Publié par Bat Ye’or le 29 octobre 2013
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Etant tombé par hasard sur le film « Juifs et Musulmans, si loin, si proches », j’ai noté quelques observations sur une émission qui se donne pour un documentaire historique, mais qui fait dans la bonne conscience et le politiquement correct.
Des affirmations contestables et des omissions se rapportant aux politiques actuelles
Dans les deux premiers épisodes, les seuls que j’ai vus, j’y ai décelé tous les clichés que j’avais dénoncés dans mes livres. La plupart des universitaires qui y participent parlent peu. Leurs phrases succinctes émaillent un récit version islamique de l’histoire, avec des affirmations contestables et des omissions suggérant des messages se rapportant aux politiques actuelles. Que ce film ait bénéficié des soutiens de l’Alliance des Civilisations, du programme MEDIA de l’Union européenne et de l’Ambassade d’Amérique en France, ne m’étonne guère tant il se conforme à la doctrine politique de l’Union Méditerranéenne et de l’administration Obama. Pour une analyse du film entier je renvoie à l’excellente et très compétente recension de Véronique Chemla.

Tous les juifs médinois et d’Arabie furent chassés, dépouillés, réduits en esclavage

Mais revenons au film. Il débute sur les premiers accrochages doctrinaires entre Mahomet et les Juifs médinois. On ne sait pourquoi le narratif omet de dire que l’arrivée de Mahomet à Médine résultait d’un pacte entre le Prophète persécuté par les Mekkois et une tribu de Médine qui l’y avait invité pour faire pièce aux juifs. Le narratif insiste lourdement sur l’hostilité des juifs envers Mahomet reprenant ainsi un élément important de l’historiographie islamique. Or cette accusation est sujette à caution car il n’existe aucune autre version de ces épisodes pour la vérifier. Même ceux-ci la démentent car ils ne mentionnent aucun musulman maltraité, pillé, agressé ou tué par des juifs. Par contre tous les juifs médinois et d’Arabie furent chassés, dépouillés, réduits en esclavage ou massacrés par la communauté islamique naissante. Cette hostilité, est-elle bien juive ?

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Le narratif évoque les désaccords théologiques entre les rabbins médinois et Mahomet qui les sommait de le reconnaître comme le véritable connaisseur et détenteur de leur propre religion. Il est clair que les interprétations coraniques de la Bible devaient surprendre les rabbins qui connaissaient les textes. Ce contexte de décalage théologique se reproduit d’ailleurs avec les chrétiens puisque la version islamique des Evangiles diffère des originaux et que Mahomet adopte la même position envers les Chrétiens. Cependant ces conflits théologiques n’étaient pas exceptionnels à une époque où la religion revêtait une importance cruciale. Partout le christianisme se scindait en Eglises rivales et exclusives générant des guerres inter-chrétiennes et des pogroms anti-juifs dont les néophytes musulmans absorbaient les échos.

Mais pour en revenir à cette hostilité juive envers les musulmans médinois qui, selon les textes arabes somment les juifs de se convertir, les giflent, les agressent, en assassinent quelque uns – elle devint un objet de foi car attestée par le Coran, livre incréé, où plusieurs versets la mentionnent conjuguée au même reproche envers les chrétiens. C’est cette hostilité qui motive les versets interdisant aux musulmans de se lier d’amitié avec les juifs et les chrétiens ou d’adopter leurs idées. On comprend ici que l’insistance dans le film sur l’hostilité juive envers le Prophète donne une version islamique d’un documentaire qui se veut objectif.

Aucun texte musulman ne mentionne de combats armés entre musulmans et juifs

Pour rester toujours dans l’épisode médinois, on peut s’étonner sur l’insistance à présenter les juifs comme une armée de combattants aguerris alors qu’ils étaient des paysans, des artisans et des poètes mêlées aux populations païennes avec lesquelles ils cohabitaient. Même ces fameuses forteresses où ils habitaient, mentionnées par les textes arabes, devaient être de hautes maisons de style yéménite, de nombreux juifs ayant fui le Yémen après les persécutions byzantines. De fait, aucun texte musulman ne mentionne de combats armés entre musulmans et juifs. Ces derniers sont assiégés chez eux et sommés de choisir entre la conversion, l’exil, ou le massacre. Aussi la représentation appuyée de guerriers juifs médinois est tendancieuse et insinue de difficiles combats militaires contre les juifs. Enfin l’on se demande pourquoi l’ordre d’expulsion des juifs hors d’Arabie omet celui des chrétiens puisque tous les textes les mentionnent ensemble.

Pour conclure l’épisode médinois, la narratrice lance que les juifs ne reconnurent pas le prophète Mahomet comme ils n’avaient pas, dans le passé, reconnu les autres prophètes. De quel prophète parle-t-elle exactement ? A-t-elle des preuves ? Est-ce Jésus ? Mais Jésus n’est un prophète que dans l’islam et non pour le christianisme. D’ailleurs ses premiers disciples furent juifs. Ce furent eux qui rédigèrent les Evangiles et diffusèrent la nouvelle religion qui se développa à l’origine comme une secte juive dissidente au sein du judaïsme.

Le tribut protège le non-musulman de la reprise du jihad

Venons-en enfin à cette fameuse « protection » islamique envers les non-musulmans qui nous est vantée. Fondée sur le tribut des peuples non-musulmans vaincus, elle n’était guère différente des exactions et des impôts prélevés sur les peuples vaincus par tous les conquérants dès la plus haute antiquité. On voit sur les stèles assyriennes les princes d’Israël et de Juda venir payer le tribut aux puissants monarques. L’élément, toutefois, qui différencie la « protection » islamique des autres tributs est son intégration dans un système théologique de guerre. Le tribut protège le non-musulman de la reprise du jihad qui le condamne irrévocablement et à jamais à la conversion forcée, à l’exil, l’esclavage ou la mort. Les caractères particuliers du jihad en font une guerre différente des autres. La protection du jihad ne se limitait pas au paiement du tribut, elle était liée à de nombreuses servitudes obligatoires qui existent encore aujourd’hui. 

Quant à la conquête de l’Espagne (710-716), elle se déroula dans un contexte de luttes dynastiques où princes et évêques désireux de récupérer le pouvoir, organisèrent le débarquement arabe. La narratrice ne tarit pas d’éloges sur la civilisation andalouse qui aurait été la plus brillante de l’humanité alors que l’Europe croupissait dans l’ignorance. C’est oublier les splendeurs de Rome, de Ravenne, de Venise, de Byzance dont l’empereur envoyait de sa bibliothèque, des ouvrages scientifiques grecs au calife de Cordoue. Contrairement aux allégations de la narratrice, les Juifs n’attendirent pas l’arrivée des Arabes pour s’initier à la philosophie grecque. Au IIIe siècle avant J.C. à Alexandrie, septante rabbins avaient traduit la Bible en grec (la Septante), pour l’usage des juifs hellénisés. Dans cette ville-phare de la civilisation gréco-romaine jusqu’à sa conquête par les Arabes au VIIe siècle, ainsi que dans la diaspora méditerranéenne, les Juifs, fortement hellénisés, tentent de concilier dans leurs écrits, philosophie grecque et spiritualisme juif. L’Ecole juive d’Alexandrie s’illustre par de brillants travaux philosophiques, religieux et polémiques dont le philosophe et exégète juif Philon d’Alexandrie, au tournant du Ier siècle fut le plus célèbre représentant.

Pourquoi réaliser ce film de propagande

On est stupéfait par l’explication lapidaire sur les Croisades. De fait elles furent déclenchées dans un contexte de violences anti-chrétiennes et de campagnes jihadistes dans l’Anatolie byzantine par les Turcs seldjoukides. La défaite byzantine à Manzikert (1071), permit aux Turcs de déferler sur l’Arménie, de dévaster l’empire et d’y établirent des émirats. L’empereur sollicita l’aide de Rome et des rois chrétiens pour l’aider à repousser les Turcs, et pour rouvrir les routes du pèlerinage en Terre sainte où les pèlerins chrétiens y étaient pris en otages, rançonnés, torturés ou forcés de se convertir.

Pourquoi réaliser ce film de propagande dont le but apparent serait la réconciliation entre Juifs et Musulmans, en un temps, où sur des continents, les civils chrétiens sont massacrés, les églises incendiées, les populations terrorisées ? Alors que le christianisme d’Orient, héritier des sagesses de l’Antiquité et de Byzance, vit son agonie dans les cataclysmes actuels, les grands pontifes humanitaires les mains dans l’or des nations, s’en détournent pour convaincre désespérément un peuple minuscule de s’autodétruire. Certes, ils s’efforcent d’afficher des bonnes manières, se montrent pleins de sollicitude à son égard, évitant soigneusement toute similitude avec les nazis, mais les buts restent les mêmes.

Pourquoi tant d’intérêt pour Israël ? C’est que les chefs d’Etat de l’Union européenne et la Commission européenne se sont engagés dans les années 1975-80 envers les peuples arabes à remplacer Israël par la Palestine – prologue à d’autres politiques de remplacement ethnique. Ils le leur ont promis afin de se prémunir du terrorisme palestinien, il en va de leur honneur et de leurs intérêts de tenir leurs engagements, comme l’ont rappelé ces vétustes sorciers dans des lettres officielles aux dirigeants européens actuels.

Cette stratégie s’intitule « Justice pour la Palestine », « Processus de Paix », « Recherche de la paix et de la Justice », et application du programme BDS. Ces chefs d’Etat et d’autres nobélisés, lovés dans des réseaux internationaux inconnus du tout-venant mais fort puissants, n’ont pas la naïveté de croire un seul instant que la disparition d’Israël résoudra tous les problèmes de la planète, mais ils invoquent néanmoins cet argument pour recouvrir d’un vernis humanitaire, leur projet génocidaire hérité de leurs prédécesseurs.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Bat Ye’or pour Dreuz.info.

Abbas al-Husseini 2013

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