Publié par Jean-Patrick Grumberg le 22 mai 2014

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Des associés du président Vladimir Poutine ont profité de la corruption de l’Etat pour acheter de très coûteux équipements médicaux – et ont envoyé l’argent sur un compte en Suisse, qui a financé ce qu’on appelle en Russie le “Palais Poutine”.

En 2005, le président Vladimir Poutine a personnellement mis en chantier un vaste programme destiné à améliorer les équipements des hôpitaux du pays pour un montant de 1 milliard de dollars. Il décide de construire 15 nouveaux centres médicaux pour les urgences, les maladies cardiaques et les prothèses dans plusieurs villes de Russie, de Vladivostok à l’est à Kaliningrad sur la Baltique. Cinq ans plus tard, les autorités constatèrent que les fournisseurs surfacturaient les équipements les plus coûteux comme les scanners, jusqu’à deux ou trois fois le montant.

Dmitry Medvedev, successeur de Poutine à l’époque, fit une déclaration à la télévision d’état pour dénoncer la corruption. Les coupables, dit-il, ont pratiqué un “vol absolument cynique et d’une immense proportion de l’argent de l’état.” Medvedev demanda aux responsables de la police de Russie de s’assurer que “tous ceux qui ont participé soient sérieusement et fortement punis”.

Des suspects furent arrêtés, et en 2012, le ministère de la police annonça que 104 personnes furent inculpées dans l’affaire des scanners. Plusieurs officiels et hommes d’affaires locaux furent condamnés et envoyés en prison.

Plus tard, un journaliste de Reuters constata que deux richissimes associés de Poutine qui étaient impliqués dans le scandale ne furent pas poursuivis.

Les deux hommes, Nikolai Shamalov et Dmitry Gorelov, possédaient des intérêts dans deux sociétés qui reçurent des contrats pour construire une série d’hôpitaux en Russie. L’une des sociétés fut accusée “d’enrichissement illicite”. La société fut mise en faillite avec une dette d’environ 860 millions de roubles (26 millions de dollars) dus à l’état. Des centaines d’employés perdirent leur travail.

Au travers d’autres sociétés, les deux hommes cependant vendirent des équipements médicaux pour un montant d’environ 195 millions de dollars à la Russie, somme sur laquelle 84 millions de dollars disparurent dans des comptes en Suisse, d’après ces relevés de compte que le journaliste de Reuters a pu consulter. Les relevés indiquent qu’au moins 35 millions d’euros venant de ces comptes ont été envoyés à une société qui a participé à la construction d’une luxueuse propriété près de la mer Noire, connue sous le nom de “palais Poutine” – un surnom donné après qu’un homme d’affaire annonça que le palais était construit pour Poutine, ce qu’il nia totalement.

“Le système en vigueur en Russie aujourd’hui, ce n’est pas la corruption dans son sens traditionnel, mais dans le sens d’un complet mélange entre le service public et des intérêts privés,” affirme l’économiste Vladislav Inozemtsev, directeur de l’institut d’études post-industrielles, un think tank basé à Moscou.

La raison de cette nouvelle corruption se trouve dans un mélange de lois vagues, peu appliquées, qui permettent que des administrations signent des contrats avec des sociétés qui dissimulent le nom de leurs actionnaires, qui n’ont même pas de présence effective à l’adresse de leurs sièges sociaux, qui n’interdit pas les ententes entre sociétés qui répondent aux appels d’offres, etc. C’est dans cette “zone grise”, plus que dans le vol pur et simple, que la corruption fleurit dans la Russie de Poutine.

Les deux associés occultes de Poutine ont acheté des équipements médicaux au travers d’une société britannique qu’ils contrôlent, et ont revendu les équipements à la Russie avec une marge – non justifiée – faramineuse, quelques fois au double du prix.

La plupart de ces équipements ont été achetés à Siemens AG. en Allemagne. Siemens a vendu les produits à la société britannique, qui les a revendus à la Russie.

L’un des deux “associés” de Poutine est l’ancien dentiste Nikolai Shamalov. Les deux hommes se sont connus à St. Petersburg, quand Poutine exerçait des fonctions officielles. L’un des fils de Shamalov travaillait dans le département de Poutine.

Shamalov, Poutine et un petit groupe de personnes s’associèrent pour construire un complexe de dachas au nord de la coopérative Ozero au bord d’un lac. Shamalov fit fortune au travers de ses parts dans la Bank Rossiya, basée à St. Petersburg, et qui se développa à une vitesse vertigineuse après que Poutine devint président en 2000.

Shamalov était également un des directeurs des ventes de Siemens en Russie.

L’autre associé de Poutine dans le projet hospitalier s’appelle Dmitry Gorelov, diplômé de l’académie médicale militaire en 1973. Gorelov était également associé dans la Bank Rossiya jusqu’à juin 2013. En 2000, Gorelov reçut le titre de “praticien médical honorifique de la fédération de Russie” – par décret de Poutine.

Un troisième homme apparait dans le montage financier dont Poutine a profité et la construction du palais de la mer Noire: Sergei Kolesnikov, un biologiste, ancien associé de Shamalov et Gorelov. Kolesnikov a aidé Shamalov dans la gestion d’une société d’investissement. Il a été actionnaire avec Gorelov d’une société d’assurance santé. Selon ses propres déclarations, son rôle lui a permis de comprendre en détail les liens entre les deux hommes et Poutine dans l’affaire des hôpitaux et du palais de la mer Noire.

Les statuts des sociétés confirment que l’une des entreprises de Shamalov et Gorelov qui a été mise en faillite en 2012 autour du scandale s’appelait Rosinvest, une société d’investissement russe détenue par des sociétés offshore.

En 2010 Sergei Kolesnikov déclara que Rosinvest était en fait contrôlé par Vladimir Poutine lui-même. Mais le rôle de Rosinvest dans le projet hospitalier d’un milliard de dollars de Poutine n’a jamais été mentionné ailleurs.

Poutine possédait 94% de la société, dit Kolesnikov, tandis que lui Shamalov et Gorelov possédaient 2% chacun. Kolesnikov ajoute avoir été informé par Gorelov et par Shamalov que Poutine avait “organisé la situation de telle sorte que la signature de quiconque ne pouvait apparaitre nulle part”.

Par ailleurs, expliquait Kolesnikov lors d’une interview en Estonie où il vit, les deux (Shamalov et Gorelov) furent invités à la soirée d’anniversaire pour les 55 ans de Poutine en 2007. “Ils étaient à son anniversaire,” expliquait Kolesnikov, et Shamalov et Gorelov ont été invités lors de soirées données à Valdai, une résidence présidentielle isolée entre Moscou et St. Petersburg.

D’autres documents, comme ce relevé de vol consulté par Reuters, pourrait confirmer la proximité entre Shamalov, Gorelov et Poutine : en 2008, les deux hommes d’affaires, à bord d’un avion privé, se rendent de Prague à Sochi avec Alina Kabayeva, l’ancienne gymnaste olympique souvent décrite par des médias russes comme ayant été la petite amie de Poutine.

Dans le même avion, selon le document, se trouvait Vladimir Kozhin, un officiel du Kremlin qui a été sanctionné par le Trésor américain en mars dernier lors des sanctions contre la Russie concernant la Crimée. Interrogé sur ce vol, Kozhin a déclaré ne pas vouloir répondre.

En 2010, Kolesnikov publie une lettre ouverte que vous pouvez lire ici dans sa version anglaise au président Medvedev, et affirme que Shamalov construisait une luxueuse propriété pour Poutine sur la mer Noire, ajoutant que lui Kolesnikov n’avait pris aucune part dans la gestion du projet. L’opération, écrit-il, était dirigée par Shamalov, mais avec des fonds venant d’opérations que Kolesnikov a supervisé. Kolesnikov explique dans sa lettre connaître l’existence du projet en raison des “rapports détaillées et des budgets” qu’il a examiné alors qu’il travaillait avec Shamalov.

Le porte parole de Poutine n’a pas répondu aux accusations de Kolesnikov. Le Kremlin, par le passé, a affirmé que Kolesnikov a quitté la Russie en raison de “différents commerciaux”. Kolesnikov dit qu’il a quitté la Russie parce qu’il “a décidé de faire quelque chose pour mon pays” en parlant de la corruption.

Les intermédiaires

Gorelov est le co-fondateur de la société Petromed, à St Petersburg, au début des années 90, qui fournissait du matériel médical pour la région. Une partie des capitaux de la société fut apportée par le comité des affaires extérieures de la ville – dirigée par Poutine.

Kolesnikov en devint l’un des actionnaires avec Gorelov, et il l’est encore, selon les statuts de la société.

Shamalov, à ce moment, était le directeur des ventes régional de la division matériel médical de Siemens, qui fournit du matériel de haute technologie, dont les scanners. Selon des sources chez Siemens, Shamalov aurait quitté la société “effectivement le 1er octobre 2008.”

Entre 2006 et 2008, l’agence fédérale de Russie, Technointorg, accorde à Petromed le droit de fournir 14 des nouveaux hôpitaux du projet de Poutine. Après que Technointorg ait rencontré divers problèmes, Petromed ne fournit plus que 8 hôpitaux.

Combien Petromed a encaissé au total, personne ne le sait encore, mais divers documents judiciaires indiquent que la société a obtenu un contrat de 120 millions de dollars pour cinq hôpitaux, et des relevés des services douaniers indiquent que Petromed a importé pour plus de 205 millions d’équipements médicaux en 391 livraisons de 2005 à 2010.

Les mêmes documents indiquent que 65% venaient d’Allemagne, et 25% des Etats Unis. Siemens, qui produit aux Etats Unis et en Allemagne, est le plus gros fournisseur. Il a fourni des appareils à rayons X et des scanners.

Le circuit

Les équipements étaient livrés directement par Siemens à Petromed, agissant pour le compte de la Russie. Mais les paiements ne se firent pas directement de Petromed à Siemens.

A la place, l’argent pris un chemin complexe, passant par un autre intermédiaire – contrôlé par Shamalov et Gorelov, selon Kolesnikov.

Selon des documents douaniers, Petromed paya 195 millions de dollars à une société britannique du nom de Greathill Ltd. Greathill agissait en tant qu’intermédiaire pour l’achat des équipements auprès de Siemens et d’autres fournisseurs.

Le circuit fonctionnait ainsi: L’état russe payait Petromed pour la fourniture de l’équipement médical. Greathill achetait l’équipement à Siemens et à d’autres fournisseurs, selon Kolesnikov. Puis Petromed achetait les équipements à Greathill, mais à un prix très supérieur, jusqu’au double du prix du marché, selon les documents douaniers. Les relevés de banque que le journaliste de Reuters a pu consulter confirment.

Kolesnikov dit dans sa lettre ouverte qu’il a aidé à créer Greathill pour le compte de Shamalov et Gorelov. Selon les documents que Stephen Grey, Jason Bush et Roman Anin, les journalistes de Reuters, ont pu consulter, Greathill était une société écran. Selon Kolesnikov, Greathill était destiné à fonctionner comme l’intermédiaire “où les profits pouvaient être faits.”

Gorelov affirme qu’il était normal qu’une telle société soit utilisée pour ce genre de projets, et qu’elle avait “un effet très positif sur la réalisation du projet.” Il ajoute que les affaires de Greathill étaient “absolument transparentes.”

Greathill est domiciliée à Rochdale au nord de la Grande Bretagne. A cette adresse, il y a une entreprise de comptabilité. Elle a déclaré que Greathill était un client à qui elle apportait un service de domiciliation. Une personne du bureau comptable a expliqué qu’elle ne savait rien de ce que faisait Greathill.

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Greathill ne publie pas qui dirige la société et qui en est propriétaire. Des gérants sont nommés pour représenter les associés au conseil d’administration. Ils sont salariés d’une autre société de comptabilité basée dans le sud, dans le comté de l’Essex.

Un des gérants du cabinet de l’Essex a confirmé à Reuters qu’il administre Greathill, et a confirmé que les associés de Greathill sont probablement des personnes agissant pour le compte d’autres personnes.

Selon Kolesnikov et les documents en liens dans cet article, Greathill appartient à Shamalov et Gorelov.

Et des documents que les journalistes de Reuters ont vu indiquent que Shamalov et Gorelov ont utilisé les services d’une société suisse, Interis, pour acheter leurs parts dans Greathill pour leur compte– 50% chacun. Interis et Shamalov n’ont pas souhaité répondre aux demandes de Reuters. Siemens a déclaré ne pas être au courant que Shamalov avait des parts dans Greathill.

“Siemens n’a pas d’information selon lesquelles un employé de Siemens était un des investisseurs de Greathill ou de Petromed,” explique le porte parole de Siemens.

Les documents douaniers montrent que Greathill a vendu des produits Siemens à Petromed avec de très grosses marges.

• Entre septembre 2007 et août 2008, Greathill a acheté au moins quatre scanners Somatom Sensation 64 CT. Greathill les a vendu à Petromed entre 1,9 et 2 millions d’euros chacun (les documents douaniers mentionnent des prix équivalents à 2.7 millions à 3 millions de dollars au taux de change de l’époque).

• Les prix sont près du double du prix habituellement pratiqué pour des scanner CT de la même classe, y compris ceux fabriqués par Siemens, selon l’enquête du Kremlin de 2010.

• Plusieurs personnes dans le milieu médical ont déclaré à Reuters que les hôpitaux allemands et d’ailleurs pouvaient acheter des scanners Siemens en 2007-2008 pour environ 1 million à 1,2 millions d’euros, selon les accessoires fournis.

• Les documents douaniers indiquent que Greathill a vendu à Petromed un scanner Siemens Avanto MRI plus de 3 millions d’euros, (130 millions de roubles selon les documents). Greathill a vendu à Petromed sept de ces scanners, à plus de 2,6 millions d’euros l’un. Selon des experts allemands, le prix typique de cet équipement varie entre 1,2 million et 1,7 millions d’euros l’un.

Petromed a décliné tout commentaire. Le directeur général, Enver Useinov, a déclaré qu’il n’était en poste que depuis un an, et qu’il ne connaissait rien à Greathill : “Je ne peux rien dire,”. “Je ne sais pas,” a-t-il donné comme seule réponse.

Dans une réponse écrite à Reuters, Gorelov a déclaré que Petromed a fourni des équipements à des prix compétitifs, et que les équipements et les prix ont été approuvés par les experts du gouvernement.

Destination le palais Poutine

Sur la mer Noire près de Gelendzhik a été construit une imposante propriété, construite dans un style néo-classique. Une résidence de tsar et de stars, comprenant un théâtre et une piste pour hélicoptère. La propriété est connue sous le nom de “Palais Poutine.”

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Comment une partie de l’argent destiné à acheter des scanners pour les hôpitaux russes s’est-il retrouvé dans la construction d’une propriété qui n’a rien à voir, ni de près ni de loin, avec la santé des russes ?

D’abord, Petromed a payé Greathill. Puis Greathill a viré au moins 56 millions de dollars sur le compte en suisse d’une société domiciliée à Belize. Finalement, la société domiciliée à Belize a envoyé les fonds à une société enregistrée à Washington.

Cette société, Medea Investment, a reçu au moins 48 millions de dollars pour fournir les matériaux de construction pour le palais Poutine. Selon Kolesnikov, le propriétaire de la société Medea était un architecte italien, Lanfranco Cirillo, qui a dessiné le palais.

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Les retombées

Le porte parole de Poutine a nié tout rapport avec la propriété sur la mer Noire. Selon un rapport officiel, Poutine n’a que très peu de biens.

En décembre 2011, un document officiel indique qu’il a gagné 17,73 millions de roubles (539 000 dollars) en quatre ans, qu’il possède une maison, et un appartement modeste.

La même année, après que Medvedev a donné l’ordre de punir les personnes responsables de la surfacturation des scanners, le procureur général de Russie a déclaré que 68 poursuites pénales ont été ouvertes dans 45 régions du pays.

– Ont également contribué à la suite de ce rapport, Elizabeth Piper, Maria Tsvetkova à Moscou, Brian Grow à Atlanta, et Jens Hack à Munich –

Initialement, la société qui supervisa la construction du palais s’appelait Rirus. Selon des documents publiés antérieurement par Kolesnikov, les fondateurs de Rirus étaient Shamalov et Gorelov. Rirus avait la même adresse que d’autres sociétés dans lesquelles les deux hommes sont associés.

En 2011 le journal russe Vedomosti, citant des statuts de société, indiquait qu’en 2010, le seul propriétaire de Rirus était Shamalov.

En février 2011, Novaya Gazeta, journal indépendant de Russie, publiait des documents indiquant que des responsables de l’administration présidentielle avaient approuvé la construction de la propriété sur la mer Noire. Selon Novaya Gazeta, les officiels auraient validé la construction à deux reprises. Une fois durant le second mandat présidentiel de Poutine, une autre fois en 2008 quand il était premier ministre.

Un groupe de journalistes et d’activistes qui tentèrent de visiter le palais en février 2011 rapportèrent qu’il était protégé par les services de la gardé fédérale, une agence gouvernementale qui assure la sécurité de hauts dignitaires.

Deux mois plus tard, Vladimir Kozhin, chef du département du Kremlin aux affaires présidentielles, déclara dans une interview au journal Kommersant que son ministère avait été impliqué dans la phase initiale de la construction du palais de la mer Noire, plusieurs années auparavant – mais seulement dans le cadre d’un projet visant à encourager les investisseurs dans des développements immobiliers.

Peu après l’article de Novaya Gazeta, le milliardaire russe Alexander Ponomarenko annonçait qu’il avait acheté la propriété en état d’achèvement à Shamalov pour un montant inconnu. Ponomarenko déclara qu’il avait acheté la propriété pour faire un investissement, et qu’il entendait louer certaines parties.

Selon les derniers documents disponibles, Rirus appartient maintenant à une société chypriote.

Comment l’argent russe est passé par les banques européennes

A partir de la société Greathill en Grande Bretagne, environ 84 millions de dollars ont été versés sur des comptes à l’ex Dresdner Bank de Zurich. Plus de 56 millions de dollars ont été versés par Greathill sur des comptes en Suisse après 2006, quand Poutine démarra son projet d’hôpitaux.

Ces comptes suisses étaient contrôlés par une société établie à Belize du nom de Lanaval – une société également détenue par Shamalov et Gorelov, selon Sergei Kolesnikov.

Un porte parole du LGT Group, le successeur de la banque Dresdner, a déclaré qu’en raison des lois suisses et de Liechtenstein, la banque n’avait pas à répondre à Reuters.

Reuters a eu connaissance, et a examiné plus de 140 pages de relevés de banque de la société Lanaval, de 2003 à 2010. Les relevés montrent qu’entre juin et octobre 2009, Lanaval a envoyé au moins 48 millions de dollars depuis son compte à Zurich vers son compte au Liechtenstein. Le compte au Liechtenstein était contrôlé par une société du nom de Medea Investment, enregistrée, nous l’avons vu, à Washington.

D’après le contrat que l’on peut consulter ici, et daté du 24 juin 2009, Medea fournissait des matériaux pour la construction du palais Poutine.

Toujours d’après ce contrat, Lanaval acceptait d’acheter des matériaux à Medea pour la somme de 37,5 millions d’euros. Le contrat indique que les matériaux étaient destinés à un “gros projet de complexe immobilier” dans la région de Novorossiysk, sur la mer Noire. Novorossiysk est une ville à environ 40 km du palais. Le “gros projet immobilier” et le “Palais Poutine” sont un et un seul projet, déclarait Kolesnikov.

Le propriétaire de la société Medea Investment est Lanfranco Cirillo, un architecte italien, explique Kolesnikov. Et Cirillo, qui a souvent travaillé en Russie, a dessiné le palais Poutine, ajoute Kolesnikov.

Reuters a questionné Cirillo, par l’intermédiaire de l’avocat de Medea en Suisse, sur le contrat, sur le fait qu’il est propriétaire de la société Medea, et sur son rôle en tant qu’architecte du “développement” de la mer Noire. Cirillo a confirmé, dans un bref communiqué, qu’il est bien l’architecte du palais. Il a précisé que “une société russe lui a confié le travail en raison de ses compétences”. «Je suis spécialisé dans la création d’édifices de haut standing dans de nombreux pays du monde,” a-t-il précisé. Il a refusé d’entrer dans les détails.

La société que Cirillo a cité comme étant son donneur d’ordre est Stroygazconsulting. Selon ses statuts, elle n’a aucun lien avec Shamalov et Gorelov. Interrogée, une personne de Stroygazconsulting a déclaré : “c’est une invention”, ajoutant “la seule chose que je peux confirmer” c’est que Stroygazconsulting et Cirillo ont dirigé une société commune, “il y a de nombreuses années.”

Kolesnikov a affirmé posséder un enregistrement d’une réunion de 2009 à St. Petersburg à laquelle assistaient Shamalov, Gorelov, Cirillo et lui-même – discutant les détails de la propriété de la mer Noire, et les conditions de l’implication de Medea.

Dans l’enregistrement, que les enquêteurs russophones de Reuters ont étudiée, un homme que les autres appellent “Lanfranco” parle en russe de l’importation de matériaux pour le luxueux projet par l’intermédiaire de Medea Investment.

L’homme dit: “si je dois importer par l’intermédiaire de Medea Investment, alors je dois ouvrir un bureau de représentation officiel pour Medea Investment en Russie pour recevoir les autorisations douanières, pour recevoir l’argent pour les investissement, et pour payer en rouble ici.”

Quand Kolesnikov parle du paiement des marchandises, “Lanfranco” demande si “payer avec de l’argent au noir à une société américaine risque de poser problème”.

Cirillo, qui parle russe, refusa de répondre à nos questions au sujet de l’enregistrement de Kolesnikov. Dans un communiqué écrit, il précisa que : “toutes les réunions qui ont eu lieu avec mes interlocuteurs et tous les documents concernés dont vous pouvez avoir connaissance étaient exclusivement destinés à définir le travail de construction, son status et son développement, ainsi que les paiements qui m’étaient destinés pour services rendus.”

L’enregistrement mentionne également un homme du nom de Shamalov – mais que les autres appelaient “Nikolai Terentievich.” Nikolai Terentievich est le premier patronyme de Shamalov. Dans l’enregistrement, cet homme parle de Lanaval en disant “notre société.”

Shamalov n’a pas répondu aux questions des journalistes de Reuters. Reuters n’a pas été en mesure de confirmer l’identité des personnes qu’il a entendu parler dans l’enregistrement, et il n’est fait aucunement référence au nom du propriétaire de la propriété dont les personnes parlaient.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

Source (en russe) http://ru.reuters.com/article/topNews/idRUKBN0E21EF20140522

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