Publié par Hildegard von Hessen am Rhein le 12 janvier 2014

Donc, ce 9 janvier, le célèbrissime Maestro Järvi, un audacieux, comme je les aime, qui sait prendre des risques car il a l’instinct, nous a présenté, en création mondiale, une oeuvre d’un jeune compositeur, admirateur de Dutilleux, Eric Tanguy, né en 1968.

Je dois l’avouer, j’étais stupéfaite ! Scotchée sur mon siège.

L’oeuvre, en mémoire de Dutilleux s’intitule: Affectuoso, “In memoriam Henri Dutilleux”. Tout l’amour de Tanguy pour son immense maître, que Paavo a servi avec une flamboyance avérée, ainsi que son Orchestre de Paris. Oui, Dutilleux flottait dans la salle avec son sourire bienveillant et le public ne s’y trompait pas. L’orchestre, son chef et le compositeur furent ovationnés. Ce grand Maître Français, Dutilleux, mondialement célèbre, qui disparut dans l’indifférence générale de son pays ! Ici, à Dreuz, nous lui avons rendu hommage.

Le compositeur Eric Tanguy et le Maestro Paavo Järvi
Le compositeur Eric Tanguy et le Maestro Paavo Järvi

Ensuite, en remplacement “sur le pouce” du grippé Boris Berezovsky, resté à Moscou, apparue, toute de rouge vêtue, la blonde flamboyante pianiste Ukrainienne, Valentina Lisitsa au piano, les bras blancs, musclés, qui se mit à son instrument avec fougue, pour nous interpréter le Concerto pour piano n°1 en mi bémol majeur et la Danse macabre de Liszt, sous la baguette de Paavo Järvi. Un moment d’émotion intense.

J’adossais ma tête sur le bord du fauteuil et fermais les yeux, pour me sentir seule avec elle, son instrument et le compositeur qu’elle servait majestueusement. Ce sont des moments comme çà, que l’on souhaiterait éternels. Ovation de la salle et plusieurs rappels. Des “bravos” fusaient de tous côtés. Les spectateurs en réclamaient …

Paavo Järvi et la virtuose Valentina Lisitsa
Paavo Järvi et la virtuose Valentina Lisitsa

Puis, seule, la pianiste virtuose en rouge refit son apparition. Seule seule, entourée de l’orchestre silencieux elle prit place et interpréta l’Ave Maria de Schubert, la Campanella de Paganini-Liszt, la finale de la Sonate n° 7 de Prokofiev et pour terminer, Chopin, la Nocturne E Flat Major op. 9 n° 2 dans sa version originale. Valentina est bien entendu non seulement une virtuose, mais une coquine qui a de l’humour. Elle taquinait la salle, après chaque morceaux, ce qui fit rire à plusieurs reprises. Une personnalité exceptionnelle. Beresovsky ne m’a pas manqué une seconde. La salle ne s’y est pas trompé et ovationnait la pianiste en rouge.

A ma gauche, un jeune type qui sentait mauvais. Lorsque Valentina jouait seule, importunée par sa mauvaise odeur, je dus éternuer, silencieusement, à deux reprises. Mon nez coulait et je cherchais un mouchoir dans mon sac. Me mouchais. Soudain, le type, qui sentait mauvais, me donna un violent coup de coude pour me faire comprendre que me moucher le dérangeait dans sa ferveur d’auditeur totalitaire. Je me tournais vers lui et le regardais d’un air mauvais et assez longuement, pour qu’il rentre à la niche. A la pause, il se saisit d’un sac à dos assez cradingue et quitta la salle pour ne plus jamais revenir. A sa place, ensuite, j’eu une voisine noire, très jolie, élégante et distinguée, laquelle dégageait une agréable odeur de parfum discret. Un changement salutaire avec le malotru.

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Et enfin, la 4ème en fa mineur de Tchaïkovski, dont j’adore particulièrement le second mouvement. Le Maestro Järvi était comme possédé par cette pièce, ce qui entraina l’orchestre dans une dimension particulière. Sa gestuelle ample à couvrir tous les musiciens était séduisante et charismatique. Le résultat était impressionnant. J’avais en tête l’interprétation de Karajan et dus me rendre à l’évidence que son jeune collègue sut tenir son rang brillamment. J’étais littéralement emportée et, de nouveau, je calais mon coup sur le bord de mon siège, tête en l’air, les yeux fermés pour apprécier ce moment exceptionnel.

Là encore le public ne s’y trompait pas. Devant moi, deux jeunes femmes se retournaient lorsque j’applaudissais bruyamment en lançant “bravo Paavo” ! Elles opinèrent du chef, d’accord avec mes débordements. Elles avaient le sourire large de celles qui ont aimé. La jeune élégante et jolie femme noire à mes côtés était pareillement emportée. Nous nous adressâmes brièvement la parole : “Vous le connaissez ?” me questionna-t-elle ? “Oui, je vais le voir dans sa loge ensuite”. Elle me répliquais qu’elle aussi. Alors, nous nous levâmes ensemble, elle était une immense liane. Une apparition élégante, dans une foule de gens, il faut le dire, majoritairement mal sapé. Y compris quelques capitaines d’industries que j’identifiais.

Les musiciens de l’orchestre respectent par tradition le public en s’habillant en conséquence. Je ne comprends pas pourquoi les directeurs de salles de concerts n’exigent pas que le public soit tout aussi élégant. Ce qui ajouterai à la beauté des prestations musicales.

Dans la loge de Paavo, il y avait bien sûr foule. J’ai demandé à Valentina, qui s’était hélas changée en noir, de venir, pour faire des photos et j’eus l’honneur d’y rencontrer le jeune compositeur Tanguy. Oui, lorsque je dis que j’ai l’honneur, c’est chez moi un vocabulaire rare. Une exception de vocabulaire que je réserve aux musiciens. Oui, puisque la musique est l’art majeur avant tous les autres.

C’était une belle expérience musicale et, je ne saurai jamais trop recommander d’aller au concert. Ca vous réconcilie avec la vie. Sous la direction musicale de Paavo Järvi, l’Orchestre de Paris est en train de rejoindre les plus grands du monde.

Dans la loge du Maestro Järvi, Valentina, Eric et moi
Dans la loge du Maestro Järvi, Valentina, Eric et moi

J’ai le plaisir d’annoncer ici, en exclusivité, que le Maestro Paavo Järvi, homme audacieux comme je le disais, mais aussi généreux, a accepté mon idée de se produire avec l’orchestre qu’il dirige, en l’église Saint Bernard de la Chapelle. La fameuse église des « sans papiers », récemment classée patrimoine, au cœur de la Goutte d’Or, quartier ghetto de l’immigration maghrébine et subsaharienne. Nous allons apporter aux enfants particulièrement, cette musique qui n’est pas seulement destinée à une classe privilégiée. Et sait-on jamais, susciter des vocations. Le padre Italien de la paroisse a accepté l’idée, ainsi que l’évêque auxiliaire de Paris, Eric de Moulin Beaufort.

La musique chasse la haine chez ceux qui sont sans amour. Elle donne la paix à ceux qui sont sans repos, elle console ceux qui pleurent. Pablo Casals.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Hildegard von Hessen am Rhein pour Dreuz.info.

Crédit photos : Hildegard von Hessen am Rhein

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