Michel Garroté – On les appelle « les intégristes », « les traditionalistes », « les tradis », « les lefebvristes », « les ecônards ». Bref, il s’agit, concrètement, de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), de ses prêtres, et, par extension, de ses fidèles. Une Fraternité de prêtres qui célèbrent le rite tridentin dit « Messe Saint Pie V ». Ne serait-ce qu’à ce stade, la confusion règne déjà. C’est une fraternité de prêtres. Elle s’appelle « Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X » car elle admire le pontificat de Saint Pie X, pape de la fin du 19e siècle et du début 20e siècle. Et elle célèbre le rite tridentin, en clair, la messe codifiée par le pape saint Pie V au 16e siècle. Là, déjà, le public est largué, ne sachant ni qui était Saint Pie X, ni qui était Saint Pie V. En résumé, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X célèbre la messe Saint Pie V… Elle a été fondée après le Concile Vatican II par un évêque français, Mgr Marcel Lefebvre, d’où le surnom de « lefebvristes » donné à ses prêtres et à leurs fidèles. En 1988, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) s’est d’elle-même excommuniée en sacrant des évêques contre l’avis du Saint-Siège et depuis on parle de schisme.
Que la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) l’admette ou non, elle était et elle demeure une communauté catholique traditionaliste essentiellement française. Certes, elle a des maisons dans divers pays. Cela dit, ceux qui dirigent, commandent et décident – étaient et restent – essentiellement des Français. Et pas seulement des prêtres français. Mais également des fidèles laïcs, et, surtout, des « bienfaiteurs » et « donateurs » laïcs. Il n’est pas rare, en effet, que telle ou telle veuve, riche et âgée, déshérite ses enfants et ses neveux (au motif qu’ils ne sont pas « traditionalistes ») au bénéfice de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX). Par ailleurs, contrairement aux prêtres diocésains sous autorité épiscopale, ceux de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) mènent une vie plus libre et parfois plus exaltante que l’ordinaire curé de paroisse.
Si ces prêtres traditionnalistes réintègrent l’Eglise, il y a fort à parier qu’ils ne voudront pas renoncer pour autant au « privilège » de leur « indépendance ». Même chose pour les évêques de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (on se souviendra encore longtemps de Mgr Williamson et de ses thèses négationnistes…). Car tout ce petit monde vit depuis quarante ans en vase clos et de façon plutôt confortable. Les laïcs fidèles de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX), eux aussi, se sentiront moins libres de tenir des sites, des blogues, des bulletins et autres feuilles de chou (à tirage et lectorat certes très limités dans tous les sens du terme…) qui trop souvent colportent des thèses judéophobes, complotistes et conspirationnistes (la FSSPX a longtemps été, au moins un peu, le « refuge » de néo-pétainistes, de monarchistes, de maurassiens et d’autres nostalgiques, qui, par-dessus le marché, s’excommuniaient les uns les autres…).
D’une certaine manière, cela les arrange bien, ces ecclésiastiques et ces laïcs, de pouvoir penser, dire, écrire et agir comme bon leur semble, en justifiant cela par le fait qu’ils seraient les seuls garants de la « vraie » doctrine, et, que l’Eglise, elle, depuis Vatican II, ne serait plus qu’une communauté ecclésiale « moderniste », « hérétique » et « apostate ». Dans ce contexte, je reproduis, ci-dessous, des extraits d’analyses – très récentes – effectuées par divers vaticanistes.
Dans le Figaro des 14 et 15 avril, Jean-Marie Guénois écrivait (extraits) : Les uns derrières les autres, Benoît XVI a abattu, de toute son autorité de pape, les obstacles qui empêchaient une pleine réconciliation avec les disciples de Mgr Marcel Lefebvre. Et si un accord final est annoncé dans les jours qui viennent, l'essentiel du travail a déjà été fourni par ce pape. L'échec apparent de ces dernières, il y a un an, avait donné l'impression d'un échec total de la négociation. Le désaccord doctrinal entre les lefebvristes et Rome à propos du concile Vatican II est effectivement abyssal. On avait simplement oublié que l'objet de ces échanges n'était pas de trouver un accord, mais d'établir la liste des différences et de leur pourquoi. C'est donc en parfaite connaissance de cause, et donc sans aucune ambiguïté, que Rome entend sceller cette unité retrouvée avec Ecône, fief des lefebvristes en Suisse. Elle passera probablement par l'attribution d'un statut spécial – une « prélature personnelle » – déjà expérimentée par l'Opus Dei.
Jean-Marie Guénois : Cette structure donne une véritable autonomie d'action dès lors que la foi catholique est partagée. Son supérieur rend compte directement au pape et non aux évêques. Mais la vraie « révolution » que Benoît XVI cherche à laisser aux yeux de l'histoire de l'Église catholique est ailleurs. Elle touche non pas des aspects périphériques de l'Église catholique. Ceux-ci font d'ailleurs déjà bondir les groupes opposés à cette réconciliation. Lesdits «progressistes» de l'Église conciliaire qui voient les «acquis» du concile Vatican II remis en cause. Lesdits «ultras» des rangs lefebvristes qui voient là une trahison et une compromission avec la Rome moderniste. Cette révolution a pour ambition une vision élargie de l'Église catholique. Le théologien Benoît XVI n'a jamais admis qu'en 1962, la bimillénaire Église catholique se coupe de la culture et de la force de son passé. Plus qu'une réconciliation avec les lefebvristes, il vise donc, par ce geste, une réconciliation de l'Église catholique avec elle-même, concluait Jean-Marie Guénois.
Le 17 avril, le vaticaniste Andrea Tornielli, cité par divers grands médias, écrivait (extraits) : Le supérieur général de la Fraternité Saint-Pie X, Mgr Bernard Fellay, le soir du 14 Avril a pris stylo et papier pour envoyer un message confidentiel aux trois autres évêques et à tous les prêtres appartenant au groupe lefebvriste, réaffirmant l'état des relations avec le Saint-Siège. Fellay, faisant référence aux indiscrétions de la presse sur une possible solution positive du dialogue avec Rome, aurait expliqué qu'à ce moment, rien de définitif n'est encore arrivé, ni dans le sens de la reconnaissance canonique, mais pas non plus dans le sens d'une rupture et, par conséquent, on est dans une phase d'attente. L'évêque, selon les indiscrétions recueillies par Vatican Insider, a voulu rappeler aux prêtres de la Fraternité ce qu'il avait déjà écrit il y a quelques jours, rappelant les deux principes qui guident les lefebvristes dans les relations avec Rome : le premier est que ne soient pas demandées à la Fraternité des concessions qui touchent la foi et ce qui en dérive (liturgie, sacrements, morale, discipline).
Andrea Tornielli : Le second est que soient concédées à la FSSPX une vraie liberté et une autonomie d'action, qui lui permette de vivre et de se développer. Comment interpréter ce message du Supérieur lefebvriste ? Tout d'abord, il est intéressant de noter que n'est absolument pas niée la possibilité d'une solution positive, que de nombreuses sources – tant parmi celles proches de la Fraternité Saint-Pie X, que parmi celles du Vatican – donnent aujourd'hui pour probable et imminente. Fellay, qui sait qu'il a une rébellion interne ouvertement opposée à l'accord (estimée à environ 25 pour cent, mais comprenant, même si c'est avec des positions différentes, les trois autres évêques, Williamson, Tissier de Mallerais et Gallareta), a sans doute voulu rassurer ses interlocuteurs internes sur le fait que le cadre canonique et le retour à la pleine communion adviendront selon ces deux conditions, déjà énoncées publiquement par lui ces dernières semaines, concluait Andrea Tornielli.
Le 18 avril, dans Le Nouvelliste, le vaticaniste Vincent Pellegrini écrivait (extraits) : Mgr Fellay, le supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, aurait signé un accord avec le Vatican. La nouvelle est tombée hier matin sur le site Meta-Blog : « Pas tout à fait minuit, ce 17 avril, alors que le pape est au lendemain de son anniversaire, la nouvelle tombe dans La Stampa, sous la plume d'Andrea Tornielli : Mgr Fellay a signé le préambule que lui propose Benoît XVI, "avec quelques modifications non substantielles" ». Si cette nouvelle s’avère exacte, elle signifie que le mouvement d’Ecône est sur le point d’être réhabilité et de retrouver un statut officiel dans l’Eglise. Les commentateurs penchent pour une prélature personnelle qui ferait dépendre Ecône directement de Rome. Cette réconciliation serait une sorte de miracle obtenu par le pape avec l’aide du supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, le Valaisan Bernard Fellay, l’un des quatre évêques d’Ecône dont l’excommunication a été levée en 2009 par le pape en signe de bonne volonté dans le dialogue.
Vincent Pellegrini : C’est en 2005 que l’atmosphère entre Rome et Ecône est sortie de la glaciation. En 2007, le pape donne un premier signal fort en réhabilitant l’ancienne messe latine baptisée «forme extraordinaire» du rite romain, la nouvelle messe restant la «forme ordinaire». Puis, en 2009, c’est la levée par le pape des excommunications contre les quatre évêques d’Ecône afin d’entrer en dialogue approfondi avec la Fraternité Saint-Pie X dans un climat de confiance mutuelle. Les discussions Rome-Ecône ont duré deux ans et huit rencontres. Mais les traditionalistes n’ont finalement pas voulu signer le préambule doctrinal proposé par Rome à cause du Concile Vatican II dont ils rejettent la liberté religieuse, la collégialité et l’œcuménisme. Tout semblait perdu. Mais le pape est revenu à la charge car il voulait coûte que coûte cette réconciliation qu’il avait failli réussir en 1988 déjà, lorsqu’il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, en faisant signer à Mgr Lefebvre une déclaration portant notamment sur le texte du Concile Vatican II Lumen Gentium.
Vincent Pellegrini : Malheureusement, des blocages étaient ensuite intervenus au sujet de la nomination d’un évêque traditionaliste. Cette fois-ci, la condition était qu’Ecône signe un préambule doctrinal. Ces derniers temps, des émissaires ont discrètement travaillé entre Rome et Ecône pour arrondir les angles. Cela explique la signature courageuse de Mgr Fellay et de ses assistants qui ont une partie non négligeable de la Fraternité Saint-Pie X contre eux. Mgr Galaretta, l’un des quatre évêques d’Ecône, n’a par exemple pas fait mystère de son opposition à la signature du préambule doctrinal présenté par les experts du Vatican placés sous la houlette du cardinal Levada, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi. L’heure de vérité a sonné pour Ecône. Selon certains observateurs, un tiers des membres de la Fraternité Saint-Pie X sont opposés à un accord avec Rome en l’état, un tiers veulent cet accord et le dernier tiers, légaliste, suivra la décision du Supérieur général de signer. Mgr Williamson est hors course et mis de côté, tandis que Mgr Tissier de Mallerais est plutôt du côté des durs avec Mgr Galaretta.
Vincent Pellegrini : Si l’accord se fait, c’est grâce à l’initiative personnelle et au courage de Mgr Fellay, le quatrième évêque et le Supérieur d’Ecône. Mais la signature du préambule doctrinal, si elle est confirmée, n’est qu’une étape. Il faudra sortir des cartons un modèle canonique officiel pour qu’Ecône entre dans le périmètre visible de l’Eglise. On sait que les traditionalistes d’Ecône ne veulent pas être sous l’autorité des évêques dont ils se sentent incompris. On évoque une solution semblable à celle donnée à l’Opus Dei qui ferait dépendre Ecône directement du pape. Reste à voir aussi la réaction des troupes de Mgr Fellay. Le camp traditionaliste va-t-il se lézarder ou faire corps? Pour l’heure on est dans l’attente d’une confirmation officielle de la signature. La persévérance de Benoît XVI à trouver une solution est apparue dès le lendemain de son élection, en 2005, lorsqu’il disait son désir que toute l’Eglise soit Une. Il pensait sans doute déjà à ramener dans le bercail les traditionalistes malgré le risque d’une large réprobation des évêques officiels à cause de la liberté théologique donnée de critiquer certains points de Vatican II, concluait Vincent Pellegrini.
Affaire à suivre…
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L’affaire est effectivement à suivre, et si elle aboutit à une solution de réconciliation, il faudra en saluer le travail formidable accompli par Benoît XVI et par Jean-paul II avant lui.
Je voudrais juste souligner un point de terminologie : ne confondons pas, s’il vous plaît, traditionalistes et intégristes.
Les traditionalistes sont ceux qui veulent une Eglise d’aujourd’hui, vivante dans le monde avec ses évolutions et sa diversité technique et morale, et qui soit pleinement assise sur sa tradition bi-millénaire. N’est-ce pas après tout le credo des historiens ? Si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne sauras pas où tu vas.
Les intégristes sont les “réactionnaires” de l’Eglise. Ils souhaitent que rien ne change, ils mythifient le passé comme seul idéal immuable ; ce qui est évidemment contradictoire car l’Eglise a toujours évolué : la messe que célèbre la FSSPX n’est d’ailleurs pas celle de Saint Pie V, mais celle du Bienheureux Jean XXIII, puisque c’est de lui que date la dernière version.
Dans cette version religieuse de la Querelle des Anciens et des Modernes, les divergences internes de la FSSPX montrent simplement qu’elle comprend ET des traditionalistes ET des intégristes.
Je pense que Benoît XVI a également conscience que la situation de blocage qui a perduré pendant des années a également eu pour origine l’intégrisme forcené, le mot n’est pas excessif, dont ont fait preuve autrefois, et parfois encore aujourd’hui, les partisans fanatiques d’une application extensive voire abusive du Concile Vatican II. La morgue et l’intransigeance de ces clercs persuadés de détenir la seule et unique vérité, et traitant tous ceux qui protestaient d’obscurantistes, m’a sérieusement fait penser à la tactique de la gauche consistant à qualifier tous ses opposants de fascistes.
Chrétien traditionaliste moi-même (mais certainement pas intégriste), j’ai eu plus d’une fois, y compris à une époque récente, à déplorer une attitude d’exclusion de la part de ceux qui se nommaient bien improprement “progressistes” : on se serait cru revenu au temps du “pas de liberté pour les ennemis de la liberté”…
Pareille attitude a largement contribué à radicaliser les positions, et il faut se féliciter aujourd’hui de l’attitude de Benoît XVI qui va peut-être, si Dieu lui prête vie, réussir à guérir l’Eglise de quarante ans de gâchis…
je ne voudrais pas terminer sans remercier et féliciter Michel Garroté d’avoir évité, pour désigner le rit tridentin, le caricatural et insupportable “messe en latin” si prisé par les journaleux qui parlent de sujets qu’ils ne connaissent pas…
@MG: Respect et admiration pour le travail de recherche, documentation et la connaissance de la “cause traditionaliste” dans la rédaction de cette analyse.
Dossier ardu mais essentiel. Merci!
Bonjour MG, je suis un novice en la matière, une simple question me vient à l’esprit:
Serait-ce une bonne chose qu’une réconciliation entre la confrérie Sacerdotale Saint Pie X et l’Eglise ou non?
A vous lire j’ai l’impression que c’est un refuge pour certains antisémites, nostalgiques de l’extrême droite version post-1945 et autres négationnistes.
L’Eglise à vraiment besoin de CA?
Ce qui me gêne avec les Lefebvristes,donc à ne pas confondre avec les Traditionalistes qui sont les adeptes de la messe en latin mais toujours dans l’Eglise catholique si j’ai bien compris, c’est le refus de la liberté religieuse.
Pour le moment, les Lefebvristes auraient donc pour l’Eglise catholique le statut des Orthodoxes : pas excommuniés, mais pas non plus membres de l’Eglise catholique.
À la différence de l’église classique en France, les Traditionalistes et les Lefebvristes ont beaucoup de prêtres, beaucoup de fidèles, fidèles qui en plus ont des enfants, contrairement aux catholiques classiques. Ils se développent là où les autres disparaissent. Ensuite, un certain nombre mélangent la politique et la religion, sont antisémites même si ils ne souhaitent massacrer personne, anticapitalistes, contre le profit, anti finance mondialisée, contre l’empire américain, complotistes, etc. assez français finalement dans leur vision du monde. Même si ils ne faut pas faire de généralités.
Si ils sont si développés en France, c’est il y a toujours eu dans ce pays une partie des Français qui a refusé la révolution française, puisque ce mouvement a une vision religieuse relativement politique. Cela marque aussi l’échec de l’épiscopat français trop acquis à une certaine modernité tiède et sans fondements qui devait ouvrir sur des lendemains qui chantent, ainsi qu’à sa collusion avec le pouvoir politique intellectuel et médiatique que refusent précisément les traditionalistes – Lefebvristes.
à Thot : c’est pour cela que j’ai précisé “FSSPX”. Il y a des communautés, dans l’Eglise, qui pratiquent le rite tridentin et ces communautés ne posent pas de problème majeur : L’Institut du Bon Pasteur ; La Fraternité Saint-Pierre ; etc.
Michel Garroté
Tenez Monsieur Garroté, je vous laisse découvrir qui sont ces “bons” chrétiens devant l’Eternel, pffff….juste avant que leur blog soit fermé pour antisémitisme…..ils parlent même de vous, je ne doute pas que vous les connaissiez déjà…
http://intransigeants.blogspot.fr/
Irrecevable !
Comment pouvez-vous donner sans autre forme de procès – c’est le mot – une telle référence, sachant très bien que ces gens ne sont nullement représentatifs du courant traditionaliste. Ce faisant vous généralisez un cas particulier, c’est de la malhonnêteté intellectuelle, je suis désolé d’avoir à vous le dire.
Bien évidemment ces “Intransigeants” sont des dingues qui n’ont rien compris et qui n’ont selon moi pas leur place dans l’Eglise.
Des extrémistes il y en a aussi chez les juifs, chez les musulmans (plus qu’ailleurs peut-être…), et chez les athées.
à Kathleen : Ils ont fermé leur blog car je leur ai taillé un costume sur mesure à coups de pied aux fesses. J’ai révélé leurs identités. Cela leur a fait tellement peur qu’ils ont lâchement disparu dans les cloaques. Mais attention : ils ne sont pas la FSSPX. Evitons les amalgames.
Michel Garroté
Permettez-moi à nouveau d’intervenir en tant que fidèle de la mouvance traditionaliste (petite précision : je ne fais pas partie des Lefebvristes, car je ne me concevrais pas hors de l’Eglise).
Tout d’abord : non, Francis, non ! Evitez ce genre de caricature ! Les propos de Mgr Williamson n’engageaient que lui, Dieu merci, et l’article de M. Garroté ne tend pas, me semble-t-il, à assimiler les Lefebvristes à une bande d’antisémites.
Ensuite pour Thor : le statut des Lefebvristes est un peu plus compliqué que cela, et d’ailleurs assez mal défini juridiquement, mais ne rentrons pas dans les subtilités du droit canon.
En revanche, je ne peux vous laisser parler de refus de la liberté religieuse.
En effet, la position des Lefebvristes, et d’ailleurs de tous les traditionalistes, est la suivante en la matière :
Les hommes sur la terre espèrent être sauvés à la fin des temps. Parmi ceux qui suivent la foi catholiques, certains ne le seront peut-être pas ; parmi ceux qui ne la suivent pas, certains le seront peut-être ; tant il est vrai que nous serons jugés, non sur notre adhésion formelle, mais sur nos actes.
En revanche, ceux qui suivent une autre religion seront sauvés, non grâce à leur religion propre, mais malgré elle. Nous suivons en cela la volonté de Dieu : on ne revient pas sur la liberté individuelle de l’homme, mais une erreur reste une erreur et doit être appelée telle. On le résume aussi en disant : abhorarre errorem, amare errantes : je hais l’erreur mais j’aime celui qui la professe.
C’est ainsi que si j’ai face à moi quelqu’un qui professe une opinion fausse, je le respecterai en tant qu’être humain, mais je ne respecterai pas son opinion.
Ce principe peut être difficile d’application : à l’extrême, il a permis, à une époque heureusement brève, l’Inquisition. En revanche il procède d’une différenciation fondamentale entre une vision subjective, rousseauiste, de la vie (ce que je sens être bien EST bien, ce que je sens être mal EST mal – je mets les majuscules à dessein), et une vision objective : il y a un BIEN qui existe indépendamment de l’opinion ou de la morale individuelle. On peut discuter sur sa nature ou sa définition, mais on ne remet pas en cause le principe de son unicité.
Un tel principe me paraît au demeurant plus propice que l’autre à des débats constructifs tels que ceux qui existent sur ce site…
merci enfin, Thor, d’avoir souligné “l’échec de l’épiscopat français trop acquis à une certaine modernité tiède et sans fondements” : c’est tellement vrai !
Thierry,
– “Les propos de Mgr Williamson n’engageaient que lui…”. Non. Votre vision de la société est trop pointilliste, trop anecdotique, pas assez collective. Si Williamson (pourquoi, d’ailleurs, l’appelez-vous Mgr ?) a proféré ces propos, c’est qu’ils trouvaient un écho dans sa mouvance. Dans le domaine des idées, un individu exprime toujours ce que son milieu ressent, et, souvent, il l’exprime mieux, ou plus tôt, ou de façon plus pertinente que lui.
– “L’Inquisition, dans une époque heureusement brève” ? Une institution, créée au début du 13e siècle, qui a vu la dernière exécution par le feu, en Espagne, en 1781 ? Près de six siècles d’existence : vous trouvez ça bref ?
Sur Williamson, voir plus loin, j’amende quelque peu mon propos.
Je l’appelle Mgr parce qu’il est évêque…notez toutefois qu’après ses propos négationnistes il a été vigoureusement désavoué et interdit de parole par le supérieur de la FSSPX, Mgr Fellay.
Quant à l’Inquisition, je faisais court pour faire allusion à la période où elle a été la plus virulente. Notez d’ailleurs qu’elle existe toujours, sous le nom de Congrégation pour la Doctrine de la Foi, autrefois appelée Sacrée Congrégation de l’Inquisition Romaine et Universelle.
Enfin et pour information, de récentes études montrent que, contrairement à la légende colportée par les révolutionnaires, l’Inquisition fit peu de victimes : plus de 90% de ses sentences étaient légères (prières, pélerinages…)ou clémentes (prison…).
L’Inquisition fit en tout cas infiniment moins de morts au nom du Catholicisme en 900 ans d’existence que la Révolution Française en quelque mois au nom de l’athéisme…
Thierry, je fais très clairement allusion à la FSSPX. Cela n’a rien à voir avec les autres traditionalistes (Fraternité Saint-Pierre, Institut du Bon Pasteur, etc, etc, etc).
Michel Garroté
Je l’avais compris mais je souhaitais répondre à Thor de façon complète
@Thierry : je reprenais ce que disait l’article. Je ne connaissais pas le contenu de la liberté religieuse telle que vous l’expliquez, mais finalement, cela n’a aucun rapport avec la liberté religieuse : pourquoi cet intitulé plus en rapport avec l’absolu ou le relativisme en matière spirituelle et morale ?
Pour la révolution française, il faut dire que celle-ci n’a pas été vraiment gentille avec les catholiques, devenant la source de tous les génocides suivants comme l’indiquait Soljenitsyne, qui aura tué plus en 50 ans que l’inquisition européenne en huit siècle.
En regardant la situation en France aujourd’hui, je finis par me demander s’il n’y a pas quelque chose de pourri en république de France. Effectivement, si l’on croit à la nature humaine, qui est un concept à mon sens scientifique: quels sont les besoins du monde, et de l’humanité, les besoins d’un être humain, qu’est-ce que le mal, la marge de relativisme est assez étroite. D’ailleurs, je crois que les droits de l’homme sont universels.
Qu’il est bon d’être athée… Sans penser à toutes ces oncneries.
Pour ma part je ne peux que vous plaindre de vivre dans votre seule contingence…
“oncneries” ???
Tu vois, sans Dieu, difficile d’écrire comme il faut.
J’adore votre humour !
Au delà de ces bagarres absurdes pour d’irrationnelles croyances, les observateurs auront sans doute remarqué sur la photo couleur que les lefébristes ont pris pour emblème le blason du Lis* attribué à Jeanne par Charles VII en Juin 1429, quelques jours après la libération d’Orléans et la bataille décisive de Patay.
“Jeanne était une Orléans”, écrivait Jean Jacoby. “Elle représentait le pouvoir royal, la légitimité, l’ordre. On était armagnac-orléans ou bourguignon, non par sympathie pour Charles VII ou le roi Henry VI, mais par tendance politique, comme on est conservateur ou libéral.”
Jean Jacoby ajoutait que le patriotisme national était une valeur inconnue au XVème siècle, dans une France en proie au schisme d’une église qui eut à cette époque jusqu’à trois papes simultanément.
On comprend ces traditionnalistes médiévaux d’avoir récupéré ce symbole royaliste de droit divin, mais pour quoi voteront-ils Dimanche? Bleu Marine ?
* “Un escu en champ d’azur, avec deux fleurs de lys d’or, et une épée la pointe en haut féruë en une couronne”. Deux fleurs de lys et une couronne pour affirmer l’ascendance royale de Jeanne (fille de la reine Isabeau de Bavière et du Duc Louis d’Orléans) et une épée partageant le blason, signe de bâtardise ou plus précisément d’illégitimité puisque le père de Jeanne n’était pas roi mais Duc!
Thierry
– Pourquoi trouvez-vous l’expression “messe en latin” “caricatural[e] et insupportable” ? Parce qu’elle pas dite en latin ?
– Et si c’est vrai, pourquoi la messe tridentine n’est-elle pas dite en français ? Qu’est-ce que le latin lui apporte de plus ? Ou qu’est-ce que la langue vernaculaire lui enlève ? Croyez-vous que Dieu, depuis le temps qu’Il existe, n’a pas eu le loisir d’apprendre toutes les langues vivantes possibles et imaginables (et avec l’accent) ?
Je crois (ce n’est pas un article de foi), enfin je pense, que cette histoire de langue a une grande importance pour certains.
Regardez par exemple chez les maisons concurrentes: pour les barbus à chapeaux noirs et rouflaquettes, Y. . . ne parle qu’Hébreu.
Pour les barbus égorgeurs, ils se mettent à quatre pattes 5 fois par jour devant un Allah qui habite La Mecque et ne parle que l’Arabe.
Et les tradis ou intégris, leur Dieu ne parle que latin depuis Constantin (ce n’est pas le même Dieu que celui du Rabbi Yéshoua, qui parlait Hébreu à son Fils, et aussi l’Hébreu ou l’Araméen, par la voix de l’Ange, à la mère de son Fils; elle non plus n’est pas la Notre Dame de l’Ave Maria ou du Salve Regina: c’était une juive de chez juif, vous vous rendez compte!)
A cela il y a au moins deux raisons: des théories de la connaissance prétendent qu’on ne pense qu’avec des mots- donc ceux d’une langue précise, première raison.
Ensuite il y a la mentalité magique chez ceux qui en sont encore là: les formules opératoires, comme “Sésame ouvre-toi”, n’agissent que si chaque son est émis dans l’ordre prescrit, on retrouve ça dans tous les contes de fées. Depuis la nuit des temps, les sorciers de toutes les peuplades bénéficient d’un prestige lié à leur capacité à manier les incantations mystérieuses dans la langue des esprits, et que le bête laïc évidemment ne peut maîtriser car il n’est pas un initié. On retrouve ça encore très fort dans le grand public quand on va nous parler des “grands économistes” comme Strauss-Kahn ou Attali, qui eux sont des grands clercs.
On n’est donc pas près de voir les “istes” renoncer au latin.
A Jean Robin qui interroge Thierry : le rite tridentin date du 16e siècle et il est donc en latin liturgique du 16e siècle. Il y aussi des messes en araméen, en syriaque, etc. L’Eglise catholique reconnaît divers rites en diverses langues anciennes ou récentes.
Michel Garroté
Merci Michel pour cet article qui nous apporte matière à connaissance et à réflexion. Surtout pour moi qui suis agnostique de philosophie et pratiquement athée de croyance.
Mais à te lire sur des sujets aussi précis, j’atteins vite mes limites de compréhension en espérant toutefois que ces lectures me font avancer à petits pas, approfondissant un chouilla la superficialité de mes connaissances théologiques.
Merci aussi à Thierry pour ses excellents commentaires, en particulier pour son commentaire sur la distinction à faire entre traditionalistes et Intégristes.
Je déplore bien sûr que la FSSPX puisse t’être le refuge d’intégristes dont la nature me paraît bien ciblée par Thot Har Megiddo : “un certain nombre mélangent la politique et la religion, sont antisémites même si ils ne souhaitent massacrer personne, anticapitalistes, contre le profit, anti finance mondialisée, contre l’empire américain, complotistes, etc. assez français finalement dans leur vision du monde”.
Ma question est de savoir ce qui attire d’un point de vue doctrinal ces intégristes dans un mouvement comme la Fraternité saint Pie X. En particulier qu’est-ce qui justifierai dans ce mouvement leur antisémitisme ? Je te saurai gré si tu pouvais éclaircir ce point.
Enfin je vois que sansdieu fait une brillante démonstration de ce que disait Thierry, à savoir que : « Des intégristes il y en a aussi chez les juifs, chez les musulmans (plus qu’ailleurs peut-être…), et chez les athées. ».
je m’étais penché un jour sur l’expression « les juifs perfides » qui fut présente dans la liturgie française pendant longtemps jusqu’au dernier concile en 1962. En fait, cette expression ne fait absolument pas partie de la théologie catholique, signifiant « les juifs en dehors de notre foi», mais perdit sa signification en français au profit d’une autre totalement fausse. Dans les autres langues, elle n’était d’ailleurs pas traduite comme en français. En revanche, Luther avait une vision antisémite assez proche de cette expression.
Pourquoi l’épiscopat français laissait-il cette expression fausse ? Je ne sais pas. Dans l’article de WIKI, il est dit qu’il y eût dans l’épiscopat français une tradition antisémite que l’on ne retrouve pas ailleurs. Était-ce du à la haine du commerce de l’argent, et du commerce tout court, qui a longtemps caractérisé la société française ? Comme d’ailleurs aujourd’hui encore ? Je n’ai pas la clé.
Sinon, j’ai déjà rencontré des traditionalistes qui n’étaient absolument pas antisémites, et pour certains même soutenaient Israël, les conservateurs américains, le commerce international et la nécessité d’un système financier.
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Barakat écrit : “Ma question est de savoir ce qui attire d’un point de vue doctrinal ces intégristes dans un mouvement comme la Fraternité saint Pie X. En particulier qu’est-ce qui justifierai dans ce mouvement leur antisémitisme ? Je te saurai gré si tu pouvais éclaircir ce point”.
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La FSSPX est différente des autres fraternités, instituts et communautés traditionalistes. La FSSPX est “hors de l’Eglise” depuis 1988 (schisme et excommunication). Elle et ses mouvances se composent – pas uniquement, mais en partie tout de même – de gens qui adhèrent à une forme anachronique de catholicisme pétainiste antisémite et maurrassien antisémite. Une forme de catholicisme qui s’appuie sur des auteurs catholiques français antisémites du 19e siècle et de la première moitié du 20e siècle. Il se trouve qu’au plan doctrinal, le catholicisme ne peut pas et ne doit pas être antisémite. Cette incompatibilité doctrinale entre catholicisme et antisémitisme a été démontrée par Saint Bernard, par le pape Pie XI (à ne pas confondre avec le pape Pie XII), par l’écrivain catholique français Jacques Maritain et par d’autres encore.
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Michel Garroté
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Je vous remercie de cette précision. Il y a effectivement une certaine forme d’antisémitisme à la FSSPX, probablement due en partie à; cette fameuse accusation imbécile de déicide. Citons l’Evangile (Luc XIX, 41-44), le passeg où Jésus pleure en disant :
“Ô Jérusalem, des jours viendront sur toi où tes ennemis t’environneront de tranchées, t’encercleront et te serreront de toutes parts, et t’écraseront, toi et tes enfants, et ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as pas su reconnaître le temps où je t’ai visitée.”
On pourrait discuter sans fin sur la pertinence de ce que dit Jésus : est-ce parce que le peuple Juif n’a pas su reconnaître son Messie qu’il a subi tous ces malheurs ? C’est là affaire de foi. Ce qui est certain en revanche, c’est que jamais au grand jamais, le Christ n’appelle à la vengeance ou au ressentiment envers le peuple juif : au contraire, il pleure sur ses malheurs à venir !
Il y a incompatibilité doctrinale entre catholicisme et racisme, et plus encore, entre catholicisme et antisémitisme, c’est évident.
L’expression “juifs perfides” signifie, dont chacun a bien compris le sens étymologique, a fait débat dans l’Eglise depuis longtemps. C’est finalement Benoit XVI qui en 2008 a tranché la question en la retirant purement et simplement du texte.
et le Concile de Trente condamna également l’antisémitisme
De toute façon, soyons clair : un catholique qui serait raciste s’exclut lui-même du catholicisme !
Catholique signifie Universel : Dieu s’est fait homme pour tous les hommes, pas pour les juifs, ni les arabes, ni les caucasiens, ni les noirs, pour tous ! L’autre a beau être autre, il n’en est pas moins homme, et comme tel il est mon frère. Oui, même le terroriste musulman – même si, bien sûr, je peux aimer et sanctionner mon frère s’il a mal agi…
Thierry
– “Il y a incompatibilité doctrinale entre catholicisme et racisme, et plus encore, entre catholicisme et antisémitisme…”
– Et où pensez-vous que se situait l’énorme majorité des catholiques (clergé et fidèles) durant l’affaire Dreyfus ?
– Et que croyez-vous que fut l’attitude du clergé durant la plus grande partie des huit années de l’affaire Finaly ?
Vous connaissez aussi bien que moi la réponse à ces deux questions. Ne refaisons pas l’histoire conjointe des juifs et des chrétiens, surtout pas en ces temps troublés. Je sais que même aujourd’hui il existe encore des gens qui croient que Dreyfus était coupable ; quant à l’affaire Finaly, c’est une tache pour l’Eglise.
Cependant, faites-moi la grâce d’accepter ce que je vous dis sur le plan des principes : je ne dis pas qu’un catholique ne DOIT pas être raciste, je dis qu’il ne PEUT pas l’être, c’est incompatible, et celui qui fait preuve de racisme a raté un chapitre de la Bible…
Il est tard, je me laisse aller à vous conter une anecdote personnelle : mon oncle, avocat, avait dans sa ville une réputation sulfureuse : professant des idées de la droite extrême, fréquentant ouvertement la FSSPX, ne se privant pas de phrases douteuses sur les races et les religions, il passait pour le facho de base. Un jour (c’était au début des années 80), voilà qu’il embauche un avocat stagiaire..togolais. Et de confier à sa famille sa consternation en voyant défiler tous ses confrères avocats, bourgeois catholiques “progressistes” de centre-ville façon RPR, qui tous lui disaient “mais quelle idée as-tu eu de prendre un noir, imagine l’effet sur ta clientèle, etc…” Lui en était désolé, il n’avait pas embauché un noir ni un togolais, il avait embauché un jeune prometteur.
Jean Robin, les choses ne sont jamais si simples ni tranchées qu’elles paraissent…
L’expression “messe en latin” est caricaturale et insupportable pour un très grand nombre de raisons, quoiqu’ayant été reprise à l’envi par des journalistes qui, j’insiste, parlent de la question sans la connaître. Cette expression est en fait extrêmement réductrice.
Il faut d’abord savoir que la forme ordinaire du rite, ou “Messe Paul VI”, dite parfois “messe en langue vernaculaire”, bref la plus courante, a été écrite en latin ! Le texte “officiel” est et reste en latin, simplement l’ordinaire catholique est autorisé à célébrer en langue vernaculaire. On trouve d’ailleurs en France quelques endroits où cette messe “non-tradi” est dite en latin.
D’ailleurs, la question de la langue est loin d’être la principale différence entre les deux formes du rite, mais j’y reviendrai, terminons sur le latin.
Le Concile Vatican II, contrairement à des idées reçues, n’a pas aboli l’usage du latin. Il a même insisté sur le rôle de cette langue dans l’Eglise.
En 2006, le cardinal nigérian Francis Arinze, Préfet de la Congrégation du Culte Divin, exposait bien mieux que je ne le saurais le faire les arguments qui militent en faveur du latin. Je vous donne ci-après le lien (c’est en anglais) :
http://www.zenit.org/article-21469?l=english
Et je vous résume l’essentiel :
Le latin est « la langue juste pour une Eglise qui est universelle, une Eglise dans laquelle tous les peuples, toutes les langues et les cultures devraient se sentir chez elles », et où personne ne doit être considéré comme étranger. En outre, la langue latine a une certaine stabilité que les langues parlées quotidiennement – dans lesquelles les mots changent souvent de nuance ou de sens – ne peuvent pas avoir.
« Le latin a la caractéristique de posséder des mots et des expressions qui maintiennent leur sens de génération en génération », C’est un avantage quand il s’agit d’articuler la foi catholique et de préparer des documents pontificaux ou d’autres textes de l’Eglise. Et d’affirmer que le latin est concis, précis et poétiquement mesuré. « N’est-il pas admirable que des personnes, particulièrement les clercs, si bien formés, puissent se rencontrer à des réunions internationales et être capables de communiquer entre eux au moins en latin ?»
En résumé le latin a la caractéristique de l’universalité.
Mais comme je vous le disais, le problème de la langue utilisée, bien que réel, n’est que le moindre !
Je vais éviter un exposé complet des profondes et nombreuses différences qui existent entre les deux formes du rite car je n’en ai pas la compétence et si l’Abbé Arbez passe par ici je risque de me faire tirer les oreilles…je n’en citerai qu’une :
“ON” nous dit que “chez les intégristes, la messe est dite en latin avec le prêtre dos tourné aux fidèles” (sic).
Le prêtre dos tourné aux fidèles : combien cette expression est maladroite et surtout fausse !
Bien sûr, pendant une bonne partie de la messe, le prêtre est tourné vers le Christ, et donc géographiquement parlant (re-sic), il tourne le dos aux fidèles.
Mais qu’est-ce que la messe ? S’agit-il de chrétiens qui se réunissent entre eux pour lire des textes sacrés et commémorer le dernier repas de Jésus ? Ou alors, s’agit-il de l’assemblée des Enfants de Dieu qui se rassemblent pour le sacrifice en Son nom ?
Lorsque nous assistons au rite tridentin, nous sommes, tous ensemble, avec le prêtre à notre tête, tournés vers le Christ pour célébrer le Saint Sacrifice. La Messe, en effet, est le sacrifice offert par les fidèles au Christ chef de l’Eglise, et il est donc normal que tous soient tournés vers celui à qui elle est dédiée. Bien entendu, dans sa partie d’enseignement, lectures de la Bible et des Evangiles, le prêtre est tourné vers les fidèles, c’est normal.
Mais je peux vous dire que jamais, au grand jamais, je n’ai eu ce sentiment d’avoir un prêtre qui me “tournait le dos” ! il ne me tourne pas plus le dos que le chef qui marche à la tête de ses troupes.
Une dernière remarque : il n’est pas faux de dire que le rite tridentin est quelque peu figé (moins qu’on ne l’imagine d’ailleurs). Mais c’est là une réaction normale de repliement face aux attaques violentes dont il a été victime jusqu’à une époque récente ! Il faut savoir qu’autrefois, ce rite évoluait, et d’ailleurs sa version actuelle date de…2008 ! Je suis pour ma part persuadé que la re-normalisation en cours permettra la coexistence et l’évolution harmonieuse des deux formes du rite.
Thierry
– La philosophie grecque continue à être étudiée et comprise dans la plupart des langues contemporaines. Et elle n’empêche pas de comprendre les études anciennes écrites sur le même sujet.
– L’invocation de la “stabilité” du latin n’est qu’un prétexte.
Les scientifiques et chercheurs qui étudient des sujets communs, philosophie grecque ou autre, ont besoin, pour communiquer, d’une langue commune, souvent l’anglais d’ailleurs. De même, le latin est utilisé à l’intérieur de l’Eglise comme langue de communication, cela n’a rien de choquant.
En revanche, le latin de la messe n’est pas une langue d’étude, mais la langue de la célébration, ce qui n’a rien à voir ! J’aimerais asse que vous me disiez de quel “prétexte” il s’agit.
–
Thierry a écrit : “En revanche, le latin de la messe n’est pas une langue d’étude, mais la langue de la célébration, ce qui n’a rien à voir ! J’aimerais asse que vous me disiez de quel ‘prétexte’ il s’agit”.
–
Je ne comprends pas votre question. ‘Prétexte’ pour quoi ? Pour la messe en latin ?
–
Michel Garroté
–
Ma question était justement de demander à Jean Robin de préciser sa pensée :
” L’invocation de la « stabilité » du latin n’est qu’un prétexte”
Prétexte pour quoi ?
Michel Garroté,
– Effectivement, l’invocation des “qualités” du latin (non-variabilité des termes, possibilité pour les clercs de divers pays de se comprendre) pour justifier la messe tridentine – et sa célébration en latin n’est qu’un prétexte.
– C’est un prétexte parce que l’usage du latin a une connotation, à plusieurs niveaux, “réactionnaire”. Réactionnaire d’abord à l’égard des protestants, qui célébraient leur culte en langue vernaculaire. Réactionnaire aussi en esprit, en ce que le latin apparaissait comme une langue noble, hiératique, une “katharévousa” réservée à une “élite” de clercs, distincte du simple peuple des fidèles.
– C’est aussi un prétexte parce que, à l’époque où se sont exprimées les premières crispations à l’égard du concile Vatican II (c’est-à-dire dans les années 1960), la connaissance du latin – en dehors même de son usage liturgique – était un “marqueur social”, qui distinguait les élèves des beaux quartiers, qui fréquentaient le lycée d’enseignement général (où on enseignait les “humanités”) des élèves des quartiers populaires, qui allaient au lycée technique – où latin et grec étaient inconnus.
– Accessoirement, le concile s’est achevé en décembre 1965, guère plus de deux ans avant les événements de Mai-68, donnant aux plus conservateurs des catholiques (qui recouvraient aussi, en grande partie, les plus conservateurs en politique) l’impression que “tout foutait le camp” (sempiternelle rengaine depuis l’Antiquité) et qu’il fallait “serrer la vis”, notamment en revenant aux “bons vieux fondamentaux”.
– Car, au fond, l’usage du latin dans la liturgie n’a aucune justification. Comme je le disais, depuis le temps que Dieu existe, Il a eu tout le temps d’apprendre les langues vivantes…
Vous mélangez l’usage du latin comme langue sacrée avec, à la fois une dimension sociale erronée, et une querelle des Anciens et des Modernes bien réelle mais qui se situe sur un plan différent.
J’ignore si vous êtes vous-même chrétien. Si oui, peut-être savez-vous qu’autrefois tous les fidèles, quel que soit leur niveau social, connaissaient leur latin d’église. Certains le comprenaient mieux que d’autres, c’est tout. Ayant fait, comme on dit, mes humanités, je suis aujourd’hui, à la messe, dans la minorité de ceux qui comprennent ce qu’ils lisent sans avoir tant besoin de la traduction. Mais jamais je ne me sens supérieur aux autres fidèles pour cela ! Vraiment j’ignore où vous avez vu les comportements que vous décrivez…
Quant à votre remarque sur le “tout fout le camp”, ce genre de réflexion a toujours existé et existera toujours, c’est inhérent à la nature humaine. Latin ou pas, vous trouverez toujours, dans tous les champs de pensée, l’opposition entre deux catégories d’imbéciles : ceux pour qui seul le passé est bon, et ceux pour qui seul l’avenir est bon. Mais encore une fois, la crispation sur le latin est venue pour une grande part du fascisme intellectuel dont furent victimes les traditionalistes en leur temps. Contrairement à une idée reçue, hors ces périodes d’opposition, l’Eglise a souvent été capable d’évolution…
Thierry
– En vertu de quoi une langue serait-elle “sacrée” ? Et, de surcroît, une langue aussi arbitraire que le latin ? Qu’est-ce ça apporte de plus à Dieu de lui adresser une prière en cette langue ?
Monsieur Robin vous êtes vraiment exquis!
En vertu de quoi une langue serait sacrée? Parce que vous distinguez langue et écriture!
Le sacré c’et ce qui n’est plus usité et qui lui confère ce caractère.
Quand une langue n’est plus utilisée comment la rendre accessible donc la vulgariser?
C’est vrai qu’au départ il n’y avait que la tradition orale, comme toutes les religions. Les musulmans auront bon croire que le Coran est descendu du ciel,quand on pense que l’écriture arabe est venue en même temps que lui, c’est comique et c’est très poétique. Tout comme Socrate n’aurait jamais pondu une ligne.
Ben tout simplement parce qu’une langue renvoie à un texte, un signifiant et un signifié donc à une pensée qui contribue au tissu, au lien intellectuel d’une société. Il renvoie à un cordon ombilical.
Mais cela ne nous dit pas quelle langue parle Dieu.
A Thierry
(Veuillez me pardonner de vous emprunter votre message pour répondre à Nejma – mais vous pouvez aussi le prendre pour vous)
A Nejma, donc
– Les tenants de la messe tridentine ne sont jamais parvenus à m’expliquer pourquoi ils tenaient tant à dire “Credo in unum Deum” plutôt que : “Je crois en un seul Dieu”.
– Qu’est-ce que cela change au sens de l’énoncé ? En quoi Dieu acquiert-il de nouvelles qualités d’être nommé en latin ?
Jean Robin sourire, très grand sourire, c’est à vous que je m’adressais, Thierry ne me répondra pas.
Je ne suis pas la mieux placée pour vous donner des réponses. Mais je pense que comme l’arabe est la langue de l’Islam, le latin est la langue de l’Eglise. Ce n’est certes pas un scoop pour vous.
Toutefois la réutilisation du latin comme langue liturgique resservirait de lien social, chanter et réciter dans une même langue comme le font les musulmans.
Cela donne un côté avec plus de magnificence, plus solennel, cela permet de mieux atteindre Dieu, les anges, la profondeur donc la quête intérieure. Parce que voyez-vous il y a une grande crise de foi, et l’Eglise tente de revenir aux fondamentaux pour tenter de conjurer la crise.
Mais comme disait ce taquin de Saint_Augustin: “Crois et tu comprendras; la foi précède, l’intelligence suit.” Ou encore mieux, elle est plus délicieuse cette citation;”La compréhension est la récompense de la foi. Ne cherche donc pas à comprendre pour croire, mais crois afin de comprendre, parce que si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas”. Vous m’avez compris?
Merci pour cette belle réponse Nejma, je suis de plus particulièrement attaché à cette phrase de St Augustin.
Jean, je commence à me demander si vous avez lu ce qui précède…
Bien entendu le latin n’est pas “sacré” en lui-même, mais il est la langue du sacré. Personne n’a prétendu que Dieu acquérait de nouvelles qualités d’être nommé en Latin ! Qui plus est, comme l’a rappelé MG plus haut, d’autres Eglises Catholiques célèbrent le rite en d’autres langues. L’usage du latin est issu d’une tradition, il est là pour la beauté, mais personne ne lui prête une dimension proprement active voire magique comme disait Bruno plus haut !
L’usage du Latin dans les sociétés occidentales sert, selon moi, à rappeler que l’Eglise Catholique est universelle, qu’elle passe au-dessus des différenciations nationales. A côté de cela, la messe en latin est, à mes yeux d’occidental bien sûr, plus belle que la messe en français.
Je me permet d’intervennir sur ce chapitre. Je connais très bien ces “Francs catholiques”. Il faut comprendre qu’en France, une église est souvent battie sur des fondations romaines, elles mêmes reposant sur d’anciens sites celtes. En rejetant la religion les français ont couper avec leurs racines plus anciennes qu’on ne pense.
@ Michel Garroté
@ Thierry
« En revanche, le latin de la messe n’est pas une langue d’étude, mais la langue de la célébration, ce qui n’a rien à voir ! J’aimerais asse que vous me disiez de quel ‘prétexte’ il s’agit ».
On se fout d’étudier un bouquin juif en latin. La langue française est une simplification du latin. Selon Charles Magnes “l’incompréhension du peuple contre le mécontentement des grammériens”. On a besoin du latin comme du Provensal ou du breton.
Il faut savoir que les tradis ne rejoignent pas Benoit 16 même s’ils sont trahis par leur élite. Selon les prophéties de sainte Thérèse et celles du sacré coeur, et d’autres paiennes il est prévu qu’il y ait un anti-pape et selon eux l’église est sataniste. Le pape veut unir les religions dans un oeucumenisme, il veut partager Jerusalem en trois. Vous ne pouvez pas savoir quelles ficelles il tire. Les français natios cathos ne sont pas avec lui et ne sont pas aussi antisémites que l’on pense parce que leur identité n’et pas tout entièrement fondée sur l’évengile mais a des apports paiens. Ils n’ont pas le désir de se substituer au juif. Pendant la guerre à Londres il y avait une moitié juive et l’autre tradi.
@Michel
Merci pour ta réponse.
Il n’y a donc pas de justification doctrinal à leur antisémitisme ; non seulement dans l’Eglise Romaine mais aussi dans la Fraternité Saint Pie X. Il n’y a que tentative de justifier leur haine camouflée (jalousie ? intolérance ? etc.) par la manipulation et le détournement de textes, par la réactivation de vieux fonds (que tu qualifies d’anachronismes) anti-juifs.
Attitude si peu chrétienne pourtant.
Il faut quand même déplorer que la FSSPX n’ait pas mis de l’ordre dans ses rangs. Laxisme coupable dont on ne peut les dédouaner à bon compte.
@Thierry
“Il y a en effet cette fameuse accusation imbécile de déicide”
On peut en effet retourner l’idée de “déicide” comme on veut, sur le plan théologique ou même d’un point de vue philosophique profane, c’est en effet un concept très curieux et parfaitement absurde. Imbécile me convient très bien.
@sansdieu
Les démocraties sont nées des pays chrétiens et il ne pouvait en être autrement. Aussi peut-être devriez vous vous intéresser aux raisons qui ont conduit vers cette formidable révolution humaniste. Taxer ces débats qui vous dépassent (moi aussi pour partie, à tout vous dire) de conneries est peut-être un peu rapide ?
Je vous recommande la lecture du philosophe américain René Girard pour mettre le pied à l’étrier.
Barakat a dit :”Il faut quand même déplorer que la FSSPX n’ait pas mis de l’ordre dans ses rangs. Laxisme coupable dont on ne peut les dédouaner à bon compte.”
Barakat, relisez l’article de MG plus haut : Williamson et ses séides font partie de ceux qui s’opposent au supérieur de la FSSPX dans la tentative de rapprochement avec le Vatican. Voulez-vous parier qu’en cas d’accord, ces irréductibles feront sécession et resteront dans leurs fantasmes empoisonnés ? Peut-être est-ce ainsi que la FSSPX fera le ménage…
Barakat — Moi je vous recommande seulement de lire l’Ancien et le Nouveau Testament, le Coran et Cie, qq livres de la pensée Chinoise et Bouddhiste. Tout ça prend un certain nombre d’années. Y’a du boulot. Mais…
Woody Allen disait :
“j’ai pris des leçons de lecture rapide. J’ai lu Guerre et Paix en une journée.”
“Ça parle de la Russie.”
c’est trés bien il nous faut étre en ordre de bataille se serré les coudes malgrés les divergences d’opinions car en face les mahométants eux sont organisés.Il nous faudrait l’aide des protestants des orthdoxes et des évangélistes.Faire bloc avec les Juifs et tous les non musulmans du pays et du continant
Nejma (message 22 avril)
– Le latin n’est la langue de l’Eglise que par une circonstance fortuite, extérieure à la religion. Le latin n’est devenu la langue officielle de l’Eglise que parce qu’à partir de Constantin, les empereurs se sont engagés sur la pente qui menait le christianisme à être la religion de l’Etat (avec la complicité des pontifes).
– L’Eglise catholique, l’empire disparaissant, s’est simplement glissée dans les brodequins de l’empire romain : rien, là-dedans, n’est sacré, tout est pouvoir.
Jean Robin comme titilleur d’esprit vous faites fort!
Oui le latin n’est pas la langue de Dieu, personne n’est aller vérifier.
Une langue parlée tombe dans le profane.
Le terme sacré (sacer, sacerdoce, sacerdotal)signifie ce qui est mis à part.
L’anglais, le français, l’italien, le vaudou, le kabyle n’expriment pas la spiritualité du fait de l’évolution indispensable des mots. Ces langues nous servent dans notre quotidien purement matériel.
Oui tout est pouvoir évidemment, mais je maintiens le Latin est la langue de la spiritualité, plus proche de l’Eglise. Prétendre le contraire ce serait en manquer.
Nejma
– Vous formulez une pétition de principe, c’est-à-dire que vous affirmez comme démontré… ce qui est, précisément, à démontrer !
– Vous dites que le latin est la langue de la spiritualité… parce qu’elle est la langue de la spiritualité ! [On tourne en rond, comme dans la définition de l’opium, qui fait dormir… par sa vertu dormitive !].
– Mais le latin exprime n’importe quoi, y compris les réalités les plus triviales, les plus crues ou les plus grossières, comme dans les Carmina Burana. Le latin peut parler de sexe, de beuveries ou de matières fécales. Il y a deux ecclésiastiques, payés à plein temps au Vatican, qui ont pour charge de traduire en latin les termes modernes, comme ordinateur, téléphone portable, soutien-gorge ou capote anglaise. Où voyez-vous de la spirituélité là-dedans ?
– Le latin n’a pas plus de spiritualité “en soi” que le français ou l’anglais ou l’italien. [Je ne connais pas le kabyle et, autant que je sache, le vaudou n’est pas une langue]. Les luthériens ont composé en allemand (ou dans toutes les langues dans lesquelles le luthéranisme s’est diffusé) des chants religieux à la gloire de Dieu…
– En quoi un chant religieux rédigé en allemand, en hongrois ou en créole contient-il intrinsèquement moins de spiritualité que le latin ?
Jean Robin!Mazette seriez-vous un psychopathe de la maïeutique?
Et si c’était vous qui étiez dans le shopenhauerisme à outrance?
Avec cela nos débats peuvent être longs et acharnés.
Les chants grégoriens ne sont pas écrits en Télougou que je sache.
Si le latin a été choisi pour traduire les Evangiles c’est parce que d’une part les chrétiens n’avaient que faire de l’Hébreu et d’autre part qu’il y avait de plus en plus de latinophones.
Je vous épargne toutes les disputes des évêques entre l’usage du Grec et du Latin, ainsi que les conciles d’Orient et d’Occident que vous connaissez déjà.
En dépit de ces remous linguistiques, politiques, historiques incontestables. Le latin était la langue de l’élite théologienne et philosophique par excellence. Aussi l’Eglise l’a utilisé comme moyen d’expression de la liturgie et de transmission des contenus de la foi.
Donc pardonnez-moi d’identifier l’Eglise catholique à la langue latine. C’est l’Eglise qui révère cette langue.
Toutes les religions dans l’accomplissement rituel, dans leur besoin d’agréer, d’approcher Dieu, accordent une importance majeure dans les sonorités.
En quoi un chant religieux rédigé en allemand, en hongrois ou en créole contient-il intrinsèquement moins de spiritualité que le latin ? A priori rien. Mais pour l’Eglise ce n’est pas il me semble un ferment d’unité.
Car il existe de la part de l’Eglise une volonté de rassembler le troupeau en récupérant (du moins en le tentant) une identité culturelle propre et réaffirmer un patrimoine bimillénaire, et le remotiver dans leur lutte spirituelle.
Vous m’opposez dans votre illustration du parfait petit usage de la langue pratique du Vatican, la traduction de capote anglaise, oui à l’heure du sida entre autre cela vous étonne?
Dans la réalité l’italien a le statut de langue officielle dans cet Etat, mais le Latin demeure la langue officielle de l’Eglise catholique, le Français quant à lui conserve le privilège de langue de communication avec beaucoup d’organismes internationaux.
Nejma
– L’Eglise révère le latin ? A quel endroit cette “révérence” figure-t-elle dans le Credo ? Depuis quand une langue, dans le christianisme, est-elle article de foi ?
– Le latin a été utilisé pour traduire les évangiles ? D’une part, les évangiles ont été écrits en grec, et, d’autre part, même avant le concile Vatican II, je ne vois pas d’indice que, lors de l’office, les évangiles n’aient pas été lus aux fidèles dans la langue vernaculaire.
– Et, en ce qui concerne l’usage courant du latin dans la cité du Vatican, ce serait vraiment un “scoop” qu’il soit employé ne serait-ce qu’une fois par jour, y compris par le pape ! Il est d’ailleurs significatif que, depuis Vatican II, les cardinaux aient choisi, parmi les leurs, pour être papes, ceux qui avaient le plus de compétences polyglottes – au moins des grandes* langues européennes. [* Je précise que, lorsque je dis “grandes”, je n’exprime pas un jugement de valeur mais une appréciation de quantité. L’anglais n’est pas plus “grand” que l’estonien, il est plus parlé].
Il est évident que le fait d’étudier le Latin, lange morte, permet d’accéder à une spiritualité. Mais pourquoi renvoyer le reste au profane ou au matériel ? Dans la littérature, la poésie, on est pas dans un matérialisme et il faut se méfier de évolutions de notre langue : qu’elle ne devienne pa une langue morte. On peut quand même faire un constat, l’Hébreux perdure contrairement au Latin. Et c’est une langue vivante. On devrait peut être s’en inpirer.
Nejma
“… mais je maintiens le Latin est la langue de la spiritualité, plus proche de l’Eglise. Prétendre le contraire ce serait en manquer”.
Je trouve votre affirmation plutôt présomptueuse. Vous jugez la spiritualité d’une personne sur ce simple critère ? C’est assez simpliste comme raisonnement.
Une langue n’a aucune spiritualité en elle-même. La moindre des choses pour une langue c’est d’être comprise par celui qui l’utilise, autrement cela devient du charabia.
Réciter une prière dans une langue apprise par cœur, sans la comprendre, n’a rien de spirituel. Prier, c’est entrer en communication avec Dieu, s’adresser à Lui tout simplement avec ses propres mots, comme le Christ l’a enseigné.
En quoi le fait de chanter, de prier en latin, permet de mieux atteindre Dieu et les anges ? Si un croyant a besoin de cela pour se rapprocher de Dieu, sa foi est bien superficielle. Pour se sentir proche de Dieu, nul besoin de Latin, de cérémonial, de rites, il suffit de s’adresser à Lui tout simplement, peu importe le lieu ou la langue dans laquelle vous Lui parlez.
Personnellement, j’ai suivi des messes en latin, et même si je comprenais cette langue, je les trouvais mortellement ennuyeuses, sans joie aucune, très éloignées de la simplicité prônée par le Christ. Ce ne sont pas les messes en latin qui vont raviver la foi. Vous accordez trop d’importance à la forme et oubliez le fond
Rosaly sourire, (vous m’êtes vraiment sympathique en toute sincérité) encore présomptueux d’affirmer cela oui, c’est un peu de la provocation gratuite je le reconnais.
Mon conjoint est, entre autre, organiste concertiste international, fondu de JS Basch . Et moi qui ne suis pas de confession chrétienne ne puis m’empêcher de frissonner quand je le suis dans ses pérégrinations musicales.
Je suis par essence fortement influencée.
“Vous jugez la spiritualité d’une personne sur ce simple critère ? C’est assez simpliste comme raisonnement.”Détrompez-vous, je suis très loin d’avoir des raisonnements simplistes.Je ne faisais que titiller Jean Robin dans le seul but de voir jusqu’où il irait dans son raisonnement.
Rosaly, personne n’a prétendu que le latin aie une spiritualité intrinsèque !
Je ne peux qu’être d’accord avec ce que vous écrivez :
“Réciter une prière dans une langue apprise par cœur, sans la comprendre, n’a rien de spirituel. Prier, c’est entrer en communication avec Dieu, s’adresser à Lui tout simplement avec ses propres mots, comme le Christ l’a enseigné.”
Mais qui peut se vanter de comprendre et d’être capable d’expliquer le Notre Père, le Credo, pour ne citer que ces deux textes ? Quoique pratiquant de longue date, je crois en comprendre une bonne part, mais je ne me risquerais pas à essayer de l’expliquer à d’autres.
En revanche, la suite de votre propos emprunte le chemin suivi par nombre de pratiquants trop zélés de Vatican II (notez que je ne remets pas en cause le Concile lui-même mais son application), et aujourd’hui, le constat n’est malheureusement que trop clair :
Dans l’Eglise autoproclamée “progressiste”, une baisse dramatique de la pratique, et trois à quatre générations de prêtres manquantes,
Chez les traditionalistes, des familles, de jeunes enfants, des gens d’âge mur, de jeunes prêtres (si, si), et une véritable pratique, c’est-à-dire bien sûr celle qui sort de l’Eglise, parce qu’elle a compris que la messe du dimanche est là pour me donner à moi, chrétien, la force d’être toujours chrétien dans la semaine…mais qui n’oublie pas d’y retourner le dimanche suivant sous peine de tomber en ‘panne sèche’…
La spiritualité pure c’est bien beau, mais à trop vouloir la dépouiller dans une société finalement humaine, on finit par la vider de sa substance. Forme et fond sont indissociables.
Bien sûr, la messe, quelle que soit sa langue, ne doit jamais être séparée d’une démarche pédagogique, les prêtres sont aussi là pour ça. Trop peu de chrétiens connaissent les différentes parties et articulations d’une messe.
Enfin bien sûr, il y a affaire de goût, la société évolue ! Personnellement je préfère largement le rite tridentin et je ne le trouve nullement ennuyeux. Et ne croyez pas que j’y ai été élevé ! J’ai grandi dans l’Eglise des années 70, avec guitares et tambourins…
“Le latin n’est devenu la langue officielle de l’Eglise que parce qu’à partir de Constantin, les empereurs se sont engagés sur la pente qui menait le christianisme à être la religion de l’Etat (avec la complicité des pontifes).
– L’Eglise catholique, l’empire disparaissant, s’est simplement glissée dans les brodequins de l’empire romain” :
Plutôt que la version complotiste d’une Eglise qui serait devenue volontairement le nouvel empire romain, que certains disent d’ailleurs être en Russie qui serait la troisième Rome, héritière de la deuxième qui était à Byzance avant que celle-ci ne soit détruite par les Turcs, je pense simplement que le latin est devenu la langue de l’Eglise catholique occidental pour la simple raison que en Occident le latin devint la langue des clercs et du savoir.
Dans les pays conquis par l’empire romain et qui n’avaient quasiment pas de traditions d’écritures, à l’exception de quelques Runes très peu utilisées, ce fut le latin qui s’imposa comme langue administrative, mais aussi comme langue scientifique ou littéraire, au côté du grec (Saint-Augustin parlait les deux), ce qui permettait de lire les textes des auteurs anciens.
Le latin resta la langue du savoir pendant très longtemps. En France, de mémoire, il faut attendre l’ordonnance de Villers-Cotterêts, XVIe siècle, pour que le français devienne la langue des documents officiels du royaume en place du latin. Mais, le latin resta la langue d’écriture des ouvrages scientifiques jusqu’au XIXe siècle. La plupart des ouvrages scientifiques ou philosophiques de l’ancienne Europe sont écrits en latin, et le nom des plantes et des animaux est toujours en latin, même si les racines ne sont pas toujours latines, non pas à cause de l’Eglise catholique, mais de l’empire romain.
Le catholicisme étant une religion d’écriture se développa donc dans l’écriture en cours dans les régions européennes et nord-africaines à cette époque : en latin.
Dans les régions où la langue des clercs était le grec, le christianisme se développa en grec, lorsqu’il s’agissait de l’Égyptien, le christianisme se développa en copte, même chose pour le syriaque…
Dans le Judaïsme, dans l’Antiquité, quand la langue culturelle était l’araméen, les textes furent traduits en araméen : les targumim. De même que les Juifs de langue grecque utilisèrent des textes traduits en grec pour lire plus facilement la Torah, l’Hébreu restant la langue de cérémonie.
Et il me semble que le latin est toujours la langue officielle de l’Eglise catholique. Les encycliques me semble-t-il sont toujours publiées en latin, exceptée l’encyclique qui condamna le nazisme, qui était destinée à être lue dans toutes les églises d’Allemagne, et qui fut publiée en allemand.
Cela dit, les langues de cérémonie des catholiques d’Orient sont dans les langues culturelles de ces pays telles qu’elles existaient dans l’Antiquité. Je ne sais pas si il y a des sous langues officielles.
Pourquoi le latin et pas le grec, tout simplement parce que à Rome, capitale de l’empire romain, siège de la papauté et centre du catholicisme, on parlait le latin. Si les catholiques avaient mis leur siège à Constantinople, la langue de l’Eglise aujourd’hui serait le grec, ce qui est d’ailleurs le cas de l’Eglise orthodoxe grecque : la faute à Saint-Pierre (qui lui était un juif venant d’Israël, un provincial).
A partir du moment où le latin est la langue de l’Eglise catholique occidentale, ce n’est pas illogique de vouloir que les offices soient dans cette langue. C’est dans cette langue que la messe traditionnelle a dû être écrite.
Pourquoi vouloir garder le latin : cela doit correspondre à une volonté d’universalité, ainsi que le désir de suivre une tradition qui remonte en Occident au début du christianisme, une volonté de continuité.
Si Dieu existe, il comprend toutes les langues. Il me semble également qu’à l’époque du latin, il y avait des prières catholiques en langues locales à usage privées, ou pour les cérémonies qui n’étaient pas liturgiques, comme les processions.
Thot Har Megiddo
– L’Eglise n’a pas fait de complot pour accéder au pouvoir (et je n’ai jamais dit ça). Je dis que – par paresse, par commodité, par vanité, par cupidité – elle a accepté bien facilement les faveurs dont les empereurs romains l’ont comblée.
– Par ailleurs, l’usage d’une langue n’est pas – n’est jamais – innocent. Un pays qui en domine un autre impose toujours sa langue. Les Allemands ont imposé la leur en Alsace-Moselle de 1871 à 1918 et de 1940 à 1945, les Russes en Europe centrale et orientale de 1945 à 1989 et les Chinois au Tibet depuis 1950.
– Mais tout ça, c’est de la petite bière. Le meilleur exemple (enfin, “meilleur” si on peut dire…) l’exemple grandiose de cette imposition d’une langue est celle de l’anglais – ou plutôt de l’anglo-américain, qui véhicule avec lui toute la panoplie du pouvoir des deux empires qui l’ont porté et le portent encore, le britannique et l’américain. Avec leur langue, les Américains fourguent aussi leurs normes comptables, leurs mesures, leurs films, leur cuisine, leur droit, leurs moeurs, leurs bouquins, leurs armes, leur organisation des entreprises, etc.
– Le latin, jadis, était aussi un instrument de pouvoir et de domination : celui de l’Eglise de Rome (qu’on ne disait pas encore ultramontaine) sur les Eglises locales, le pouvoir des clercs instruits sur les laïcs (et, précisément, l’exercice du culte en langue vernaculaire chez les protestants a été une des modalités par où s’est exercé le rejet de tout clergé), le pouvoir des riches sur les pauvres, et plus tard, des bourgeois sur les ouvriers.
– Evidemment, un tel pouvoir ne s’avoue pas. Pour que les dominés l’acceptent, il faut l’habiller, le déguiser : on invoque la spiritualité ou l’universalité, mais tout cela c’est de l’idéologie.
le plus grand impérialisme linguistique que je connaisse, c’est la conquête arabe.
Pour l’américain, la domination de l’américain vient plutôt de son dynamisme économique, et de sa capacité d’invention et de développement. À l’époque où la France était la première puissance mondiale, avant la révolution française, le français et les moeurs françaises étaient très courues chez les élites des autres pays.
Aujourd’hui, la France est une puissance de troisième zone sans imagination, qui n’intéresse donc plus personne.
“Un pays qui en domine un autre impose toujours sa langue.” certes : les Romains comme les Anglais imposaient une langue administrative, et laissaient exister d’autres langues, comme d’ailleurs le pouvoir royal en France vis-à-vis de langues locales, ou même le colonisateur français très souvent. Il n’y avait pas de substitution des langues locales par la langue du colonisateur.
L’église catholique s’est développée dans le cadre de l’empire romain qui avait imposé le latin comme langue administrative. En revanche, ce sont les peuples conquis qui ont choisi le latin comme langue savante, n’ayant trait souvent pas de langue écrite eux-mêmes. De la même façon, les élites européennes ont appris le grec alors que la Grèce ne colonisait personne. Mais en revanche la Grèce avait une littérature abondante. Jusqu’à la première moitié du XXe siècle, une grande partie des élites européennes apprenait encore le grec ancien.
Aujourd’hui, on apprend l’anglais. Les États-Unis sont les plus grands rédacteurs d’articles de recherche, et la base du cinéma international.
L’église catholique n’a pas choisi de naître dans l’empire romain. Elle s’est adaptée à son environnement. Et le latin faisait partie de cet environnement. Et Constantin (qui n’était pas catholique mais Arien) n’y est pour rien. Si le catholicisme naissait aujourd’hui à Washington, l’église catholique parlerait anglais.
L’énorme majorité des protestants n’ont pas supprimé le clergé, bien au contraire. Autant les Britanniques que les germaniques de l’église luthérienne ont conservé un clergé à l’époque de la réforme. Seule différence, à la tête de ces églises, il n’y avait plus le pape mais le roi et son pouvoir temporel : un mélange du temporel et du spirituel que l’on retrouve aujourd’hui dans l’islam. Je ne sais pas si cela constituait un réel progrès. Les protestants n’obéissant pas au clergé du monarque furent d’ailleurs persécutés tant en Grande-Bretagne qu’en Allemagne.
Malgré la réforme, les élites tant allemandes, que scandinaves ou britanniques, tout comme leur clergé continuèrent à apprendre le latin autant qu’à l’époque du catholicisme. La culture romaine inspira bien plus les cultures de ces pays que la culture française.
Le protestantisme suisse n’avait en apparence pas de clergé, mais en apparence seulement puisque Calvin lui-même fit brûler un hérétique, tout comme aux États-Unis des protestants firent brûler les sorcières de Salem.
La quasi-totalité des religions ont un clergé, même quand il ne dit pas son nom, à l’exception de quelques groupes protestants très démocratiques et ultra minoritaires. Les protestants ont en réalité un clergé, tout comme les musulmans.
Les religions sans clergé ont des clergés qui ont même beaucoup plus de pouvoir que le clergé de religions organisées pour la simple raison que la distinction spirituel temporel n’existant pas, le spirituel peut s’emparer du temporel, ce qui est plus compliqué pour les religions avec clergé. Les religions sans clergé ont même tendance à être beaucoup plus dures et plus possessives que les religions avec clergé. Les protestants à la naissance de réforme, ce n’était pas vraiment des droles, comparés aux festifs catholiques : pas de carnaval chez les protestants. Et aujourd’hui, aux États-Unis il y a des courants protestants très stricts, limite bizarres.
Mais nous sortons du sujet. C’était donc explication sur la présence du latin chez les catholiques
Merci Thor et les autres pour ces explications très documentées. J’espère que Jean Robin va enfin cesser de prétendre que nous, catholiques, attribuerions en apparence au latin une valeur spirituelle (magique ?) intrinsèque pour cacher l’origine bien concrète de son usage !
Thierry
– L’attachement au latin a, essentiellement, une raison conservatrice. C’est l’attachement à une Eglise marquée par le concile de Trente et l’inflexion prise par l’Eglise après la Révolution française.
– C’est un attachement à l’Eglise en ce qu’elle était avant Vatican II, c’est-à-dire une Eglise retranchée de de la société, notamment par son vêtement. Il est révélateur, d’ailleurs, qu’une des crispations des intégristes se fasse autour de la soutane, dont la généralisation (et la systématisation), il faut le rappeler, fut le fait de la Contre-Réforme post-tridentine, et notamment, en France, celui de Bérulle.
– L’attachement acharné au latin est, avec le port de la soutane, le rejet de l’oecuménisme, une réaction de malaise de certains esprits qui, après le concile Vatican II, ont senti l’Eglise se dissoudre dans le corps social : plus de vêtement distinctif, plus de langue particulière, plus de statut particulier pour le catholicisme (l’Eglise admet – peut-être à contrecoeur) qu’elle n’est qu’un culte comme un autre.
Thot Har Megiddo
– Pour en revenir (mais brièvement) à l’arabe, il n’y a aucune comparaison avec l’anglo-américain. L’arabe est limité aux pays arabophones alors que, dans tous les pays du monde, à côté des inscriptions en langue locale, il y a aussi des inscriptions en anglais, ce qui n’est le cas dans aucun autre pays du monde.
– L’Eglise catholique ne s’est pas “adpatée” à son environnement. Elle a été imposée par les empereurs au reste de la société, d’abord doucement (avec Constantin), puis avec de plus en plus de rudesse, jusqu’à infliger aux autres ce qu’elle avait subi. En outre, la hiérarchie ecclésiastique s’est peu à peu fondue avec la hiérarchie sociale.
– Les protestants n’ont pas de clergé en tant qu’ils ne possèdent pas un corps ecclésiastique séparé de l’ensemble des fidèles par des règles et des accoutrements bizarres. Les pasteurs ont une vie normale (se marient, ont des enfants) et ne se déguisent pas. En outre, le protestantisme pose, comme une de ses règles primordiales “L’Ecriture seule”. Chaque fidèle peut prendre sa Bible et y avoir un rapport direct à Dieu sans intermédiaire – d’où la diffusion bien plus grande, dans les débuts, de la lecture et de l’écriture parmi les protestants. Chaque protestant, à partir de sa Bible, peut faire sa religion. [Ce qui n’a d’aillleurs pas manqué].
– Le corps des pasteurs n’a d’autre rôle que celui de spécialistes (professeurs, instituteurs, enseignants) qui reçoit son autorité de son savoir – comme pour n’importe quelle discipline universitaire. Mais cela n’en fait pas un clergé. Le clergé, c’est autre chose : c’est le sacrement de l’ordre, c’est une hiérarchie (très compliquée)et c’est aussi le truchement indispensable pour accéder à Dieu, toutes choses que, précisément, réfute le protestantisme.
– Et en ce qui concerne l’emprise totalitaire de l’Eglise catholique [je dis bien catholique] sur la société, vous devriez aller voir du côté de la Pologne, du Portugal, de l’Irlande, de l’Italie ou du Québec. Ou voir un film comme les Magdalene’s Sisters, dont l’institution n’a disparu que dans les années 1990. Pour ne rien dire de ce qui existait avant le XXe siècle.
– Quant au fil de ce blog, consacré (c’est le cas de le dire…) à la place du latin dans la liturgie catholique, je réitère mes propos : l’attachement au latin ne tient pas à ses (imaginaires) vertus linguistiques ou à son adéquation (tout aussi imaginaire) à la liturgie. Et il est d’ailleurs significatif que, plutôt que du latin, ceux qui se crispent sur son usage parlent de rite tridentin.
– Car qu’est-ce que le rite tridentin ? C’est, d’abord, un rite de réaction et un rite de refus, réaction et refus au protestantisme : refus de la traduction et de la diffusion de la Bible en langue vernaculaire, refus du “sacerdoce universel”, refus du dépouillement du culte. La revendication du rite tridentin est celle de fidèles qui disent non à l’oecuménisme (et, sans oser l’avouer, non au concile de Vatican II)…
Jean Robin, bien sûr que les Evangiles ont été écrits en Grec d’abord.
Je suis allée 3 fois dans la cité du Vatican, je répète la langue véhiculaire est l’Italien et je puis vous affirmer que la langue juridique est le Latin.
C’est la langue utilisée dans la rédaction et la référence des publications officielles, qui ensuite sont traduits dans d’autres langues. Si ce n’est pas un signe de révérence émanant de l’autorité suprême de l’Eglise catholique c’est quoi? Vous m’opposez le Credo qui est un résumé de la profession de foi, une invitation personnelle avec Dieu,où effectivement nulle obligation d’utiliser cette langue.
Mais s’il plait à l’Eglise de revenir à leurs fondamentaux notamment dans la renaissance de cette langue morte où est le problème?
A défaut de trouver un terrain d’entente et pour clore le sujet, acceptez-vous que le Latin soit la divine langue des homme cultivés?
Nejma
– Il n’y a pas de révérence mais simplement du conservatisme. D’autant plus, d’ailleurs, qu’il est plus que probable que tous les textes sont d’abord discutés en italien ou dans la langue des experts (allemands, anglais, espagnols ou français ou autres) puis traduits postérieurement en latin, ce qui est une dépense d’énergie inutile.
– Vous l’aurez compris, j’ai très peu de révérence pour le conservatisme, et spécialement lorsqu’il se réfère à des périodes aussi littéralement “réactionnaires” que celles du concile de Trente, de la Contre-Réforme, du Syllabus, du concile Vatican I ou de la plupart des dispositions des pontificats des Pie IX et autres Pie X. Pour ne rien dire de Pie XII…
Il paraît que le diable n’aime pas le latin!
….
@ Jean Robin
Vous avez une vision très particulière du protestantisme qui ne prend en compte que le calvinisme dans sa version actuelle, et ne tient pas compte de l’anglicanisme et du luthérianisme, et de l’évolution du protestantisme, qui vont contre vos propos.
Sola scriptura : c’est de la théorie : après la réforme, les protestants n’obéissant pas au clergé du monarque furent d’ailleurs persécutés tant en Grande-Bretagne qu’en Allemagne. Et aujourd’hui encore, la présence de 10 000 religions protestantes différentes aux États-Unis montre que dans un courant du protestantisme, on ne peut pas penser n’importe quoi. Celui qui s’écarte de la règle doit créer sa propre religion. On n’est pas protestant tout seul, le protestant appartient à une communauté, une église.
“Le corps des pasteurs n’a d’autre rôle que celui de spécialistes qui reçoit son autorité de son savoir – comme pour n’importe quelle discipline universitaire” : Calvin et Luther firent condamner à mort des hérétiques. Du boulot de “spécialistes”, sans compter le nombre de sorcières envoyées ad patres dans les pays protestants. Même si ils n’avaient pas le monopole. Aujourd’hui, cela se pratique encore en Arabie Saoudite.
Dans les temples, ce sont les pasteurs qui prêchent, qui officient aux différentes cérémonies. Ce sont eux qui donnent leur interprétation.
Votre vision du clergé est la vision catholique. Pour moi le clergé est celui qui a une fonction religieuse, est une autorité religieuse avouée ou non dans l’interprétation du texte ou dans les rituels. À ce titre, les pasteurs qui ont étudié les textes, et qui officient durant les rituels, tout comme les imams, sont un clergé. Comme le prêtre chaman. Mais il y a toujours une autorité religieuse. Dans les pays musulmans, ne vous mettez pas les imams à dos en expliquant que vous interprétez comme vous voulez puisqu’il n’y a pas d’autorités religieuses en islam (sauf dans le chiisme).
“Pour en revenir (mais brièvement) à l’arabe, il n’y a aucune comparaison avec l’anglo-américain. L’arabe est limité aux pays arabophones” : et comment croyez-vous que les pays arabophones sont devenus arabophones ? Uniquement par la conquête militaire, la colonisation, les conversions forcées, l’obligation de parler arabe, (le copte fut interdit comme langue usuelle en Égypte de mémoire au VIIIe siècle) le tout au nom d’une religion. Pourquoi croyez-vous que l’on parle arabe en Afrique du Nord, ou au Liban ? Ce qui n’était pas le cas dans l’Antiquité ? C’est une forme bien pire d’impérialisme que l’impérialisme américain. L’impérialisme américain est un fantasme qui date de la propagande soviétique de la guerre froide.
À propos de l’église catholique, que vous vomissez tout comme les États-Unis, avec une vision légèrement marxiste, mais c’est parfaitement votre droit, écrire que “L’Eglise catholique ne s’est pas « adpatée » à son environnement. Elle a été imposée par les empereurs au reste de la société”, est une affirmation purement idéologique. Ce qui veut dire qu’avant le soutien de Constantin, l’église catholique-orthodoxe (à l’époque il n’y avait pas de séparation) n’existait pas, ou alors si peu. Comme si aujourd’hui Nicolas Sarkozy imposait aux Français la scientologie comme religion d’État. Bien au contraire, l’empereur Constantin finit par prendre en compte un mouvement qu’il ne pouvait plus ignorer après trois siècles d’existence. S’ils n’existaient pas, il n’y aurait pas eu de persécutions.
“Et en ce qui concerne l’emprise totalitaire de l’Eglise catholique [je dis bien catholique] sur la société, vous devriez aller voir du côté de la Pologne, du Portugal, de l’Irlande, de l’Italie ou du Québec” : totalitaire, absence totale de liberté dans une société. Ce n’est pas le cas des pays que vous mentionnez. De plus, elle n’avait pas d’emprise sur la gestion politique de ces pays, qui ont régulièrement voté pour les forces de gauche et de progrès. Les pays que vous citez sont des pays de liberté. Je pense que nous n’avons pas la même définition de “totalitaire”: un problème de langue, même si ce n’est pas du latin.
Le rite “tridentin” date du XVIe siècle (lu plus haut) : les gens s’attachent aux vieilles choses, tout comme aux philosophes grecs ou aux recettes de grand-mère: cela fait plus légitime. Je pense que les rites orthodoxes ou juifs sont encore plus vieux. Mais c’est une affaire de croyance personnelle.
“réaction et refus au protestantisme” : pour des catholiques c’est assez logique, il y a quand même un certain nombre de différences notamment avec les calvinistes
“refus de la traduction et de la diffusion de la Bible en langue vernaculaire” : il me semble que même avant Vatican II les catholiques lisaient la Bible en langue vernaculaire.
“refus du « sacerdoce universel »” effectivement dans le catholicisme il y a un clergé, même si apparemment certains rituels peuvent être effectués par tout un chacun, le baptême il me semble.
“refus du dépouillement du culte” : question de goûts et de couleurs
Vous avez les explications que vous vouliez sur la présence du latin dans le catholicisme. En réalité, vous n’êtes pas d’accord avec ces explications, ce qui est un peu différent.
Thot Har Megiddo
– Le luthéranisme et l’anglicanisme ne représentent qu’une partie des protestants et loin de la majorité.
– Les diverses Eglises protestantes, même si elles diffèrent les unes des autres, ne s’en reconnaissent pas moins toutes comme protestantes, au sein de regroupements divers. Mais il n’y a pas, comme dans le catholicisme, obéissance unique à un seul chef, qui ne veut voir qu’une seule tête.
– La persécution opérée par les protestants dans les lieux où ils avaient le pouvoir ne confère pas, pour autant à ces persécuteurs un statut de membres du clergé. Par ailleurs, autant que je sache, seul Calvin a fait condamner à mort Servet. Luther a prêché contre les anabaptistes, les Turcs ou les catholiques, mais il n’a pas lui-même condamné à mort. Louis XIV et Louis XV ont persécuté les protestants, sans que cela fasse d’eux des membres du clergé.
– Dans le protestantisme, des individus (en dehors des pasteurs) peuvent être inspirés par l’Esprit Saint et considérés comme légitimes, ce qui s’est passé, par exemple, lors des guerres des Camisards.
– Le sacrement de baptême n’est administré par des laïcs qu’en cas d’urgence. Pour le reste, une des différences (fondamentales) entre catholiques et protestants tient précisément à la sacralisation d’un certain nombre de cérémonies (confirmation, ordre, mariage, pénitence, extrême-onction) auxquelles les protestants n’accordent pas d’importance et qui, précisément, exigent ou postulent un clergé.
– Et où trouvez-vous, côté protestant, tout le fatras d’organisations, de hiérarchies, d’administration correspondant au Vatican, aux archidiocèses, diocèses et cures, ou à la pléthore d’ordres, avec chacune leur organisation ? Nulle part. Eh bien, ce fatras, c’est le clergé.
– L’Eglise catholique n’a pas été imposée par Constantin : il s’est contenté de la tolérer. Ce sont ses successeurs qui, jusqu’à Théodose (à l’exception de Julien), ont peu à peu augmenté la pression, jusqu’à Théodose (sans parler des souverains médiévaux). Or, cela, les successeurs de Constantin n’étaient pas obligés de le faire. Ils auraient pu se contenter de ficher la paix à l’Eglise (ce qui, en passant, et en dépit de légendes complaisamment entretenues, fut le cas la majorité du temps des origines à l’édit de Milan). L’Eglise a donc bien été imposée par le pouvoir civil, avec persécution des dissidents – et l’Eglise a accepté ça avec complaisance…
– Le terme totalitaire qualifie un pouvoir quelconque qui ne se contente pas d’interdire (ça, c’est le pouvoir autoritaire) mais qui prétend, en outre, régenter le moindre aspect de la vie de l’individu. En ce sens le stalinisme (et la plupart des gouvernements communistes), le fascisme et le nazisme ont été totalitaires. Mais aussi l’Eglise catholique…
– Que dire, en effet, d’une association cultuelle privée (ce qu’est l’Eglise), qui se permet, sur un territoire, d’interdire le divorce, l’avortement, la contraception, l’homosexualité ou diverses pratiques sexuelles à des individus, athées ou d’autres religions, qui ne leur demandent rien, et alors que toutes ces choses-là ne relèvent que la sphère privée ? [Et qui y sont longtemps parvenus, comme dans les pays que je vous ai cités].
– Pour revenir, enfin, et brièvement, sur l’impérialisme américain (qui n’est pas dans le sujet de ce blog). Apparemment, vous ne vous êtes guère mis dans la peau des Sud-Américains qui, depuis les années 1850 – donc bien avant la révolution de Lénine – ont eu à en baver des “Gringos”, et continuent à en baver après la chute du communisme. Non plus d’ailleurs que (pour ne prendre que ces deux seuls exemples), dans la peu des Vietnamiens de 1963 à 1975 et les Iraniens de 1945 à nos jours…
– Les Etats-Unis, par ailleurs, possèdent quelque 900 bases dans le monde et des flottes sur tous les océans. Si cela n’est qu’un fantasme de propagande soviétique, que diriez-vous si ces bases et si ces flottes étaient chinoises ? Que diriez-vous si des porte-avions chinois faisaient la police en Baltique ou au fond de l’Adriatique ?
Une simple remarque
Enfant, j’ai été baptisé en 1947. Fais mes communions, ai été enfant de chœur, aimais la messe latin. Les messes en français pour moi n’ont aucune signification.
C’est la Messe de Saint Pie V en laquelle je crois, qui me remue le chœur, les tripes et l’âme.
Je n’ai strictement aucune vision politique là dessus. Je vais à Saint Nicolas quand je passe en France pour la messe et pas pour autre chose.
Je trouve malheureux ces amalgames, insultes ou autres que l’ont fait à ceux qui veulent rester fidèles à leur enfance