Publié par Dreuz Info le 15 avril 2014

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Ayaan Hirsi Ali est une très belle jeune femme née en Somalie dans une famille musulmane, à qui ne furent épargnés, malgré un père considéré comme libéral, ni la mutilation génitale à l’âge de cinq ans, ni le mariage forcé célébré en son absence.

Évadée de cet environnement qui pour elle était devenu invivable et réfugiée aux Pays-Bas, elle y entreprit des études pour obtenir un diplôme universitaire en Sciences politiques tout en travaillant pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa sœur qui avait également fui ce milieu délétère. Le Parlement néerlandais lui ouvrit ses portes – pour un temps. Ses efforts en faveur des droits des femmes musulmanes dont elle dénonce le statut d’esclaves que leur réserve l’islam lui valurent d’être rejetée et maudite par sa famille, diabolisée et menacée de mort par les islamistes. Elle devint brusquement célèbre après l’assassinat de son collaborateur et ami Theo van Gogh, et les Pays-Bas finirent par se débarrasser d’une personnalité aussi encombrante. C’est en Amérique qu’elle trouva asile.

L’Université Brandeis près de Boston, Massachusetts, l’avait invitée à recevoir un doctorat honorifique lors de la cérémonie inaugurale de printemps prévue pour le mois de mai. En butte aux pressions exercées par CAIR (le Conseil des relations islamo-américaines, tête de pont des Frères musulmans en Amérique) qui accuse Mme Hirsi Ali d’islamophobie (air connu), l’Université a cédé lamentablement et annulé son invitation. Cette capitulation a indigné une grande partie du public américain qui n’admet pas la dérobade de l’Université devant une organisation dont le Président n’avait pas hésité à déclarer dès 1998 : «L’islam en Amérique n’est pas destiné à être sur le même pied que les autres religions, mais à les dominer… Le coran devrait être l’autorité suprême en Amérique et l’islam la seule religion autorisée sur terre».

La chaîne de télévision Fox News, entre autres, s’est faite l’écho de cette indignation dont résonne la blogosphère. Mme Hirsi Ali, de son côté, a rendu public le discours qu’elle comptait prononcer lors de la cérémonie (*), dont voici des extraits (ma traduction) :

«Nos universités doivent être les temples de la pensée véritablement critique et non d’un quelconque conformisme dogmatique»

Il y a un an, la ville et les faubourgs de Boston étaient en deuil. A ces familles, qui quelques semaines auparavant pouvaient encore serrer dans leurs bras leurs enfants, leurs frères et sœurs, il ne restait plus que des photos et des souvenirs. D’autres familles se relayaient auprès de lits d’hôpitaux tandis que de jeunes hommes et femmes, des enfants, enduraient de douloureuses interventions chirurgicales et devaient faire face à d’irréversibles défigurements. Tout cela parce que deux frères radicalisés par des sites jihadistes avaient décidé de faire exploser plusieurs bombes artisanales près de la ligne d’arrivée de l’un des événements sportifs les plus populaires des USA : le Marathon de Boston.

Vous tous de la Classe 2014, vous n’oublierez jamais ce jour et ceux qui suivirent. Vous n’oublierez jamais comment et où vous est parvenue la nouvelle et ce que vous étiez en train de faire à ce moment précis. Et lorsque vous retournerez sur les lieux, dans dix, quinze ou vingt-cinq ans, ce souvenir vous reviendra encore en mémoire. Les bombes ont explosé à moins de 16 km de ce campus.

Un article que j’ai lu récemment disait que la mémoire de beaucoup d’adultes ne remonte pas au-delà de leurs 8 ans. Pour certains d’entre vous, le souvenir le plus ancien pourrait donc bien être celui de ce matin de septembre connu sous le nom de 9/11.

Vous avez droit à de meilleurs souvenirs que ceux de 9/11 et des bombes du Marathon de Boston – et vous n’êtes pas les seuls. En Syrie, plus de 120.000 personnes ont été tuées, non pas dans une bataille rangée, mais lors de massacres généralisés au cours d’une guerre civile qui se déroule dans un cadre de plus en plus sectaire. En Iraq, au Liban, en Libye, en Égypte, c’est l’escalade à la violence. Et dans le monde d’aujourd’hui bien plus qu’à l’époque de votre naissance, la violence organisée est concentrée de façon disproportionnée dans le monde musulman.

Une autre tendance préoccupante affecte également les pays que je viens d’énumérer ainsi que la quasi-totalité du Moyen Orient : la violence contre les femmes, qui ne cesse de croître. En Arabie saoudite, la mutilation génitale des filles est en hausse. En Egypte, 99% des femmes subissent un harassement sexuel constant et jusqu’à 80 agressions sexuelles sont perpétrées chaque jour.

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Le statut des femmes en tant que citoyens de deuxième classe s’inscrit un peu plus fermement chaque jour dans la législation. En Iraq, une proposition de loi a été présentée afin de réduire à 9 ans l’âge auquel une fillette peut être mariée de force. La même proposition prévoit que le mari pourra interdire à sa femme de sortir de la maison sans sa permission.

Et la liste pourrait bien s’allonger.

J’espère me faire l’écho de l’opinion générale en disant que ce n’est pas un monde de ce genre que ma génération souhaitait vous léguer. À l’époque de votre naissance, le monde occidental se réjouissait d’avoir vaincu le communisme soviétique. Une coalition internationale avait forcé Saddam Hussein à évacuer le Koweit. Les forces armées américaines allaient ensuite s’efforcer d’endiguer la famine qui sévissait dans mon pays natal, la Somalie. Le Ministère de la Sécurité intérieure n’existait pas et bien peu d’Américains se préoccupaient de terrorisme.

Il y a vingt ans seulement, le plus invétéré des pessimistes n’aurait jamais imaginé tous les ravages qui ont affecté le monde où j’ai grandi. Après le 20ème siècle qui a vu tant de victoires en faveur des femmes en Occident, personne n’aurait pu imaginer que le 21ème siècle verrait disparaître les droits les plus élémentaires de la femme dans un aussi grand nombre de pays.

Aujourd’hui, néanmoins, je vois poindre un futur meilleur car je crois que le balancier est presque arrivé en bout de course dans la mauvaise direction.

Lorsque je vois des millions de femmes en Afghanistan résister aux menaces du taliban pour aller voter ; lorsque je vois des femmes en Arabie saoudite défier une règle absurde qui leur interdit de conduire une voiture ; et lorsque je vois des femmes tunisiennes célébrer la condamnation d’un groupe de policiers coupables d’un viol collectif particulièrement atroce, je deviens plus optimiste que je ne l’étais il y a quelques années. Le «printemps arabe», si mal nommé, n’a été qu’un bouleversement générateur de nombreuses déconvenues. Mais je crois qu’il a ouvert la porte à la contestation des formes traditionnelles de l’autorité – y compris l’autorité patriarcale – ainsi qu’à la remise en question des justifications religieuses sur lesquelles repose l’oppression des femmes.

Mais c’est à notre monde occidental qu’il revient de ne pas laisser se refermer cette porte. C’est en la ville de Boston que naquit autrefois un nouvel idéal de liberté ; le temps est venu de rappeler le passé et de brandir encore une fois, au 21ème siècle, la torche de la liberté de pensée et de la civilisation. Nous nous devons de nous élever contre l’injustice lorsque nous la constatons, non pas simplement pour la condamner, mais pour y opposer des actions concrètes.

Nos institutions d’enseignement supérieur sont particulièrement désignées pour ce faire. Nos universités doivent devenir les temples non d’un quelconque conformisme dogmatique, mais de la pensée véritablement critique en accueillant toutes sortes d’idées et en restant ouvertes à un débat policé. J’ai été la cible de débats houleux sur divers campus où la liberté de parole m’a été refusée ; je suis d’autant plus reconnaissante de l’occasion qui m’est donnée de m’adresser à vous aujourd’hui. Je ne m’attends pas à ce que tous dans l’auditoire soient d’accord avec mes propos, mais je vous remercie d’avoir accepté de m’écouter.

Vous avez devant vous quelqu’un qui combat pour les droits fondamentaux des femmes et des filles dans le monde entier. Quelqu’un qui ne craint pas de poser de difficiles questions sur le rôle que joue la religion dans ce combat.

Le lien entre la violence, et en particulier la violence contre les femmes, et l’islam est trop évident pour qu’on puisse l’ignorer. Nous ne rendons pas service aux étudiants, aux professeurs, aux incroyants comme aux croyants lorsque nous fermons les yeux sur ce lien, lorsque nous cherchons des excuses au lieu de réfléchir.

Je vous pose donc la question : croyez-vous que l’idée de guerre sainte est compatible avec notre idéal de tolérance religieuse ? Croyez-vous que questionner l’application de certaines doctrines remontant au 7ème siècle de notre ère constitue un blasphème punissable de mort ? Le Christianisme et le Judaïsme ont bénéficié de réformes au cours des âges. Je pense qu’il est temps que l’islam instaure ses propres réformes.

J’ai du mal à croire que de telles idées puissent être rejetées dans une université fondée juste après la Shoah, en un temps où beaucoup d’universités américaines imposaient encore des quotas à leurs étudiants Juifs.

La devise de l’Université Brandeis : «La vérité, où qu’elle se trouve» est également la mienne. Car ce n’est que grâce à la vérité, à la vérité sans fard, que votre génération peut espérer contribuer, mieux que ne l’a fait la mienne, à la lutte pour la paix, pour la liberté et pour l’égalité des sexes.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Atikva pour Dreuz.info.

(*) Source : http://pamelageller.com/2014/04/ayaan-hirsi-ali-heres-said-brandeis.html/

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