Publié par Guy Millière le 3 février 2013

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Ceux qui, au vu des images venues de Bamako, s’imagineraient une seule seconde que le gouvernement socialiste français aurait davantage de qualités que son prédécesseur, sur quelques points au moins, et que François Hollande pourrait valoir mieux que Nicolas Sarkozy, devraient y réfléchir à deux fois.

En politique étrangère, Nicolas Sarkozy a été très erratique : s’afficher en téléconférence avec Barack Obama, comme il l’a fait quelques jours avant de perdre les élections, a montré à quel point il pouvait être pitoyable, et sa récente démonstration à Genève pour le Keren Hayesod n’a fait que confirmer que sa vision du Proche-Orient était floue, biaisée, voire insultante pour le peuple Israélien. Si j’ajoutais la guerre en Libye sous les ordres du général BHL, je deviendrais accablant.

Mais François Hollande ne semble pas devoir être plus cohérent.

L’intervention au Mali, je l’ai dit, a changé plusieurs fois d’objectifs, et, passée la gloriole d’un instant, elle entre dans la phase sérieuse, celle où les discours parlant de Sahelistan pourraient bien prendre consistance. Les propos de Laurent Fabius sur Israël et le processus de paix, entérinés par Hollande, sont dignes de la « politique arabe de la France » et indignes sur tous les autres plans. La reconnaissance par la France du Conseil National Syrien constitue la reconnaissance de gens qui ont pour la démocratie le même respect que Mohamed Morsi en Egypte, et qui ne vaudraient pas mieux que le régime Assad s’ils arrivaient au pouvoir. Les lois de l’influence du Qatar sur la France, de Sarkozy à Hollande, ont des raisons que la raison continue à ignorer totalement. En intervenant au Mali, Hollande a contrevenu à ce que voulait le Qatar : je crains que cela ne soit compensé autrement, par des gestes beaucoup plus islamiquement corrects. J’attends la suite sans illusions.

En politique intérieure, Nicolas Sarkozy a été tout aussi erratique qu’en politique étrangère, et a oscillé de décisions vaguement socialistes en mesures autoritaires, et de rafistolages en gestes minimaux dans la bonne direction.

François Hollande, lui, a d’ores et déjà fait pire, bien pire. Imaginer que la politique économique suivie pourrait faire autre chose que dissuader la création d’emploi, accélérer les fermetures d’entreprises, inciter des gens fortunés à quitter le pays était inepte et grotesque. Imaginer que la dette pourrait se résorber en administrant à l’économie française des remèdes asphyxiants tout en prétendant « aider » tel ou tel secteur montre qu’au Parti Socialiste, on n’a rien lu sur l’offre et la demande depuis la parution de la Théorie générale de Keynes.

Je ne reconnaîtrai à François Hollande qu’une seule qualité peut-être : l’art de la diversion. Et c’est un art qu’il pratique fort bien. Mais dont je doute qu’il puisse être suffisant pour le sauver, et pour sauver le pays.

En posant au chef de guerre inflexible, Hollande apparaît comme celui grâce à qui la France est acclamée à Bamako, il fait oublier un instant qu’à Paris, il ruine le pays. L’instant, pour autant, ne durera pas.

En suscitant un grand débat sur un sujet de société, l’imposture que constitue le mariage homosexuel, Hollande détourne les regards des courbes du chômage et des fermetures d’entreprises. Mais les regards ne resteront pas indéfiniment détournés.

Il suffirait en réalité de fort peu pour que le pays implose.

De quelle façon ? Nul ne peut le dire.

Les enquêtes d’opinion, en tout cas, montrent un malaise qui s’exacerbe. Un dégoût vis-à-vis de la politique touches les deux tiers de la population. La certitude que le futur sera calamiteux atteint un score de soixante quinze pour cent.

Les enquêtes d’opinion montrent aussi une absence de repères. Il existe une quête de l’homme providentiel, sans qu’il y ait un homme providentiel, et Hollande visiblement, ne fait pas l’affaire. Il existe un désir d’ordre.

Cela s’accompagne d’une défiance accentuée vis-à-vis du capitalisme et de la mondialisation et d’une volonté, très majoritaire, de voir utilisées des « solutions » plus « socialistes ».

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L’offre politique ne satisfait visiblement pas, bien que, du Front National inspiré par des chevénementistes au courant néo-communiste incarné par Jean-Luc Mélenchon, elle inclut tout un assortiment de « solutions » très « socialistes ». Le discours libéral-conservateur, qu’on retrouve pour partie chez Jean-François Copé, ne séduit pas, car la compréhension de l’économie est en plein naufrage.

Le débat d’idées n’a pas lieu, car dans les médias, à quelques exceptions près, c’est l’encéphalogramme plat. Dans les maisons d’édition l’encéphalogramme est tout aussi plat, à quelques exceptions près là encore.

Le débat d’idées ne peut avoir lieu, car il a été tué, année après année, par des gens qui ont aujourd’hui quasiment tous les pouvoirs.

On ne voit pas que le débat d’idées ne peut avoir lieu lorsqu ‘on ne peut porter sur les choses qu’un regard franco-français, mais dès qu’on prend un peu de distance, le phénomène est frappant.

La situation du pays porte un nom, et j’ai déjà eu l’occasion de le dire. Ce nom est : « anomie ». Soit : « désintégration des normes qui assurent l’ordre dans une société ». La définition est d’Emile Durkheim et date de 1893.

La désintégration gagne du terrain. J’ai employé plus haut le mot « implosion », car c’est ce qui se dessine. Une explosion relève de la violence extériorisée. L’implosion relève de l’effondrement vers l’intérieur.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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