Publié par Gilles William Goldnadel le 13 octobre 2014

Goldnadel

Gilles-William Goldnadel revient sur plusieurs polémiques qui ont émaillé la semaine : le débat autour de l’expression «Mme la présidente» et le face-à-face Jacques Attali-Eric Zemmour.

Je crains le donneur de leçons de morale que je ne réclame pas

Commençons par une confidence: je crains le donneur de leçons de morale que je ne réclame pas. Quand il m’arrive d’en croiser un dans la rue, c’est pire qu’un chat noir, je change de trottoir. Lorsque dans ma profession, j’en entends un vouloir m’en remontrer en déontologie, je suis sûr qu’il va «oublier» de me communiquer une pièce essentielle.

La psychologie du professeur de morale est simple: son discours vaut quittance.

Plus la peine de faire le bien, si on vient de le dire. La gauche est riche en donneurs de leçons gratuites.

Pour rester chez les robins, Anne Gaillard sur France Inter, il y a des lustres, avait fait procéder à une enquête consumériste auprès des avocats en matière d’honoraires. Le résultat concret recoupait mon expérience empirique: les cabinets qui exigeaient les honoraires les plus confortables auprès des clients les moins fortunés étaient les grands cabinets de gauche.

Messieurs Cahuzac et Thévenoud aimaient chapitrer sévèrement le fraudeur du fisc

Pour sortir de la basoche, Messieurs Cahuzac et Thévenoud aimaient chapitrer sévèrement le fraudeur du fisc. On connaît la suite et la triste fin.

Dans un autre domaine, Mme le vice président de l’assemblée nationale, Sandrine Mazetier, a entendu tancer M. Aubert pour ne pas avoir mal parlé le français.

Les mêmes faux rebelles qui érigent en dogme la désobéissance à la loi injuste voudraient imposer le respect aveugle d’un vulgaire règlement ordonnant l’application du charabia.

Il fallait la voir, lèvres pincées, en costume de sergent major brodé de Brandebourgs, imposer l’amende au député récalcitrant. Je gagerais qu’elle s’y serait prise avec plus de déférence envers un petit caïd sortant d’une tournante. Il est vrai que la dame est une récidivante: en février 2013 elle proposait de troquer le vocable «maternelle» contre «petite école» au motif impayable que le mot était trop «maternant» donc trop connoté affectivement. C’est vrai que nos encombrants enfants ne méritent pas d’être rassurés lorsqu’ils quittent le cocon familial pour entrer à l’école.

Je doute après cela que notre vice présidente, pourvoyeuse de vertu lexicale, soit plus proche du bien que notre député mâle.

Dans un autre domaine, Jacques Attali a voulu donner une leçon de judéité à un Éric Zemmour qui ne lui en demandait pas.

Celui-ci s’est même hasardé à taxer l’auteur du «Suicide Français» de «juif antisémite» au micro de Ruth Elkrief sur BFM.

Je recommanderais pourtant au premier un peu d’humilité. J’ai beau ne pas partager les raccourcis historiques du second sur Pétain, celui-ci, que je sache, n’a pas été le conseiller d’un prince portant la francisque ou partageant le pain et le vin avec René Bousquet. Pas davantage, Éric Zemmour n’a cet été proféré l’ineptie que les Arabes de Palestine étaient les nouveaux juifs.

Je partage avec Zemmour cette amertume d’avoir vu la Shoah et Vichy devenir l’horizon indépassable de toute vision politique. J’aurai passé une grande partie de ma vie intellectuelle à empêcher l’horresco referens absolue de servir de prisme obligatoire à toute analyse rationnelle, à commencer par les questions identitaires ou sociétales.

Le passé collaborationniste de nombre de dreyfusards égarés par leur pacifisme antimilitariste

Pour autant, la rage zemmourienne va trop loin lorsqu’elle prête à Pétain des intentions prophylactiques à l’égard des juifs qu’il n’a jamais nourries. Zemmour à raison en revanche, lorsqu’il rappelle, à l’instar de l’israélien Simon Epstein, le passé collaborationniste de nombre de dreyfusards égarés par leur pacifisme antimilitariste ; mais je souscris pleinement à l’analyse de Serge Klarsfeld lorsque celui-ci rappelle que Vichy avait signé un accord selon lequel les juifs français ne seraient pas déportés. Qu’immédiatement après, cet accord était violé de la manière la plus effroyable puisque ce sont les enfants français des juifs étrangers qui ont été déportés. Qu’il y avait 4000 enfants à la rafle du Vel’ d’Hiv’, que presque tous étaient nés en France et français. Que les enfants ont été déportés après leurs parents, livrés à eux-mêmes dans une effroyable solitude. Klarsfeld rappelle ce mot de Pierre Laval : « je peux vous rassurer, les enfants ont rejoint leurs parents » !

Si le nombre de juifs déportés a été relativement limité, ce n’est pas grâce à Pétain, c’est grâce aux Français : ceux-ci ont protégé les juifs français et étrangers. Ils ont été protégés à partir de août 1942 par la population française, des communistes jusqu’aux gendarmes, car ces derniers ont vu qu’on arrêtait des femmes et des enfants. Les églises catholiques et protestantes ont également fait pression sur Vichy. Et cette pression a été efficace, rappelle Klarsfeld :«à l’été 1943, quand Vichy a voulu dénaturaliser des juifs naturalisés après 1927, l’église catholique a menacé de protester publiquement. Et Vichy a renoncé à ce projet. Vichy aurait pu dire «non» en 1942 pour l’ensemble des juifs. Vichy n’a en rien sauvé des juifs. La France n’avait pas à livrer des juifs. Vichy a arrêté les juifs non seulement en zone occupée mais aussi en zone libre». (Actualité Juive 10 octobre).

Une fois rappelé, d’une plume ferme ce qui précède, je veux bien donner, amicalement, cette leçon d’histoire à Zemmour (après tout, un historien israélien tel que le rabbin Michel a commis les mêmes erreurs), mais je me garderais bien de lui donner une leçon de morale juive.

À l’instar de la confédération des donneurs de leçons de la gauche morale qui s’autorise en la circonstance de rappeler sévèrement au journaliste ses origines judaïques qu’il a le droit parfait de laisser de côté.

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Ces confédérés qui portent aux nues les juifs antisionistes, lorsque ceux-ci posent en juifs pour s’opposer aux autres et cracher sur Israël.

Ces confédérés qui béatifiaient Stéphane Hessel, à l’improbable judéité revendiquée, lorsqu’il déclarait à un journal allemand (Frankfurter Allgemeine Zeitung novembre 2010) que comparée à l’occupation israélienne, l’occupation nazie était inoffensive.

Je n’ai pas entendu Jacques Attali à cette époque.

Pas question d’excommunication comme pour Zemmour. Par une curieuse inversion, Hessel, nouveau Spinoza, méritait un brevet de judéité particulier.

Tel encore qu’Edwy Plenel, adorateur de Hessel devant l’éternel, qui dans son récent «Pour les musulmans» croit devoir soupçonner dans la passion française d’un Finkielkraut, le zèle pathétique d’un juif «parvenu». La même suspicion que nourrissait l’extrême droite lorsqu’elle voyait un israélite chanter un peu trop fort la Marseillaise. Les mêmes aujourd’hui, tous extrêmes confondus, lorsqu’ils me voient prendre la défense des chrétiens d’Orient contre les islamistes, me prêtent des pensées, disons un peu maussades…

Qu’on ne compte donc pas sur moi pour vouloir reprocher à Zemmour sa passion assimilationniste.

Pas plus que celui-ci ne me reproche mon pessimisme de penser que les peuples n’ont pas d’amis, raison pourquoi, les juifs – comme les malheureux kurdes d’aujourd’hui -, ont été bien inspirés de vouloir leur État.

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Écrivant cela, je songe à Léon Blum échangeant quelques mots avec Georges Mandel enfermé par les Allemands avec lui dans le même fort, quelques jours avant que ce dernier ne soit assassiné par la Milice de Vichy.

Mandel, juif de droite intransigeant, assimilé, que ne renierait pas Zemmour, et jusqu’alors réticent à l’égard du sionisme : «après tout, Blum, ce serait bien un État juif»….

Mais des leçons de morale, je n’en donne à personne, pas plus à A qu’à Z.

Que le monde serait plus vertueux, sans donneurs de leçons.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro.

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