Publié par Guy Millière le 11 janvier 2014

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Donc, trois spectacle de Dieudonné ont été interdits, par le Conseil d’Etat : les spectacles suivants n’auront sans doute pas lieu. La possibilité pour Dieudonné de continuer à donner des spectacles à Paris se trouve elle-même hypothéquée. Manuel Valls parle de traquer Dieudonné par tous les moyens, financièrement, mais aussi sur internet. Que dire de ce qui se passe ?

D’abord que le dernier spectacle de Dieudonné, Le Mur, enregistré et disponible intégralement (en bande son) sur plusieurs sites, est digne de ceux qui se jouaient dans les caves de Munich quand un certain Adolf Hitler montait en puissance. Ceux qui disent que ce n’est pas un spectacle, mais un meeting politique ont raison. On pourrait même dire que c’est pire qu’un meeting politique, car il existe une connivence entre les spectateurs et l’orateur, et quand celui-ci se fait abject, le public en redemande. Fallait-il pour autant interdire le spectacle? Oui, je continue à le penser, car nous sommes, là, bien au delà de la liberté d’opinion et de la liberté de parole, dans l’incitation à la haine et dans l’incitation au meurtre. Ceux qui défendent la liberté de parole à tout prix estimeraient-ils légitime un spectacle appelant a tuer les noirs ou les arabes? J’en doute. Un tel spectacle, de toute façon, n’existerait tout simplement pas. Personne n’aurait l’idée de le mettre en place. Aucun spectateur n’oserait s’y rendre. Le tollé général contre le spectacle serait immense et immédiat. Ceux qui disent que l’interdiction du spectacle fait de la « publicité » à Dieudonné me semblent utiliser un argument très biaisé. Oui, on n’a jamais autant parle de Dieudonné. Mais non, ce n’est pas négatif, car nul ne peut ignorer désormais le contenu du spectacle de Dieudonné, et nul ne peut vouloir s’y rendre en prétendant ne pas savoir.

On doit dire ensuite que ce qui fait problème, immensément, est que Dieudonné attire un aussi large public, et ait une aussi large audience sur internet. On voit là, de fait, que de larges franges de la population française sont atteintes de pathologies mentales graves. On peut aujourd’hui trouver normal, banal, acceptable, la haine des Juifs, et on peut se dire que communier ensemble dans cette haine permet de passer un bon moment. On peut « s’indigner » en prenant un air naïf de ce que des gens trouvent cela abject, et comme ces gens sont quasiment tous juifs, on peut ajouter que tout de même, les Juifs « exagèrent », et on peut dès lors donner encore davantage raison à Dieudonné. C’est, sept décennies après Pétain et la shoah, absolument préoccupant. La haine des juifs qui se banalise ne peut être dissociée, je dois le souligner à nouveau, d’autres haines qui montent dans la société française. La haine véhiculée par des paroles et des spectacles de rap, celle véhiculée par des groupes tels les Femen, celle qui brûle des voitures, mais aussi celle qui s’exerce contre Israël, contre la finance « cosmopolite », « mondiale », « mondialiste » (comme dit le FN), contre le capitalisme « ultra-libéral », ou contre les Etats Unis lorsqu’ils ont un président républicain (quand un Président anti-américain est à la Maison Blanche, c’est un peu différent). Il existe deux valeurs qui structurent fondamentalement les sociétés, le ressentiment et l’amour de la réussite. Quand une société glisse du côté du ressentiment, c’est un signe très sombre. Toutes les haines que j’ai citées ici sont du côté du ressentiment. Et la France aujourd’hui est un pays travaillé par le ressentiment : celui-ci est ce qui unifie extrême droite, extrême gauche et islam des banlieues. C’est ce qui traîne dans l’air du temps. L’amour de la réussite est aux abonnés absents. Le fait que les gens qui trouvent Dieudonné et son spectacle abjects soient quasiment tous juifs est, lui aussi, ajouterai-je, un signe très sombre. Dans quelle société vivons-nous ?

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On doit dire enfin que ceux qui pointent l’échec généralisé du gouvernement socialiste ont raison, tout comme ceux qui diront qu’on désigne une haine (la haine antisémite) sans parler des autres. Ceux qui pensent qu’il y a dans tout cela des arrières pensées politiciennes chez les socialistes ont sans doute raison aussi. Ceux qui voient venir en arrière-fond un discours aux relents pré-totalitaires qui peut viser, en usant de la chasse au Dieudonné antisémite, toute critique de l’islam par exemple, ont raison eux-mêmes, et la couverture du Nouvel Observateur de cette semaine vient leur donner raison : mettre sur le même plan deux antisémites avérés appelant à la haine générique des Juifs et un journaliste juif qui n’a jamais prononcé une seule fois un appel à la haine montre qu’effectivement un discours aux relents pré-totalitaires rode. Quand on lit l’article du Nouvel Observateur correspondant à la couverture, on ne peut que leur donner davantage raison encore, puisqu’outre Eric Zemmour, ciblé sur la couverture, on voit dénoncés comme racistes Jean-Francois Copé, pour avoir osé parler d’interdits alimentaires en période de ramadan, et Alain Finkielkraut pour avoir osé défendre l’identité française ! Le Nouvel Observateur ne demande pas encore que, pour ne pas être étiqueté « raciste », on doive dire que tous les délinquants sont blonds aux yeux bleus, on se convertisse à l’islam salafiste, on fasse ramadan, on prenne sa carte au Parti Socialiste et on prenne un abonnement obligatoire au Nouvel Observateur, mais on n’en est pas loin.

Cela dit, rien ni personne n’a empêché le Front National de dénoncer très explicitement l’antisémitisme de Dieudonné, et dénoncer cet antisémitisme n’aurait empêché en rien le Front National de critiquer l’échec du gouvernement socialiste et de faire ses propositions économiques (elles-mêmes socialistes, d’ailleurs). Rien ni personne n’a obligé ceux qui, au sein de l’Ump, ont dénoncé une manoeuvre socialiste, de dénoncer eux-mêmes très explicitement l’antisémitisme de Dieudonné. Dénoncer cet antisémitisme n’aurait empêché en rien ces gens de dénoncer l’échec général du gouvernement socialiste. Des membres de l’Ump, ainsi Jean François Copé et Claude Goasguen, ont été impeccables, heureusement.

Rien n’aurait empêché quiconque, dirai-je plus largement, de dénoncer le ressentiment qui monte de tous côtés.

Ce qui serait nécessaire serait de dénoncer, je l’ai déjà écrit, et je le répète, l’antisémitisme ambiant que Dieudonné incarne, mais d’en profiter aussi pour dénoncer d’urgence le ressentiment qu’il n’est pas le seul à incarner.

Dieudonné vient de l’extrême gauche et a basculé à l’extrême droite, sans perdre tous ses adeptes d’extrême gauche ou ses adeptes islamiques. Alain Soral a suivi une trajectoire proche. Les mouvements « anti-sionistes » ou « pro-palestiniens », qui traitent Israël depuis des décennies comme le Juif parmi les Etats de la terre et les Arabes palestiniens comme de la chair à canon ou à attentats dont ils encouragent la haine en en faisant les instruments de leur propre haine anti-juive ne valent pas mieux. Ceux qui vomissaient leur bile sur George Walker Bush jusqu’à il y a cinq ans ne valaient pas mieux. Je pourrais allonger la liste.

L’hégémonie d’une pensée ressentimentale dans les grands médias, dans le secteur de la culture et dans celui de l’édition n’arrange strictement rien.

Rien n’aurait empêché quiconque de dénoncer le ressentiment qui monte de tous côtés, non, rien sinon l’impossibilité concrète de dénoncer le ressentiment en France aujourd’hui. Personne ne l’a d’ailleurs fait dans les débats sur le sujet, ces derniers jours à la radio ou à la télévision.

Le ressentiment de gauche est prédominant depuis très longtemps. Presque toutes les haines que j’ai énumérées plus haut : celle inhérente au rap, celle des Femen, la haine de ceux qui brûlent des voitures, celle de ceux qui haïssent les Etats-Unis, Israël, l’Occident, la finance, le capitalisme, viennent du ressentiment de gauche, tout comme l’aveuglement vis-à-vis de l’islam des banlieues et face au crime. La haine des Juifs et la négation de la Shoah, ce sont des haines que le ressentiment de gauche laisse au ressentiment de droite, ce qui permet en général au ressentiment de gauche de clamer qu’il n’a rien à voir avec le ressentiment de droite, quand bien même le ressentiment de droite reprend à son compte diverses haines inhérentes au ressentiment de gauche.

Dieudonné a longtemps été dans le ressentiment de gauche, puis il est passé au ressentiment du camp d’en face et a prétendu fédérer toutes les haines. Il a, en supplément, fait ce qu’il ne fallait pas faire pour quelqu’un dans sa position : montrer qu’on peut glisser de la haine d’Israël à la haine des Juifs, et que sous le maquillage, l’une n’est pas très éloignée de l’autre. C’est cela, surtout, qui ne lui est pas pardonné par la gauche.

Que va-t-il se passer ? Le ressentiment, je pense, va continuer à grandir. S’en prendre à Dieudonné avec acharnement pourrait finir par se révéler contre-productif. Prétendre dénoncer l’antisémitisme et le négationnisme en laissant toutes les autres haines proliférer sera absolument vain.

Tout sera vain tant que le ressentiment n’aura pas face à lui un discours d’amour de la réussite offrant de comprendre le monde et de discerner que le ressentiment mène toujours à la destruction.

Ce type de discours n’a, pour l’heure, pas sa place en France, ou de manière si édulcorée que c’en est affligeant.

Je pourrais écrire sur un mode shakespearien, il y a quelque chose de pourri au royaume de France. Et je pourrais ajouter : le pourrissement ne fait, vraisemblablement, que commencer.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

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