Publié par Dreuz Info le 5 février 2014

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La véritable histoire tragique de la théorie du genre du Dr Money, par Anne Merlin-Chazelas, docteur en histoire, ingénieur de recherches au CNRS (e.r.)

Ceux qui voulaient que la théorie du genre soit réputée incontestable et scientifiquement prouvée ont longtemps nié la réalité, même outre-Atlantique. En France, l’ignorance sur ce point est générale.

Il est exact que, au début des années 60, le Dr Money, dans un service spécialisé du Johns Hopkins Hospital de Baltimore, traitait des petits enfants nés avec des anomalies des organes sexuels en transformant les petits garçons en petites filles par ablation de ce qui restait de leurs organes sexuels. Ces enfants devaient être élevés comme des filles, habillés en filles, dotés d’un prénom féminin, recevoir des poupées, etc. À la puberté, ils recevaient des doses élevées d’hormones féminines et subissaient des opérations destinées à les doter d’une apparence de sexe féminin, évidemment inapte à concevoir et mettre au monde un enfant.

Le Dr Money devint rapidement célèbre, grâce au « succès incontesté » de cette procédure.

En fait, le succès était moins évident qu’il ne l’affirmait. Beaucoup des petits garçons (dotés des chromosomes XY) ainsi féminisés préférèrent, à l’âge adulte, retourner à leur sexe biologique, même si cela devait impliquer de douloureuses opérations et une sexualité incomplète. D’autres souffrirent de graves troubles psychologiques, certains allant jusqu’au suicide. Mais le Dr Money refusa toujours de le reconnaître et aujourd’hui encore, cette procédure (que le Johns Hopkins Hospital a pourtant abandonnée devant les nombreux résultats désastreux constatés au fil des années) passe pour un grand succès.

Cependant, il était difficile au Dr Money de faire reconnaître par l’ensemble de ses pairs l’excellence de sa théorie et de l’application qu’il en faisait, parce que d’une part les enfants qu’il transformait ainsi n’étaient, à l’origine, pas entièrement normaux et que d’autre part, il n’existait aucun moyen d’avoir un groupe ou même un seul sujet témoin.

D’autres spécialistes menant des études dans le même domaine avaient démontré que l’imprégnation du fœtus par les hormones sexuelles pendant la grossesse suffisait pour que le sexe biologique reste dominant, quelle que soit la façon dont l’enfant était élevé. La transformation satisfaisante d’un garçon en fille ne pouvait se produire que si cette imprégnation n’avait pas pu avoir lieu….

Aussi ce fut, pour le Dr Money, un événement miraculeux quand un petit garçon né parfaitement normal, le petit Bruce Reimer, fut victime d’un horrible accident. Ses parents ayant décidé de le faire circoncire car il souffrait d’un phimosis gênant, l’opération fut faite non par le spécialiste habituel de l’hôpital de Winnipeg (Canada) où l’enfant avait été admis, mais par un généraliste qui n’était pas compétent pour ce genre d’opérations. On ignore pourquoi il opta pour l’utilisation d’un bistouri électrique. Le fait est que, cet appareil ayant été sans doute mal réglé, le pénis du bébé fut littéralement cuit. À l’hôpital, tout ce qu’on put faire pour lui fut de lui créer un conduit pour lui permettre d’uriner et aucun des nombreux médecins consultés, tant à Winnipeg qu’à la Mayo Clinic, ne put suggérer autre chose qu’une phalloplastie à faire après la puberté, opération dont le résultat, même aujourd’hui, reste très éloigné d’un organe naturel mais qui à l’époque était encore dans l’enfance.

Or, non seulement le jeune Bruce, petit garçon né totalement normal, était un sujet en or pour les études du Dr Money, mais il se trouve qu’il avait un jumeau homozygote, le sujet témoin idéal.

Quand on lui amena le petit Bruce, il fit donc enlever et les restes de son pénis, et ses testicules et le Dr Money, dont le charisme avait littéralement subjugué les parents, leur ordonna de le traiter strictement en petite fille et affirma que l’expérience était une réussite totale.

« Le fait que l’on affirmait que les jumeaux étaient devenus, en grandissant, des enfants de sexe opposé, heureux et bien dans leur peau, paraissait une preuve incontestable de la prévalence de l’environnement sur la biologie dans la différentiation sexuelle. Les manuels de médecine et de sciences sociales furent récrits pour tenir compte de ce cas et celui-ci devint un précédent justifiant le changement de sexe dans la toute petite enfance pour les nouveau-nés dont les organes génitaux étaient endommagés ou anormaux. Ce fut aussi, pour le mouvement féministe des années 70, une « pierre de touche », quand on se mit à citer partout ce cas comme la preuve que la différence de genre n’était que le résultat d’un conditionnement culturel et ne venait pas de la biologie. Pour le docteur Money, le psychologue médical qui fut l’architecte de cette expérience, ce cas, que l’on appela le « cas des jumeaux » fut le sommet triomphal d’une carrière de quarante ans, sommet qui lui valut en 1997 de se voir désigné comme « l’un des plus grands sexologues du siècle. » – John Colapinto, As nature made him, the boy who was raised as a girl, dans sa préface.

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Or, contrairement à ce que le Dr Money a toujours affirmé, la transformation de Bruce en Brenda a, dès le début, connu des problèmes. Dès l’âge de deux ou trois ans « Brenda » préférait les jouets de son frère jumeau aux poupées et dînettes qu’on lui offrait, « elle » se montrait totalement indifférente aux activités ménagères auxquelles sa mère tentait de l’intéresser et elle insistait pour uriner debout ; loin de manifester la douceur et la docilité qu’on attendait alors des petites filles dans le milieu mennonite de sa famille, « elle » se montrait autoritaire et, des deux jumeaux, c’était « elle » qui dirigeait toujours jeux et activités. Quand « elle » alla à l’école, ce fut pire : son caractère autoritaire et ses goûts pour les activités et jeux considérés comme réservés aux garçons la rendirent incapable de se faire des amies parmi les petites filles alors qu’ « elle » était, évidemment, rejetée comme fille par les petits garçons. Ses résultats scolaires étaient catastrophiques.

Le plus ennuyeux, aux yeux de ses parents, c’était qu’« elle » avait pris en grippe le Dr Money, qu’eux admiraient sans réserve, et qu’« elle » essayait d’échapper à la visite annuelle que ses parents, « elle »-même et son jumeau devaient faire chaque année au John Hopkins Hospital pour le contrôle de son traitement. Ses parents ignoraient évidemment que le Dr Money estimait que les enfants devaient avoir une vie sexuelle précoce et qu’il obligeait les jumeaux à visionner des films pornographiques et à simuler entre eux des actes sexuels. Il expliquait aux parents que le refus de l’enfant de se rendre au Johns Hopkins venait d’une grande crainte des hôpitaux, en raison de l’affreux accident qu’il avait subi en milieu hospitalier.

Quand « Brenda » eut douze ans, le Dr Money ordonna aux parents de lui administrer de fortes doses d’hormones féminines et de la conduire à Baltimore pour une série d’opérations destinées à lui façonner un vagin et une vulve artificiels. Mais l’enfant se rebella violemment. Pour les hormones, qui lui furent administrées de force par des parents désolés de son attitude et persuadés de bien faire, « elle » dut céder, mais elle refusa catégoriquement de se rendre à l’hôpital pour y être opérée et le psychologue local 1 qui la suivait dut convaincre ses parents que ses menaces de suicide si on l’y contraignait n’était que trop réelles. Et quand « elle » eut quatorze ans, « elle » obtint enfin le droit de redevenir un garçon. Il ne voulut pas reprendre le prénom qu’il portait à sa naissance et choisit celui de David, parce qu’il pensait que lui, petit enfant, avait réussi à vaincre le Goliath qu’était à ses yeux le Dr Money.

Il dut subir de nombreuses et douloureuses opérations : une phalloplastie (alors plus perfectionnée qu’une quinzaine d’années auparavant) et l’ablation des seins que les hormones administrées lui avaient donnés. Il devait se marier par la suite et l’on pourrait croire que tout est bien qui finit bien. Malheureusement, ce ne fut pas le cas : lui-même et son frère jumeau avaient été à ce point perturbés par l’enfance qu’il avait vécue (et que son frère avait partagée) que tous deux se donnèrent la mort à peu d’années d’intervalle.

Bien entendu, dès que « Brenda » avait exigé et obtenu de redevenir un garçon, le Dr Money en avait été averti. Il était même venu à Winnipeg, sans doute pour le voir de ses yeux ou dans l’espoir de convaincre l’adolescent de suivre le destin qu’il lui avait fixé. Il n’en a pas moins continué à affirmer que l’expérience avait entièrement réussi et démontrait la valeur de sa théorie sur le rôle exclusif de l’environnement dans la détermination du « genre ». Il a toujours prétendu que les informations sur l’échec de cette expérience et les nombreux échecs des transformations de bébés au sexe mal défini en petites filles n’étaient que l’effet de la jalousie professionnelle des scientifiques qui avaient fait des recherches dont les conclusions contredisaient les siennes 2. En raison de la domination qu’il exerçait sur son entourage, cet échec est resté longtemps inconnu et n’a fait l’objet d’une publication que trente ans plus tard, dans les Archives of Pediatrics and Adolescent Medicine.

Un mensonge maintenu pendant des décennies

Cette histoire a été racontée en détail, par le journaliste John Colapinto, dans son livre As nature made him, the boy who was raised as a girl*, Londres-New-York, Harper’s Perennial. Celui-ci a pu interroger à loisir les membres de la famille et les médecins de Winnipeg et a pu utiliser des enregistrements d’émissions de télévision, de séances de psychothérapie etc., y compris les notes du Dr Money, restées au Johns Hopkins Hospital. Il cite ces documents littéralement, ne s’étant permis aucune reconstitution de dialogues ou effet littéraire…

Je pense qu’il fallait faire connaître aux lecteurs de Dreuz la véritable histoire de l’expérience « si réussie » du Dr Money dont les conclusions ne sont pas, comme il aurait aimé le faire croire, scientifiquement observées et incontestables, mais au contraire reposent sur un mensonge maintenu pendant des décennies.

Ces faits sont peu connus outre Atlantique, en dépit de la publication d’articles scientifiques contestant la réussite de l’expérience du Dr Money, d’une émission de la BBC consacrée à vérifier tant les allégations du Dr Money que celles de ses contradicteurs, d’un important article de John Colapinto et enfin du livre, et ne le sont pas du tout en France. Je m’efforce de les faire connaître, parce que je crois à la nocivité de ce concept du « genre » qui serait imposé par la société.

Je me permets de conseiller au lecteur de se procurer le livre de John Colapinto. J’ai pu me le procurer, pour un prix minime (moins de 8 €) en format Kindle sur le site d’Amazon, mais il doit être possible de s’en procurer un exemplaire sur papier (NDLR : ici*).

Or, comme vous le savez, « le genre fournit un corpus idéologique au lobby LGBT » et nous met « sur le chemin de l’a-civilisation » comme l’a dit Mme Élisabeth Montfort lors d’une interview au Figaro-Magazine. La théorie du genre, adoptée par les féministes (j’entends le mouvement féministe extrémiste) et par le lobby LGBT, est l’élément fondamental des réformes « sociétales » que, sous leur influence, la gauche tente d’imposer à notre pays dans l’intention que cette théorie parvienne à nous faire « changer de civilisation », ce qui serait d’autant plus grave que ce « corpus idéologique » est fondé sur un mensonge.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Anne Merlin-Chazelas, docteur en histoire, ingénieur de recherches au CNRS (e.r.) pour Dreuz.info.

1 Car, curieusement, le suivi régulier de son traitement était assuré non par le Dr Money ou des médecins du John Hopkins Hospital, mais uniquement par des praticiens locaux.

2 Notamment, le Dr Milton Diamond, biologiste, enseignant à l’Université de Hawaii et le Dr. Keith Sigmundsen, psychiatre exerçant à Victoria, en Colombie britannique.

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