Publié par Jean-Patrick Grumberg le 1 septembre 2014

Top Secret
107 pages de documents classés top secret provenant des services de renseignements et de la diplomatie américaine de 1969, viennent d’être déclassifiés à la demande de la Maison blanche.

Les documents laissent entendre qu’Israël possède l’arme atomique, et que les Etats Unis étaient très hostiles à l’idée qu’Israël introduise le nucléaire au Moyen Orient, craignant une course à l’armement qui nuirait à leurs intérêts dans la région.

Plusieurs scénarios étaient envisagés pour dissuader Israël d’aller de l’avant dans ses projets nucléaires, notamment le chantage : le Département d’état américain prévoyait de suspendre la livraison des F-4 Phantom II capables de transporter un missile équipé d’une tête nucléaire, et d’autres armements, en cas de refus israélien et de continuation de son programme de missiles MD-620 Dassault.

Les Américains avaient déjà une vision déformée du monde arabe, car ils pensaient que le “psyche” de ces derniers considérait que la paix ne serait possible que lorsqu’ils seraient capables de discuter à force égale avec Israël. Le nucléaire entre les mains israéliennes faisait craindre aux USA que tout accord de paix serait compromis. De plus, ils pensaient beaucoup à leurs intérêts dans la région, et craignaient que les Arabes se tournent vers la Russie pour, soit s’équiper, soit se mettre sous leur protection.

Ils craignaient également d’être contraints par leurs alliés, notamment la Jordanie, de leur livrer des armes de technologie avancée pour rester au niveau de l’armement que fournirait la Russie aux pays de l’Union arabe (Egypte et Syrie).

Israël refusant de signer le traité de non prolifération, pensaient-ils, servirait de prétexte à des pays en dehors de la région, comme le Japon, l’Inde et l’Australie, ainsi qu’à ceux du Moyen Orient, à ne pas non plus le signer.

Enfin, les officiels américains ne croyaient pas, dans le contexte du Moyen Orient, à la force dissuasive de l’arme nucléaire, en raison de “l’élément irrationnel des décisions arabes”, et du fait que le nucléaire ne peut répondre aux attaques de commandos ou de kamikazes.

Mais, faisait remarquer le Département d’état, “toute tentative d’embargo sur l’armement favoriserait chez les Israéliens les conditions psychologiques et militaires pour s’équiper le plus rapidement possible d’armes sophistiquées que nous voulons précisément éviter. De plus, refuser à Israël l’armement dont il a besoin face à la menace continuelle des Arabes et des attaques de commandos serait très difficile à justifier”.

A la page 7 du document déclassifié du Département d’état destiné à Henri Kissinger du 29 mai 1969, on peut lire :

“Pour sa stratégie de dissuasion, Israël considère qu’il doit posséder une force nucléaire, qui est généralement considérée comme invulnérable, c’est à dire ayant une seconde capacité de frappe. Israël construit maintenant une telle force — le silo dur des missiles Jericho.”

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Les Etats Unis, donc, voulurent imposer des conditions aux Israéliens en préparation à la rencontre entre Golda Meir et Richard Nixon :

1- Une première réunion avec l’ambassador Rabin afin de faire passer le message à Israël sur : (a) le sérieux avec lequel nous voyons le développement par Israël de son programme de missile et nucléaire, et (b) transmettre nos demandes spécifiques qu’Israël arrête certaines activités et nous donne des garanties en ce sens.

2- Les garanties que nous demandons à Israël sont:
(a) la promesse faite en privé (avec le droit d’inspecter) qu’Israël cessera et s’interdira de développer ou d’acquérir l’arme nucléaire et des missiles stratégiques, et (b) une garantie publique sous la forme de leur signature et ratification du traité de NPT.

3- Nous devrions répéter, au nom de notre administration, que la définition pour les Américains de “l’introduction” [de l’arme atomique] veut dire qu’Israël ne possèdera pas physiquement d’armement nucléaire y compris les composants d’une arme nucléaire qui explosent.

4- Rabin devrait être contacté par le Président, ou par le Secrétaire d’Etat à la défense. Car bien que les discussions avec Israël seront particulièrement difficiles, elles le seront moins si nos demandes de garanties sont faites sans équivoques et au plus haut degré de l’état.

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Aucune de ces demandes ne furent obtenues d’Israël.

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Selon la loi américaine, donc, la vente de technologie nucléaire à Israël est interdite du fait qu’Israël n’est pas signataire du traité de non prolifération nucléaire (TNP).

Ainsi en 2012, une première série de documents déclassifiés du FBI, portant sur une enquête de 1985 à 2002, conclut que l’actuel premier ministre Benjamin Netanyahu était impliqué dans l’achat illégal de composants (Krypton triggers) et de technologie américaine destinés au nucléaire israélien, alors qu’il travaillait pour une société israélienne, Heli Trading Company.

Netanyahu était en contact avec Richard Kelly Smith, le président d’une société californienne du nom de Milco, qui fabriquait des puces électroniques pour la NASA.

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Arnon Milchan au centre

Netanyahu, selon les documents déclassifiés, reçu l’aide du super-producteur hollywoodien Arnon Milchan (Mr. & Mrs. Smith, Fight Club, L.A. Confidential…), de nationalité israélienne, et soupçonné, bien que jamais mis en cause, de travailler pour la défense israélienne.

En mai 1985, suspecté d’avoir vendu au ministère de la défense israélien quelques 850 déclencheurs Krypton qui peuvent servir de détonateurs à une arme nucléaire (quand l’information fut révélée, Israël affirma que les Krypton étaient destinés à l’industrie pharmaceutique) Smith est arrêté par la police de Los Angeles. Il paye une caution de 100 000 dollars en attendant son procès pour export illégal de matériel utilisé pour le développement d’armement nucléaire. Mais lui et sa femme disparaissent du jour au lendemain, probablement à bord de leur yacht, abandonnant derrière eux leur maison californienne, estimée à un demi million de dollars.

Le FBI lança un mandat d’arrêt international en 1992, et Smith fut repéré et arrêté en juin 2001 à Malaga, en Espagne, et extradé vers les Etats Unis. Il avait alors 71 ans.

Durant l’enquête sur ses activités, les autorités américains découvrirent qu’il avait également vendu des composants à Taiwan, qui, comme Israël, n’est pas signataire du TNP.

L’enquête du FBI, précisent les documents, mena à Arnon Milchin, également propriétaire de la société Hailey qui servait d’intermédiaire entre Milco et le ministère de la défense israélien. Entre 1973 et 1985, 80% des ventes de Milco étaient à destination d’Israël, ce qui laissa penser que Milco était un façade du ministère israélien pour ses achats aux Etats Unis.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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