Publié par Michel Garroté le 12 septembre 2013

 

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Michel Garroté, réd en chef  –-  Face au nucléaire offensif iranien, l’option militaire est-elle la meilleure solution ? Pour répondre à cette grave question, une question géopolitique déterminante quant à notre avenir, inutile de consulter les médias francophones ; et inutile de consulter les instituts géostratégiques francophones. Car leurs analyses ne sont que des points de vue idéologiques où prédominent l’américanophobie et l’israélophobie.

Certes, cela a l’air plutôt complexe. Mais nous allons tenter de simplifier. Jeffrey Goldberg, dans la revue The Atlantic, s’est interrogé sur d’éventuelles frappes préventives israéliennes contre le nucléaire offensif iranien. Fred Kaplan, sur le site américain slate.com a analysé le document publié par Jeffrey Goldberg dans The Atlantic. Pour ce qui me concerne, le dilemme des frappes préventives israéliennes contre le nucléaire offensif iranien tient en trois points.

Premièrement, il faut prendre très au sérieux la menace des ayatollahs intégristes fêlés iraniens. Car non seulement les fous nazislamistes de Téhéran déclarent vouloir « rayer Israël de la carte » et « effacer Israël de la page du temps », mais en plus, ils ont déjà les moyens nucléaires pour le faire, par exemple avec de mini bombes radioactives (durty bombs).

Deuxièmement, même si Israël commettait l’erreur de donner la Judée Samarie aux voyous du Fatah, cela n’apaiserait nullement les ardeurs génocidaires des ayatollahs et des Pasdaran iraniens. Au contraire, toute concession israélienne serait perçue, à Téhéran, comme un nouvel aveu de faiblesse. A ce propos, je note que toutes les interventions israéliennes, même les plus légitimes, sont automatiquement taxées de « disproportionnées ». Et je note également que tous les territoires cédés par Israël ont non pas diminué, mais aggravé, les menaces existentielles et létales qui pèsent sur l’Etat hébreu depuis soixante ans.

Troisièmement, il faudra bien, un jour, frapper le serpent à la tête. Or, la tête c’est l’Iran. C’est pourquoi, selon moi, le but des frappes préventives israéliennes ne doit pas être d’anéantir à jamais l’ensemble du nucléaire offensif iranien. Le but des frappes préventives israéliennes, selon moi, doit être de détruire les sites nucléaires iraniens les plus menaçants pour Israël, ainsi que les principaux bâtiments des Pasdaran.

Fred Kaplan, dans le média américain http://slate.com/ écrivait il y a un certain temps déjà, à propos d’une analyse de Jeffrey Goldberg (traduite par Jean-Clément Nau et adaptée par Michel Garroté) : « Dans un article paru dans la revue The Atlantic, Jeffrey Goldberg s’interroge: Israël va-t-il – ou devrait-il – attaquer les installations nucléaires de l’Iran dans les mois à venir? C’est le meilleur texte qui m’ait été donné de lire sur le sujet: Goldberg sait rester fin et impartial, tout en nous offrant une analyse lumineuse des multiples dilemmes stratégiques inhérents cette situation. Quoi que vous pensiez du programme nucléaire iranien, et des mesures à adopter pour empêcher l’Iran d’avoir la bombe (Goldberg admet lui-même que le sujet le plonge dans une «ambivalence profonde et paralysante»), lisez son papier avant de vous faire votre opinion.

Après avoir interviewé des dizaines de responsables israéliens, arabes et américains, Goldberg estime qu’il y a «plus d’une chance sur deux» pour qu’Israël bombarde l’Iran : selon ce scénario, une centaine d’avions de chasse F-15E, F-16I, et F-16C attaqueraient les usines d’enrichissement d’uranium de Natanz et de Qom, le centre de recherche nucléaire d’Ispahan, voire peut-être le réacteur de Bushehr – entre autres sites. Il dresse une liste complète des risques et des possibles catastrophes qui pourraient en résulter: violentes représailles du Hezbollah, sinon de l’Iran lui-même; déclenchement d’une guerre régionale; choc pétrolier aux conséquences catastrophique; rupture des relations américano-israéliennes; vague mondiale d’attentats antisémites. Dernière conséquence possible (mais ce n’est pas la moindre, et c’est la plus probable): raffermissement du pouvoir des mollahs à Téhéran.

Le fait de laisser l’Iran constituer un petit arsenal nucléaire ne serait bien évidemment pas sans risques. Je ne pense pas (à l’inverse des Israéliens, ce qui est parfaitement compréhensible) que les mollahs bombarderaient Jérusalem dès lors qu’ils disposaient de l’arme nucléaire: les Israéliens possèdent une centaine d’ogives, et leur contre-attaque serait en mesure de raser l’ensemble de l’Iran. (Les mollahs ont beau financer les auteurs d’attentats suicide, ils ne sont pas suicidaires pour autant).

Un Iran doté de l’arme nucléaire pourrait toutefois servir de couverture (de «paravent nucléaire», pourrait-on dire) au Hezbollah et à d’autres groupes alliés, qui pourraient en profiter pour se montrer plus agressifs. L’arsenal iranien pourrait convaincre les petits pays de la région de rallier sa cause (et les dissuaderait à coup sûr d’aller contre les intérêts de Téhéran) et saperait sans doute la crédibilité de la politique étrangère américaine (si les Etats-Unis refusent d’agir pour interrompre l’élaboration de la bombe iranienne, certains pourraient douter qu’ils interviennent pour empêcher Téhéran de l’utiliser). Ce qui inciterait les autres pays de la région à constituer leurs propres arsenaux, et déclencherait par-là même une nouvelle course à l’armement nucléaire.

Certains théoriciens de la dissuasion nucléaire estiment qu’une course à l’armement peut avoir des effets positifs. Leur argument: si plusieurs pays d’une même région obtiennent la bombe, ils seront non seulement moins enclins à déclencher une guerre nucléaire, mais aussi à se lancer dans une guerre conventionnelle, de peur que le conflit ne dégénère. A les en croire, c’est en grande partie pour cette raison qu’il n’y a pas eu de guerre entre l’Inde et le Pakistan, entre la Russie et la Chine ou (du temps de la Guerre froide) entre les pays de l’OTAN et ceux du Pacte de Varsovie. Une théorie intéressante, mais qui oublie trois choses.

D’une, ces trois duels géopolitiques ont bien failli, à diverses reprises, se transformer en guerre nucléaire – et dans certains cas, c’est autant à la chance qu’à la doctrine de la «destruction mutuelle assurée» qu’ils ont dû leur salut. De deux, les arsenaux de l’ensemble de ces pays ont été équipés de permissive action links (dispositifs de sécurité et d’armement) et d’autres systèmes de sécurité (parfois avec l’aide des Etats-Unis), qui limitaient les risques de voir un déséquilibré ordonner le lancement d’un missile sans autorisation. Dans le cadre d’une course à l’armement, les pays du Moyen-Orient pourraient faire l’impasse sur ce type de dispositifs.

L’Iran et Israël sont géographiquement très proches l’un de l’autre, si bien qu’en cas d’attaque, les deux pays disposeraient d’un «temps d’alerte» pratiquement nul. Si une grave crise diplomatique devait survenir, l’un des deux camps pourrait choisir de lancer une attaque préventive pour devancer l’adversaire (c’est ce que les théoriciens de la dissuasion appellent l’«instabilité de crise»). Même si aucun des deux camps ne désire attaquer, les circonstances pourraient leur donner l’impression qu’ils n’ont pas d’autre choix. Les Israéliens ont donc raison de ne pas prendre à la légère la perspective d’une bombe nucléaire iranienne; c’est une «question existentielle», au sens le plus strict du terme.

En Israël, la phrase «plus jamais ça» est bien plus qu’un slogan, et les diatribes antisémites des mollahs iraniens doivent donc être prises très au sérieux. Voici donc le véritable enjeu: que peut-on faire, et que doit-on faire, pour empêcher la création d’une bombe atomique iranienne ? Que peut-on faire? Interrogés par Goldberg, plusieurs responsables israéliens ont affirmé qu’il serait difficile d’organiser une attaque préventive : il leur faudrait au préalable le feu vert (confidentiel) de l’Arabie Saoudite et peut-être celui d’autres pays arabes (ne serait-ce que pour obtenir l’autorisation du survol de leur territoire). Ils pensent néanmoins qu’il serait possible de mener à bien un assaut aérien, visant non pas l’ensemble du complexe nucléaire iranien, mais des installations sans lesquelles il ne pourrait plus fonctionner.

Goldberg ne le dit pas, mais depuis près de dix ans, l’armée de l’air israélienne équipe ses F-15 et ses F-16 (achetés aux Etats-Unis) de réservoirs externes, ce qui leur permettrait d’atteindre l’Iran et de revenir à la base sans avoir à se réapprovisionner en carburant. Quelques responsables israéliens ont néanmoins dit à Goldberg qu’ils préfèreraient que les Etats-Unis se chargent de l’attaque, pour des raisons politiques autant que militaires. A Washington, certains craignent qu’Israël ne lance un assaut en caressant l’espoir d’amener ainsi les Etats-Unis à lui venir en aide (en partant du principe que l’Amérique voudrait s’assurer du succès de l’opération dès lors qu’il serait trop tard pour l’annuler).

Certains Israéliens voudraient qu’Obama fasse preuve d’une plus grande fermeté, qu’il déclare haut et fort qu’il attaquera bel et bien l’Iran si son gouvernement ne renonce pas à sa volonté d’élaborer des armes nucléaires. Ils font valoir qu’Israël pourrait cesser d’avoir recours à ses menaces de mesures unilatérales si l’engagement américain se faisait plus crédible – ce qui pourrait amener l’Iran à abandonner son programme nucléaire. Le hic, c’est que si son avertissement solennel n’impressionne pas les Iraniens, Obama sera peu ou prou forcé de mettre ses menaces à exécution. Ce qui nous amène au deuxième volet de notre question: que doit-on faire? Certains responsables israéliens (et la plupart des responsables américains) pensent qu’une attaque aérienne serait pour le moins prématurée et constituerait certainement une énorme erreur. Pour l’heure, c’est loin d’être la seule option.

Les plus pessimistes des prévisions du renseignement – y compris celles qui ont été citées par le secrétaire à la Défense – estiment que les Iraniens pourraient disposer de la bombe d’ici 2013. Certains signes laissent penser que les sanctions prises contre l’Iran par les Nations unies – et, à plus forte raison, les sanctions encore plus strictes imposées par l’administration Obama et l’Union européenne – commencent à faire de l’effet. Reste à savoir quel effet, et en quoi la chose pourrait gêner – ou alimenter l’opposition interne envers – le programme nucléaire.

Suzanne Maloney, spécialiste de l’économie iranienne à la Brookings Institution, affirme que les sanctions exacerbent un «schisme de grande envergure» opposant les mollahs aux conservateurs plus traditionnels ; mais elle n’y voit, elle aussi, qu’un phénomène se développant sur le «long terme». L’impact des sanctions étant beaucoup plus incertain sur le court terme, elles ne nous seront sans doute pas d’une grande aide pour résoudre le problème de l’armement nucléaire.

Je me souviens d’un éditorial du quotidien saoudien Al-Madina qui proposait une ligne dure vis-à-vis du programme nucléaire iranien, affirmant que l’option militaire pourrait être la meilleure solution : « Téhéran ignore tous les conseils, mises en garde et demandes d’interruption de son programme nucléaire ou au moins de sa poursuite dans le cadre d’inspections en bonne et due forme et au grand jour – inspections visant à garantir qu’il est dépourvu d’objectif militaire. Si Téhéran s’entête à agir sans l’assentiment de la communauté internationale, elle suscitera la gêne et la suspicion de tous ceux qui ont défendu son droit à l’énergie nucléaire à des fins pacifiques ».

Al-Madina : « Plus important: en agissant de la sorte, Téhéran passe à la vitesse supérieure dans le conflit qui l’oppose à la communauté internationale, et certains vont pouvoir se dire que l’option militaire est la meilleure solution. [Repousser l’option militaire] pourrait éliminer la possibilité d’y recourir – si Téhéran réussit à produire une bombe nucléaire par elle-même ».

Al-Madina : « Le plus inquiétant est le fait que la centrale de Buchehr est plus proche de plusieurs capitales du Golfe que de la capitale iranienne elle-même, et qu’elle se trouve à proximité des voies d’acheminement du pétrole qui traversent le golfe Arabique – représentant un grand danger pour les pays voisins, aussi bien dans l’éventualité d’une attaque que d’une fuite radioactive. En outre, [la centrale de Buchehr] pourrait devenir le lieu de développement d’armes nucléaires susceptibles d’être utilisées pour imposer la volonté de Téhéran ou exercer des pressions sur la région. Ce sont des soupçons que l’Iran n’a pas réussi à écarter à ce jour ».

Al-Madina : « Si Téhéran s’intéresse au succès de son programme nucléaire à des fins pacifiques, et souhaite accomplir des progrès afin s’assurer la prospérité de son peuple, elle doit maximaliser sa coopération avec l’AIEA. L’AIEA, de son côté, doit faire preuve d’un peu de souplesse vis-à-vis de Téhéran, puisque équiper sa centrale de combustible nucléaire est le point de non-retour. Quand cela arrivera, la centrale de Buchehr deviendra une installation d’énergie nucléaire. Toutes les parties doivent faire preuve de bon sens face à la nouvelle situation, et s’assurer que l’inauguration de Buchehr n’est pas le début de perturbations et de secousses régionales ».

Je me souviens également d’une analyse de Caroline Glick (elle est Senior Middle East Fellow au Center for Security Policy à Washington et Deputy Managing Editor du Jerusalem Post) dans la Jewish World Review (extraits) : « Dans ‘Commentary’, Arthur Herman expose de façon déprimante les plans déclarés et les décisions prochaines du gouvernement Obama pour détruire l’armée des USA de l’intérieur. Obama ne reviendra pas sur la stratégie politique actuelle des USA au Moyen-Orient qui s’appuie sur l’ignorance de l’éléphant nucléaire iranien au milieu de la pièce. Il n’agira pas pour renverser le régime ou soutenir toutes les forces qui renverseraient ce régime. Les perspectives pour la région dépendent de savoir si le Premier ministre Binyamin Netanyahu aura ou non le courage de donner l’ordre à Tsahal d’attaquer les installations nucléaires de l’Iran ».

Caroline Glick : « Et il est vrai aussi que si une frappe israélienne est suffisamment couronnée de succès, cela renforcerait beaucoup de forces positives dans la région – depuis Téhéran, le Kurdistan, Ankara et Beyrouth » (Note de Michel Garroté : « forces positives », à savoir les opposants démocratiques aux courants islamiques violents et/ou aux dictatures). Mais à moyen et long terme, rien ne peut remplacer l’Amérique. Aussi longtemps que les USA suivent leur trajectoire de cécité stratégique, les Irakiens seront loin d’être les seuls à souffrir. La seule manière de sauvegarder l’Irak est de renverser le régime en Iran ». (Fin des extraits de l’analyse de Caroline Glick parue dans la Jewish World Review. Adaptation française de Sentinelle 5770 ©).

Reproduction autorisée avec mention :

© M. Garroté réd chef www.dreuz.info

  

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