Publié par Gilles William Goldnadel le 23 septembre 2013

WILLIAM GOLDNADEL (CONSEIL REPRESENTATIF DES INSTITUTIONS JUIVES DE FRANCE), INTERVIEW

“Et si la fameuse droitisation n’était pas autre chose qu’une lente dégauchisation des esprits ?…”

Ainsi titrait Libération :

Bijoutier de Nice « La haine en réseau » (18 septembre). On comprenait que selon le quotidien très à gauche, les 1,6 millions d’internautes qui ont dit leur solidarité envers le meurtrier violenté étaient les vecteurs détestables de la détestation. Une sorte de troupeau de beaufs, autrefois soumis et soudainement métamorphosés en taureaux furieux.

Que les caves puissent se rebiffer contre les truands, voilà qu’une partie du milieu médiatique ne le supporte pas. Dans une première tentative (France Inter dimanche 15 septembre) le milieu a tenté de nier le phénomène inconcevable : les messages électroniques disant leur solidarité ou leur compréhension ou encore leur compassion envers le bijoutier au bracelet, tellement étranges, ne pouvaient venir que de l’étranger. En France, les beaufs sont sous le joug. Le peuple ne pense pas bien, changeons le, disait Brecht : ici, en étrangers.

Il y a peu, un avocat blogueur, en l’espèce blagueur, avait nié la réalité du succès rencontré sur Internet par l’Institut Pour la Justice, lorsque celui-ci avait récolté des centaines de milliers de messages de sympathie àl’égard de Joël Censier, père d’un enfant assassiné par un meurtrier libéré.

Cette semaine, la tentative de déchéance massive de nationalité ayant fait long feu, il ne restait plus que la possibilité de revenir à la bonne vieille méthode de déchéance massive d’humanité.

Et si la sollicitude avait changé de camp ? Et si il n’était plus interdit désormais de s’essayer à la compréhension de l’agressé après avoir fait montre d’une empathie compréhensive et quarantenaire pour son agresseur ?

Et pourquoi pas la colère aussi ? Pourquoi laisser la rue ou les cités aux seuls délinquants ou à leurs soutiens, lorsque l’un d’eux est victime d’un accident du travail et cantonner les parents des victimes à des marches blanches, dignes et forcément silencieuses ?

Et si la fameuse droitisation n’était pas autre chose qu’une lente dégauchisation des esprits ?

Les caves se rebiffent. Pacifiquement. J’y vois un progrès humain.Oserais-je écrire une libération ?

J’ai trop d’estime et d’affection pour le nouveau président du CRIF, Roger Cukierman pour ne pas lui avoir dit que j’avais trouvé un peu court le communiqué publié cette semaine par son organisation.

Je comprends que celle-ci ait pu se dire « déçue » par les déclarations controversées de François Fillon.

J’ai moi-même écrit dans ces colonnes, la semaine dernière, qu’il n’était pas la peine d’avoir critiqué Sarkozy et Copé au sujet de leur attitude envers le Front National si c’était pour aller quelques semaines plus tard plus loin qu’eux.

J’ai été également bien seul dans la presse française pour m’étonner que l’ancien premier ministre, jusqu’à peu si vétilleux sur les fréquentations de ses amis politiques, ait cru devoir rencontrer récemment à Beyrouth un membre du Hezbollah.

Je n’ai pas été non plus très accompagné lorsqu’il s’agissait de défendre mon amie Jeannette Boughrab, alors ministre, savonnée à Matignon pour avoir osé suggérer qu’un islamiste modéré n’était qu’un oxymore.

Cet article vous a intéressé ? Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir les nouveaux articles de Dreuz, une fois par jour en fin d’après-midi.

Et j’avoue encore n’apprécier qu’avec une extrême modération que le même donne, du Moscou de Poutine, des leçons d’indépendance au gouvernement de la France.

Voilà qui ressemble effectivement au discours de politique étrangère de Marine Le Pen et de certains de ses amis les moins décoratifs.

Mais ayant écrit cela, je veux écrire ici tout aussi fermement que l’organisation représentative de la communauté juive ne doit plus renouer avec cette hémiplégie intellectuelle et morale qui lui a autrefois tant coûté.

Comment pouvoir, en conscience, morigéner Fillon pour une petite phrase absconse et épargner une union de la gauche gravée dans le marbre et scellée dans les urnes ?

Me faut-il donc rappeler, une nouvelle fois, que c’est M. Le Hyaric, directeur de l’Humanité, organe du PCF -allié du PS- qui, lors du discours de clôture de la fête du même nom de 2012, a célébré devant la foule celui qui avait été condamné pour avoir tenté d’assassiner un grand rabbin ?

Me faut-il donc rappeler, une nouvelle fois, que c’est Jean-Luc Mélenchon,du Front de gauche -allié du PS-, admirateur éploré de feu Chavez, qui déclarait il y a peu que M. Moscovici « pensait finance internationale ». Mon esprit est impuissant à imaginer ce qu’auraient été les réactions de la classe médiatique si Marine Le Pen avait tenu les mêmes propos.

Me faut-il donc rappeler, une nouvelle fois, que ce sont les Verts de Mme Duflot -alliés du PS- qui se montrent les plus compréhensifs envers le boycott illégal des produits de l’État juif, et qu’un article du Monde (22 mars 2012), publié lors de l’affaire Merah, révélait que certains, au sein du parti pseudo écologiste, n’avaient pas beaucoup apprécié l’excès de compassion dont avait fait montre Eva Joly au lendemain du massacre dans l’école juive… Rien que cela.

La communauté juive de France organisée a trop payé le prix de ses errements passés, en matière d’immigrationnisme incontrôlé ou de sous-estimation des dangers de l’islamo-gauchisme pour manquer de mémoire et d’équilibre.

L’actuel président du CRIF, qui sut, lors de son précédent mandat, admonester le front « rouge-vert-brun » au grand dam des chaisières de la pensée conforme, le sait aussi bien que moi.

Si je ne le dis pas, alors qui va le dire ?

Relire encore une fois cette interview par Richard Heuzé de Domenico Quirico (le Figaro 16 septembre). Extraits des déclarations de ce journaliste italien, retenu en otage pendant cinq mois par des groupes islamistes en Syrie : « ils (ses guides) nous ont livrés à un émir local. Nous avons tout de suite été sévèrement battus avant d’être vendus à un groupe reconnu de la rébellion. »

Mon commentaire : Primo Lévi, dans «Si c’est un homme» raconte que l’une des choses qui l’ont le plus effrayé et détruit psychologiquement, c’est lorsque les militaires italiens l’ont remis aux soldats allemands, d’avoir été immédiatement battu. Pour rien.

Question du Figaro : «avez-vous pensé à la mort ?»

Réponse : «Tout le temps. À plusieurs reprises, nous avons été gagnés par le désespoir et nous avons pleuré, sans pudeur, devant nos geôliers. Cela les faisait rire avec cruauté. Pour eux, qu’un occidental pleure est un signe de faiblesse et de honte.… ».

Mon commentaire : surtout ne pas suggérer qu’il existerait chez ces islamistes un immonde racisme anti blanc, ou antichrétien chez ces Shehabs somaliens de Nairobi qui trient entre musulmans à épargner et chrétiens à assassiner, ou ceux du Pakistan qui viennent de massacrer 78 « croisés » dans une église et dans l’indifférence générale.

Cela relèverait de l’islamophobie la plus dangereuse.

Le Figaro TV de lundi dernier a consacré à l’ancienne «humoriste» de France Inter, Sophia Aram un article très bienveillant. Pour ceux qui l’ignorent, Melle Aram est cette personne que j’ai évoquée à plusieurs reprises l’an passé pour avoir caractérisé emblématiquement l’emprise du gauchisme prétendument moral sur les antennes de service public. Certes, Melle Aram n’est que l’une des prétendues humoristes de gauche occupant l’antenne, mais elle aura été sans doute la plus décomplexée. Pendant qu’elle pratiquait, ai-je écrit dans d’autres colonnes, une fellation intellectuelle au « sexy »Montebourg, elle taxait Mme Moreno de « vulgarité » et réservait ses piques faciles à Messieurs Copé, Sarkozy et autres Hortefeux.

Dans ses dernières interventions radiophoniques, ponctuées des rires connivents de la rédaction, on aurait juré que la droite était toujours au pouvoir et que l’intéressée ne faisait qu’exercer son devoir de bouffon impertinent.

On ne s’étonnera donc pas que Melle Aram ait été transférée sur France 2 pour prendre les rênes d’un nouveau magazine en direct et en public censé amuser de l’actualité à un horaire stratégique.

Las, l’ensemble des réactions de la presse qui aurait dû, sociologiquement,se montrer bonne fille sont tout simplement calamiteuses. Pour en avoir regardé certains morceaux choisis, j’ai souffert pour Melle Aram pour qui pourtant, on l’aura constaté, ma sympathie est chichement mesurée.

On constatera également qu’il est plus facile de couvrir invariablement de fange des gens qui ne peuvent vous répondre que d’animer une émission de variétés.

J’écrivais à l’instant que le Figaro TV s’était montré très gentil envers l’une des personnes les moins gracieuses envers la droite. Voilà qui est élégant.

Je ne pense pas qu’il y ait la moindre chance d’espérer la réciprocité de la part de la gauche médiatique.

Ainsi, Guy Bedos, la grande conscience de la gauche morale sur l’île de Ré, s’en est-il pris cette semaine (Huffington Post) à Jean Roucas (« qu’il croyait mort ») ou à Robert Ménard, taxés d’extrême droitisme.

Au-delà de sa haine méprisante, l’humoriste croit devoir qualifier de « traîtres »ses victimes épinglées. Voilà un mot qui en dit long. Un humoriste, un artiste, un intellectuel se doit d’être de gauche. Sauf à trahir. Et à être corrigé. Les Doc gynéco (conspué en public depuis son soutien à Sarkozy), les Faudel, les Sardou (avant rééducation), les Véronique Genest savent de quoi M. Bedos parle.

Pour ma part, rien ni personne ne m’empêchera de pleurer en écoutant Ferratou Aragon, quand bien même je sais combien de mensonges leur oeuvre a charriés.

Personne ne m’empêchera de rire en écoutant Bedos (du moins lorsque Jean-Loup Dabadie pensait à sa place). Même pas lui.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation de Valeurs actuelles

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading