Cayrol : « Il y a quelque chose qui ne va pas ».

S’il l’emporte, à l’arrachée, ce sera manifestement sur ses qualités de caractère, de lutteur de foire, et de grimpeur d’un mont Ventoux symbolique. Ce Golgotha d’aujourd’hui pourrait faire oublier le gold gotha d’hier, rappelé sans excès de pudeur par la gauche béluga. Insensiblement, sa position de président devenu « outsider » commence à lui rapporter dans une France encore poulidorienne.

Il n’est plus très loin de chanter « Je suis le mal aimé » dans un pays nostalgique qui commémorera cette semaine le 30e anniversaire de la mort de son Clo-Clo national.

Quand Nathalie Kosciusko-Morizet donne raison à José Bové

Mais si, malgré tout, il perdait, il aura tout le temps de s’interroger sur cette propension suicidaire qu’auront eue son camp et son chef de demeurer fascinés jusqu’au bout par la phraséologie adverse. Le diable, on le sait, habite dans les détails.

Qu’on en juge, cette semaine, à l’aune de deux exemples aussi futiles que révélateurs.

La France s’apprête à interdire, de nouveau, et sans base légale, le 810 de Monsanto (1). En dépit de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui estime que la France a commis une erreur en interdisant le produit, et des études scientifiques qui n’apportent aucune preuve que la culture incriminée« présenterait un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement » (le Figaro du 21 février). Nathalie Kosciusko-Morizet, dans un dernier acte, que l’on ose appeler de gouvernement, a décidé de satisfaire José Bové et ses amis saccageurs de récolte. Il est douteux que cette posture soumise rapporte la moindre voix.

En revanche, comme le dit Marc Fellous, professeur de génétique à l’université Paris-VII et Président de la Commission du génie biomoléculaire « notre pays sacrifie sa recherche sur les biotechnologies ». Sur l’autel du culte de l’esbroufe pseudo écolo.

Ne m’appelez plus jamais « Mademoiselle »

Encore plus dérisoire, on apprend cette semaine, que sur décision testamentaire de Mme Bachelot, les administrations proscriront désormais l’usage du vocable « Mademoiselle », paraît-il condescendant. Ainsi, il aura suffit de la très légère pression médiatique d’une organisation féministe inconnue, dénuée de toute représentativité –et dans le silence incrédule des autres associations– pour bannir de la langue officielle un mot dont beaucoup de femmes mures regrettent l’appellation gratifiante.

Quand la droite comprendra-t-elle qu’elle ne succombe politiquement qu’en succombant intellectuellement ?

Le juge espagnol Balthazar Garzon et l’oubli pour les crimes du franquisme

Sur France Info samedi 14 h, un certain Eloi Martinez, représentant d’une association mémorialiste anti- franquiste a fait l’objet d’une interview non contradictoire dans laquelle il a pu exposer un point de vue qui recueille au demeurant l’adhésion médiatique hexagonale. Le juge espagnol Balthazar Garzon, condamné par la justice de son pays, ne pourra plus exercer la profession de magistrat. Cette décision serait scandaleuse et emporterait l’oubli pour les crimes du franquisme.

Si nous vivions dans un pays réellement démocratique, il aurait dû se trouver une seule plume pour rectifier les faits et le droit. Il aurait dû pouvoir s’écrire, tout d’abord, que si le juge a été sanctionné, c’est pour avoir ordonné des écoutes illégales. J’ai cru comprendre, qu’en France, les journaux étaient sévères en la matière. Surtout lorsqu’ils sont concernés.

D’autre part, le juge dont s’agit a également été mis en cause pour avoir violé la loi d’amnistie qui avait été votée par le parlement espagnol [Sur cette accusation, le juge a été acquitté ce lundi] , pour que, dans un esprit de concorde et de réconciliation, les crimes commis lors de la guerre civile ne fassent plus l’objet de poursuites. Avec la complicité du calamiteux gouvernement Zapatero (qui avait décidé, lui, de proscrire de son vocabulaire le concept de « terrorisme islamiste »), le juge a décidé de poursuivre sur la base de faits datant de plus de 70 ans, les seuls crimes commis par les franquistes. Il s’agissait rien moins que d’une forfaiture.

Il faut encore écrire, à destination d’un public de jeunes Français qui ne peuvent que l’ignorer, que si cette loi a été votée, c’est précisément parce que la guerre d’Espagne fut une guerre civile atroce qui a donné lieu à des exactions dans les deux camps. Afin d’éviter, tout commentaire oiseux, je me contenterai de reprendre des extraits du site Wikipédia, peu soupçonnable de dérive fascisante :  

« En zone nationaliste, un des plus grands massacres collectifs a lieu les 14 et 15 aout 1936 à Badajoz en Estrémadure, où de nombreux miliciens désarmés sont sommairement fusillés, lorsque les nationalistes, principalement des unités de la légion, s’emparent de la ville. Ce massacre a été révélé pour la première fois par des journalistes français et un journaliste portugais. Le bilan est à l’époque évaluée à 2000 victimes, mais il est, selon Hugh Thomas, plus proche de 200…. »

En zone républicaine :

« Les massacres des opposants commencent dès le début de la rébellion… Durant l’été 36, en plus de 7000 à 8000 religieux, près de 2000 phalangistes sont massacrés en zone républicaine, hors de tout combat, sans que le gouvernement ne condamne un seul instant ces crimes commis par ses propres partisans des milices syndicales (« les patrouilles de l’aube ») et sans que cela soit en représailles de fusillade du camp adverse. Des actes d’une grande violence frapperont notamment les religieuses ou les jeunes filles des organisations catholiques tombées entre les mains des républicains…. »

Il faudra que l’on m’explique, pour quelle étrange raison, ces crimes-là, et eux seuls auraient dû faire l’objet d’une amnistie. Il est vrai, qu’ils font l’objet, en France, d’une totale amnésie.

L’interview de Reynald Seycher déprogrammée par France Culture

Dans un registre assez voisin, France Culture a décidé de déprogrammer une émission déjà enregistrée et annoncée. Il s’agit de l’interview de Reynald Seycher, invité à venir présenter son récent livre consacré au génocide vendéen (« Du génocide au mémoricide*» Ed. Cerf) et dont j’ai écrit la préface. Le prétexte verbal qui a été donné à cet acte de censure caractérisée serait que le principe du contradictoire n’aurait pas été assuré pour un sujet aussi délicat.

Précisons que c’est la très estimable Monique Canto-Sperber qui interviewait l’auteur et qu’elle ne me paraît pas totalement acquise à la chouannerie. Précisons encore que le principe invoqué ne m’avait pas, jusqu’à présent, frappée violemment, à France Culture comme à France Info.

J’ai écrit dans ma «  question Blanche*», dans un chapitre intitulé « les bleus et les blancs », que le « mémoricide » réservé à la Vendée catholique martyrisée par les historiens contemporains ne pouvait être rangé que dans la même catégorie de l’impossible compassion à l’égard du Blanc particulièrement détestable qu’incarne le chrétien réactionnaire. Apparemment, c’est la même loi du silence qui sévit toujours de Nantes jusqu’à Séville. A fortiori quand les bourreaux sont bleus ou rouges.

A propos du reportage de Charles Enderlin

Restons encore un peu dans l’audiovisuel, paraît-il de service public. M’est avis que Charles Enderlin va renoncer pour l’avenir a inviter des tiers à poursuivre ceux qui osent douter de la sincérité et de l’exactitude de son reportage concernant la tragique affaire du petit Mohammed Al Dura. Je rappelle que, déjà, la Cour d’Appel de Paris avait sévèrement débouté France 2 de son action à l’égard d’un Philippe Karsenty qui avait pourtant beaucoup douté.

Cette fois, et j’en sais quelque chose, c’est la Cour d’Appel de Paris qui a débouté, son mandant, Jamal Al Dura, père de Mohamed, de son action en diffamation à l’encontre du chirurgien Israélien Yehuda David qui n’avait pas hésité à confirmer dans une interview que certaines blessures exhibées par le père ne provenaient pas des incidents de Gaza filmés par France 2 et commentés avec une coupable légèreté par Enderlin, puisque l’opération pratiquée par lui était antérieure et visait à soigner des blessures résultant d’une rixe entre palestiniens. Pour relaxer le chirurgien, la Cour a considéré qu’il s’était exprimé sur« une base factuelle suffisante ».

Avec un bel esprit de camaraderie, le correspondant à Jérusalem du Monde a considéré que M. David ne devrait pas triompher puisque la Cour avait simplement considéré qu’il n’était pas de mauvaise foi.(Le Monde du 22 février).

Si Laurent Zecchini n’était pas autant accaparé par les affaires d’Orient, il aurait pu savoir que lorsque un prévenu de diffamation voit son poursuivant débouté (sur le terrain de la bonne foi dans l’immense majorité des cas, la preuve « parfaite » de la vérité étant presque impossible à rapporter en justice) il est justement et systématiquement présenté par son journal, comme la partie triomphante.

C’est ainsi, au demeurant, que la plus avisée judiciairement Pascale Robert-Diard avait pu écrire après la victoire, exactement dans les mêmes conditions juridiques, de Philippe Karsenty contre France 2 : « Qu’un permis de douter avait été délivré ». C’est ce même permis que la Cour d’Appel vient de renouveler. Et il continuera à faire avancer une vérité si difficile à accepter pour les gardiens de la caste des Intouchables.

© Gilles William Goldnadel

L'article original peut être consulté sur le blognadel

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(1) Le maïs MON810 est une lignée de maïs Bt, OGM de la firme américaine Monsanto, capable de résister à des insectes ravageurs par la sécrétion d'un insecticide.

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