Publié par Michel Garroté le 13 novembre 2013

 

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Michel Garroté, réd en chef  –-  On me dit qu’une enquête a été ouverte contre l’hebdomadaire français Minute qui a publié sa « Une » et divers articles visant la ministre de la Justice Christiane Taubira. Je ne suis pas Français. Je ne vis pas en France. Et je n’aime pas le racisme, car il est porteur de génocide. Cela étant dit, il me semble honnête et naturel de qualifier les faits et de laisser la justice se prononcer. Quels sont ces faits ? Qu’a écrit Minute ? Comment Minute réagit-il à l’enquête ouverte contre lui ?

Enquête ouverte pour injure publique à caractère racial

Une enquête de la Brigade de répression de la délinquance sur la personne, enquête pour injure publique à caractère racial, a été ouverte, mercredi 13 novembre 2013, contre l’hebdomadaire français Minute, qui a publié sa « Une » et divers articles visant la ministre de la Justice Christiane Taubira. Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) a annoncé, après SOS racisme, qu’il déposerait une plainte pour injure raciste et provocation à la haine raciale. Sous le titre « Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane », l’hebdomadaire publie une photo de la ministre en pleine page. Christiane Taubira avait déjà commenté, dans une tribune publiée par Libération mercredi 6 novembre 2013, les attaques la visant.

Elle avait été soutenue par François Hollande ; par Jean-Marc Ayrault, qui a appelé mardi 12 novembre 2013 à un sursaut républicain ; et par une partie de la majorité et du centre. Les réactions sur les propos anti-Taubira se sont multipliées y compris sur Twitter où le Premier secrétaire du Parti socialiste, Harlem Désir, réclamait la saisie du numéro de Minute. La présidente du Front national, Marine Le Pen, a également critiqué l’hebdomadaire qui avait fait campagne contre elle lors de la succession de Jean-Marie Le Pen à la tête du FN et avait fait sa couverture sur un supposé lobby gay au FN. « Je suis heureuse de me faire cracher dessus chaque semaine par Minute quand je vois ce qu’est devenu ce titre », écrit-elle sur Twitter.

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6 mois de prison et de 22.500 euros d’amende

La loi sur la liberté de la presse prévoit une peine de 6 mois de prison et de 22.500 euros d’amende. La justice peut également décider de l’affichage ou de la diffusion de cette condamnation. Les investigations de ce type restent sommaires. On entend le responsable de la publication et l’auteur de l’article. C’est ensuite à l’audience devant les juges que tout se joue. C’est là que les mots écrits dans Minute, à la Une ou dans le corps de l’article seront examinés. « Ce n’est pas aux vieux singes que l’on apprend à faire la grimace », peut-on lire à la page 4 de Minute. L’enjeu sera de déterminer s’il s’agit d’une formule humoristique ou non.

Minute s’estime difficilement condamnable : « l’objectif, c’était de faire parler de nous », affirme mercredi un journaliste de Minute sur le site des Inrockuptibles. « On voulait se payer un coup de pub pour zéro euro, le contrat est rempli au-delà de nos espérances », dit-il. Un coup totalement improvisé, selon lui : « durant le week-end, nous n’avions pas vraiment d’idées de couverture. On pensait faire notre une sur la guerre de 14-18 et puis finalement, l’un d’entre nous a proposé cette blague de comptoir sur Taubira. Ça a fait marrer tout le monde, on a alors décidé de la faire », ajoute le journaliste. Minute assume sa couverture et s’estime à l’abri des poursuites : « c’est une couverture composée d’éléments de langage courant », déclare un autre collaborateur de Minute : « on se doutait que SOS Racisme porterait plainte, mais nous avons prévu le coup du point de vue judiciaire. Nous sommes difficilement condamnables », estime-t-il.

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Le communiqué publié par Minute

Minute publie un communiqué dans lequel il amorce une tentative de défense : Que n’a-t-on lu aujourd’hui sur notre journal ? Toute la bonne conscience parisienne est ce soir très émue. La raison ? Un jeu de mots en Une du journal qui vise à illustrer deux choses : un pouvoir à bout de souffle. Battant chaque jour des records historiques d’impopularité, il ne trouve rien d’autre comme épouvantail pour détourner l’attention que notre journal. Notre ami Môssieur le ministre de l’Intérieur Manuel Valls lui-même va plancher pour faire interdire notre titre, et trouver un million d’euros pour faire retirer le journal de la vente. Ça tombe bien, les caisses sont pleines : une vraie priorité et de l’argent bien utilisé à l’heure où les familles françaises peinent à joindre les deux bouts devant l’avalanche des impositions ; l’hystérie collective éculée de la gauche et de ses réseaux pour faire correspondre leur fantasme avec la réalité. « L’extrême droite existe, je l’ai rencontrée ». Pensez donc.

Le communiqué de Minute : Cela fait 20 ans que l’on parle des dangers de l’extrême droite pour notre démocratie sans jamais avoir vu autre chose que des groupuscules minables de 20 adhérents. « Quinze jours, [les journalistes] auront touillé avant que la mayonnaise ne prenne. Les portiques écotaxe démontés, les radars explosés, la révolte qui gronde, les entreprises qui ferment les unes après les autres, le pays qui décroche à la vitesse de la lumière : sous le tapis. Place à l’essentiel : la peau de banane agitée par une gamine » (Julien Jauffret, page 16). Et aujourd’hui consécration : Minute publie une Une ouvertement raciste. Et bien non. Nul racisme sur la Une ni dans nos colonnes. D’ailleurs, pour ceux qui lisent le journal, jamais, il n’y eut aucun racisme dans nos colonnes.

Le communiqué de Minute : Mais allez faire comprendre cela à ceux qui ne nous lisent pas mais se servent de nous comme épouvantail pour cacher leurs saloperies. Plus certainement pourrions-nous être soupçonnés de travailler pour la gauche tant notre Une conforte la « stratégie [odieuse] de Christiane Taubira et de tous ceux qui se refont une santé politique sur le racisme supposé des Français » (Marc Bertric, page 4). Car qui aujourd’hui, dans ce déferlement d’insultes, d’appels au meurtre, d’appels à attaquer nos locaux, du piratage de notre site, qui, de toutes ces bonnes consciences affairées dans l’immédiateté de l’info, s’est préoccupé de lire l’article correspondant à ce titre ?

Le communiqué de Minute : Tout ce joli monde offusqué peut-il comprendre que les attaques contre Taubira s’expliquent principalement par la détestation qu’elle s’est attirée en travaillant à légaliser le « mariage » entre personnes de même sexe (François Couteil, page 13). Ici donc, aucun racisme, aucun complot d’extrême droite ni même extrême droite tout court. Concluons avec Julien Jauffret (page 16) : depuis 2008, on nous vend la crise « derrière nous » ; la plaisanterie va-t-elle encore durer longtemps ? La seule réalité, c’est que la crise économique est à présent doublée d’une crise sociale et que les crises économique et sociale seront demain triplées d’une crise politique et institutionnelle. Pas sûr alors que les bananes suffiront à détourner l’attention, conclut Minute dans son communiqué.

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Extraits de Minute

Par ailleurs, on peut lire dans Minute : Je n’ai jamais été scout. Taubira non plus, à en juger par sa difficulté à allumer un feu, préparé, il est vrai, avec de pauvres brindilles et un pétard mouillé. En guise de « brindilles », elle a utilisé une candidate du Front national aux municipales à Rethel (Ardennes) qui l’avait comparée à un singe et une gamine qui, à Angers, l’a traitée de guenon en brandissant une peau de banane, peut-être avec le secret espoir qu’elle glisserait dessus, comme dans une BD de Boule et Bill. Horreur ! Les cheveux de madame le ministre s’en sont dressés sur sa tête, sons sens politique aigu s’est réveillé comme jamais et des frémissements de bonheur courroucé lui ont couru le long de l’échine jusqu’au croupion. « Ils » avaient osé ! Ne restait qu’à ressortir le vieux pétard mouillé de l’antiracisme pour allumer une affaire d’Etat à partir de ces non-événements.

Extraits de Minute : Qui sème le vent récolte la tempête: les attaques contre Taubira, si malencontreuses soient-elles dans leur formulation, s’expliquent principalement par la détestation qu’elle s’est attirée en travaillant à légaliser le « mariage » entre personnes de même sexe. Mais l’occasion est belle de ressortir des cartons la sempiternelle accusation de racisme pour intimider ses adversaires et remobiliser le gogo bobo. « Cela renvoie évidemment à ses parents, au cadre familial, à l’éducation », a déclaré dans « Libération » le garde des Sceaux à propos de la fillette qui l’a injuriée. Les journalistes embrayent: les responsables, ce sont toujours les parents! Voilà qui va sûrement faire plaisir à Marisol Touraine, dont le fils est en prison pour avoir braqué une femme à son domicile, et à Laurent Fabius, dont le fils Thomas connaît lui aussi quelques démêlés avec la justice.

Extraits de Minute : Au fait, dans quelle mesure l’éducation dispensée par Christiane elle-même n’explique-t-elle pas qu’un jour de 1996, son fils Lamine ait lui-même été trouvé en possession de menus objets dérobés au cours d’émeutes à Cayenne ? Voilà une réputation laminée ! La ficelle de l’antiracisme était-elle trop grosse? La manipulation n’a d’abord pas fonctionné. Dame Tautau s’en est plainte lors d’un entretien accordé le 5 novembre à « Libération » : « Les réactions n’ont pas été à la mesure. Ce qui m’étonne le plus, c’est qu’il n’y a pas eu de belle et haute voix qui se soit levée pour alerter sur la dérive de la société française ». La grande et belle voix n’a pas tardé à répondre: du haut de l’Elysée, Flanflan-la-Tulipe en personne a condamné l’hydre raciste, ce qui n’avait plus été fait depuis au moins le mois de juin dernier – une éternité, conclut Minute.

Reproduction autorisée avec mention :

© Michel Garroté réd en chef www.dreuz.info

  

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