Publié par Gilles William Goldnadel le 13 août 2012

Sujets de la semaine : les contradictions de la gauche sur les questions de délinquance et de justice et le double discours des humanistes sur la peine de mort.

Justice et contradictions de la gauche

Et si ce qui caractérisait aujourd’hui la gauche française, dans son aspect le plus agaçant, ne serait pas cette contradiction permanente et sélective ?

Quelques exemples pour illustrer ce principe de contradiction :
– La prison. Ces deux dernières semaines, les déclarations de Madame Taubira et de quelques éminences socialistes dans son sillage auront déclenché l’éternelle et lassante polémique sur l’utilité de la prison.

Madame Taubira a en effet cru devoir considérer les centres d’éducation fermés pour mineurs comme un « fantasme ».

Première remarque : dès que la gauche de la gauche utilise à son profit un vocabulaire issu de la psychanalyse de bazar : je me méfie. L’insécurité était un fantasme, on connait la suite, l’immigration entraînant des modifications démographiques, un autre, et on connait la fin.

La position de Madame Taubira est en parfaite contradiction avec le programme électoral du candidat socialiste élu et qui avait à cœur de montrer que sous le masque de son éternelle bonhomie ne se cachait certainement pas le visage du laxisme gauchisant.
Force est de constater, pourtant, que l’heure est à une faiblesse qui fera rougir de plaisir le syndicat de la magistrature.

Le journal le Monde ne s’y est pas trompé puisqu’il réclamait cette semaine dans son éditorial aux socialistes « un brin de clarté » mettant lui aussi en opposition le président et sa garde des sceaux. Malheureusement, le journal n’a pas poussé son désir de clarté jusqu’à nous dire s’il préférait la force ou la faiblesse.
Sur le fond, je renvoie le lecteur à l’excellente argumentation de mon ami Xavier Bébin, de l’Institut Pour la Justice, dans ces mêmes colonnes, qui indiquait qu’il y avait pire encore pour encourager la récidive que les courtes peines de prison : l’inexécution des décisions de justice et le sentiment d’impunité.

On croyait en avoir convaincu l’ensemble des socialistes, mais le tropisme du soleil noir de la gauche extrême est plus fort que ce qui n’était qu’une conversion de circonstance. Dans ce même article, Xavier Bébin rappelait que depuis 1990 la délinquance des mineurs entre 16 et 18 ans avait augmenté de 575 %. Mais sans doute ma ministre de tutelle considèrera ces chiffres comme autant de fantasmes se brisant sur le roc de sa réalité idéologique.

Son collègue socialiste, Monsieur Urvoas, que l’on présentait pourtant comme un possible ministre de l’intérieur, a donné raison à Madame Taubira en considérant les courtes peines de prison comme « vides de sens ».

Je n’ai pourtant jamais entendu qui que ce soit tenir ce genre de raisonnement concernant la délinquance financière ou, l’expression n’est peut-être pas innocente, les « cols blancs ». Je n’ai jamais, sous la plume de qui que ce soit, lu qu’un homme d’affaire coupable d’abus de biens sociaux, un policier dérapant, un politicien dévoyé condamné à deux ans de prison le serait inutilement et qu’il vaudrait mieux lui imposer des travaux d’intérêt général. On voit évidemment, la contradiction : l’impossibilité, que je rappelle désormais semaines après semaines, d’assumer la possibilité de contraindre ceux que l’on considère toujours comme les victimes de la société, en seraient-ils devenus ses bourreaux principaux.

L’humanisme et la peine de mort

Je remarque cette même contradiction dans le domaine de la peine de mort. Favorable à son abolition, je ne l’ai jamais considéré, comme d’aucuns abolitionnistes, comme une sorte de lumière succédant aux ténèbres, considérant depuis longtemps que ce n’est plus l’état le principal pourvoyeur de la mort mais l’individu ou des groupes dévoyés.

Force est de constater pourtant, qu’alors que le prétendu humaniste de gauche ne souffre pas la souffrance donnée par l’état, il l’accepte avec une philosophie très compréhensive lorsqu’il s’agit de l’individu en colère ou mieux encore de la foule. A titre de simple illustration, j’entendais il y a quelques semaines, sur France Inter, le gentil Bernard Guetta, sans doute ennemi farouche de la peine de mort, nous dire qu’il ne pleurerait pas si Monsieur Assad subissait le même sort que Monsieur Khadafi. Je pense que mes pires détracteurs s’accorderont à reconnaître que je n’avais et n’ai pour messieurs Khadafi et Assad, pas le moindre soupçon de sympathie. Je crois sans me vanter avoir été de ceux qui les ont le plus conspué jusqu’à en être suspect. Je ne crains pas cependant de dire combien la façon dont le raïs libyen a été lynché, torturé, sodomisé, m’a soulevé le cœur et que je souhaiterais plutôt pour le rejeton Assad un jugement de Cour fut-il suivi d’une exécution capitale.

Plus généralement, j’ai observé combien les exactions aveugles des foules syriennes, palestiniennes ou libyennes laissaient de marbre ceux qui n’avaient pas assez de larmes pour pleurer le sol d’un terroriste de Guantanamo. L’excès de compréhension n’a d’égal dans son excès que celui de la sollicitude. Il y a peut-être pire que la bonne conscience : la mauvaise.


La crainte de l’islamophobie empêche toute lutte efficace contre le racisme

On annonce cette semaine le décès de Mouloud Aounit, ancien président du Mrap. Je m’abstiendrai évidemment de toute remarque déplacée, celui-ci n’étant plus là pour se défendre. J’ai été suffisamment son adversaire de son vivant pour le laisser désormais en paix. Je me contenterai seulement de quelques remarques périphériques : certains journaux l’ont présenté comme « une grand figure de l’antiracisme », peut-être, d’autres plus thuriféraires : « comme un combattant contre le racisme ». Certainement pas. Je suis même convaincu désormais que les deux expressions sont parfaitement antinomiques. Son compagnon de route du PCF, Pierre Laurent a poussé son sens de l’humour hilarant à déclarer « qu’il avait eu le courage de lutter contre l’islamophobie »… Mais c’est bien cette crainte de l’islamophobie qui tétanise aujourd’hui tous ceux qui veulent lutter efficacement contre le racisme. Exemple : TV5 mardi dernier, 13h : « Nigéria : les affrontements entre chrétiens et musulmans se poursuivent » renseignement pris, on saura le mercredi que ce soit disant affrontement interreligieux a consisté pour des islamistes à assassiner 20 chrétiens dont un pasteur dans une église évangéliste. Je parierai que ce renvoi intercommunautaire dos à dos est la conséquence aussi inconsciente que permanente du chantage à l’islamophobie. Qui ne voit pourtant que ce ne sont désormais pas seulement les juifs ou les chrétiens qui en font les frais : le génocide des noirs non arabes au Darfour, la chasse aux noirs en Libye, la mise en esclavage des noirs mauritaniens (voir un précédent article), Al Qaida au Mali, quel est l’antiraciste professionnel qui aura le courage de dire la souffrance des populations noires sous le joug arabo-islamiste ?

Dans ce cadre d’indulgence apeurée, on remarquera que l’aveuglement devant le printemps arabe continue de se poursuivre : Arte lundi dernier présentait de manière extatique, dans le cadre du printemps arabe égyptien, un jeune auteur de ce pays mettant en scène une « nouvelle vision des croisades ». A en croire l’artiste intellectuel, l’Egypte d’hier aurait épousé le récitatif occidental sur les croisades et qu’il fallait donc désormais montrer au public le mal que l’occident avait causé. Je croyais personnellement que le récitatif arabe de la croisade était acquis depuis longtemps et donnait de manière compréhensible, tous les torts aux églises de la chrétienté. Quoi qu’il en soit, je conseillerais aux grands intellectuels de la chaine franco-allemande de relire Claude Lévi-Strauss et Jacques Ellul, ils pourraient ainsi apprendre que les croisades chrétiennes, pour injustes et terribles qu’elles aient été envers les populations musulmanes et juives n’étaient en vérité que l’imitation du Djihad.

Au-delà de cela, l’Egypte de Mohamed Morsi est devenue désormais entièrement aux mains des Frères depuis l’éviction du maréchal Tantaoui. Il est bien possible que ceci soit la résultante d’un scrutin électoral serré mais tranché. Il n’en demeure pas moins que le nouveau président de la République a décidé de fermer le journal d’opposition Al Destour coupable d’avoir accusé le nouveau pouvoir de vouloir rétablir le califat. En Tunisie, la colère gronde à Sidi bouzid, berceau de la révolution et l’heure est au rétablissement de la charia. Je devrais regarder Arte plus souvent.

© Gilles William Goldnadel

L’article original peut être consulté sur le Blognadel

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