Benoît XVI et Tel-Aviv, Koestler et le « sionisme libéral » : l’univers onirique des médias français.
Quelques détails infimes, glanés dans nos meilleurs journaux. Mais le diable est dans les détails.
L’Express, numéro 3315, daté du 13 février 2013, page 70 : pour illustrer un article retraçant la vie et le règne de Benoît XVI, une photographie du pape en Israël, au milieu de rabbins. Légende : « A Tel-Aviv, en 2009… il s’applique à restaurer la voix de l’Eglise ». Or Benoît XVI n’est jamais allé à Tel-Aviv, la capitale économique d’Israël : qu’y aurait-il fait ? Et il n’a pas pu y rencontrer de rabbins, parce qu’il n’y en a pas (à part les rabbins de proximité, de quartier, de voisinage, aussi présents qu’ailleurs dans cette métropole au look laïque, mais qui ne sont pas du ressort des papes). C’est à Jérusalem, capitale politique et religieuse, qu’il s’est rendu lors de son pèlerinage en Terre Sainte, en 2009.
Pourquoi cette erreur, sous la plume – ou le clavier – du journaliste ou du secrétaire de rédaction de L’Express ? L’inculture y est sans doute pour quelque chose. Mais aussi, plus largement, « l’esprit du temps ». Les Français des années 2010 se sont forgé une certaine image d’Israël et du Moyen-Orient, et ne soupçonnent même plus qu’elle jure avec la vérité historique ou la réalité sur le terrain. Israël est à leurs yeux un « fait colonial », un « régime d’apartheid », dont le droit à l’existence, tout relatif, n’est concevable qu’en deçà des « frontières internationales » antérieures à juin 1967. Et Jérusalem ne saurait, en aucun cas, lui appartenir. C’est ce que répètent et répandent, de manière virale, les médias, le Quai d’Orsay, la classe politique et les universitaires. Comment L’Express pourrait-il aller à contre-courant ? Ce serait sa mission. Mais ne nous égarons pas.
Le Point, numéro 2109, 14 février, page 149. Un entrefilet signé Thomas Mahler, « Pour saluer Arthur Koestler ». Qui fait l’éloge de cet auteur, et salue la réédition, aux Belles Lettres, de La Corde raide, la première partie de son autobiographie. Ce dont on ne peut que se féliciter. Mais pourquoi Mahler qualifie-t-il Koestler de « sioniste libéral », et que signifie une telle qualification ? De toute évidence, il s’agit de dire, ou de laisser entendre, qu’il n’était pas, bien que sioniste, un méchant homme.
Or si Koestler fut sioniste, avant et après un flirt avec le communisme qui lui inspira son chef d’œuvre, Le Zéro et l’Infini, une analyse romancée des procès staliniens et surtout de la servilité à laquelle les accusés furent réduits, il ne fut ni sioniste « libéral » – au sens de sioniste « modéré », ou « partisan du dialogue » – ni sioniste socialiste. Il adhéra au sionisme nationaliste de Vladimir Jabotinsky (nationaliste libéral certes, au sens que ces mots avaient avant 1914, mais nationaliste d’abord) et s’en expliqua dans un second chef d’œuvre, La Tour d’Ezra (non réédité, celui-là), où un sioniste laïque anglais de mère non-juive adhère au sionisme socialiste et s’installe dans un kibboutz d’extrême-gauche, avant de rallier le nationalisme et l’Irgoun. En vertu de la « logique de l’ère glaciaire ».
Ce que Koestler entend par là, c’est que lorsque la neige tombe, et la glace recouvre la terre, et que votre survie physique ou celle de vos proches est en question, les objections fondées sur les « droits de l’homme » revêtent un caractère obscène. Ce que les Juifs, enamourés de ces droits depuis la Révolution française, découvrirent entre 1933 et 1945. Ce que le pied-noir « libéral » Albert Camus redécouvrit quand il écrivit, au plus noir de la guerre d’Algérie : « Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère, parce qu’une justice qui ignore ma mère n’est pas la justice ». Et plus près de nous Boaz Neuman, professeur à l’université de Tel-Aviv, naguère gauchiste propalestinien, devenu patriote camusien après les attentats suicide et les pluies de missiles du Hezbollah et du Hamas.
Je ne connais pas Mahler et suis persuadé, a priori, de son honnêteté et de sa bonne volonté. Mais Koestler n’était pas « sioniste libéral » au sens du Paris de 2013. Et il avait raison, diantrement raison, de ne pas l’être.
© Michel Gurfinkiel
L’article original peut être consulté sur le blog de Michel Gurfinkiel
Après sa démission jeudi, Benoît XVI se fera appeler “Sa Sainteté Benoît XVI, pontife romain émérite” ou “Sa Sainteté Benoît XVI, pape émérite”, a annoncé le porte-parole du Saint-Siège, le père Federico Lombardi. Sans cérémonie, le pape doit mettre fin à ses fonctions jeudi à 20 heures après avoir salué les cardinaux présents à Rome dans la matinée. Il se rendra en hélicoptère à 17 heures à Castel Gandolfo, à 25 km au sud de Rome, pour habiter deux mois dans la résidence d’été des papes.
AFP
quel rapport avec l’article ??
Jacqueline s’il-vous-plaît, cessez de fumer la moquette.
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A lire votre explication, ne connaissant pas du tout Koestler, il est sioniste et libéral dans le terme “parisianiste”, c’est à dire qu’il a viré bien à droite.
Pour le premier cas je vois plutôt de l’inculture. A moins de ne jamais avoir ouvert un journal ces dernières années tout le monde sait que le Pape a œuvré (malgré de belles gaffes) à un rapprochement avec le Judaïsme. Son voyage symbolique à Jérusalem a été rabâché et rabâché.
Si après on est obligé de pondre 25 pages de thèses sur le droit international, l’archéologie, le droit moral face au droit juridique ou la préhistoire à chaque fois que l’on utilise les mots Jérusalem et Tel-Aviv, ça va devenir impossible.
Arthur Koestler est mort en 1983.
Ce fut un très grand romancier et un journaliste. Sioniste il l’était: Il avait vécu en Palestine mandataire dans les années 30 et collaboré à des journaux en hébreu (Tsafon et Zekutenu), complètement athée, mais sioniste comme tous les Juifs de sa génération ayant survécu à la Shoah et n’étant pas inféodé au parti communiste (et même ceux là parfois en secret, je me souviens). Si vous trouvez dans une bibliothèque quelques uns de ces livres, lisez les: “Le Zéro et l’infini” sur les purges dans l’URSS des années 30, “Le testament espagnol” (sur la guerre d’Espagne), “La lie de la terre” sur l’internement des ressortissants de pays ennemis dans des camps français en 1940, et surtout, sur Israël, “La tour d’Ezra” où il raconte d’une manière romancée la fondation du kibbutz Ein Hashofet, et “Analyse d’un miracle” sur la création de l’état d’Israel.
Un de ses derniers livres “La treizième tribu”, qu’il avait écrit comme un pastiche de livre historique sérieux a malheureusement été pris au sérieux ces dernières années. Lui qui avait beaucoup d’humour (et qui adorait les blagues de potaches) y racontait que l’origine des Ashkénazes était plus khazar que juive, en donnant comme exemple, entre autre, leur amour pour la carpe farcie (!), a vu ses propos complètement déformés et repris par les antisémites et antisionistes de tout poil. Ce qui nous donne maintenant: Les Juifs de maintenant n’ont plus rien à voir avec la terre d’Israel puisqu’ils sont pour partie descendants des Khazars. Il n’avait pas mérité ça.
Bonne lecture!
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Il suffit de trente ans de gauchisme obtu pour effacer l’entendement d’une nation? Je pense qu’il y a plutôt la menace sourde de la mort sociale pour ceux qui nagent à contre-courant, les apparatniks socialo sèment la désolation.
Le français est une des dernières langues où le mot “libéral” ne désigne pas un pseudo-démocrate socialiste mais un partisan des prescriptions politiques du Décalogue : “tu ne voleras pas, etc.”.
Pourquoi ne pas en tirer les conséquences ?