Publié par Jean-Patrick Grumberg le 31 août 2012

Lundi 27 août, le président français a officiellement demandé à l’opposition syrienne de former un gouvernement provisoire.

« La France demande à l’opposition syrienne de former un gouvernement provisoire, inclusif et représentatif, qui peut devenir le représentant légitime de la Syrie nouvelle », a annoncé le président François Hollande lors du discours des ambassadeurs, à l’Elysée.

« Nous engageons nos partenaires arabes à accélérer cette étape. La France reconnaît le gouvernement provisoire de la Syrie une fois qu’il sera formé »

Opposition syrienne ? Qui sont les tartufes chargés de conseiller le gouvernement dans sa politique étrangère ? Et à qui s’adressent de tels discours, qu’un étudiant en première année de politique internationale n’aurait pas osé présenter à son professeur ?

Le discours de François Hollande a donné l’impression, une fois de plus, qu’en politique étrangère la France ne connaît pas ses dossiers.

Il existe plusieurs groupes d’opposition en Syrie, et aucun d’entre eux n’a formé d’alliance jusqu’à présent.

– Le Conseil national syrien (CNS) est né en réponse à la rébellion de 2011 comme une sorte de gouvernement en exil, et il opère depuis Istambul. Il dirige l’armée libre syrienne, composée de soldats de l’armée syrienne qui ont déserté suite aux massacres de civils. Le CNS semble être le groupe d’opposition le plus important. Cependant, il n’est pas sûr qu’il soit prêt à être reconnu par les autres groupes, surtout après qu’il ait rejeté toute alliance avec le Comité de coordination nationale pour un changement démocratique (CCNCD) qui souhaitait engager le dialogue avec le régime Assad, et mettre en place une zone de non vol pour éviter toute intervention militaire étrangère. Le CNS arborait le drapeau syrien bien avant le régime Assad, père et fils. Il est soutenu par les Frères Musulmans, de nombreux Kurdes, des Assyriens, et par le CCL.

– Le Comité de coordination locale, (CCL) a informé le monde des crimes et méfaits quotidiens de al Assad sur son site internet à partir de mars 2011. Il a publié les vidéo amateurs qui montraient les horreurs du régime et a utilisé les médias sociaux pour diffuser l’information. Il sert maintenant de coordinateur entre divers groupes locaux, et il partage les informations avec les médias internationaux. Le CCL est apolitique, il encourage les civils à participer aux marches de protestations contre le régime.

– Les islamistes. Opposés au gouvernement al Assad depuis toujours en raison de leur foi islamiste. Al Assad est un Alawite, secte mystique basée sur l’islam shiite, qui tient la majorité des pouvoirs de la Syrie, tout en étant un groupe minoritaire. Les ¾ des Syriens sont sunnites, et beaucoup considèrent les Alawites comme non-islamiques.

– C’est également ce que pensent les Frères Musulmans. Ces derniers ont été interdits en 1963 et ont été réprimés dans le sang par le père d’al Assad en 1982, à Hama (35.000 morts en quelques jours). Aujourd’hui, ils appellent à mener une révolution violente contre les Alawites, et demandent l’application de la Sharia dans le pays.

– Les Kurdes de Syrie, composés de musulmans sunnites, d’alawites, et de chrétiens. Ils représentent la plus importante des minorités syriennes – et la plus discriminée. Les Kurdes ont participé aux manifestations anti gouvernementales du nord est du pays, et les forces du gouvernement n’ont pas hésité à tirer dans la foule des manifestants, en octobre 2011, après que leur leader, Mashaal Tammo, ait été assassiné dans son appartement. Leur « mission », expliquent-ils sur leur site (2) consiste à intégrer les chrétiens qui se sont impliqués dans l’opposition dans la Syrie post-Assad, et de les associer à la création d’une nouvelle constitution qui garantisse la liberté religieuse et la démocratie. Les islamistes et les Frères musulmans, s’il est besoin de le préciser, rejettent totalement cette vision.

– Le Comité de coordination nationale pour un changement démocratique (CCNCD). Ce groupe qui abrite plusieurs sous groupes, est composé d’un grand nombre de figures d’oppositions tolérées de longue date par Assad, ainsi que d’anciens membres du régime, ce qui explique l’hostilité d’un grand nombre d’activistes, qui les soupçonnent d’être des agents du régime. « Le régime Assad est très habile, et il envoie des hommes à lui à l’intérieur du Comité de coordination » a déclaré Khaled Kamal, un activiste de l’opposition syrienne, depuis le Caire.

– Les Syriens de la base. Ces protestataires, qui ne se seraient pas forcément vus comme des activistes, ont pris les rues de Syrie par désir pour la démocratie, en demandant la résignation du régime al Assad, et en signe de protestation contre les attaques de leurs quartiers et villes. Les démonstrations de ces « Syriens de base » incluent le milieu étudiant, les protestations de femmes, les sit-in de médecins, avocats et d’autres de professionnels qui se plaignent des conditions de vie dans le pays. Cette myriade de représentants de la société civile dénonce ce que beaucoup considèrent comme la dangereuse gesticulation politique des groupes d’opposition organisés. « L’opposition n’est pas honnête. Elle a de très grandes ambitions politiques, et le sang versé des Syriens n’est pas leur priorité », expliquait un activiste de Homs au Financial Times (3), qui ajoute « Je pense que l’opposition est tellement occupée avec ce qu’elle obtiendra quand le régime Assad sera tombé qu’ils en perdent de vue l’essentiel. Ils devraient se concentrer sur une chose : faire tomber le régime et organiser un procès équitable pour Assad et sa clique ».

En conclusion, la division entre les forces de l’opposition a rendu impossible, pour les dirigeants internationaux, d’offrir une aide significative, ce qui a frustré les membres du Conseil de sécurité des Nations-Unis, et il est étrange que le gouvernement français se soit laissé aller à simplifier la situation syrienne à l’excès.

L’ONU et diverses organisations de droit humanitaire estiment que 21.000 hommes femmes et enfants ont été torturés et tués pendant la guerre civile. Le conflit a commencé en 2011, lorsque les forces gouvernementales ont torturé 40 adolescents parce qu’un jeune avait griffonné un slogan anti Assad sur un mur de Deraa.

Reproduction autorisée, et même vivement encouragée, avec la mention suivante et impérativement le lien html ci dessous :
© Jean-Patrick Grumberg pour www.Dreuz.info

http://www.lepoint.fr/fil-info-reuters/hollande-invite-l-opposition-syrienne-a-former-un-gouvernement-27-08-2012-1499693_240.php
(2) http://syrian-christian.org/about/our-vision-%D8%A3%D9%87%D8%AF%D8%A7%D9%81%D9%86%D8%A7/
(3) http://www.ft.com/cms/s/0/f0d2797e-36ee-11e1-96bf-00144feabdc0.html#axzz1jBMYcp1N

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