Publié par Jean-Patrick Grumberg le 7 octobre 2014
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Mitchell Prothero, journaliste qui couvre l’Irak et l’organisation terroriste affiliée à l’Etat islamique Dawlat al Islam a lâché une bombe, une information explosive, pendant la nuit, depuis Irbil, la capitale kurde en Irak :

“Un ancien officier du renseignement français qui a rejoint al Qaïda se trouve parmi les cibles des premiers bombardements américains, selon des sources proche de l’ex agent français.”

Le 24 septembre dernier, nous posions la question que nos confrères, englués dans la pensée unique et l’islamophilie, ne sont plus en état de soulever :

“Avec la présence obligatoire de musulmans pour traduire les communications, se peut-ils que des jihadistes soient infiltrés dans les service du renseignement intérieur et extérieur français, et qu’ils sabotent le travail, quand l’occasion leur est offerte ?”

La DGSI et la DGSE ont à leur passif une succession de tragiques loupés contre les jihadistes.

Nemmouche, Merah puis les trois jihadistes arrivés libres à Marseille, cela commençait à faire beaucoup et avait éveillé nos craintes et nos soupçons.

Nous n’avions aucun élément formel, mais un faisceau d’informations non validées.

La réponse vient d’arriver, confirmant nos doutes : il y a bien des islamistes à la DGSE.

“Pas infiltrés, m’explique un expert français du renseignement, car le tri à l’entrée est bien fait, mais des éléments qui se sont retournés au cours du temps, oui, certainement.”

Daniel Pipes l’a bien expliqué : la frontière qui transforme un musulman modéré en radical est poreuse.

Mitchell Prothero : “Deux agents de renseignement européens ont déclaré, à propos de l’islamiste français infiltré : “de tous les déserteurs [dont nous avons connaissance], il est le plus haut gradé, et sa défection représente un des plus dangereux développement dans la confrontation de l’occident avec al Qaïda”.

“Son identité est pour l’instant top secret. Deux sources différentes qui ne se connaissent pas nous ont donné son nom, le même nom. McClatchy, notre éditeur, a décidé de ne pas le révéler tant que nous n’aurons pas d’autres confirmations”, explique Mitchell Prothero, ajoutant que “toutes nos sources s’accordent pour dire que l’ancien officier de la DGSE était spécifiquement une des personnes visée par les frappes américaines contre huit cibles du front al Nusra, une des nombreuses branches d’al Qaïda.”

Mitchell Prothero :

Toujours d’après nos sources, l’ex officier a survécu aux attaques.

Des officiels américains ont confirmé que les frappes aériennes contre les sites d’al Nusra visaient des membres de ce que l’administration Obama a désigné du nom de groupe Khorasan, [une unité terroriste réputée plus violente que l’Etat islamique] qui a été envoyé dans un pays occidental depuis la Syrie pour commettre des attentats.

Le seul membre du groupe qui a été identifié s’appelle Muhsin al Fahdli, 33 ans, et ancien confident d’Osama bin Laden, pour lequel les Etats unis ont offert 7 millions de dollars pour toute information menant à sa capture. Selon le compte Twitter d’un sympathisant de groupes jihadistes, Fahdli a été éliminé, mais les Etats unis n’ont pas encore confirmé.

L’ancien officier français est peut-être une cible plus importante encore.

Selon des officiels du renseignement européens, l’ex officier a fait défection soit de la Direction du renseignement militaire (DRM), soit de la DGSE, ou Direction Générale de la Sécurité Extérieure, l’agence du renseignement extérieur française.

Mon contact en France, lui, doute de cette révélation du journaliste américain : “Le fait que c’est un ancien officier et qu’il vient d’une de ces deux agences me surprend assez, explique-t-il, même si je suis en train bien évidemment de procéder à des vérifications. Le journaliste aurait dit que c’est un ancien militaire du rang, ou un sous of’ parachutiste qui s’est occupé d’explosifs, j’aurais dit pourquoi pas. On a eu l’exemple de Max Frérot, l’artificier de l’organisation terroriste d’extrême gauche Action directe, qui était militaire. Un type recruté en France par la DGSi dans les prisons ou dans les banlieues et envoyé là bas, et qu’une fois sur place il ait abandonné ses officers traitants pour rejoindre la guérilla, ça ne me surprend pas non. Mais que ce soit un cadre de haut niveau, de la DRM ou de la DGSE, je suis perplexe. Tout est possible, mais les filtres sont bien mieux définis, et il y a beaucoup moins de risque. De plus, il y a beaucoup moins de monde sur le terrain”

Mitchell Prothero :

L’ancien officier [français], selon une source chez les rebelles, est un expert en explosifs qui a combattu avec al Qaïda en Afghanistan et en Syrie, et a réuni un groupe d’environ cinq hommes qui opéraient depuis une mosquée d’Idlib.

Et il est “toujours vivant et actif” après les frappes aériennes, a déclaré un officiel européen, qui le décrit comme un homme “hautement entraîné dans le domaine des explosifs et du renseignement européen.”  La combinaison de son entrainement à l’européenne et de son radicalisme fait de lui l’un des plus dangereux activistes d’al Qaïda.

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Quatre services de renseignement étrangers de pays différents ont confirmé, au moins partiellement, l’existence de l’agent jihadiste français. Ils ont tous refusé de s’exprimer publiquement en raison de la sensibilité du sujet et par crainte de poursuites pour avoir révélé des informations classifiées. L’une de nos sources a qualifié l’existence de l’agent français “absolument top secrète.”

“je suis même consterné que nous ayons cette conversation,” a-t-il ajouté.

“Nous ne savons pas si c’était un agent dormant, ou s’il a été radicalisé après avoir rejoint les services de renseignement,” a déclaré un autre officiel européen qui connait son passé et son identité. “Je suppose que mes collègues français font le maximum pour déterminer cela, et s’ils ont les réponses, ils ne vont certainement pas révéler comment ils se sont retrouvés dans ce pétrin, qui, comme vous pouvez l’imaginer, est plutôt embarrassant.”

Deux agents européens ont fourni le nom du jihadiste français, et ont demandé qu’il ne soit pas publié. L’un des deux m’a indiqué que sa famille pourrait être la cible d’actions violentes. Les deux m’ont donné le même nom.

Quand j’ai contacté les services de renseignement américain pour avoir des détails de la situation, un officiel a refusé de me répondre.

Trois tentatives de discuter du sujet avec les français ont échoué. On nous a répondu : “Il n’est pas question que nous abordions ce sujet”.

Un autre agent étranger, qui nous a expliqué avoir entendu parler de la situation lors de conversations informelles et pas de déclarations officielles, a expliqué que le sujet est “un cauchemar qui nous avait jusqu’à présent été épargné.”

“Nous avons vu des partenaires arabes perdre des hommes très bien entrainés qui ont rejoint ces groupes, et une poignée de transfuges ont bénéficié de notre entraînement lors de programmes de partenariat,” ajoute l’agent. “Mais c’est le prix à payer quand vous aidez un allié régional.”

“Mais la défection de l’agent des renseignements français, explique-t-il, est la première dont j’entends parler et qui concerne une personne avec une habilitation des services de renseignements et un entrainement européen.”

“Aussi embarrassés qu’ils doivent l’être maintenant, il est important de préciser que les services français sont très bien considérés parmi la communauté du renseignement. Ce sont des professionnels loyaux et chevronnés,” a-t-ajouté. “Cet échec, et je pense que c’est bien arrivé, doit être regardé dans le contexte d’un cas isolé, et non comme quelque chose de systématique dans les services français.”

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Un autre officiel européen m’a expliqué qu’il existe une certaine confusion concernant la situation de l’homme – qui a été tantôt décrit comme faisant partie des forces spéciales françaises, tantôt comme un espion militaire, tantôt comme un agent de la DGSE. La raison est que des spécialistes se déplacent fréquemment entre les différentes branches gouvernementales.

“Il semble qu’il a commencé sa carrière dans l’armée, et peut-être parce qu’il vient d’une famille arabe, son apparence, sa possession de la langue et son haut degré de compétences, il a été “prêté” à différentes agences françaises,” a précisé l’officiel européen. “Tout le monde fait ça en permanence,” dit-il, citant l’exemple de membres des opérations spéciales de l’armée américaine assignés à la CIA.

De leur coté, les rebelles syriens, déjà furieux de ne pas avoir été informés à l’avance par les Etats Unis des frappes aériennes et de ne pas avoir inclus des sites du gouvernement Assad dans la liste des cibles à atteindre, ont exprimé leur étonnement que le gouvernement américain ne les ai pas approché pour tenter de capturer le jihadiste français.

Mais un officiel des renseignements européen a déclaré que la décision de tenter d’éliminer l’agent français jihadiste avec un missile plutôt que de le capturer est due à la volonté de garder le secret sur son existence. “Peut-être vaut mieux-il que certains problèmes soient enterrés sous une pile de décombres,” a-t-il ajouté.

“Est ce que les américains n’utilisent pas une information grossie ou déformée par le journaliste, à partir de deux ou trois informations, pour arrimer la politique française à la leur ?” questionne l’expert français à qui j’ai demandé de commenter cette information.

“Ne veulent-ils pas nous mettre mal à l’aise là dessus en disant “puisque vous avez un haut cadre de vos services qui est parti là bas, il faut que vous soyez à nos cotés pour frapper en Irak et en Syrie”.

“Je n’affirme rien, conclut l’expert, mais c’est une piste possible vu l’inutilité de notre action militaire en Irak et en Syrie. 6 avions, cela veut dire qu’il n’y en a que 2 qui volent en permanence, cela représente 1% des frappes aériennes. Il n’y a eu que 10 à 12 missions, et ils n’ont tiré que sur 2 cibles. Cela veut dire que ce qu’on fait là bas ne sert strictement à rien.”

J’ai contacté Mitchell Prothero et lui ai demandé si depuis sa publication, les nouvelles informations qu’il a pu recevoir confirment son premier récit.

Voici sa réponse : “Je confirme qu’un agent du renseignement ou un militaire français avait rejoint al Qaïda, et opérait en Syrie, où les Etats Unis ont tenté de le tuer. Je n’ai aucune indication selon laquelle les services de renseignements français soient infiltrés. Il semble qu’une personne a fait défection et a rejoint les jihadistes.” 

(“I confirm a French military or intelligence agent in the past joined AQ and was operating in Syria where the US tried to kill him. I have no indication French intelligence has been compromised though. It sounds like one person went and joined the jihadis”)

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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