Il a vu le jour dans un hôpital de Jérusalem, il y a de cela, vingt-trois années. Sa vie a été immédiatement marquée par la solitude et la détresse ; suite à une erreur médicale, l’enfant a manqué d’oxygène et il est né handicapé à vie. Son corps n’a pas dépassé la taille d’un enfant de six ans, sauf les mains et la tête qui étaient ceux d’un jeune homme de son âge. Il ne pouvait ni parler ni rien exprimer, mais on dit que ses yeux comprenaient et offraient le regard de son âme. Jusqu’au dernier jour, il a fallu le nourrir, car il était incapable même de mâcher ses aliments.
Il s’appelait Aviyad Franco et il y a tout juste un mois, il a rejoint le monde des âmes, libéré de son corps fardeau.
Je n’ai pas connu Aviyad et je n’avais pas demandé à le connaitre. Je n’osais pas parler de lui à ses parents ; le malaise, à chaque fois, s’installait en moi et je n’ai pas fait la démarche de lui rendre visite. Que fait-on, que dit-on et comment se tient-on devant un jeune homme à ce point handicapé qu’il ne sait parler et qu’il faut nourrir comme un nourrisson ?
Comment puis-je « visiter » et regarder en face un jeune homme-enfant dont la vie est une douleur constante, un cri silencieux devant l’Éternel ? Je me suis tenue à l’écart de cette souffrance vivante. J’ai manqué de courage.
La journée du jeudi où il s’est envolé devait être marquée par la joie, car le soir même, la cousine d’Aviyad se mariait. Rotem est une jeune femme avec de longues boucles insolentes et des yeux bleus rieurs. C’est une jeune femme qui aime la vie, s’amuse de tout et sa joie de vivre fait toujours plaisir à voir.
Cousin-cousine, deux destins si différents dans une même famille, attachés le même jour par la mort et la vie, la douleur et la joie.
Quelques heures avant le mariage de Rotem, j’ai donc accompagné Aviyad vers sa dernière demeure sur terre.
Tous les enterrements sont des moments difficiles, car nous sommes confrontés à la mort, à l’absence, au deuil impossible et aussi à notre départ, un jour prochain. Je le sais, je l’ai vécu, je le vis toujours. Mais lorsqu’ils ont apporté le corps d’Aviyad, recouvert du linceul et que j’ai vu ce jeune homme de si petite taille, posé sur la pierre froide devant nous, je me suis effondrée.
Le sens de la vie et la fin prochaine de ceux que nous aimons devraient être au centre de nos pensées. Trop souvent, après que la mort nous surprend, comme si elle n’était jamais attendue et qu’elle arrache de notre quotidien des êtres aimés, comme si l’éternité nous appartenait, les questions essentielles se posent enfin à nous.
Bien sûr, il est alors trop tard pour réparer les erreurs de la vie, les maladresses, les disputes futiles, les mots qui n’ont pas été dits ; trop tard pour regretter notre amour qui s’est tenu discrètement, comme s’il y avait matière à avoir honte d’un sentiment aussi noble que l’amour.
Devant le corps d’Aviyad et en présence de cette âme qui nous quittait, plus que jamais j’ai réalisé à quel point la santé est un cadeau du Ciel, et combien il importe d’apprendre à nous regarder, à nous respecter et à nous aimer. Pourquoi faut-il une vie entière pour découvrir le poids des mots et mesurer que la qualité du temps que nous pouvons donner à ceux qui ont besoin de notre amour a valeur d’éternité ?
Quelques heures après l’enterrement, avec mon époux et mes enfants, nous étions au mariage de Rotem et en toute sincérité, j’ai participé à la joie des mariés. Je n’ai pas laissé la tristesse et les pensées qui étaient les miennes prendre le pas sur la joie de cette jolie mariée dont la couleur des yeux est comme le ciel où se tient Aviyad. Ma joie de voir le bonheur de Rotem était entière.
Cousin et cousine aux vies si différentes et dont le jour de la mort de l’un est celui d’une nouvelle vie pour l’autre, sont encore attachés par le fait que Rotem termine ses études d’infirmière et qu’elle a donc choisi de consacrer sa vie à soigner des malades.
Son choix n’est pas lié à Aviyad, mais le hasard, tout de même, semble bien nous envoyer des signes d’espoir.
Jérusalem, 10/06/2013
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Rachel Franco pour www.Dreuz.info
Sympathie avec vos familles.
C’est beau, c’est triste, c’est joyeux a la fois, comme la Vie !
Merci Rachel pour cette belle lecon d’optimisme !
quand on est sensible on est parfois un peu lache. j’en sais quelquechose. j’évite d’aller aux enterrements pour ma part et encore plus aux crémations.
ce texte est très émouvant ! quel malheur pour des parents d’avoir un enfant qui ne grandira jamais … qu’il repose en paix :deadrose:
Toutes mes condoléances aux parents et à la famille d’ Aviyad :deadrose:
pas comprendre que la famille ne respecte pas le deuil
Chère Rachel, Votre texte est très émouvant. Nous sommes effectivement tous, à un moment ou à un autre de notre vie, confrontés à la mort de nos proches; C’est à ce moment seulement que la culpabilité commence: “j’aurais du faire ceci, j’aurais du dire cela, etc …” heureusement, l’oubli du moment permet de continuer à vivre, à rire, et à profiter de la vie. Aviyad est maintenant soulagé de toute cette souffrance. Que de là-haut il aide les siens à supporter la douleur, amen !
Votre parole sur Dreuz est rare, mais elle est toujours précieuse.
Merci une fois de plus pour ce beau témoignage de Vie et d’Espérance.
Pour que l’aventure de la vie ne soit pas une mésaventure, il faut aimer, comme vous le dites si bien Rachel !
” Une voix s’élève dans Rama, c’est Rachel qui pleure sur ses enfants.
Elle refuse tout réconfort, car ses enfants ont disparu .
Ne pleure plus, dit le Seigneur, plus de larmes dans tes yeux, ton labeur reçoit sa récompense, Parole du Seigneur! Tes enfants reviennent du pays ennemi…Ils reviennent vers leur Patrie ” ( Jr 31, 15-17 )
“Telle est la vie des hommes. quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins.
Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants.”
(Marcel Pagnol, “Le château de ma mère”).
Heureusement, Dieu nous reste, quoi qu’il advienne.
dieu nous reste ?
Pour Rachel,
Votre belle lettre, sortie du cœur vous honore. Vous avez su trouver les mots qui conviennent et certainement vous avez freiné votre plume.
La vue d’un enfant handicapé ou d’un adulte est difficile pour beaucoup et c’est bien compréhensible. Il y a une gêne instinctive et l’inconscient vous dicte : pourvu que cela n’arrive pas ni à moi ni à ma famille.
Je connais parfaitement cet état d’esprit, le vivant au quotidien depuis plus de 30 ans. Il ne s’agit pas de moi.
La seule chose à faire est de donner tout l’amour dont on est capable et arriver à “oublier” le handicap pour vivre ” normalement “.
Je suis certain que les parents de Aviyad y arrivaient.
Je souhaite tous les bonheurs aux nouveaux époux.
J’anticipais votre prochain article avec impatience, mais je m’attendais à tout sauf à ça… merci pour ce texte sensible, Rachel.
Une âme pure est descendue, a accompli son travail et est remontée aussi pure.
Le passage final de votre texte m’a rappelé ce moment bouleversant dans le récent film israélien “Le cœur a ses raisons”, où la famille doit se rendre rapidement au cimetière pour les 7 jours de la jeune mère morte en couches, rapidement parce qu’une heure après la circoncision du bébé a lieu…
Alternance de peine et de joie, un temps pour l’une, un temps pour l’autre, dans l’acceptation de la Volonté du Créateur, qui nous demande d’adapter nos émotions au Temps et ainsi de les contenir, pour notre bien…
Bonne continuation, de bonnes nouvelles si D.ieu veut
merci Rachel pour ce texte intime plein de questions sur la vie.
la souffrance est un mystère trop grand pour nous qui sommes programmés pour la vie et la joie. elle nous plonge dans l’ effroi de l’ incompréhension et de l’ impuissance, et si en plus on ne peut communiquer … ne vous laissez pas aller à culpabiliser, c’ est ce que j’ ai senti par moments, enfin si je peux me permettre … avec affection
Rahel. Merci pr ce texte emouvant… Les chemins qui se croisent, les destins qui s’entremelent, cela fait s’appelle la vie.
Je voudrais (sans vous juger aucunement), revenir sur cette phrase: “je n’ai pas fait la démarche de lui rendre visite. Que fait-on, que dit-on et comment se tient-on devant un jeune homme à ce point handicapé qu’il ne sait parler et qu’il faut nourrir comme un nourrisson ?”.
Je me permets d’apporter ma reponse a votre question rethorique: on agit avec comme on l’aurait fait n’importe quel autre enfant. On lui parle normalement, on lui sourit et… on lui fait passer tout l’amour que l’on ressent. Il ne demande rien de plus!
Les enfants ou adultes handicapes sont peut-etre en apparence differents de l’exterieur mais ils ont les memes besoins d’amour et d’attention (sinon plus) que nous.
Le pb du handicap est qu’il nous renvoit a notre propre vie, nos peurs, nos faiblesses, la mort. Chacun connait ses limites et il ne faut pas se mettre en danger psychologique, neanmoins si on fait un peu de place a la personne handicapee, elle vous le rendra en 1000.
Ces enfants sont des anges qui transmettent tellement de belles choses… a qui veut le voir. Vous avez raison, sachons apprecier ce que d.ieu ns a donner.
“BeBessorot Tovot”
Très beau texte. Merci infiniment. 😉
DC
Merci pour vos commentaires.
A Bat El, ce que vous dites est sage et vrai aussi.
Shabbat shalom a tous et encore merci
Rachel
Estimable Rachel,
Quel belle publication que celle-ci.
Aviyad Franco…a souffert sa courte existence dans le Plan Terrestre, et vous n’ignorez pas qu’il avait accepté de venir ici-bas pour accomplir cette mission précise, volontairement, afin d’impulser l’évolution de son Âme Lumineuse Immortelle à un niveau supérieur.
Il a été libéré de sa prison corporelle, et grâce au sacrifice qu’il avait accepté de vivre jusqu’à son terme, il a maintenant rejoint les Sphères de l’Au-de-Là les plus parfaites, dans la Présence de D.
Merci d’avoir partagé ceci..
Salutations.