Publié par Michel Garroté le 30 avril 2014

Filles-libanaises

Michel Garroté, réd en chef — Les élections présidentielles qui se déroulent actuellement au Liban sont conditionnées, entre autre, par l’indécision de l’Arabie saoudite, dans la mesure où elle semble incapable, à l’heure actuelle, de déterminer ses options pour l’échéance présidentielle au pays du Cèdre, en attendant une série de développements régionaux majeurs.

Parmi ces développements régionaux majeurs, il y a notamment les législatives irakiennes de ce 30 avril ; la présidentielle égyptienne le 25 mai ; la présidentielle syrienne en juin ; la présidentielle turque le 10 août ; la fin du moratoire sur le nucléaire iranien en juillet ; la date butoir pour la destruction de l’arsenal chimique syrien en mai ; les délais fixés par le secrétaire d’État américain John Kerry pour les négociations israélo-palestiniennes, qui de fait sont rompues à cause de l’accord conclu entre l’OLP, le Fatah et les terroristes du Hamas ; et enfin, le déroulement d’un éventuel Genève III pour résoudre la crise syrienne.

Concernant le Liban, si le délai constitutionnel du 24 mai est franchi, l’élection présidentielle n’aura pas lieu avant juillet ou même septembre. Côté sondages, toutes tendances et communautés confondues, le leader du parti chrétien des Forces libanaises, Samir Geagea, vient en tête des intentions de vote avec 34,6%.

Il est suivi de Michel Aoun (allié du Hezbollah) en deuxième position avec 23,4% des intentions de vote ; de Ziyad Baroud (14,2%) ; Sleimane Frangié (6,9%) ; Jean Kahwagi (4,9%) ; Riad Salamé (4,3%) ; Damien Kattar (3,6%) ; Amine Gemayel et Boutros Harb (chacun 2,7%).

Au sein de l’ensemble des communautés chrétiennes, 71% des personnes interrogées sont favorables à l’élection d’un président fort. Parmi les personnes qui se sont prononcées pour un président fort, 90% des souverainistes — opposés au contrôle de fait exercé sur le Liban par l’Iran, par la Syrie et par le Hezbollah — se sont prononcés pour Samir Geagea.

Cela dit, le camp du Hezbollah ne veut pas accepter Geagea. Et le camp anti-Hezbollah ne veut pas accepter Aoun. En outre, les Saoudiens et les Iraniens ne sont pas pressés de trouver un accord sur un candidat. La présidentielle libanaise n’est pas un dossier brûlant pour l’Arabie saoudite et l’Iran, déjà opposés dans le conflit syrien, sur la question du Yémen et surtout à propos du nucléaire offensif iranien. Quant à Obama, ses inconstances ne méritent même pas que l’on en fasse ici mention.

Geagea-2

Mais qui est Samir Geagea ? En 2008, le responsable du parti chrétien des Forces Libanaises, Samir Geagea, a déclaré : « d’un cœur modeste, limpide, en toute sincérité et en toute transparence, devant Dieu et les gens, en mon nom et en celui de générations de résistants, vivants ou martyrs, je présente de profondes, de franches, de totales excuses, pour toute blessure, toute malversation, toute perte, tout dégât injustifié dont nous avons été responsables lorsque nous remplissions notre mission nationale, pendant la guerre (ndlr : 1975-1990). Je demande à Dieu et à toutes les personnes que nous avons lésées de nous pardonner, de transcender leurs douleurs, de nous donner de l’affection. Et à tous ceux qui basent leur fonds de commerce sur nos douleurs et celles des gens, je dis : ce commerce, ces surenchères, cet abus du sang et des larmes des gens suffisent ; cette falsification de l’histoire suffit ».

La demande de pardon de Samir Geagea m’inspire quelques rappels historiques et quelques réflexions personnelles. Samir Geagea a croupi en prison de 1994 à 2005, dans les sous-sols du ministère libanais de la Défense, sous contrôle et sous occupation syriennes. Samir Geagea a – évidemment – été torturé. A part cela, qui est Samir Geagea ? Si vous compilez les archives des médias classiques, vous lirez, évidemment, que Samir Geagea était – et donc reste potentiellement – un dangereux milicien. C’est la version – ou plutôt la farce – officielle.

Cela dit, Samir Geagea a effectivement occupé d’importantes fonctions au sein des Forces Libanaises pendant une partie de la guerre dite civile de 1975-1990. Dans les années 1980, une direction collégiale se met en place à la tête des Forces Libanaises. Deux personnalités très distinctes, Samir Geagea, un homme qui prie, médecin de profession, et Elie Hobeïka, un opportuniste sanguinaire, se partagent les responsabilités à la direction des Forces libanaises. En 1985, Elie Hobeïka (responsable du massacre de Sabra et Chatila) trahit les siens en se mettant aux ordres du dictateur syrien Hafez el Assad. Samir Geagea, lui, reste fidèle.

En 1990, l’ineffable général « chrétien » Michel Aoun, un mythomane qui se prend pour de Gaulle, lance, à la tête de l’armée libanaise, une offensive aussi effroyable que stupide contre les Forces Libanaises de Samir Geagea. L’incommensurable idiotie de Michel Aoun – aujourd’hui allié du Hezbollah – divise le camp chrétien et permet aux Syriens d’instaurer un régime libanais à leur solde et permet aux Syriens d’imposer au Liban la « pax syriana ».

Samir Geagea refuse la capitulation et la collaboration avec un gouvernement libanais aux ordres de la dictature syrienne. Samir Geagea refuse de quitter son pays, il est accusé de soi-disant crimes dont il est innocent, il est arrêté en 1994 et emprisonné par les Syriens jusqu’en 2005.

Samir Geagea a demandé pardon alors que d’autres dans le camp chrétien ont des raisons bien plus graves de demander pardon, d’autres dans le camp chrétien qui, justement, se gardent bien de demander pardon et qui, en plus, continuent leur basse politicaillerie de pétainistes version libanaise, sur le dos des chrétiens et sur le dos du Liban. Certains chrétiens libanais sont un peu comme certains chrétiens français. Ils ont la mémoire à la fois courte et sélective.

Ayant connu de très près et sur le terrain l’entourage de Samir Geagea pendant la guerre, je tenais à lui rendre ici hommage. Car en dépit des apparences et des médisances, un homme qui a osé demander pardon est aussi un homme qui sait et saura rester debout.

Reproduction autorisée avec mention :

© Michel Garroté réd en chef www.dreuz.info

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