Publié par Guy Millière le 7 janvier 2015

Abdul_Fatah_Khalil_Al-Sisi_2013-03-03

 

Guy Millière – Lorsqu’il avait été promu chef des forces armées et ministre de la défense, Abdel Fattah al-Sissi avait été choisi par les Frères Musulmans car il leur semblait être l’un de leurs compagnons de route. Ils s’étaient trompés.

C’est devenu très visible lorsque, grâce au financement de l’Arabie Saoudite et des émirats du Golfe (sauf le Qatar), Abdel Fattah al-Sissi a renversé Mohamed Morsi, tout fait pour éliminer les Frères, puis s’est porté candidat à la présidence, avant de devenir effectivement Président.

Depuis, de nombreux bien pensants lui sont hostiles, soulignant que Morsi avait été démocratiquement élu, et que, depuis, Sissi a la main lourde et peut se conduire de manière autoritaire. Ces bien pensants oublient, semble-t-il, ce qu’est la confrérie des Frères Musulmans, le traitement que celle-ci, au temps de Morsi, a fait subir aux Coptes, la destruction de l’économie qui faisait craindre le pire, et la présence (pas encore effacée, hélas) de groupes djihadistes dans le Sinaï. Ils oublient aussi les liens qui unissaient la présidence Morsi au Hamas, et les transferts d’armes qui s’opéraient en direction de la bande de Gaza. Ils oublient, enfin, les liens que Morsi avait commencé à tisser avec le régime des mollahs à Téhéran. Ils ont été enthousiastes quand des soulèvements ont eu lieu au Caire contre Hosni Moubarak, mais paraissent n’avoir gardé aucun souvenir des soulèvements qui ont eu lieu contre Morsi, peu de temps avant que Sissi prenne le pouvoir.

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Je leur concéderai que Sissi a effectivement la main lourde et se conduit de manière autoritaire, mais j’ajouterai aussitôt que, dans un pays au bord de la guerre civile et de l’implosion, un Abdel Fattah al-Sissi peut apparaître comme un moindre mal, et que, dans le contexte géopolitique régional, la présence d’Abdel Fatah Al-Sissi au pouvoir est un facteur de stabilisation, un obstacle majeur à l’avancée et à la propagation de l’islam radical, et un atout maître pour la population égyptienne, pour Israël, et pour le monde occidental tout entier. Sissi est un pilier de la constitution d’une défense commune liant Egypte, Arabie Saoudite, émirats du Golfe, et un facteur crucial dans l’évolution du Qatar, qui est en train, peu à peu de rentrer dans le rang : l’émir du Qatar ayant reçu des émirats voisins et de l’Arabie Saoudite des signaux lui indiquant qu’il est sur un siège éjectable.

J’ajouterai, et c’est l’objet primordial de cet article, qu’Abdel Fatah al Sissi a prononcé voici peu, au Caire, à Al Azhar, là même où Obama était venu en juin 2009 prononcer un discours inspiré par les Frères Musulmans, une allocution remarquable et d’un infini courage.

Dans cette allocution Abdel Fatah al Sissi ne s’en prend pas à l’islam, mais à une « pensée » : or, cette pensée est, en réalité, l’islam tel qu’il est aujourd’hui dans l’essentiel du monde musulman.

Je le cite : « ce corpus de textes et d’idées que nous avons sacralisé depuis de nombreuses années, au point que s’en éloigner est devenu presque impossible, suscite l’hostilité à notre égard du monde entier ». Je cite encore : « Il est impossible que la pensée que nous tenons pour la plus sacrée puisse faire de l’entière communauté des croyants une source d’anxiété, de danger, de meurtre et de destruction pour le reste du monde ».

Je cite toujours : « Est-il concevable que 1,6 milliards de personnes puissent penser qu’ils doivent tuer les autres membres de l’humanité, qui compte sept milliards de personnes aux fins de pouvoir vivre?… Je dis ces mots ici à Al Azhar, devant cette assemblée d’ulémas…Tout ce que je vous dis, vous ne pouvez pas le comprendre si vous restez coincé dans cet état d’esprit. Vous devez sortir de ce que vous êtes pour être en mesure d’observer et de réfléchir dans une perspective plus éclairée. Je dis et répète que nous sommes face au besoin d’une révolution religieuse. Vous, les imams, êtes responsable devant Dieu. Le monde entier, je le répète, le monde entier attend votre prochain mouvement … car la communauté des croyants est ravagée, détruite ; elle est perdue, et elle l’est à cause de nous ».

J’ai tenu à citer longuement : je n’ai pas entendu ou lu, depuis que je suis en âge d’écouter et lire, une déclaration semblable dans la bouche d’un dirigeant d’un pays musulman.

Abdel Fattah al Sissi met en cause le dogme islamique, tout le dogme islamique, pas seulement l’islam radical, et il le fait dans l’un des lieux les plus importants de formation d’imams. Il incrimine l’islam pour la situation consternante de naufrage du monde musulman, et il n’incrimine personne d’autre. Il dit que la peur et le rejet de l’islam qui existent dans le reste du monde viennent de l’islam lui-même et sont une peur et un rejet fondés. Il en appelle non pas à une réforme, mais à une révolution.

Nul ne peut savoir ce qui suivra cette allocution. Mais Abdel Fattah al-Sissi est un homme déterminé. Et on peut s’attendre à ce que ses mots ne restent pas seulement des mots. Il faut espérer qu’il sait se protéger.

Son allocution n’a rencontré pour l’heure aucun écho en France. S’il l’avait prononcée sur le sol français, des gens auraient sans doute voulu le traîner en justice pour racisme « islamophobe ».

Des associations musulmanes, suivies par SOS Racisme et quelques autres, auraient immédiatement lâché des insultes. Aucun dirigeant européen n’userait de mots aussi clairs et aussi précis, tant la pusillanimité règne sur le sujet en Europe. Devoir constater que c’est le dirigeant d’un pays musulman qui ose dire la vérité sur l’islam et le monde musulman alors que les dirigeants européens ont, depuis longtemps renoncé à oser, et qu’un gauchiste islamophile est à la Maison Blanche, laisse songeur sur notre époque.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

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