Publié par Michel Garroté le 28 juin 2013

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Michel Garroté, réd en chef  –- De nombreux romans et films fiction ont prétendu révéler les secrets liés au Vatican et à la banque du Vatican, de son vrai nom, Institut des Œuvres de Religion (IOR). « Le parrain 3 » (dont les photos illustrent le présent article car ce film fiction me fascine et car il n’est totalement fictif…), par exemple, était, demeure et restera un de ces films fiction. Une fiction, certes, mais « Le parrain 3 », au-delà des exagérations, comportait toutefois des éléments proches de certaines réalités vaticanes du temps de la Loge P2 et de la banque Ambrosiano.

Plus récemment, le « Da Vinci Code », ne fut — contrairement au magnifique « Parrain 3 » — qu’une médiocre fiction cathophobe, un Da Vinci Flop, doté, il est vrai, d’un budget publicitaire pharaonique. Depuis la sortie de « Da Vinci Code », d’autres films, téléfilms, feuilletons et pseudo-documentaires ont prétendu et prétendent encore révéler au public les secrets de l’Eglise en général et du Vatican en particuliers. J’écris « ont prétendu et prétendent encore », car tous ces films, téléfilms, feuilletons et pseudo-documentaires ne révèlent rien, sinon la criante cathophobie et la non moins criante ignorance de leurs réalisateurs.

Pour avoir moi-même enquêté sur diverses entités de l’Eglise catholique — et sur certaines de leurs dérives — je peux affirmer ici que les soi-disant spécialistes du Vatican ne font pas leur travail correctement, qu’ils sont démagogiques et paresseux, et, enfin, que si je m’amusais un jour, ce que je ne ferais pas, à déballer tout ce que j’ai expérimenté, les pseudo-vaticanistes seraient stupéfaits de devoir constater que certaines réalités ecclésiales dépassent leurs fictions cathophobes…

Maintenant, revenons à la réalité. Depuis 2012, sous l’impulsion de Benoît XVI, le Vatican donne des gages en matière de transparence financière. Des progrès ont été faits, et, salués, en juillet 2012, par les experts de Moneyval, le comité du Conseil de l’Europe chargé d’expertiser les efforts des Etats membres (y compris l’Etat du Vatican) en matière de lutte contre le blanchiment.

Cela dit, l’Institut des œuvres religieuses (IOR), la banque du Saint-Siège, qui finance les actions de l’Eglise dans le monde, a été cité dans de nombreux scandales politico-financiers et même mafieux. Le secret des 33’000 comptes de l’IOR est mieux gardé qu’en Suisse. Et voici que fin juin 2013, les finances du Vatican font à nouveau le Une des journaux (cela dit, de nombreux Etats européens, y compris la France, sont gangrénés depuis plus de 60 ans par la corruption de la classe politique qui se croit intouchable et rien ne change, excepté les dépenses, la dette et le déficit qui continuent augmenter…).

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Un évêque arrêté par la police

Le vendredi 28 juin, LEXPRESS.fr avec l’AFP écrit (source en bas de page) : Trois hommes, dont l’évêque de Salerne et le vice-président de la banque du Vatican, ont été arrêtés dans une enquête de la justice italienne pour blanchiment d’argent. Un évêque, un membre des services secrets italiens et un intermédiaire financier ont été arrêtés vendredi dans le cadre d’une enquête de la justice italienne sur l’Institut des œuvres de religion (IOR), la banque du Vatican, ont annoncé les médias. Selon le site du Corriere della Sera, le prélat arrêté est Mgr Nunzio Scarano, évêque de Salerne, dans le sud de l’Italie.

LEXPRESS.fr : La télévision Sky TG-24 indique que les trois hommes sont soupçonnés de fraude et corruption. L’arrestation des trois hommes a été faite dans le cadre d’une vaste enquête lancée par la justice italienne en septembre 2010 qui visait le président de l’IOR Ettore Gotti Tedeschi et le directeur général Paolo Cipriani de l’époque pour violation de la législation contre le blanchiment d’argent. Des dizaines de millions d’euros avaient été bloqués dans le cadre de cette enquête qui avait conduit, entre autre, au limogeage de la direction de l’IOR. Au fil des ans, des scandales retentissants ont entaché la réputation de l’IOR, des milieux criminels ayant profité de l’anonymat ou de prête-noms pour y blanchir leurs fonds.

LEXPRESS.fr : Le plus important avait été en 1982 la faillite du Banco Ambrosiano, un scandale bancaire qui mêlait CIA et loge maçonnique. L’affaire Enimont (1993) de pots-de-vin à des partis politiques italiens a aussi éclaboussé l’IOR et plus récemment, le tribunal de Rome a détecté des cas de blanchiment d’argent mafieux à travers les arcanes de la banque. Le Suisse René Brülhart, conseiller de l’Autorité d’information financière (AIF) qui supervise l’IOR, a indiqué que six transactions suspectes avaient été signalées en 2012. Ces dernières années, le Vatican a renforcé à plusieurs reprises les mécanismes de contrôle de l’IOR et le dernier en date a été créé il y a deux jours par le pape François sous la forme d’une commission spéciale ne répondant qu’à lui, pour contrôler les activités de l’IOR, conclut LEXPRESS.fr avec l’AFP dans son article du vendredi 28 juin.

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La récente déclaration du Vatican

Deux jours auparavant, le mercredi 26 juin, le Vatican venait de rendre public le chirographe du Pape François instituant une Commission pontificale pour l’Institut pour les œuvres de religion (source en bas de page) : Par chirographe du 1 mars 1990 Jean-Paul II accordait personnalité juridique à l’IOR, auquel étaient conservés nom et finalité. Dans le sillage de la volonté exprimée par Benoît XVI d’aligner sur les principes évangéliques les activités éco-financières, et afin d’adapter la structure et l’activité de cet organisme aux exigences du temps, ayant consulté nombre de Cardinaux, d’Evêques et autres collaborateurs étant donné qu’il y a nécessité de modifier les diverses institutions de support au Saint-Siège, J’ai décidé la constitution d’une Commission pour le IOR chargée de rassembler des informations sur le statut juridique et les diverses activités de l’institut en vue de procéder là où se sera nécessaire à sa mise en adéquation avec la mission universelle du siège apostolique. Cette commission pontificale agira en vertu du présent chirographe et de mes propres sollicitations.

Le Vatican : La Commission comporte un minimum de cinq membres dont un Président, représentant légal, un Coordinateur doté des pouvoirs ordinaires de délégué et agissant au nom et pour la Commission dans la réception de documents et d’informations, et un Secrétaire, assistant les membres et conservant leurs actes. La Commission dispose de pouvoirs et de facultés correspondant à ses fonctions institutionnelles propres, dans les limites fixées par le présent chirographe et de l’ordonnancement juridique. Elle recueille les documents et les informations nécessaires à son activité institutionnelle. Le secret administratif comme d’autres éventuelles restrictions prévues par le droit ne peuvent entraver ou limiter l’accès de la Commission aux diverses sources, sauf si cela viole l’autonomie et l’indépendance des autorités en charge du contrôle et de la réglementation de l’IOR qui restent en vigueur. La Commission dispose du personnel et des moyens nécessaires à sa mission.

Le Vatican : Elle peut éventuellement faire appel à des collaborations extérieures. L’IOR continue à fonctionner selon les normes du chirographe de 1990, sauf disposition différente de ma part. La Commission se prévaut de la collaboration des différents départements de l’IOR, et de son personnel dans son intégralité. Les supérieurs, membres et officials des dicastères de la Curie Romaine, des institutions dépendantes du Saint-Siège et l’Etat de la Cité du Vatican sont également tenus de collaborer. De manière informelle ou sur requête, la Commission sollicite la collaboration d’autres sujets. La Commission m’informe constamment de son activité et de l’avancement de ses travaux. Parallèlement la Secrétairerie d’Etat a publié les noms des membres de la Commission et précisé qu’elle entre en fonction les jours prochains : Président, le Cardinal Raffaele Farina ; Coordinateur, Mgr Juan Ignacio Arrieta Ochoa de Chinchetru ; Secrétaire, Mgr Peter Bryan Wells ; Membre, le Cardinal Jean-Louis Tauran ; Membre, Mme Mary Ann Glendon, concluait le Pape François, dans le chirographe publié par le Vatican le mercredi 26 juin.

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Les finances du Vatican : une longue histoire.

Le 24 mai dernier, le blog Thomas More publiait l’analyse que voici (source en bas de page) : Les finances de l’Église catholique en général et du Vatican en particulier sont une source inépuisable de fantasmes pour le commun des mortels. Leurs trésors plus ou moins sacrés seraient considérables tandis que les circuits financiers menant à Rome seraient parmi les plus opaques du monde. S’il y a beaucoup d’exagération dans tout cela, il ne faut pas nier que certaines institutions de l’Église n’ont pas fait preuve de toute la transparence nécessaire pour respecter les standards internationaux et européens contemporains. L’origine de cette légendaire discrétion des finances catholiques n’était pas pour autant illégitime. En effet, le secret permettait à l’Église d’agir jusque dans des pays franchement hostiles à son existence même. Mais l’homme étant ce qu’il est, le voile recouvrant les activités financières de l’Église a parfois été utilisé pour dissimuler des activités fort peu catholiques.

Le blog Thomas More : C’est ainsi que l’Institut pour les Œuvres de religion (IOR) aurait tissé des liens avec certaines branches de la mafia italienne, notamment au travers de la funeste banque Ambrosiano. Face à ce genre de scandale, le Vatican a été contraint de réagir. Benoît XVI a été ici comme ailleurs le véritable artisan d’une réforme rigoureuse et sans complaisance. L’autorité chargée de superviser la lutte contre le blanchiment au Vatican vient de rendre son premier rapport. C’est l’occasion de rappeler les efforts faits pour mettre en cohérence la pratique financière des institutions catholiques avec la doctrine sociale de l’Église. Entre 2010 et 2012, le Vatican a mis en place un système de supervision moderne largement inspiré du droit communautaire en matière de lutte contre le blanchiment (V. dernièrement l’excellente synthèse présentée par M. Storck dans un non moins excellent ouvrage sur Finance et éthique, Le Saint-Siège et la lutte contre les activités financières illicites : Lamy 2013, sous la dir. C. Cutajar, J. Lasserre-Capdeville et M. Storck, p. 285 et s., n° 545 et s.).

Le blog Thomas More : L’acte fondateur de ce système est une loi promulguée le 31 décembre 2010, dite loi 127, et approuvée par Benoît XVI par Motu proprio sur la prévention et la lutte contre le blanchiment de capitaux provenant d’activités criminelles et le financement du terrorisme du 30 décembre 2010. On y retrouve les principales dispositions de la dernière directive communautaire en la matière (Dir. 2005/60/CE du 26 octobre 2005). Les institutions soumises à cette législation, parmi elles les dicastères et l’IOR en particulier, sont tenues d’un certain nombre d’obligations professionnelles tout à fait semblables à celles qui pèsent sur les banques françaises. Elles doivent ainsi faire preuve de vigilance dans l’exercice de leur activité afin de pouvoir détecter les éventuelles opérations illicites.

Le blog Thomas More : Comme en droit communautaire, ce devoir de vigilance est à géométrie variable en fonction des risques présentés par l’opération (L. 127, art. 29) : il existe ainsi un devoir de vigilance standard qui peut être renforcé dans certains cas ou allégé dans d’autres selon les circonstances. C’est ce qu’on appelle l’approche par les risques (risk-based approach). Lorsque l’institution soupçonne que l’opération à laquelle elle doit apporter son concours provient d’une activité financière illicite ou participe au financement du terrorisme, elle doit alors faire une déclaration (L. 127, art. 34.2. – c’est ce qu’on appelle une déclaration de soupçon) auprès d’une autorité de surveillance : l’Autorità di Informazione Finanziaria (AIF. – Autorité d’information financière ou de renseignement financier selon les traductions). Cette autorité est l’homologue de notre TRACFIN national. L’AIF est une autorité indépendante chargée de superviser la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Le blog Thomas More : Elle peut prononcer des sanctions administratives même si, pour l’essentiel, la répression est confiée aux juridictions pénales du Vatican (les opérations susceptibles de donner lieu à des poursuites sont transmises au Promoteur de Justice). Tout cela ne s’est pas fait facilement. Moneyval, comité d’experts chargé d’évaluer les mesures de lutte contre le blanchiment au sein du Conseil de l’Europe, a d’abord émis un certain nombre de critiques à l’encontre de l’AIF. Le premier président de l’AIF n’a pas été reconduit, il y a un an pour être remplacé par un ancien avocat suisse, René Brülhart qui semble donner une nouvelle ampleur à son institution, lui donnant ainsi une crédibilité internationale. Alors que les États-Unis avaient inscrit en 2012, le Vatican sur la liste des états susceptibles d’être utilisés dans le blanchiment, l’AIF et le FinCen (Financial Crimes Enforcement Network, son homologue américain) ont signé mardi dernier, 21 mai, un accord en vue d’une meilleure coopération pour la surveillance et la régulation des opérations financières.

Le blog Thomas More : Le premier rapport de l’AIF permet de mesurer les progrès accomplis. Après avoir rappelé le cadre institutionnel et les principes de la surveillance mis en œuvre, le rapport décrit son organisation interne et ses missions. Ces précisions peuvent paraître un peu fastidieuses mais elles ne sont pas sans intérêt si l’on sait que Moneyval critiquait notamment l’opacité de l’AIF. Le rapport fournit des informations intéressantes sur la réception des déclarations de soupçons et leur traitement ainsi que les liens avec le Promoteur de Justice mais aussi sur les relations de l’AIF avec les autres autorités. L’activité réglementaire de l’AIF est par ailleurs exposée : elle a adopté cinq règlements et quatre instructions au cours de l’année 2011. La troisième partie consacrée aux statistiques a été particulièrement commentée par les journalistes, vaticanistes ou financiers. Elle fait clairement apparaître que le démarrage de l’AIF a été spécialement lent mais qu’il y a eu un véritable changement en 2012.

Le blog Thomas More : Cela apparaît à travers les déclarations de soupçon. En effet, il n’y a eu qu’une seule déclaration au cours de l’année 2011. Il y a eu dans le même temps sept demandes d’informations complémentaires et aucune transmission au Promoteur de Justice. Ces chiffres illustrent tout à la fois une faiblesse du contrôle et, sans doute, une excessive prudence dans la supervision par l’AIF. En 2012, les choses ont changé de manière significative dans la mesure où il y a eu six déclarations, trois demandes d’informations complémentaires et deux transmissions au Promoteur de Justice (équivalent du Procureur, pour faire simple, il est chargé de défendre le bien public en matière pénale). S’il y a des progrès évidents, notamment au plan législatif et réglementaire, la pratique n’est pas parfaite. Les institutions financières de l’Église ont encore beaucoup à apprendre pour se mettre en conformité avec les standards internationaux en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. C’est une nécessité tout à la fois économique, juridique et morale pour ne pas décrédibiliser la doctrine sociale promue par l’Église catholique, conclut le blog Thomas More.

Reproduction autorisée avec mention :

© Michel Garroté www.dreuz.info

Sources :

http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/italie-un-eveque-arrete-dans-l-affaire-de-la-banque-du-vatican_1261884.html

http://www.vis.va/vissolr/index.php?vi=all&dl=ec364e5e-a345-bc3f-2e68-51cad50e666c&dl_t=text/xml&dl_a=y&ul=1&ev=1

http://thomasmore.wordpress.com/2013/05/24/le-vatican-et-la-lutte-contre-le-blanchiment/

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