Publié par Guy Millière le 3 août 2013

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[dropcap type=”circle” color=”#ffffff” background=”#ce2121″]U[/dropcap]n ami m’a fait parvenir ces derniers jours un texte publié sur un blog du journal Le Monde, et sans lui, ce texte m’aurait échappé. C’eut été dommage.

Après avoir glosé sur les critiques que la presse britannique et américaine peut énoncer concernant la France et qui, nous suggère-t-il, sont purement subjectives et teintées de mauvaise foi, l’auteur du texte cite un article qui lui plait beaucoup, et qui décrit la France comme un pays merveilleux sur tous les plans. L’article en question a été publié dans le New York Times, le journal de référence des gauchistes de Park Avenue et de la Maison Blanche sous Obama : quelle coïncidence ! Le signataire de l’article est un certain Roger Cohen, un monsieur qui n’a cessé de trouver le régime des mollah à Téhéran plutôt sympathique et qui admire Mahmoud Abbas : quelle autre coïncidence !

Le monsieur en question dit donc que tout va bien en France, que la médecine est « superbe », que l’éducation « fonctionne » parfaitement, que le pays est d’une « immense beauté », les routes impeccables, les trains à grande vitesse, le savoir-vivre profondément ancré. S’il y avait eu quelques lignes sur le retour de la croissance, j’aurais pu confondre avec un discours de François Hollande.

L’auteur du texte publié sur le blog du Monde, qui note tout de même qu’il y a une tendance à la dépression nerveuse collective en France, se demande où réside l’explication. Comment dans un pays où tout va bien, peut-on déprimer ? Comment, oui.

Roger Cohen (encore) lui fournit la réponse : « Le malaise et l’ennui sont à la France ce que le dynamisme est à l’Amérique : un emblème arboré avec fierté ».

Pour une belle phrase, c’est une belle phrase…

L’auteur du texte publié sur le blog du Monde est, semble-t-il, journaliste.

Gloser sur des critiques concernant la France en suggérant qu’elles sont subjectives et teintées de mauvaise foi, mais sans parler un seul instant de la réalité, c’est donc du journalisme en France aujourd’hui.

Utiliser pour contrer ces critiques un article du New York Times écrit par un journaliste qui plane sur des tapis volants fournis par Téhéran et par l’Autorité Palestinienne, et qui regarde la France du haut de ses tapis volants, des lofts de Park Avenue et des salons de la Maison Blanche sous Obama, et toujours sans parler un seul instant de la réalité, c’est donc du journalisme en France aujourd’hui.

Expliquer enfin, en utilisant la prose du journaliste qui plane que le « malaise » français est en fait un trait du caractère national que les Français arborent avec fierté, c’est, encore, du journalisme en France aujourd’hui. .

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Des gens simples qui n’écrivent pas pour Le Monde et qui ne publient pas dans le New York Times sous la signature du planant Roger Cohen remarqueraient qu’il y a en France un chômage de masse persistant et en hausse, une pauvreté qui s’accroit et qui touche près de dix millions de personnes, que les maladies nosocomiales se disséminent dans les hôpitaux, que la Sécurité sociale que la planète entière est censée nous envier est dans une situation de déficit abyssal, que le système de retraites est tout au bord de l’explosion, que si des trains à grande vitesse circulent, il y a un nombre croissant de personnes qui ne partent plus en vacances faute d’en avoir les moyens (mais on écrit dans des journaux tels que Le Monde qu’il y a une tendance très fashion en ce moment, les vacances à la maison : c’est d’un chic, mon cher !)

Des gens simples verraient que dans l’éducation qui fonctionne parfaitement, il y a un analphabétisme croissant, des « territoires perdus » qui se multiplient où un nombre toujours plus élevé de sujets ne peuvent plus être traités, des étudiants qui arrivent désormais à l’université et qui n’ont plus même le niveau d’un élève de sixième il y a vingt ans (et je sais de quoi je parle puisque j’enseigne à l’université).

Des gens simples verraient que le savoir vivre dont parle Roger Cohen existe encore quand on loge au Crillon, comme le planant Roger Cohen, sans doute, mais beaucoup moins quand on se rend dans un supermarché de banlieue, vraiment beaucoup moins. Ils verraient que la beauté dont parle le planant Roger Cohen peut se trouver un peu gâchée par la prolifération du béton qui transforme les avenues en impasse et par la réapparition des bidonvilles.

Nombre de gens simples se demandent s’ils auront les moyens de finir le mois, s’ils auront encore un emploi l’an prochain, si leur voiture (s’ils en ont une) ne sera pas incendiée. Et quand ils voient François Hollande leur dire depuis les jardins de l’Elysée que tout va de mieux en mieux, ils ne sont pas du tout convaincus. Ils voient que les remèdes proposés par les socialistes sont des impôts et encore plus d’impôts, des réglementations, et encore plus de réglementations, et ils se préparent à serrer de quelques crans leur ceinture déjà très serrée.

Ils devraient lire Roger Cohen plus souvent, semble penser l’auteur du texte publié sur le blog du Monde.

Il y en a encore parmi eux qui lisent des journaux tels que Le Monde et qui pensent y trouver de l’information.

S’ils ne se sentent pas insultés par ce genre de texte, c’est qu’ils ne se sentiront jamais insultés.

Et s’ils continuent à lire Le Monde en pensant y trouver des informations, c’est qu’ils méritent vraisemblablement d’être insultés.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour www.Dreuz.info

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