Publié par Michel Garroté le 3 juillet 2012


Michel Garroté – En 1980, le responsable de la Mission des Forces Libanaises pour l’Europe, Mission basée à Lausanne, en Suisse (à l’époque, cette mission avait plus de poids que n’importe quelle ambassade libanaise), responsable que je nommerai ici Cedar (dans ce cas bien précis je ne puis révéler la véritable identité), Cedar donc, me demanda de devenir son attaché de presse. J’avais fait la connaissance de Cedar par l’intermédiaire de sa sœur, qui étudiait avec moi à l’Université. La sœur de Cedar, une chrétienne libanaise à la fois pleine de charme et extrêmement intelligente, avait substantiellement (et néanmoins chastement) contribué à me faire quitter les eaux troubles de l’OLP et Consorts pour faire de moi un ami des chrétiens du Liban. La sœur de Cedar étudiait à Genève et résidait chez ses parents et ses trois frères, juste de l’autre côté de la frontière suisse, à Ferney-Voltaire, en France. Sans cette famille, je serais peut-être resté un ultragauchiste pour quelques années encore. Je travaillais donc dès 1980 comme attaché de presse pour Cedar, le Représentant officiel pour l’Europe des Forces Libanaises, avec ses bureaux, situés Avenue du Rond-Point, à Lausanne, en Suisse. Le cas de l’Etat d’Israël, à l’époque gouverné par Menahem Begin du parti Likoud, était particulièrement intéressant, et de fil en aiguille, je tissais d’étroits contacts avec l’Etat hébreu. En cette période-là, les plus importantes initiatives – contestables ou pas contestables, mais importantes – de Menahem Begin furent primo les Accords de Camp David avec le président gauchiste et obtus Jimmy Carter (un jour Begin montra à Carter sur une carte les 9 miles qui séparent, d’une part, Netanya en Israël au bord de la mer ; et d’autre part, la ville palestinienne de Tulkarem sur le tracé de la Judée Samarie ; mais Carter ne savait pas et ne sait toujours pas lire une carte).

Et secundo, dans le sillage des Accords de Camp David, Begin conclut le Traité de paix israélo-égyptien avec le président égyptien Anouar El Sadate et avec l’ineffable Carter. Ainsi donc, Begin procéda au retrait israélien du Sinaï. Sadate avait obtenu un vaste territoire en échange d’un petit bout de papier. Pour « compenser » aux yeux des musulmans la paix avec Israël, Sadate intensifia les persécutions contre les chrétiens coptes d’Egypte. Puis, Sadate fut assassiné par des militaires égyptiens. Suite à l’assassinat de Sadate, mes amis au Ministère israélien des Affaires étrangères me dirent en souriant qu’avec l’Egypte, Israël était passé de la paix froide à la guerre froide. Par ailleurs, Begin eut le bon sens de prendre au sérieux l’antisionisme et l’antisémitisme très concrets du dictateur sanguinaire Saddam Hussein. En 1981, Begin ordonna le bombardement du réacteur nucléaire irakien de fabrication française à Tammuz, dit « Osirak », par l’aviation israélienne. La stratégie de Begin, dont on ferait bien de se souvenir aujourd’hui face au nucléaire offensif iranien, cette stratégie était très claire : « À aucun prix Israël ne permettra à un ennemi de développer des armes de destruction massive qu’il pourrait utiliser contre notre peuple ». C’est aussi ce que dit, depuis 2006, Nathan Sharansky à propos du président iranien et de sa clique de mollahs génocidaires. En 1982 Begin autorisa Tsahal à intervenir au Liban pour y déloger l’énorme infrastructure militaire de l’OLP, infrastructure qui pilonnait la moitié Nord d’Israël, un précédent palestinien à l’actuelle stratégie du groupe terroriste libanais Hezbollah. Begin fut profondément affecté et déçu par la versatilité des Libanais. Begin avait désiré établir la paix avec le président chrétien libanais Béchir Gemayel, issu des Forces Libanaises et démocratiquement élu par le peuple libanais y compris par les musulmans.

Hélas, celui-ci fut assassiné par les Syriens. Samir Geagea et Elie Hobeïka prirent la relève à la tête des Forces Libanaises. Et l’espérance d’une paix entre Israël et le Liban disparut à jamais. L’affaire de Sabra et Chatila, amplifiée et médiatisée à souhait, fut un autre coup dur pour Begin. Ensuite, Begin fut meurtri par la mort subite et inattendue de sa femme Aliza, mort survenue alors que Begin était en visite aux USA. Begin se retira de la politique à l’été 1983 et passa le gouvernail à son frère d’armes Yitzhak Shamir. Begin devint alors un homme retiré dans la solitude choisie et dans la prière. Il est décédé en 1992. Critiqué de son vivant, Begin passe aujourd’hui pour l’un des meilleurs chefs de gouvernement de l’histoire d’Israël. En 1983, je rencontrais Ovadia Soffer, ambassadeur d’Israël auprès du Bureau européen de l’ONU à Genève. Cedar m’avait fait rencontrer deux historiens, feu David Littman et Bat Ye’or, d’abord à l’université de Genève, et plus tard, dans leur maison sur la côte lémanique. Puis je rencontrais Ovadia Soffer à la mission permanente d’Israël auprès de l’ONU à Genève. Nous sommes tombés d’accord avec l’ambassadeur Ovadia Soffer pour que Cedar et moi nous rendions avec Middle East Airlines, depuis Genève, à Beyrouth, où je rencontrais Walid Fares, aujourd’hui membre de la Foundation for Democraties ; et pour qu’ensuite, depuis Beyrouth, en voiture, nous nous rendions à Jérusalem. C’était fin mars – début avril 1983. En 1983, Samir Geagea et Elie Hobeïka, du Deuxième bureau des Forces Libanaises, était en relation avec les Israéliens (Hobeïka, un sale opportuniste, retourna par la suite sa veste et devint pro-syrien). En 1983, à Beyrouth, Cedar m’a certifié qu’Hobeïka, et les éléments des Forces libanaises qu’Hobeïka contrôlait, furent les responsables des événements de Sabra et Chatila en 1982 (Samir Geagea en revanche n’y était strictement pour rien ; il a croupi dans les geôles les mukabarat syriens à Beyrouth ; la « communauté internationale » et « l’opinion publique » ne s’en sont point émues…).

J’ai visité Sabra et Chatila en 1983. Sabra et Chatila n’étaient pas simplement des camps de réfugiés palestiniens. L’ensemble ‘Sabra et Chatila’ était surtout une banlieue de Beyrouth. Plus exactement, l’ensemble ‘Sabra et Chatila’ était une ville dans la ville ; un Etat dans l’Etat. Dans les sous-sols ou plutôt, les galeries souterraines de Sabra et Chatila, l’OLP avait caché une quantité inouïe d’armes lourdes et légères. Un aspect de Sabra et Chatila qui n’a jamais intéressé mes confrères. En 1983, j’ai parcouru ce pays dans presque tous les sens. Au vu du nombre invraisemblable de milices armées de toutes sortes et malgré la tentative de Bachir Gemayel (assassiné en 1982) d’unifier les éléments armés chrétiens sous le commandement des Forces libanaises, je ne vois pas comment, l’armée israélienne, aurait pu, dans ce chaos généralisé, maîtriser toutes les situations, y compris celle de Sabra et Chatila. Partis de Beyrouth, la nuit, en voiture, direction Israël, Cedar et moi sommes involontairement sorti de la route éventrée par les obus (et inutilement encombrée par les inutiles camions de la FINUL) à hauteur de Saïda. Sans le vouloir, nous avons traversé un champ de mines, pas loin d’une antenne du Comité International de la Croix Rouge. Dans la matinée nous sommes arrivés à la frontière, à Rosh Hanikra, où nous avons laissé la voiture, pour franchir, à pied, la ligne frontalière, avant d’être pris en charge, par une autre voiture, côté israélien. Le poste israélien de contrôle n’était pas une douane puisque le Liban ne reconnaît pas l’Etat d’Israël. C’est du reste la raison pour laquelle l’ambassadeur d’Israël Ovadia Soffer nous avait indiqué qu’à un moment donné, à hauteur de Rosh Hanikra, nous tomberions sur un poste israélien de contrôle, à la frontière. Et Ovadia Soffer nous avais simplement précisé qu’à ce poste de contrôle, il y aurait un certain Alex – du Mossad – pour nous identifier. Des filles scoutes israéliennes vérifièrent nos bagages.

Je me mis à rire car nous n’étions vraiment pas des terroristes transportant des grenades dans notre trousse de toilette. La responsable des scouts, une jeune sabra de 16 ans environ, légèrement froissée par mon rire, me dit, en français, avec l’accent hébreu : « Nous ne faisons que notre devoir monsieur ». Ce furent pour moi les premiers mots sortis de la bouche d’une personne de nationalité israélienne : « Nous ne faisons que notre devoir monsieur ». Cedar me regarda l’air de dire : « Chez nous au Liban c’est la pagaille, mais ici ça à l’air de bien fonctionner ». Alex, du Mossad, assis à quelques mètres de nous, souriait sans broncher. Un certain Yizak nous pris en charge, dans sa voiture, pour nous emmener à Jérusalem. Lors du trajet de nuit de Beyrouth-Est à Rosh Hanikra, nous n’avions vu et humé que la ruine, les décombres, les cratères d’obus, cette odeur persistante de poudre à canon et de cadavres. Nous avions mis six heures pour parcourir une distance ridicule, un peu plus de 100 km, six heures à cause des innombrables barrages de miliciens qui contrôlaient les véhicules à Beyrouth, à Tyr, à Saïda et ailleurs au Sud-Liban. Je ne me souviens même plus des milices tant elles étaient nombreuses : les Forces Libanaises, la milice Amal du chiite Nabih Berri, les Druzes de Walid Joumblatt, l’Armée du Sud-Liban de Haddad, sans compter les clowns de la Force multinationale et les pingouins de la Finul. Des hauteurs de Rosh Hanikra, Yizak nous fit descendre dans sa voiture en Galilée. Après les horreurs libanaises, je vis la plaine fertile de Galilée et la Méditerranée sous un magnifique soleil. Ce fut mon tout premier coup d’œil sur la terre d’Israël. Vers midi, nous arrivâmes à Jérusalem où nous avions rendez-vous pour le déjeuner avec Shlomo Bino et Asher Naïm, du ministère des Affaires étrangères, à l’époque dirigé par Yitzhak Shamir, sous le mandat du Premier ministre Menahem Begin.

Cedar et moi déjeunâmes au Jerusalem Hilton avec Shlomo Bino, directeur pour le Moyen Orient au ministère des Affaires étrangères et Asher Naïm, porte-parole du même ministère. Shlomo Bino, un homme corpulent, au teint buriné, était d’origine juive irakienne. Asher Naïm, petit blond maigre aux yeux bleus était d’origine juive libyenne. Shlomo Bino commanda un goulasch en marmonnant qu’il n’avait jamais goûté un truc pareil. Je décidais de poser mes cartes sur la table : pas de négociations avec Arafat ; une alliance avec les Forces Libanaises ; pas de concessions sur la Judée-Samarie ; et l’éventualité à moyen terme d’un « Etat palestinien » en Jordanie. Asher Naïm, fin et réservé, ne pipa mot. Shlomo Bino, plus baroque, me répondit : « That’s what Begin says » (C’est ce que dit Begin). Cedar, du Deuxième Bureau (service de renseignement) des Forces Libanaises était légèrement embarrassé par ma franchise. Car d’un côté, il partageait mon avis. Mais d’une autre côté, il ne savait trop dans quelle direction les Forces Libanaises allaient évoluer sur ces questions. Hélas, les interrogations de Cedar étaient pleinement justifiées : en effet, les Forces Libanaises prirent non pas une, mais plusieurs directions. Samir Geagea, à la rigueur, aurait peut-être accepté une alliance avec Israël. Mais Elie Hobeïka, en revanche, était pro-israélien par pur opportunisme. Par la suite il devint pro-syrien, encore par pur opportunisme. Puis pro-business, toujours par opportunisme. Avant de sauter dans les airs au passage d’une voiture piégée made in Syria. Après notre bref séjour en Israël, Cedar et moi fîmes le chemin en sens inverse, jusqu’à Beyrouth. Asher Naïm nous avait remis des photos et des documents accablants sur l’arsenal d’Arafat planqué dans les sous-sols du « camps de réfugiés » de Sabra et Chatila.

Le fait est tout de même étrange que l’Europe en général et la France en particulier ne reconnaissent généralement l’Etat d’Israël que sous condition. Ils reconnaissent l’Etat d’Israël à condition que celui-ci cède aux Palestiniens : 1- le Sinaï (c’est fait via l’Egypte : le Hamas et les Frères Musulmans s’y amusent ensemble dans la joie) ; 2- la bande de Gaza (c’est fait également et le Hamas y sème la terreur) ; 3- la Judée Samarie (terme historique et géographique) dite Cisjordanie (terme colonialiste de souche britannique) ; 4- la moitié de Jérusalem. Ils reconnaissent l’Etat d’Israël à condition qu’un « Etat palestinien » soit créé au plus vite (de quel droit cette urgence ? N’y en a-t-il donc point d’autres ailleurs, infiniment plus dramatiques ?). Il s’agit-là d’une bien étrange « reconnaissance » de l’Etat d’Israël par l’Europe et surtout par la France. Car la bande Gaza est aux mains des terroristes du Hamas. Et la Judée Samarie, outre la branche armée et terroriste du Fatah, abrite diverses milices armées, terroristes et claniques, dont la principale vocation est, d’une part, la corruption des institutions palestiniennes ; et d’autre part, la non reconnaissance et la destruction de l’Etat d’Israël. Enfin, Jérusalem sous contrôle administratif et policier palestinien, ce serait le chaos garanti sur tous les Lieux Saints de la ville. Quant à la superficie actuelle d’Israël (la taille de la Picardie), aucune nation démocratique au monde n’accepterait de s’en contenter, surtout dans le climat de haine prédominant dans la région.  Avec les obus, roquettes et missiles du Hezbollah qui se sont abattus sur la moitié nord d’Israël ; et avec les obus, roquettes et missiles du Hamas qui se sont abattus sur la moitié sud d’Israël ; avec les ridicules 12 km qui séparent Netanya en Israël, de Tulkarem en Judée Samarie, la démocratie israélienne est la démocratie la moins protégée et la plus vulnérable de la planète.

A cet égard, être l’ami du peuple juif israélien, c’est simplement défendre le droit d’Israël à la même sécurité territoriale que les USA et l’Union Européenne. Or, avec les frontières actuelles d’Israël, cette sécurité territoriale est, encore aujourd’hui, tout simplement inexistante, parce que rendue impossible du fait de la haine croissante des voisins d’Israël. En ce qui me concerne, le sionisme juif et le philo-sionisme chrétien, de façon très concrète et très géographique, c’est la viabilité de l’Etat d’Israël dans un espace qui rend possible cette viabilité malgré un environnement musulman foncièrement hostile, pour ne pas dire génocidaire, comme en témoignent les discours d’Ahmadinejad, de l’Organisation de la Coopération Islamique, du Hezbollah, du Hamas, du Fatah, de la gauche et de l’extrême-gauche européennes. Tout cela, Yitzhak Shamir l’avait parfaitement compris. C’est d’ailleurs ce que les idiots utiles lui reprochent encore aujourd’hui. Yitzhak Shamir vient de trépasser. Nous n’oublierons jamais tout ce qu’il a fait pour notre ami le peuple juif israélien.

Michel Garroté

Rédacteur en chef

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