Publié par Guy Millière le 8 juillet 2013

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Bien sûr, la situation économique de la France aujourd’hui est moins catastrophique que celle de la Grèce, de Chypre, du Portugal, de l’Espagne ou de l’Italie. Elle n’en est pas moins, même si cela ne se dit pas, absolument dramatique.

Et le pire est qu’elle risque fort de ne pas s’améliorer du tout, et de conduire le pays vers une situation économique chaotique et imprévisible au cours des années à venir.

Les raisons à cela sont multiples.

L’une des premières à mes yeux est l’analphabétisme entretenu dans ce pays en matière d’économie depuis des décennies, du lycée à l’université. Je renonce à commenter les manuels scolaires sur le sujet : m’être plongé dans ceux concernant l’histoire et la géographie récemment m’a donné des aigreurs d’estomac, et je préfère me soigner avant de recommencer l’expérience. Mais pour ce qui concerne l’université, je connais : je pourrais quasiment citer ici le nom des professeurs d’économie que j’estime compétents et sachant de quoi ils parlent tant la liste serait courte, et nombre d’entre eux, après avoir été marginalisés toute leur carrière, sont aujourd’hui vieillissants. Ceux, plus jeunes et plus nombreux, plus médiatisés, qu’on ne cesse d’entendre sont, à de rares exceptions près, des charlatans qui répètent des discours ineptes et épuisés qui ont déjà fait dix mille fois la preuve de leur inefficacité, voire de leur caractère destructeur. Comme le disait il y a quelques années un ingénieur formé aux sciences physiques : si, dans la profession, un homme proposait de construire un immeuble de vingt étages en faisant reposer les fondations sur du nougat, il serait immédiatement conduit vers l’asile d’aliéné, mais en matière d’économie, dès lors que les conséquences ne sautent pas immédiatement aux yeux, les pires sornettes peuvent se faire entendre et être écoutées avec sérieux, et des gens dont les idées se sont révélées catastrophiquement fausses sont néanmoins toujours écoutés comme s’ils étaient des spécialistes pertinents ».

La deuxième raison est que les journalistes, à de rares exceptions près (je pourrais là citer deux ou trois noms, mais je ne le ferai pas, je ne veux pas faire de tort aux intéressés), disséminent l’analphabétisme et le rendent quasiment hégémonique dans les commentaires effectués sur l’état de la France ou sur celui du monde. Bien que des « informations » sur l’économie soient données en abondance désormais, je dirai qu’au mieux elles contiennent un pour cent d’informations et quatre vingt dix neuf pour cent de propos grotesques sans logique ni signification. Il existe dès lors une « opinion publique » constituée de gens pensant comprendre alors qu’ils ne comprennent rien, rêvant de solutions qui n’en sont pas du tout, et frustrée de voir que les « solutions » en question ne sont pas appliquées.

La troisième raison est que les dirigeants politiques de droite comme de gauche, plutôt que de chercher à comprendre en allant au delà de ce qui se dit, s’enseigne et se diffuse de façon quasiment hégémonique en France, font de la politique politicienne et restent dans ce qui se dit, s’enseigne et se diffuse en France, aux fins d’en tirer des programmes susceptibles de leur permettre d’être élus. Dès lors que ce qui se dit, s’enseigne et se diffuse en France est flou, malléable, sans consistance et sans cohérence intellectuelle, ils peuvent par ailleurs, en composant leurs programmes, y injecter leurs lubies et leurs dogmes favoris, ou au mieux (vraiment au mieux) ce qui, sans doute, leur semblerait meilleur pour le pays.

Le résultat est que la droite française, sous Chirac, comme sous Sarkozy, a mené une politique sans cohérence ni fil conducteur, faite de rafistolages et d’expédients, titubant d’une semblance d’idée mal élaborée à une autre semblance d’idée mal élaborée. Cela a donné entre autres, le « bouclier fiscal » ( qui partait de l’idée, juste, que les prélèvements obligatoires étaient trop élevés et constituait une incitation négative à entreprendre et investir, mais qui, tel que mis en place et expliqué devenait grotesque et pouvait sembler inique), la « TVA sociale » (censée baisser un peu les prix à la production et remédier très légèrement aux handicaps de compétitivité des entreprises françaises), ou le minime recul de l’âge de retraite (au nom de l’idée de « sauver le système de retraite par répartition, sans expliquer que celui-ci relève non pas de la « solidarité entre les générations » mais de l’escroquerie financière, puisque c’est ce type de système qui a conduit monsieur Madoff en prison il y a quelques années).

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Le résultat est que la gauche française sous Hollande gouverne d’une façon tout aussi incohérente. Ce qui a donné le projet de créer une tranche d’impôts à 75% pour faire « payer les riches » (sans imaginer que les riches peuvent partir et ne sont pas des objets rivés au sol) et divers autres projets qui sont destinés à avoir une efficacité très inférieure à celle d’un emplâtre sur une jambe de bois.

Le résultat est que l’extrême gauche, avec des projets que la famille Castro à Cuba trouverait trop extrêmes, parvient encore à rassembler quinze pour cent des voix (ceux-là ne sont pas seulement analphabètes en économie, comme je le vois tous les jours en parcourant Facebook, et sont souvent des gens qui n’inventeraient pas l’eau tiède si elle n’existait pas : sans handicapés intellectuels, de toute façon, l’extrême gauche aurait disparu depuis longtemps).

Le résultat est que l’extrême droite qui, au temps de Jean Marie Le Pen (tout en étant infréquentable pour d’autres raisons) pouvait tenir des propos économiques pas trop insensés, copie aujourd’hui les « propositions économiques » de l’ extrême gauche, à quelques détails près, et propose non seulement de rompre avec l’euro (ce qui, en soi, peut avoir sa pertinence, vue la façon dont l’euro fonctionne), mais aussi une quasi-fermeture des frontières et une rupture avec les marchés économiques et financiers mondiaux semblant destinée à faire de la France, à terme, un satellite de la Corée du Nord.

Le résultat est aussi, je dois le constater, que les minuscules mouvements politiques qui défendent l’économie de marché énoncent des propositions d’autant plus inaudibles qu’elles ne prennent pas en compte les avancées de la réflexion économique et semblent bloquées dans un logiciel périmé. Je n’y vois, par exemple, aucune prise en compte de ce que j’ai tenté d’exposer dans mon livre La septième dimension*, ou de ce qu’on trouve dans les récents essais d’Alvin et Heidi Toffler, de George Gilder, ou de Tyler Cowen, pour citer quelques exemples.

Ce que j’écris concernant l’économie concerne aussi d’autres domaines, car ce n’est pas seulement dans le domaine économique que la France prend une direction chaotique. Il n’y a pas qu’en matière économique qu’on peut constater la propagation de l’analphabétisme (j’ai cité les manuels d’histoire et de géographie plus haut), la dissémination de l’analphabétisme par les journalistes et par les dirigeants politiques.

Tout en pensant que cela ne changera absolument pas quoi que ce soit à la situation, je pense utile, pour ceux qui me lisent, de procéder à un diagnostic détaillé de la situation française, de décrire un peu plus avant vers quoi elle mène, puis d’énoncer quelles réformes seraient susceptibles de permettre un redressement (mais ne seront pas mises en oeuvre). Ce sera l’objet de prochains articles.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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