Publié par Jean-Patrick Grumberg le 25 mars 2012
 
Le site Spyworld (1), le 22 juin 2007, évoque la filière toulousaine du jihad en ces termes :  « Ils se forment sur internet, partent en Irak combattre les « Croisés », puis rentrent dans leur pays, la France. Sont-ils prêts à commettre des attentats sur notre sol ? Peuvent-ils se transformer en kamikazes ? »
 

Abdelkader Merah

Abdelkader Merah, 29 ans, qui dans un premier temps disait ne rien savoir des activités de son jeune frère, pour se déclarer ensuite très « fier » des actes commis par Mohammed, a été transféré avec sa compagne au siège de la sous-direction antiterroriste (SDAT) de Levallois-Perret, hier samedi 24 mars vers 11 heures.
 
Le parquet publiera dimanche les éléments du réquisitoire introductif, qui permettront de connaître les raisons de la mise en examen de l’islamiste après sa présentation à un juge d’instruction. Selon nos informations, il devrait être mis en accusation pour complicité d’acte terroriste et complicité de vol.
 
Ottawa Citizen (2) indique que les frères Merah, et pas seulement Mohammed, étaient connus des services de la DCRI en tant que membres du groupuscule islamiste nazi Forsane Alizza. 
 
Ce groupe ultra-violent, dont le site internet vient d’être fermé et le groupe dissous, est associé à un autre groupe d’extrême droite islamiste, Sharia4Belgium (3), considéré comme une bande d’illuminés salafistes qui veulent imposer la Sharia en Belgique. L’un des leaders vient cependant de démontrer qu’ils ne sont pas si illuminés que ça, car il a été appréhendé en possession d’une Kalashnikov (4).
 
Selon le Daily Mail, (10) Mohammed Merah a bien suivi son entrainement dans les camps d’al Qaida. Le journal révèle qu’il a rencontré, en Afghanistan, lors de son « voyage touristique », des jihadistes d’un réseau anglais, et que son nom de code était « Youssef Toulouse ». 
 
Merah est dans le radar des autorités françaises depuis au moins 2008, date où il s’évade d’une prison afghane, ajoute le quotidien britannique, qui révèle l’appartenance de Mohammed Merah au réseau Jund al-Khilafah, une émanation d’al Qaida. « Non seulement (les frères Merah) étaient membres de ces groupes, mais ils étaient en contact avec eux, en Europe, et les ont rencontré en Afghanistan ».
 
L’existence d’un réseau jihadiste, parfaitement connu de la DCRI et de la DST, qui va de Toulouse à Albi, en passant par l’Ariège et Narbone, de la Syrie à la Grande Bretagne, de la Belgique à l’Irak, de la région parisienne à l’Egypte, fait donc exploser la théorie d’un Mohammed Merah jihadiste solitaire et auto-radicalisé. 
 
Abdelkader, selon Scotland Yard et le MI5, a fait des voyages en Grande Bretagne pour rencontrer des radicaux. Sharia4Belgium est lui-même associé à Sharia4UK, et au groupe extrémiste al-Muhajuroun de Anjem Choudary, le prédicateur des croisades contre l’occident qui promet d’instaurer la Sharia, aujourd’hui interdit.
 
Mohammed Merah était un des terroristes de cette organisation islamiste tentaculaire aux ramifications internationales.
 

Olivier Corel ou Qorel

Le Cheikh Syrien « Olivier » Abdulilah Qorel, surnommé « l’émir blanc » dans les milieux salafistes, est un des pivots des organisations jihadistes. Il vit dans l’Ariège, au sud de Toulouse, et a déjà été mis en examen (puis relaxé) pour association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste. Il a indiqué au Daily Telegraph qu’Abdelkader Merah lui a rendu visite « au moins une fois » cette année, et a déclaré au Parisien qu’il « connait les frères Merah ». Selon le Daily Telegraph, Abdelkader Merah lui a rendu visite il y a quelques semaines pour discuter, entre autres, de la loi de l’islam, la Sharia. Le maire du petit village surveillé 24h/24 par la DCRI ou vit le cheikh, a déclaré avoir vu les deux frères Merah rendre visite au Cheikh quelques jours avant la tuerie de Toulouse.

 
Le mollah Qorel mentionne le coran en permanence, déclare ne reconnaître que la loi de l’islam, laquelle est au dessus de la loi des hommes, et pourrait, selon Le Parisien, être l’un des complices de la tuerie de Toulouse.
 
C’est également d’un réseau terroriste syrien, la filière de Toulouse, dont Qorel pourrait être la tête, et qui avait amené Abdelkader devant les tribunaux en 2009, lorsque six personnes ont été accusées d’avoir mis en place un réseau de recrutement de volontaires pour la guerre en Irak. « À l’époque, Abdelkader Merah est passé entre les mailles du filet, confirme une source. Mais il était très proche de ces gens-là. Il était surveillé par la DST. »
 
 

On sait par ailleurs qu’une dizaine de ces gentils jeunes, dans l’entourage de Mohammed Merah, décidément pas si solitaire que ça, ont été recrutés et envoyés en Syrie suivre un entrainement. « Il y avait une première phase d’endoctrinement, explique un enquêteur. Puis, les jeunes étaient envoyés en Égypte, pour des séjours de plus en plus longs. » Une phase de préparation, plus dure, était ensuite organisée : stages sportifs, conditionnement à base de vidéos de combats de djihad. Les candidats djihadistes devaient compléter leur « formation » en Égypte, dans une école du Caire, avant d’atteindre l’Irak, via la Syrie. (5)

 
Le 20 février 2008, deux frères ayant fait « des voyages religieux en Egypte », sont arrêtés à Toulouse. L’un deux sera mis en examen pour association de malfaiteurs. Qui sont et où sont, aujourd'hui, ces deux frères ?
 
Entre 2007 et 2008, les juges Coirre et Trédivic mettent en examen le toulousain Sabri Essid, 24 ans ; l’Albigeois Thomas Barnouin, 28 ans (tous deux de retour de Syrie) ; un marocain et cinq français convertis à l’islam ; Fabien Clain ; Mohamed Merghebi ; Anouar el Madhi ; Miloud Chachou. 
 
La 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris prononcera à leurs encontre des peines de prison de 6 mois à 6 ans. Que sont devenus ces combattants islamistes ? Ont-ils été relâchés ? Habitent-ils toujours les quartiers des Izards, de la Reynerie ou de Papus ? Ont-ils participé à la minutieuse préparation des attentats ? Ont-ils reçu l’ordre d’en préparer d’autres ?
 
Sur le site du Monde (6), le nom de Sabri Essid réapparait. On peut lire : « La justice et la police françaises sont formelles : le parcours de Mohamed Merah, principal suspect des attentats perpétrés contre des militaires et l'école juive de Toulouse, était le fruit d'une dérive solitaire. »
 
Dérive solitaire ?
 
Pourtant en 2008, Mohamed Merah obtient un permis pour rendre visite en prison à … Sabri Essid. Les services de police notent, à cette époque, qu'il lui apporte de l'argent. Sabri Essid a été arrêté, rappelons-le, les armes à la main, à la frontière entre la Syrie et l'Irak. (7) 
 
Plus tard, le père du combattant islamiste Sabri Essid épousera Zoulikha Aziri, la mère de Mohammed et d’Abdelkader, le grand frère peintre en bâtiment, qui porte barbe, tunique, dont la femme est voilée, qui se rend plusieurs fois en Egypte « pour étudier la Sharia », qui est fier de l’acte de son frère, et que la brigade antiterroriste vient de mettre en accusation.
 
C’est un Mohammed Merah, jihadiste salafiste, impliqué dans les réseaux islamistes internationaux, bien différent du gentil garçon solitaire psychologiquement fragile (8), et qui en 2010, tentait de recruter pour la filière jihadiste (9).
 
Spyworld : « En 2003, sur les conseils de Qorel (note de JPG, que les frères Merah ont rencontré peu de temps avant la tuerie de Toulouse), un de ses jeunes disciples, Thomas, s’inscrit à l’université de Médine, en Arabie Saoudite, puis revient à Toulouse. De retour à Médine, il trouve une filière pour gagner l’Irak et échappe de justesse à un raid de la police saoudienne. Des passeurs le font entrer en Syrie. Son ami Sabri (note de JPG : le beau fils de la mère de Mohammed et Abdelkader) le rejoint. Les deux hommes sont repérés et arrêtés par les services secrets syriens, fin 2006. Deux mois plus tard, ils sont renvoyés en France et remis à la DST. »
 
Spyworld : « Cette affaire illustre la vraie crainte des services antiterroristes aujourd’hui : le développement d’un terrorisme purement national, mené par des jeunes Français convertis au djihad sur internet. Des enfants du pays sans histoires, sans organisation, beaucoup plus durs à repérer que des terroristes venus de l’étranger. L’Irak sert de moteur, de force d’attraction à ces nouveaux fanatiques. Depuis 2003, une soixantaine d’entre eux y sont partis ». Note de JPG : une soixantaine, évoluant autour des frères Merah.
 
Spyworld : «  Une dizaine y ont trouvé la mort… D’autres, enfin, sont parvenus à rentrer au pays. Pour tous, une seule plaque tournante, la Syrie. Déjà en 2005 un groupe de djihadistes arrêté à Trappes a vu son chef effectuer un stage à Damas pour préparer des attentats en Europe »
 
En février 2007, Les juges d'instruction parisiens Jean-Louis Bruguière et Philippe Coirre ont validé les soupçons des policiers, en mettant en examen quatre Toulousains, un Ariégeois et un Albigeois interpellés mardi et mercredi, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste »; trois ont été aussi mis en examen pour « financement du terrorisme ». 
 
« Issus des quartiers de la Reynerie, de Papus, des Izards, Stéphane Lelièvre, Imad Djebali, Mohamed Megherbi et Sabri Essid, ainsi que l'Albigeois Thomas Barnouin, partageaient leur vie entre petits boulots et prières à la mosquée. « Le réseau comprenait de cinquante à soixante personnes, à Toulouse, en région parisienne, en Belgique », précise un enquêteur. (5)
 
Mohammed Merah et son frère, au cœur du réseau jihadiste de la région toulousaine…
 
En avril 2005, les enquêteurs de la Direction nationale antiterroriste interpellent à Toulouse un homme de 52 ans ainsi que son fils âgé de 21 ans. Ils avaient été relâchés. S’agit-il de Sabri Essid et son père, marié à la mère de Merah ?
 
En juin 2005, un islamiste radical, marocain de 35 ans, est interpellé à Montpellier et mis en examen dans une enquête dite « des filières irakiennes ».
 
Et le seul inculpé dans les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis est Zacarias Moussaoui, condamné à perpétuité. Il a grandi à Narbonne dans l'Aude.
 
L’avocat de Merah, que l’on a entendu sur toutes les chaînes de télévision, déclarait que Mohammed était un garçon qui menait « la vie normale » de ce quartier de Toulouse, il y a de quoi sérieusement s’inquiéter.
 
Spyworld confirme : « Parfois, ces « islamistes invisibles » décident d’agir en solo . « Une personne isolée peut faire aujourd’hui presque autant de dégâts qu’une organisation » , prévient le commissaire Chaboud, et cite un exemple qui rappelle étonnement Mohammed Merah : le mois dernier, à Nancy, un homme de 34 ans s’est autoproclamé kamikaze sur internet. Kamel Bouchentouf se dit prêt à poser des bombes dans sa région. Ses cibles : la préfecture de Meurthe-et-Moselle, des McDo, le consulat américain au Luxembourg et le 13e régiment de dragons parachutistes à Dieuze, Moselle. » Note de JPG : les parachutistes, comme à Toulouse.  
 
Le parcours de Hamid Bach, jihadiste de Montpellier emprisonné à Fleury Merogis (11), ressemble étrangement au parcours de Mohammed Merah.
 
D’origine marocaine, il vit de RSA et de la revente de voitures d’occasion. Il a été initié par son camarade Hamza Safi, 21 ans, rencontré dans l’équipe de foot du quartier. Ils ont l’habitude de surfer ensemble le soir sur les sites djihadistes et de télécharger les vidéos guerrières d’Al-Qaida. Un restaurateur de Montpellier, Amine Liassine, leur a financé un voyage à Londres pour aller prier à la mosquée de Finsbury Park, haut lieu islamiste radical. « Un matin de juin 2004, à mon réveil, il n’était plus là, raconte Salima, son épouse, entièrement voilée de noir. J’ai tout de suite eu un mauvais pressentiment. » Bach était parti en Syrie avec Safi. Ils ont pris des avions différents. Pour une même destination : un institut islamique radical de la banlieue de Damas. Ils y restent plus d’un mois. Bach prend sa décision, il veut faire la guerre sainte. Un jour, Bach et Safi sont conduits dans une maison près de la frontière irakienne. Ils y rencontrent Mohammed l’Irakien, un lieutenant du chef de guerre Abou Moussab al-Zarqaoui. Les deux Français doivent servir de kamikazes. Safi accepte. Il trouve la mort quelques semaines plus tard à Falloujah. Bach, lui, hésite. Sa famille lui manque. « Pour s’en sortir, il n’avait pas le choix, raconte son avocat, Jean-Robert Phung. Il devait montrer qu’il serait plus utile à la cause en rentrant en France qu’en se faisant sauter. » Les chefs djihadistes acceptent. Bach doit constituer une cellule dormante d’Al-Qaida à Montpellier.
 
Or Mohammed Merah est lui aussi parti dans les camps d’entrainement, il s’est vu également proposer de mourir en kamikaze. Il refusera, et sera renvoyé en France. On peut supposer qu’il a, lui aussi, en échange de son refus de se faire exploser, constitué une cellule dormante d’al-Qaida. La DST dira de Hamid Bach que son itinéraire ressemble à celui de tout apprenti djihadiste.
 
Est-ce pour qu’il emporte avec lui son témoignage de « gentil garçon solitaire à l’enfance difficile » que le RAID, pour le capturer vivant, lui a logé une balle dans la tête, une balle dans la gorge, et plus de vingt autres dans le corps, plutôt que le cueillir épuisé de faim de fatigue et de nerf dans son appartement ? 
 
Ghulam Faruq, directeur de la prison de Kandahar, citant des documents de la prison, confirme d’autres sources indiquant que Mohammed Merah aurait combattu contre les forces de l’Otan en Afghanistan, au coté des Taliban. Il a déclaré à Reuters (12) que les forces afghanes ont arrêté Mohammed Merah le 19 décembre 2007, et qu’il a été condamné à trois ans de prison pour avoir posé des bombes dans la province de Kandahar, le berceau des Taliban. Faruq ajoute que Merah s’est échappé de la prison avec un millier d’autres prisonniers, dont environ 400 Taliban, lors d’une attaque de la prison Sarposa, en juin 2008, quand les Taliban ont fait exploser la porte principale avec un camion chargé d’explosifs. Ahmad Jawed Faisal, le porte parole du gouverneur de la province a cependant déclaré qu’aucun français du nom de Mohammad Merah n’a été détenu, ce qui ne veut pas dire qu’il n’ait pas été détenu sous un autre nom.
 
Tout ceci se passe en France, aujourd'hui. 
 
Reproduction autorisée, et même vivement encouragée, avec la mention suivante et impérativement le lien html ci dessous : 
© Jean-Patrick Grumberg pour www.Dreuz.info
 
(1) http://www.spyworld-actu.com/spip.php?article4867
(2) http://www.ottawacitizen.com/news/Shooter+brother+have+radicals+Britain/6352210/story.html#ixzz1q2AgaI5B
(3) http://www.nieuwsblad.be/article/detail.aspx?articleid=4C3NTQGD
(4) http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_un-membre-de-sharia4belgium-possedait-une-kalachnikov?id=7229013
(5) http://www.ladepeche.fr/article/2007/02/18/7997-toulouse-c-etaient-bien-des-terroristes.html
(6) http://www.lemonde.fr/sujet/9f11/sabri-essid.html
(7) http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/03/22/mohamed-merah-un-membre-actif-de-la-mouvance-djihadiste-internationale_1674086_3224.html
(8) http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/03/23/toulouse-les-revelations-du-patron-du-renseignement_1674664_3224.html
(9) http://www.letelegramme.com/ig/generales/france-monde/france/toulouse-une-proche-temoigne-j-ai-alerte-la-police-a-de-nombreuses-reprises-exclusif-21-03-2012-1640838.php
(10) http://www.dailymail.co.uk/news/article-2119994/Toulouse-gunman-Mohammed-Merah-links-Islamic-extremists-Britain.html?ito=feeds-newsxml
(11) http://www.spyworld-actu.com/spip.php?article4867
(12) http://in.reuters.com/article/2012/03/21/france-shootings-afghanistan-idINDEE82K08S20120321

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