Publié par Jean-Patrick Grumberg le 5 janvier 2014

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François-René de Chateaubriand, après son voyage de Paris à Jérusalem, publia au Mercure de France, le 1er août 1807, QUELQUES DÉTAILS SUR LES MŒURS DES GRECS, DES ARABES ET DES TURCS.

Il fit une description des arabes qu’il croisait, suivie d’un compte rendu de la terreur qu’ils faisaient régner – déjà.

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“Les Arabes, partout où je les ai vus, en Judée, en Egypte, et même en Barbarie, m’ont paru d’une taille plutôt grande que petite. Leur démarche est fière. Ils sont bien faits et légers. Ils ont la tête ovale, le front haut et arqué, le nez aquilin, les yeux grands et coupés en amandes, le regard humide et singulièrement doux. Rien n’annoncerait chez eux le sauvage, s’ils avaient toujours la bouche fermée ; mais aussitôt qu’ils viennent à parler, on entend une langue bruyante et fortement aspirée ; on aperçoit de longues dents éblouissantes de blancheur, comme celles des chacals et des onces : différents en cela du sauvage américain, dont la férocité est dans le regard, et l’expression humaine dans la bouche.

Ce qui distingue surtout les Arabes des peuples du Nouveau-Monde, c’est qu’à travers la rudesse des premiers on sent pourtant quelque chose de délicat dans leurs mœurs ; on sent qu’ils sont nés dans cet Orient d’où sont sortis tous les arts, toutes les sciences, toutes les religions. Caché aux extrémités de l’Occident, dans un canton détourné de l’univers, le Canadien habite des vallées ombragées par des forêts éternelles, et arrosées par des fleuves immenses ; l’Arabe, pour ainsi dire, jeté sur le grand chemin du monde, entre l’Afrique et l’Asie, erre dans les brillantes régions de l’Aurore, sur un sol sans arbres et sans eau. Il faut parmi les tribus des descendants d’Ismaël, des maîtres, des serviteurs, des animaux domestiques, une liberté soumise à des lois. Chez les hordes américaines, l’homme est encore tout seul avec sa fière et cruelle indépendance. Au lieu de la couverture de laine, il a la peau d’ours ; au lieu de la lance, la flèche ; au lieu du poignard, la massue.

En un mot, tout annonce chez l’Américain le sauvage qui n’est point encore parvenu à l’état de civilisation ; tout indique chez l’Arabe l’homme civilisé retombé dans l’état sauvage.”

Sur les dangers du voyage :

Le lendemain de mon arrivée à Yaffa, je voulus parcourir la ville, et rendre visite à l’aga, qui m’avait envoyé complimenter. Le vice-procureur me détourna de ce dessein : « Vous ne connaissez pas ces gens-ci, me dit-il : ce que vous prenez pour une politesse est un espionnage. On n’est venu vous saluer que pour savoir qui vous êtes, si vous êtes riche, si on peut vous dépouiller. Voulez-vous voir l’aga ? Il faudra d’abord lui porter des présents : il ne manquera pas de vous donner malgré vous une escorte pour Jérusalem. L’aga de Ramlé augmentera cette escorte. Les Arabes, persuadés qu’un riche Franc va en pèlerinage au Saint-Sépulcre, augmenteront les droits du passage, ou vous attaqueront sur la route. A la porte de Jérusalem vous trouverez le camp du pacha de Damas, qui est venu, selon l’usage, lever les contributions, avant de conduire la caravane à la Mecque. Votre appareil donnera de l’ombrage à ce pacha, et vous exposera à des avanies. Arrivé à Jérusalem, on vous demandera trois ou quatre mille piastres pour l’escorte. Le peuple, instruit de votre arrivée, vous assiégera de telle manière qu’eussiez-vous des millions, vous ne pourriez satisfaire son avidité. Les rues seront obstruées sur votre passage, et vous ne pourrez entrer aux Saints-Lieux qu’en courant les risques d’être déchiré. Croyez-moi, demain nous nous déguiserons en pèlerins ; nous irons ensemble à Ramlé : là, je recevrai la réponse de mes exprès. Si elle est favorable, vous partirez dans la nuit, et vous arriverez sain et sauf, et à peu de frais, à Jérusalem. »

Sur la cruauté des chefs arabes :

Nous entrâmes dans Jérusalem par la porte appelée des Pélerins, et dont le véritable nom est la porte de Damas. Nous allâmes descendre au couvent de Saint-Sauveur. Il faut être dans la position des Pères de Terre-Sainte pour comprendre tout le plaisir que leur causa mon arrivée ; ils se crurent sauvés par la seule présence d’un Français. Le gardien (le père Bonaventure de Nola) me dit : « C’est la Providence qui vous envoie ! Vous nous empêcherez d’être dépouillés, et peut-être assassinés par le pacha. Vous avez sans doute des firmans de route ? Permettez-nous de les envoyer au pacha, il saura qu’un Français est descendu au couvent : il nous croira protégés par la France. L’année dernière il nous contraignit de payer soixante mille piastres ; d’après l’usage nous ne lui en devons que quatre mille, encore à titre de simple présent. Il veut cette année nous arracher la même somme, et nous menace de se porter aux dernières extrémités, si nous la refusons. Nous serons obligés de vendre les vases sacrés : car depuis quatre ans nous ne recevons plus aucune aumône de l’Europe ; si cela continue, nous nous verrons dans peu forcés d’abandonner la Terre-Sainte, et de livrer aux Mahométans le tombeau de J. C. »

Et la façon dont les arabes appauvrissent les régions qu’ils ont conquises :

Jérusalem est donc livrée à un gouverneur presqu’indépendant. Il peut faire impunément le mal qui lui plaît, sauf à en compter ensuite avec le pacha. On sait que tout supérieur en Turquie a le droit de déléguer ses pouvoirs à un inférieur ; et ses pouvoirs s’étendent toujours sur la propriété et la vie. Pour quelques bourses, un janissaire devient un petit aga ; et cet aga, selon son bon plaisir, peut vous tuer ou vous permettre de racheter votre tête. Les bourreaux se multiplient ainsi dans tous les villages de la Judée. La seule chose qu’on entende dans le pays, la seule justice dont il soit question, c’est : Il paiera dix, vingt, trente bourses ; on lui donnera cinq cents coups de bâton ; on lui coupera la tête. Un acte d’injustice force à une injustice plus grande : si l’on dépouille un paysan, on se met dans la nécessité de dépouiller le voisin ; car, pour échapper à l’hypocrite intégrité du pacha, il faut avoir, par un second crime, de quoi payer l’impunité du premier.

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On croit peut-être que le pacha, en parcourant son gouvernement, porte un remède à ces maux, et venge les peuples : le pacha est lui-même le plus grand fléau des habitants de Jérusalem. On redoute son arrivée comme celle d’un chef ennemi ; on ferme les boutiques, on se cache dans des souterrains ; on feint d’être mourant sur sa natte, ou l’on fuit dans la montagne.

Je puis attester la vérité de ces faits, puisque je me suis trouvé à Jérusalem au moment de l’arrivée du pacha. A…. est d’une avarice sordide, comme presque tous les musulmans ; en sa qualité de chef de la caravane de la Mecque, et sous le prétexte d’avoir de l’argent pour mieux protéger les pèlerins, il se croit en droit de multiplier les exactions ; il n’y a point de moyens qu’il n’invente. Un des plus ordinaires, c’est de fixer tout-à-coup un maximum fort bas pour les comestibles. Le peuple crie à la merveille, mais les marchands ferment leurs boutiques. La disette commence ; le pacha fait traiter secrètement avec les marchands ; il leur donne, pour un certain nombre de bourses, la permission de vendre au taux qu’ils voudront. Les marchands cherchent à retrouver l’argent qu’ils ont donné au pacha, ils portent les denrées à un prix extraordinaire ; et le peuple, mourant de faim une seconde fois, est obligé, pour vivre, de se dépouiller de son dernier vêtement.

J’ai vu ce même A…………. commettre, à Jérusalem, une vexation plus ingénieuse encore : il envoya sa cavalerie piller des Arabes cultivateurs, de l’autre côté du Jourdain. Ces bonnes gens, qui avaient payé le miri, et qui ne se croyaient point en guerre, furent surpris au milieu de leurs tentes et de leurs troupeaux. On leur vola 2200 chèvres et moutons, 94 veaux, 1000 ânes et 6 juments de première race : les chameaux seuls échappèrent. Un scheik les appela de loin, et ils le suivirent. Ces fidèles enfants du désert allèrent porter leur lait à leurs infortunés maîtres dans la montagne, comme s’ils avaient deviné que ces maîtres n’avaient plus d’autre nourriture.

Un Européen ne pourrait guère imaginer ce que le pacha fit de ce butin. Il mit à chaque animal un prix excédant trois fois la valeur de l’animal. On envoya les bêtes ainsi taxées aux bouchers, aux différents particuliers de Jérusalem, aux chefs des villages voisins : il fallait les prendre, et les payer sous peine de mort. J’avoue que si je n’avais pas vu de mes yeux cette double iniquité, elle me paroîtrait tout-à-fait incroyable.

Après avoir épuisé Jérusalem, le pacha se retire. Mais afin de ne pas payer les gardes de la ville, et sous le prétexte de la caravane de la Mecque, il emmène avec lui les soldats. Le gouverneur reste seul avec une douzaine de sbires qui ne peuvent suffire à la police intérieure, encore moins à celle du pays. L’année dernière il fut obligé de se cacher lui-même dans sa maison, pour échapper à des bandes de voleurs qui passaient par-dessus les murs de Jérusalem, et qui furent au moment de piller la ville.

A peine le pacha a-t-il disparu, qu’un autre mal, suite de son oppression, commence : les villages dévastés se soulèvent, ils s’attaquent les uns les autres pour exercer des vengeances héréditaires.

Toutes communications sont interrompues. L’agriculture périt ; le paysan va pendant la nuit ravager la vigne, et couper l’olivier de son ennemi. Le pacha revient l’année suivante ; il exige le même tribut dans un pays où la population est diminuée Il faut qu’il redouble d’oppression, et qu’il extermine des peuplades entières. Peu à peu le désert s’étend ; on ne voit plus que de loin à loin des masures en ruines, et à la porte de ces masures des cimetières toujours croissant : chaque année voit périr une cabane et une famille, et bientôt il ne reste que le cimetière, pour indiquer le lieu où le village s’élevait.

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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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