Publié par Michel Garroté le 27 juillet 2012


Michel Garroté – Pour ce qui me concerne, la crise syrienne pose un problème. Je l’ai déjà écrit plusieurs fois. Je déteste le clan Assad. Notamment parce que j’ai vu de mes yeux les monstruosités perpétrées par le clan Assad contre les Chrétiens au Liban dans les années 1980. Cela dit, lorsque quelques années plus tard, dans les années 1990, je me suis rendu en Syrie, j’ai été bien obligé d’admettre que la situation des Chrétiens y était bonne. C’est un paradoxe typiquement levantin. Le clan Assad a voulu chasser les Chrétiens du Liban afin de pouvoir annexer ce pays. Et le même clan Assad, dans son propre pays, la Syrie, a ménagé les minorités, y compris les minorités chrétiennes, du fait que ce clan est lui-même une minorité alaouite dans un pays majoritairement sunnite. Je sais très bien qu’actuellement le clan Assad fait à son propre peuple ce qu’il avait déjà fait pendant plus de quinze ans au peuple libanais. Du reste, à l’époque, j’étais très seul dans ma défense des chrétiens libanais qui semblaient laisser le monde entier indifférent. Et je ne peux donc pas, aujourd’hui, prendre parti contre le clan Assad que je déteste, car si un califat islamique lui succède, les Chrétiens de Syrie n’auront plus qu’à faire leurs valises. Et qui les accueillera ? Personne…

Toujours à propos de la Syrie, Frédéric Pichon, Docteur en Histoire contemporaine, écrit (extraits ; lien en bas de page) : « Et quand les massacres commenceront, visant les alaouites, mais aussi les chrétiens (feu Daoud Rajha le ministre de la Défense était chrétien), que diront les chancelleries et les rédactions ? Qu’ils l’ont bien mérité ? Ne sera-t-il pas trop tard pour regretter de n’avoir pu ni su faire émerger une opposition pacifique pourtant bien présente sur la scène syrienne et connue des chancelleries ? Et quand le Kurdistan syrien deviendra autonome et tentera de se rapprocher de son homologue irakien, croit-on que la Turquie laissera faire ? Sur un autre front, l’Iran et le Hezbollah, déjà à l’œuvre sans doute dans l’attentat qui a visé des touristes israéliens en Bulgarie, vont-ils rester inactifs ? Bahreïn toujours occupé par les chars saoudiens s’embrasera probablement à nouveau et le Golan, jusqu’ici fermement tenu par la police et l’armée syrienne laissera déferler les djihadistes bientôt orphelins du terrain de jeu afghan, en direction de la Galilée. La crise syrienne ne fait que commencer et les Cassandre se feront une fois de plus vilipender ».

Aide à l’Eglise en Détresse signale (extraits ; lien en bas de page) : Ce n’est pas en fournissant des armes que la démocratie arrivera en Syrie ». Ainsi s’est exprimé Mgr Jean-Clément Jeanbart, archevêque d’Alep des gréco-catholiques, à l’issue d’une réunion des évêques catholiques de Syrie ayant eu lieu le 26 juillet 2012. Marc Fromager, directeur de l’AED, s’exprime sur la question : « Que le régime de Bachar al-Assad soit dictatorial, tout le monde s’accorde à le dire, même les Russes et les Chinois. Mais la question qui demeure reste de savoir quel est le meilleur scénario pour l’avenir du peuple syrien: des reformes politiques conduites progressivement avec des observateurs internationaux ou le chaos institutionnalisé sur fond de violence extrême ? Or, l’unique version matraquée par les médias occidentaux, et particulièrement français, consiste en un parti pris absolu et définitif pour l’ASL (Armée Syrienne Libre), malgré les débordements de l’insurrection populaire et son infiltration par des bandes armées, le tout aux cris de « Allah Akbar », ce qui ne semble choquer personne en Occident. Est-ce vraiment la démocratie qui les mobilise ? Quels gages donnent-ils pour le respect des minorités, quelles qu’elles soient (druzes, alaouites, chrétiens, yazidis) ? ».

Marc Fromager poursuit : « L’Arabie Saoudite et le Qatar sont aujourd’hui les deux seuls pays à avoir officiellement admis qu’ils livraient des armes aux rebelles syriens, mais on sait qu’il y en a d’autres. Comment, dans ces conditions d’intervention étrangère massive, évoquer simplement une guerre civile? Il y a une évidente convergence d’intérêts de nombreux pays occidentaux et arabiques à la dislocation de la Syrie, mais le bien du peuple syrien semble être la dernière chose prise en compte ». « Quel sera l’avenir des chrétiens de ce pays ? » interroge Marc Fromager. « Près de 100’000 chrétiens ont fui la ville de Homs après avoir vu leur maisons dépouillées et leurs écoles fermées. Ceux d’entre eux qui ont de l’argent ont acheté une tranquillité précaire, mais les autres… Que se passera-t-il demain à Alep et à Damas ? La Syrie était le pays du Moyen-Orient où les chrétiens étaient le moins discriminés. Il semble que ces derniers ne pèsent pas lourd aujourd’hui face à la volonté de certains de détruire ce pays ».

Grâce à ses bienfaiteurs, l’AED a pu envoyer une aide conséquente aux chrétiens de Syrie, tant matérielle que spirituelle. Les témoignages recueillis sont édifiants. « Je ne partirai pas. Je suis prêtre pour le meilleur et pour le pire. Cela signifie que je suis « père » et que je dois maintenant rester auprès des gens qui m’ont été confiés ». Voilà ce qu’a affirmé un prêtre de Damas (qui désire rester anonyme) à l’AED il y a quelques jours. Il a appelé à la prière permanente pour la paix en Syrie. « L’aide matérielle est certes importante, mais le gouffre de la peur et de la solitude ne peut pas être surmonté avec de l’argent. Pour nous, en Syrie, il est capital de savoir que nous ne sommes pas seuls ». Dans une lettre adressée à des parents et des amis, le prêtre dépeint la situation vécue ces derniers jours. Il les appelle à prier, pour demander la force et le courage d’être un soutien pour autrui. « Dieu seul sait combien il m’est difficile de trouver les mots adéquats pour encourager les gens à ne pas perdre espoir », écrit-il. Il tire sa force de la prière : « Je Le regarde sur Sa croix – j’ai sous les yeux un grand crucifix. J’y trouve alors la consolation et je comprends que le joug qu’Il a porté était bien plus lourd que le nôtre. Ainsi, la paix revient dans mon cœur ».

Puis il nous explique qu’il a célébré la Messe le dimanche précédent sur « fond de coups de feu et de détonations », devant les quelques fidèles qui ont osé s’y rendre. Car c’est un fait que les chrétiens craignent désormais de se rendre à l’église. C’est ce qu’expliquait récemment à l’AED Mgr Audo, évêque chaldéen d’Alep : « Que pouvons-nous faire pour protéger les gens ? Nous n’avons pas la capacité de le faire. Il n’y a pas seulement des chrétiens dans cette situation dangereuse, mais aussi certains musulmans, ceux considérés comme des sympathisants avec le gouvernement. » L’évêque a remercié les bienfaiteurs de l’AED d’avoir fourni de la nourriture, des soins médicaux et des abris à plus de 1000 familles qui avaient fui Homs vers d’autres petites villes et village. « C’est très difficile, surtout pour les gens de Homs, qui ont tout laissé derrière. Ils ont tout perdu, alors ils apprécient beaucoup l’aide de l’AED ». Le père Jules Baghdassarian, prêtre gréco-catholique à Alep et Directeur national des Œuvres pontificales missionnaires (OPM) en Syrie, a déclaré à l’agence Fides : « En tant que chrétiens, notre espérance réside dans la réconciliation. Nous demandons à la communauté internationale et à l’Union européenne de nous aider à retrouver la paix et non pas de fomenter la guerre !

Michel Garroté

Rédacteur en chef

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http://www.atlantico.fr/decryptage/syrie-comment-attitude-occidentaux-el-assad-prepare-lendemains-plus-sombres-que-dictature-actuelle-frederic-pichon-425416.html?page=0,1

http://www.aed-france.org/actualite/mgr-jeanbart-%c2%ab-ce-nest-pas-en-fournissant-des-armes-que-la-democratie-arrivera-en-syrie-%c2%bb/

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