Publié par Michel Garroté le 14 octobre 2013

 

Notre-Père-Hébreu-1

 

Michel Garroté, réd en chef  –-  Jésus-Christ parlait en araméen et priait en hébreu. En clair, il priait le « Notre Père » en hébreu (certains affirment qu’il priait le « Notre Père » en araméen). Le Vatican vient d’introduire une modification dans cette prière. Pour cela, le Vatican semble s’appuyer sur la version du « Notre Père » en grec ancien. Car le « Notre Père » est tiré des Evangiles écrits par Mathieu et par Luc en grec ancien. Pourtant, c’est Jésus-Christ qui a enseigné aux évangélistes à prier le « Notre Père ». Et cela, Jésus-Christ l’a fait en hébreu et non pas en grec ancien. J’y reviens en conclusion au bas du présent article.

Les faits

Ce n’est pas une simple variation sémantique, car elle a un sens anthropologique – essentiel et fondamental – pour les chrétiens et pour toute personne imprégnée de culture judéo-chrétienne (extraits adaptés ; voir sources en bas de page). Le Vatican vient d’introduire une modification dans la prière du « Notre Père ». Une phrase va changer dans la nouvelle traduction de la Bible à l’usage de la liturgie qui paraît le 22 novembre. Il faudra prier non pas « et ne nous soumets pas à la tentation » mais prier « et ne nous laisse pas entrer en tentation ».

Un énorme travail

Les 70 traducteurs ont mis 17 ans pour mettre au point cette nouvelle mouture du texte sacré. La traduction, qui a dû être validée par le Vatican, a fait l’objet de nombreuses navettes entre le groupe de travail et les conférences épiscopales francophones de France, Suisse, Luxembourg, Canada, Belgique, Afrique du Nord et Rome. Un accord a finalement été validé le 12 juillet dernier par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, avec le feu vert du Vatican.

Pourquoi ce changement ?

Le « Notre père » se trouve dans les Evangiles de Mathieu et de Luc et est entièrement rédigé en grec ancien. La dernière version de la Bible datait de 1993. Les traducteurs ont donc voulu se rapprocher au plus près des textes originaux. Ils ont ainsi fait abstraction des traductions récentes de la Bible en français. Littéralement c’est « et ne nous introduits pas dans la tentation ». Ça ne veut pas dire « ne nous soumets pas à la tentation ».

Ce n’est pas Dieu qui fait cela. La tentation, elle vient du diable. Ça n’est pas non plus comme on traduisait autrefois : « et ne nous laisse pas succomber à la tentation ». C’est quelque chose d’intermédiaire. Ça veut dire en gros : « ne nous introduits pas dans l’univers de la tentation » où le diable nous attend.

Le français n’est qu’une langue parmi toutes les langues dans lesquelles la messe est dite. La nouvelle traduction est plus proche de l’original grec. En réalité, il est extrêmement difficile de trouver dans chaque langue un équivalent. D’autant que le grec est une langue très différente, par la grammaire et le vocabulaire, du français. Outre cette modification sémantique dans la prière « Notre père », d’autres changements sont assez notables. Le Magnificat ou Les Béatitudes ont ainsi été retouchées.

Les fidèles vont-ils devoir réapprendre cette prière ?

La nouvelle phrase du Notre Père ne concerne que les lectures des prêtres. Les fidèles peuvent pour l’instant continuer à dire : « ne nous soumets pas à la tentation ». La nouvelle traduction liturgique de la Bible devrait être officiellement présentée le 9 novembre à Lourdes (fin des extraits adaptés ; voir sources ci-dessous).

Jésus-Christ parlait en araméen et priait en hébreu

Pour ce qui me concerne – cela sera ma conclusion – Jésus-Christ parlait en araméen et priait en hébreu. C’est donc en hébreu qu’il a prié le « Notre Père » pour l’enseigner aux évangélistes, aux apôtres, aux disciples. Traduite de l’hébreu (« ve al t’viénou lidei massa ») au français, la phrase susmentionnée est : « Ne nous induis pas en tentation ». La traduction du grec ancien au français était : « Ne nous soumets pas à la tentation ».

Auparavant, la traduction, cette fois du latin (« et ne nos inducas in tentationem ») au français était : « Ne nous laisse pas succomber à la tentation ». Pie V l’expliquait comme ceci : « Et ne nous laissez pas succomber à la tentation : pour éviter les tentations nous devons fuir les occasions dangereuses, garder nos sens, recevoir souvent les sacrements et recourir à la prière ». La nouvelle traduction du grec ancien au français est désormais : « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Mais ce que Jésus-Christ a prié en hébreu est « Ne nous induis pas en tentation ».

La nouvelle traduction du grec ancien au français a le mérite d’éviter la confusion : « Ne nous laisse pas entrer en tentation » ; ce n’est pas Dieu qui tente ses enfants ; car la tentation vient du diable. Cela dit, l’on pourrait débattre de tout cela pendant encore des siècles. Le Père Carmignac a proposé une traduction en français qui préserve la forme positive et l’idée de consentement : « Garde-nous d’entrer dans la tentation ». Dans la Bible de Chouraqui, la phrase est : « Ne nous fais pas pénétrer dans l’épreuve ».

Yves Beauperin, revenant aux racines juives du christianisme, écrit : les trois demandes de la deuxième partie du « Notre Père » : « donne-nous notre pain », « ne nous fais pas venir à Epreuve » et « délivre-nous du Malin », exprimées dans cet ordre, coïncident trop curieusement avec trois épisodes du livre de l’Exode, rapportés les uns à la suite des autres et dans le même ordre, pour qu’on ne puisse y voir une résonance formulaire.

Nous trouvons, en effet, en Exode, aux chapitres 16 et 17 : le récit de la manne et des cailles (Ex 16, 1-36), puis le récit de l’eau jaillie du rocher (Ex 17, 1-7) et, enfin, le récit du combat avec Amaleq (Ex 17, 8-16). Nous venons de voir ci-dessus le lien très profond qui existe entre le pain d’aujourd’hui et la manne au désert.

Il existe, de même, un lien logique entre la demande du « Notre Père » : « ne nous fais pas venir à Epreuve » et le récit de l’eau jaillie du rocher, ainsi que le souligne Marcel Jousse, à la suite de Massignon : Nous allons prendre au chapitre 17 (de l’Exode) et c’est là que vous trouvez la réponse à une des grosses difficultés du Pater : « et ne nos inducas in tentationem ». Faut-il traduire : « Ne nous induis pas en tentation » ?

Je traduis : « Ne nous fais pas venir à Massâ, c’est-à-dire à Lenisyônâ, à l’Epreuve. C’est un nom propre. « Ne nous fais pas venir à Massâ », c’est-à-dire à l’Epreuve, à l’endroit appelé Epreuve ». Au chapitre 17 de l’Exode, nous voyons, en effet, le peuple manquer d’eau pour boire et s’en prendre à Moïse : « Donne-nous de l’eau, que nous buvions ! » (17, 2). Et Moise de répondre précisément : « Pourquoi mettez-vous YHWH à l’épreuve ? » (17, 2).

Et, plus loin, nous lisons : « Il donna à ce lieu le nom de Massa (épreuve) et de Meriba (contestation), parce que les Israélites cherchèrent querelle et parce qu’ils mirent YHWH à l’épreuve en disant : « YHWH est-il au milieu de nous, ou non ? » (Ex 17, 7). Si nous tenons compte de la résonance formulaire, qui apparaît ici indiscutable, le sens de la demande du « Notre Père » semble clair.

Nous demandons à Dieu de ne pas nous faire venir à Massâ et à Meriba, ce lieu où les Israélites mirent Dieu à l’épreuve, en doutant de sa capacité à leur donner à boire. Autrement dit, au lieu du contresens habituel, commis sur cette demande et provoqué par les traductions habituelles, « ne nous soumets pas à la tentation », compris comme si Dieu nous faisait tenter, il faut comprendre cette demande du « Notre Père » comme « Ne nous mets en situation de te mettre à l’épreuve par notre manque de foi et de confiance en ta Providence », conclut Yves Beauperin.

Reproduction autorisée avec mention :

© M. Garroté réd chef www.dreuz.info

Sources :

http://www.europe1.fr/International/Une-nouvelle-version-du-Notre-pere-1673835/

http://www.leprogres.fr/france-monde/2013/10/13/exclusif-une-phrase-du-notre-pere-va-changer

   

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