Publié par Guy Millière le 26 octobre 2012


Voici quelques semaines, une chaîne de télévision française offrait aux téléspectateurs un reportage sur le Qatar. On en tirait aisément l’impression que c’était un merveilleux pays, ouvert et dynamique, où, grâce à l’argent des matières premières énergétiques, un monarque éclairé procurait bonheur et prospérité à ses sujets : chaque qatari bénéficiait, était-il dit, de revenus élevés, d’une éducation de haute qualité, de ce qu’il y avait de meilleur sur terre. Le pays prospérait, anticipait, constituait un exemple pour tout le monde arabe. Aucune pauvreté ne semblait marquer les rues. Aucun problème de liberté de parole ne semblait exister. La chaîne Al Djazira, propriété de la famille régnante était décrite comme « l’équivalent musulman de CNN ». Le Qatar, était-il ajouté, investissait désormais dans le sport et voulait le plus grand bien à la France. Il était propriétaire d’équipes de football et d’une nouvelle chaîne sportive.

Pas un mot n’était dit sur ces habitants du Qatar n’ayant pas la nationalité qatari qui se livrent à toutes les basses tâches de production, d’échange et de services, et qui vivent avec un salaire misérable : ces gens représentent les trois quarts de la population.

Pas un mot ne décrivait le Qatar comme ce qu’il est : une société de caste où les citoyens à part entière forment une caste supérieure, et où des non citoyens forment une vaste couche inférieure placée dans une position de servitude , corvéable à merci.

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Pas un mot ne décrivait non plus le fait que le Qatar est une monarchie absolue ou le système de kafala, qui implique que tout travailleur subalterne au Qatar doit avoir un « sponsor » qui garde son passeport et qui, depuis là, a tout pouvoir de décision sur les activités de la personne concernée dans le pays, y compris sa possibilité ou non de traverser les frontières.

Pas un mot ne décrivait l’activité réelle d’al Djazira, qui n’est pas une chaîne d’information à proprement parler, mais une chaîne destinée à transmettre une « vision islamique du monde » à ses spectateurs. Le rôle dans la chaîne, de Youssef Al Qaradawi, principal prêcheur des Frères musulmans, n’était pas évoqué, ou très vite, en une phrase, alors que les émissions de ce personnage sont regardées par des millions de Musulmans dans le monde arabe, en Asie, mais aussi en Europe, et distillent un esprit de djihad et de haine antisémite.

Ce reportage avait des allures de propagande, et l’explication résidait sans aucun doute dans les liens de plus en plus étroits noués par la France avec le Qatar. Ces liens, on le sait, ne se limitent pas à l’achat par le Qatar de l’équipe de football Paris Saint Germain ou à l’acquisition d’immeubles, d’hôtels, de palaces et d’entreprises. Ils ont des dimensions militaires : l’intervention de l’armée française dans la guerre contre le régime Kadhafi en Libye a été très largement financée par le Qatar. Ils peuvent avoir une dimension « sociale » : par le biais des investissements effectués dans de multiples banlieues dites « sensibles » qui sont aussi, le plus souvent, des banlieues musulmanes.

Un groupe d’amitié France-Qatar a vu le jour à l’Assemblée nationale : il compte quarante neuf membres à ce jour et a des allures de lobby.

Ces liens ne poseraient pas de problème en soi si le Qatar n’était pas un pays musulman autocratique assurant la promotion d’un islam radical. Mais le Qatar est précisément cela : un pays musulman autocratique qui promeut l’islam radical.

C’est même, si l’on regarde la logique d’ensemble de l’action du Qatar, au delà de la Libye, dans toute l’Afrique du Nord et dans tout le Proche-Orient, un pays qui œuvre pour reconstituer l’unité du monde sunnite et pour que cette unité retrouvée aux allures de califat soit dominée par le groupe dont Youssef al Qaradawi est le principal prêcheur.

Un califat dominé par les Frères musulmans signifierait un califat islamiste, imprégné non seulement d’une lecture radicale de l’islam, mais d’éléments totalitaires venus directement du nazisme et du fascisme, doctrines dont le fondateur de la confrérie Hassan Al Banna s’est très explicitement inspiré.

La France entretient des liaisons très douteuses. On ne peut prétendre lutter contre l’islam radical et contre l’antisémitisme et faire en parallèle comme si ces liaisons n’existaient pas ou n’avaient pas d’importance.

Après avoir subventionné Mohamed Morsi et la transformation de l’Egypte en un régime aux allures totalitaires, l’émir du Qatar vient de se rendre à Gaza où il a été accueilli par les dirigeants du Hamas. Le Qatar va financer des installations diverses à Gaza, et ce financement était l’objet officiel de la visite, mais celle-ci avait aussi une dimension politique : le Qatar soutient une organisation djihadiste anti-israélienne aux intentions explicitement génocidaires. A peine l’émir avait-il quitté Gaza que le Hamas montrait qu’il avait reçu le message en faisant tirer une pluie de roquettes sur le Sud d’Israël.

Oui, vraiment, la France entretient des liaisons très douteuses. On ne peut prétendre lutter contre l’islam radical et contre l’antisémitisme et on ne peut se prétendre l’ami d’Israël, et faire comme si des liaisons avec un ami d’une organisation telle que le Hamas n’avaient pas de conséquences et pas de signification.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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