Publié par Magali Marc le 19 janvier 2015

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Raïf Badawi est un militant saoudien des droits de la personne, co-fondateur avec l’activiste pour les droits des femmes Suad al-Shammari, d’un site progressiste saoudien, Free Saudi Liberals.

Accusé de «violer les valeurs islamiques et de propager une pensée progressiste», Badawi a été condamné à recevoir la bastonnade et son site a été fermé par les autorités saoudiennes.

Ironiquement, d’après Poste De Veille, Raïf Badawi avait quitté l’Arabie saoudite en 2008 après avoir été inculpé pour insulte envers l’islam. Or, ayant été informé que les accusations déposées contre lui avaient été abandonnées, il était rentré au bercail.

Mal lui en a pris.

[quote]«Apostat» pour avoir affirmé que les musulmans, les juifs, les chrétiens et les athées sont tous égaux[/quote]

En 2012, le cheikh Abdul-Rahman al-Barrak a déclaré que Badawi était un «apostat» pour avoir affirmé sur son blogue que les musulmans, les juifs, les chrétiens et les athées sont tous égaux, ce qui serait contraire au Coran (3 :110). Badawi a été arrêté en juin 2012 et accusé d’apostasie, un crime passible de la peine de mort. Son propre père s’est présenté devant les médias saoudiens et a soutenu qu’il méritait d’être exécuté.

L’accusation d’apostasie n’a pas tenu.

Un tribunal l’avait condamné à sept ans de prison et 600 coups de fouet en juin 2013, mais une cour d’appel a renversé la décision et a renvoyé l’affaire. Un nouveau procès a abouti à une peine plus sévère.

Badawi, dans son blogue, remettait en question, entre autres, la construction d’une mosquée à New York sur l’ancien emplacement du World Trade Center.

Il a aussi voulu faire son «Charlie» en écrivant cette phrase empreinte d’humour à propos de la police religieuse qui veille aux bonnes mœurs (application de la charia) en Arabie saoudite :

«Nous nous félicitons que la police religieuse nous enseigne la vertu et qu’elle se soucie autant que tous les Saoudiens aillent au paradis».

C’est à cause de cette phrase que Badawi a été accusé, cette fois, de ridiculiser la police religieuse saoudienne, condamné à faire 10 ans de prison, à payer 300 000 $ (234 000 Euros) d’amende et à recevoir 1000 coups de fouet, à raison de 50 par semaine pendant 20 semaines. Il a reçu les premiers 50 coups de fouet le 8 janvier dernier.

Lors de ces bastonnades, le fouetteur utilise une tige et fouette le dos du supplicié du haut en bas, évitant de frapper deux fois au même endroit. En principe, il n’y a pas d’effusion de sang.

La seconde bastonnade était prévue pour le vendredi 16 janvier, mais un ordre de surseoir a été donné, apparemment sur l’avis d’un médecin.

La femme de Badawi, Ensaf Haidar, et leurs trois enfants ont fui l’Arabie saoudite et se sont réfugiés à Sherbrooke, une ville québécoise située à environ 140 km à l’Est de Montréal, en novembre 2013.

Ensaf Haidar, a dit en entrevue à 24/60, à RDI (une émission d’information du canal des nouvelles de Radio-Canada), que la décision du médecin de surseoir aux 50 coups de fouet ce vendredi ne la rassure pas vraiment.

Il semble que les blessures de Badawi ne sont pas suffisamment cicatrisées et ne pourraient pas résister à une autre série de 50 coups de fouet. Ce n’est donc que partie remise et l’application de la sentence sera continuée vendredi prochain.

À mon avis, les autorités saoudiennes ne souhaitent pas que Badawi succombe après seulement cent coups de fouet, ce qui empêcherait d’appliquer la sentence au complet. En Arabie saoudite, quand le tribunal demande mille coups de fouet, il en veut mille!

Certains pensent, toutefois, que sensible à la couverture médiatique négative, le roi saoudien a trouvé une solution pour détourner l’attention, d’autant plus que l’ONU, sous la pression internationale s’en est mêlée. Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, a demandé au roi d’Arabie saoudite d’exercer son pouvoir pour mettre fin aux flagellations publiques et gracier M. Badawi.

Ensaf Haidar a remercié les Québécois qui l’appuient et demandent la libération de son mari. Elle a imploré le premier ministre d’intervenir pour le sauver.

[quote]Vous pouvez toujours chercher sur Google les protestations des Musulmans installés au Québec[/quote]

Alors que les Québécois se mobilisent pour sauver Raïf Badawi, vous pouvez toujours chercher sur Google les protestations des Musulmans installés au Québec.

Les tenants de l’Islamcépaça toujours si prompts à dénoncer l’«islamophobie» devront m’expliquer pourquoi, quand on tape «manifestation de musulmans à Montréal» sur Google, on tombe sur les manifs contre la Charte de la Laïcité du Parti Québécois de l’automne 2013 …

Mais concernant l’affaire Badawi, silence radio, pas de grandes manifs, pas d’indignation de la part des associations musulmanes, des imams, des mosquées. Tout au plus Amir Khadir, député gauchiste d’une circonscription montréalaise a demandé au gouvernement fédéral canadien d’intervenir. Khadir est d’origine iranienne. On ne voit pas bien ce que pourrait faire de plus le gouvernement canadien, quand on sait que le gouvernement américain, par la voix du State Department, a officiellement demandé aux Saoudiens d’annuler la sentence de Badawi.

Pendant ce temps, le journaliste, Tarek Fatah, un musulman qui vit à Toronto a écrit le 13 janvier dernier dans le Toronto Sun (TDA) :

[quote]Tant que nous vivons parmi des non-musulmans, nous devrions nous abstenir de prier pour leur défaite aux mains des musulmans[/quote]

«Durant la prière du vendredi de notre communauté, les religieux récitent une supplication à Allah, la Juma’a, qui demande que soit accordée la victoire des musulmans sur, entre autres, les ‘Qawm al Kafiroon,’ une expression en arabe qui agrège tous les non-musulmans – Juifs, Hindous, Chrétiens, Athées, Bouddhistes et Sikhs — en une seule catégorie de “Kuffar”, ou non-musulmans. Cette supplication n’est pas obligatoire…
Cela fait longtemps que je discute avec des amis et membres de ma famille musulmans orthodoxes et conservateurs, l’idée qu’au moins, tant que nous vivons parmi des non-musulmans, nous devrions nous abstenir de prier pour leur défaite aux mains des musulmans.
Ils sont d’accord mais quand vient le temps de passer à l’acte la question est toujours de savoir qui va attacher le grelot au cou du chat?
Vendredi dernier, alors que le monde était encore sous le choc des assassinats au bureau de Charlie Hebdo la nouvelle nous est parvenue que des Juifs français avaient été assassinés par un terroriste djihadiste dans une épicerie cachère de Paris. J’ai dit cette fois, ça suffit!
J’ai demandé à des amis de mettre au défi notre mosquée de quartier et de nous tenir silencieusement devant la mosquée en tenant une pancarte disant «I am Charlie». Je pensais encourager des musulmans entrant dans la mosquée à renoncer au djihad, à dénoncer le terrorisme islamiste et à appuyer la liberté d’expression même de ceux qui insultent le prophète.
Seulement quelques personnes ont répondu à mon appel. La plupart de mes amis, ceux qui avaient lutté avec moi contre l’islamisme, étaient terrifiés et se sont défilés à la dernière minute. Seuls le président du Muslim Canadian Congress, l’auteur Munir Pervaiz, et deux exilés Kurdes, Keyvan Soltany et Hadi Elis, ont bravé la neige et se sont tenus à mes côtés.

Dans la mosquée, contrairement à ce que j’avais espéré, l’officiant a affirmé en anglais que l’Islam “sera imposé à toute la terre, sur toutes les autres religions, même si les «mécréants» (Juifs, chrétiens, hindous et athées) détestent ça”.
Je n’en croyais pas mes oreilles. À la fin de son sermon, le religieux récita la prière rituelle demandant à Allah d’accorder la victoire des musulmans sur les non-musulmans.
“O Allah, donne la victoire à nos frères les musulmans, les opprimés, les tyrannisés et les ‘Mujahedeen’ (ceux qui mènent le jihad contre les non-musulmans)”.
Puis nous nous sommes levés en rangs bien ordonnés et nous avons suivi l’imam dans la prière obligatoire pour tous les musulmans. En partant, je savais que je ne remettrais plus jamais les pieds dans cette mosquée.»

(Tarek Fatah est le fondateur du Congrès Canadien des musulmans et chroniqueur au Toronto Sun)

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Pendant que des Québécois soutiennent la femme de Badawi et demandent l’intervention des premiers ministres québécois et canadien, pendant que Tarek Fatah espère un sursaut d’indignation de ses coreligionnaires torontois, nombreux sont les musulmans dans le monde qui expriment leur colère…

Le problème, c’est que ce qui indigne ces braves musulmans au Niger, au Mali, au Pakistan, à Dakar, à Tunis, ou à Jérusalem, c’est le dernier numéro de Charlie Hebdo, pas l’application de la charia en Arabie saoudite ou le terrorisme djihadiste en Occident.

Il était assez piquant de voir des Nigériens incendier un Centre culturel français et brûler des livres pour défendre l’honneur du prophète de leurs anciens maîtres esclavagistes.

Le Pape avait peut-être cru, en déclarant fermement qu’on n’a pas le droit d’insulter la religion des autres, que les musulmans fanatisés lui en sauraient gré et feraient la différence entre François, Stéphane, Frédéric, Mustapha et les autres. Peine perdue, cette vaillante condamnation du Saint-Père n’a pas suffit à sauver des églises qui n’avaient strictement rien à voir avec Charlie Hebdo, revue gauchiste, athée et anticléricale.

Décidément, l’enfer est pavé de bonnes intentions (et de déclarations naïves).

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Magali Marc pour Dreuz.info.

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