Publié par Guy Millière le 28 janvier 2013

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Les européens ne veulent pas se souvenir

C’était donc, dimanche 27 janvier, la journée du souvenir de l’holocauste. J’ai pu me le rappeler parce que je lis quotidiennement la presse israélienne, car, une fois de plus, j’ai du constater que dans la presse française, ce n’était pas mentionné, ou de manière tellement infime que cela m’a échappé.

La tendance que je note depuis plusieurs années se confirme. Les Européens ne veulent pas se souvenir, et cela touche même la journée officielle du souvenir.

Quand, en France, un Président rappelle que la rafle du Vélodrome d’hiver a été organisée et réalisée par des Français, y compris des gens qui faisaient du zèle, il s’attire des réponses indignées de gens qui disent qu’il touche à « l’honneur » de la France : quand bien même il y eut des « justes » et des gens courageux, ce qui touche à l’honneur de la France, à mes yeux, c’est qu’il y ait eu le régime de Vichy, la Milice, une « police allemande » qui parlait français parce que constituée de Français, des gens comme René Bousquet pour se charger de quelques très basses œuvres, des écrivains tels que Robert Brasillach et Louis Ferdinand Céline, à qui je ne veux trouver aucune excuse, strictement aucune.

L’amnésie volontaire ne concerne pas seulement la France, on la retrouve en Allemagne : oui, en Allemagne ! Et les propos, livres, émissions de télévision présentant l’Allemagne comme ayant été « victime » du nazisme se sont faits plus nombreux au cours de la récente décennie. La France a d’ailleurs contribué à entériner ce type de discours lorsqu’on a commencé à voir des dirigeants allemands invités à commémorer le débarquement, en 2004, au côté de dirigeants français : aux fins de dire que ce qui avait commencé le 6 juin 1944, ce n’était pas seulement la libération de la France, mais aussi celle de l’Allemagne. Et aux fins de faire oublier, sans doute, que les soldats américains, canadiens et britanniques tombés sur les plages de Normandie se faisaient tirer dessus à la mitrailleuse par des soldats allemands (qui n’avaient pas compris qu’ils tiraient sur leurs libérateurs) et insulter par Radio-Paris, qui était Radio Pétain dans un pays où il y avait encore, à quelques milliers d’exceptions près, quarante millions de pétainistes.

L’amnésie concerne toute l’Europe centrale, mais aussi le Royaume Uni, où nul ne se rappelle que la politique britannique au Proche-Orient avait consisté à s’efforcer de trahir le traité de San Remo qui, en 1920, avait débouché sur le Mandat palestinien censé créer le foyer national juif : après avoir amputé le Mandat palestinien d’un Etat arabe palestinien appelé aujourd’hui Jordanie, constitué sur plus des trois quarts du Mandat, après avoir voulu et entériné la nomination au poste de mufti de Jérusalem d’Amin al Husseini, antisémite abject, oncle de Yasser Arafat, et maître à penser de Mahmoud Abbas, et après avoir facilité l’immigration arabe sur le territoire résiduel, les Britanniques ont asphyxié l’immigration juive venue d’Europe, ce qui a condamné à mort des centaines de milliers de femmes et d’hommes.

Il fut un temps où, comme l’a écrit Gilles-William Goldnadel, on aimait se souvenir en Europe, la larme à l’oeil, des Juifs morts et partis en fumée et des Juifs victimes en pyjama rayé. L’Europe ne veut même plus garder ce souvenir. Même lors de la journée officielle du souvenir. J’entends dire de plus en plus qu’il est inutile de se rappeler ces « vieilles histoires » ou que l’ère de la « repentance » est achevée. Il ne s’agit pas de « vieilles histoires » : il s’agit d’un crime imprescriptible, commis par des Européens, sur le sol européen, au bout de dix huit siècles d’antisémitisme européen. Il s’agit donc de ce qui a été l’aboutissement d’une longue accoutumance à une haine qui, depuis, n’a pas disparu. On le voit aisément tous les jours. Il ne s’agit pas de se « repentir » : il s’agit de se souvenir. L’Europe « civilisée » a fait cela : elle n’a pas à se « repentir », mais à discerner qu’en ayant un immense crime dans son passé, elle devrait ressentir qu’elle a un immense devoir moral d’être scrupuleusement fidèle à certaines valeurs qu’elle prétend incarner et que, jusqu’à ce jour, elle incarne souvent si mal. Aucun dirigeant européen ne semble ressentir aujourd’hui ce devoir moral, ou alors cela ne se voit pas. Ce devoir moral n’est pas transmis dans les médias, dans les institutions d’enseignement, et où que ce soit.

Une déclaration officielle a été publiée, ce 27 janvier, au nom de l’Union Européenne, par Catherine Ashton, Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères : elle y parle de la mémoire des victimes de l’Holocauste, et dit que « six millions d’êtres humains ont été brutalement assassinés au cours de la période la plus sombre de l’histoire européenne », et elle ajoute que « certains ont montré alors par leur courage que nous ne sommes pas impuissants face au mal ». Elle y évoque, bien sûr, les valeurs « éthiques » de l’Europe.

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J’aimerais lui demander, puisqu’elle est Britannique, où a été le courage, il y a soixante dix ans, des autorités britanniques condamnant à mort des centaines de milliers de personnes en les abandonnant aux Nazis. J’aimerais lui demander aussi où est le courage dans le soutien apporté par l’Europe aux disciples d’Amin al Husseini au Proche-Orient aujourd’hui. J’aimerais lui demander, enfin, si, lorsqu’elle n’évoque pas des faits anciens, et lorsqu’elle parle du présent en général, et d’Israël en particulier, elle n’oublie pas la différence entre le bien et le mal, entre la démocratie et le totalitarisme, entre le droit et le non droit ? Je n’essaierai même pas de lui poser les questions, tant je connais les réponses.

L’un de mes prochains livres, qui sortira fin mars, s’appellera L’Etat à l’étoile jaune. J’y traite de tout cela et de plus encore. J’y dis que nul ne demande plus aux Juifs de porter une étoile jaune en Europe aujourd’hui : oh, non. Mais les Dirigeants européens, avec de multiples complices, ont dessiné une immense étoile jaune symbolique qui vient peser sur l’Etat du peuple juif. Et cette étoile a les mêmes effets discriminatoires et diabolisants que l’étoile jaune que les Juifs devaient coudre sur leurs vêtements en des temps effroyables. Des gens qui disent n’être pas du tout antisémites parlent d’Israël en usant des mêmes termes que ceux utilisés par les pires antisémites pour parler des Juifs il y a soixante dix ans. Et ils le font avec bonne conscience, cela va de soi. Les antisémites d’il y a soixante dix ans avaient, déjà, bonne conscience…

A quoi devrait servir la journée du souvenir de l’holocauste ? A se souvenir, à ressentir un immense devoir moral, disais-je.

Le souvenir s’efface. Le devoir moral n’est plus transmis, non.

A quoi sert la journée du souvenir de l’holocauste en ces conditions ? A rien ou presque, hélas, je le crains. A permettre à des gens comme Catherine Ashton de se donner bonne conscience pendant cinq minutes avant de reprendre des activités du type même de celles qui ont conduit à l’holocauste.

Puis-je dire par ailleurs que je fais partie de ceux qui souhaiteraient qu’on n’utilise plus le mot holocauste, mais le mot shoah. L’holocauste est un sacrifice envers une divinité. La shoah est une catastrophe absolue.

Il serait bon que l’Europe se souvienne qu’elle a accompli une catastrophe absolue en accomplissant un Crime absolu. Elle y trouverait peut-être de quoi échapper au déclin et au relativisme moral dans lesquels elle sombre présentement.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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