Publié par Jean-Patrick Grumberg le 8 avril 2015
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Camp palestinien de Yarmouk, détruit par Assad

Les Palestiniens parlent d’un “enfer sur terre”, concernant la vie dans le camp de Yarmouk en Syrie, depuis que l’Etat islamique occupe la quasi totalité du camp qui le rapproche de la capitale syrienne.

Dessin publié à Yarmouk détourné de l'affaire al Dura, montrant que la situation avec les Israéliens était meilleur qu'avec Assad
Dessin publié à Yarmouk et détourné de l’affaire al Dura, montrant que la situation avec les Israéliens était bien meilleur qu’avec Assad

A Yarmouk, ceux qui arrivent à tromper l’horreur en faisant de l’humour disent que la situation avec les juifs était moins dure qu’avec les arabes, alors que la nourriture manque, que les snipers sont postés dans chaque rue, et qu’aller chercher des victuailles pour nourrir sa famille est comme jouer à la roulette russe avec sa vie, explique le jeune Mohammed, 28 ans, père de 3 enfants en bas âge, qui explique que le camp est passé de l’état de refuge à celui de prison où il est certain de trouver la mort – soit de faim, soit d’une balle, avec toute sa famille.

Des milliers de réfugiés qui n’ont pas voulu fuir, ne sachant où aller ou ne voulant pas dormir dans les rues, sont maintenant bloqués dans le camp, où l’Etat islamique a commencé à décapiter et tuer.

Combats dans le camp de Yarmouk:

Certains se disent que le cauchemar qu’ils ont vécu, assiégés par les troupes du président Assad et coupés de vivres et d’eau pendant des semaines en décembre 2012, où plusieurs centaines d’enfants, de malades et de vieillards sont morts de faim et de soif, était préférable à la situation actuelle, avec l’Etat islamique.

[quote]”L’un des sièges les plus terrible et destructeur du 21e siècle”[/quote]

Les quelques milliers de Palestiniens coincés dans le camp vivent ce que Louisa Loveluck et Magdy Samaan, depuis le Caire, et Ruth Sherlock à Beyrouth, décrivent pour The Telegraph comme “l’un des sièges les plus terrible et destructeur du 21e siècle”. Et pourtant, les médias français restent silencieux.

Etrangement, les membres du Groupe d’amitié France-Palestine de l’Assemblée Nationale, eux si bruyants dans leurs dénonciations d’Israël, affichent une indifférence déconcertante face au sort des Palestiniens, mille fois plus tragique qu’à Gaza.

Ni Jean-Marc Nesme, ni Daniel Garrigue, ni Christian Hutin, ni François Lamy, ni Jean-Paul Lecoq, ni Didier Mathus, ni Étienne Pinte, ni Jean-Claude Sandrier, ni Sylvie Andrieux, ni François Asensi, ni Jean-Marc Ayrault, ni Jean Bardet, ni Jacques Bascou, ni Patrick Beaudouin, ni Jean-Louis Bianco, ni Marcel Bonnot, ni Jean-Michel Boucheron, ni Chantal Bourragué, ni Patrick Braouezec, ni Jean-Pierre Brard, ni Mme Marie-George Buffet, ni André Chassaigne, ni Gilles Cocquempot, ni Pierre Cohen, ni Frédéric Cuvillier, ni Guy Delcourt, ni Jean-Pierre Dufau, ni Daniel Garrigue, ni Hervé Gaymard, ni André Gerin, ni Pierre Gosnat, ni Marc Goua, ni Jean-Pierre Grand, ni Jean-Claude Guibal, ni Christian Hutin, ni Michel Issindou, ni Didier Julia, ni François Lamy, ni Jean Lassalle, ni Jean-Paul Lecoq, ni Robert Lecou, ni Bruno Le Roux, ni François Loncle, ni Lionnel Luca, ni Jean Mallot, ni Jean-René Marsac, ni Patrice Martin-Lalande, ni Didier Mathus, ni Jean-Marc Nesme, ni Christian Paul, ni Étienne Pinte, ni Éric Raoult, ni Jean-Luc Reitzer, ni Simon Renucci, ni Gwendal Rouillard, ni Jean-Claude Sandrier, ni Pascal Terrasse, ni Manuel Valls, ni Alain Vidalies, ni Michel Voisin, ni Philippe Jabaud, tous membres du groupe d’amitié France-Palestine ont montré la moindre compassion pour les Palestiniens massacrés, asphyxiés, vivant dans des conditions inhumaines à Yarmouk.

“Inhumain”, “prison à ciel ouvert”, “conditions humanitaire intolérables”, “génocide”, “nettoyage ethnique”, “violation du droit international”, “crime contre l’humanité”, “blocus”, semblent des mots exclusivement réservés pour Gaza et le conflit entre Palestiniens et Israël, et tant pis s’ils meurent à Yarmouk.

[quote]Je dénonce cette indifférence mais j’aurais pu m’en douter : cela fait deux ans que ça dure[/quote]

Je dénonce cette indifférence mais j’aurais pu m’en douter : cela fait deux ans que le camp palestinien de Yarmouk subit le terrible blocus du gouvernement syrien, et ces grandes âmes qui n’ont aucune honte à afficher publiquement leur humanisme à géométrie variable, n’ont jamais protesté.

Disons que le cauchemar humanitaire s’est tellement aggravé depuis l’invasion par l’Etat islamique, que je pensais, naïf que je suis, que les amitiés palestiniennes allaient se manifester.

Je me trompais. Ce ne sont que des amitiés de façade, et il aura fallu ce martyre des Palestiniens pour révéler la violence du double standard et de l’indifférence des médias et des pro-palestiniens.

Avant la guerre civile en Syrie, environ 180 000 palestiniens vivaient à Yarmouk. Il sont moins de 18 000. Et ceux qui restent sont les plus démunis, les plus faibles, qui n’avaient ni la force, ni les moyens de partir.

Des centaines de Palestiniens morts de maladie et de faim

Près de 500 sont morts de malnutrition et de déshydratation lorsque Bashar al-Assad a bloqué le camp en décembre 2012. Des familles vivent de racines et d’herbe. Et pourtant, la situation s’est encore dégradée depuis le siège de l’Etat islamique, commencé il y a deux semaines, et maintenant étendu à presque la totalité du camp.

[quote]”J’ai couru entre les bombes et les tirs des snipers pour nourrir mes enfants”[/quote]

“Aujourd’hui, j’ai couru entre les bombes et les tirs des snipers pour nourrir mes enfants”, a expliqué ce résident à Ynet. “Vous devez comprendre, mon voisin est allé chercher de la nourriture, un sniper lui a tiré dessus, il est mort. Aujourd’hui nous l’avons enterré. C’est comme ça que nous vivons : si vous voulez nourrir vos enfants, vous devez prendre votre linceul avec vous. Il y a des snipers dans chaque rue, vous n’êtes à l’abri nulle part.”

[quote]Les Palestiniens sont pris au piège[/quote]

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Les palestiniens sont pris au piège. D’un coté, l’aviation de Assad lâche des barils de bombe sur la région pour éliminer les rebelles. Selon l’Organisation de la société civile palestinienne en Syrie, la zone du et autour du camp a été touchée par 23 barils de bombes et six attaques aériennes depuis samedi 4 avril pour tenter de détruire les positions des rebelles syriens et des combattants palestiniens. De l’autre, ils sont au milieu des violents combats entre groupes rebelles ennemis, notamment al Nustra et al Qaïda, et maintenant ils affrontent l’Etat islamique.

Selon l’Autorité palestinienne, 2 000 personnes ont réussi à fuir le camp par une brèche, dimanche dernier, tandis que des dizaines sont tués et décapités.

La région de Damas est d’une grande importance symbolique pour l’Etat islamique, car elle est mentionnée dans la tradition islamique d’où le groupe islamique tire son inspiration et ses commandements. Pour les Palestiniens de Yarmouk, c’est l’enfer absolu.

Attentats de l’Etat islamique à Gaza

Au nord de Gaza, samedi 4 avril, une bombe artisanale a explosé près d’une mosquée, sans faire de victime, d’après l’agence d’information turque Anatalia, suite à quoi un membre de l’Etat islamique a été arrêté.

Des sources palestiniennes ont déclaré à un journaliste arabe israélien du quotidien israélien Maariv que “depuis le début de l’année, il y a eu plusieurs incidents, des explosions et des échanges de tirs, principalement entre le Hamas et des habitants de Gaza soupçonnés d’avoir fait allégeance à l’Etat islamique.”

De plus, mi-mars, le porte parole du ministère de l’intérieur du gouvernement du Hamas à Gaza a dénoncé que les forces de Mahmoud Abbas tentent de profiter de la situation pour semer le chaos à Gaza, déclenchant des explosions de voitures et des tirs.

A Yarmouk, des militants de l’Etat islamique ont décapité deux dirigeants du Hamas

Une délégation de l’Autorité palestinienne a prévu de se rendre à Damas afin de chercher une solution pour la sauvegarde des résidents du camp de Yarmouk, après que l’Etat islamique a annoncé avoir décapité au moins deux dirigeants du Hamas.

A l’intérieur du camp, les forces palestiniennes – alliées au Hamas – sont maintenant encerclées par l’Etat islamique. Lundi, l’Etat islamique a publié une vidéo montrant le moment où il a pris possession du camp.

Un travailleur humanitaire syrien a fait passer au Telegraph la photo de Mohammed, 19 ans, qui a été blessé au ventre et à la jambe. Il a expliqué au quotidien “qu’il n’a quelques jours à vivre si on ne trouve pas de médicaments”.

“Il a été atteint par un combattant de l’Etat islamique il y a un an et est devenu paralysé d’une jambe,” explique l’aide humanitaire sous couvert d’anonymat. “Le frère de Mohammed est venu me voir, et m’a supplié de l’aider. Je lui ai donné de la nourriture et les médicaments que j’ai pu trouver, car même ici nous n’avons presque rien.”

Un autre palestinien, toujours sous condition que son identité ne soit pas révélée, a expliqué au Telegraph que “la situation est désespérée : il n’y a pas rien à manger, pas d’eau, aucun soins médicaux. Les docteurs ont tous quitté le camp”, et aucun convoi humanitaire n’a pu entrer dans le camp depuis décembre.

Chris Gunness, le porte parole de l’Agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, a décrit la situation comme “au delà de l’inhumain”. Et cependant aucun média, aucun intellectuel, aucun diplomate, aucune condamnation de l’ONU ne se font entendre, un contraste à peine croyable, comparé aux véhémentes dénonciations d’Israël dès qu’un incident entre Palestiniens et Israéliens éclate.

“C’est un affront de l’humanité toute entière,” a ajouté Gunness, qui a demandé à la communauté internationale de faire pression pour que l’aide humanitaire puisse pénétrer dans le camp.

Le conseil de sécurité de l’ONU a finalement décidé de convoquer une réunion d’urgence, lundi 6 avril, pour évoquer Yarmouk. Le chef de la diplomation pour les réfugiés palestiniens à l’ONU, Pierre Krahenbuhl, a décrit la situation à Yarmouk de “complètement catastrophique”, et les médias restent silencieux, car ils ne peuvent accuser Israël, qui est prudemment resté en dehors du conflit.

Le sort des Israéliens serait infiniment moins confortable si Isaac Herzog, le candidat centre gauche à l’élection législative qui a perdu face au premier ministre sortant Benjamin Netanyahou, avait été élu.

L’an dernier, Herzog avait déclaré qu’il fallait se rapprocher des rebelles syriens, car ils auraient “exprimé de la sympathie pour Israël”. Cet aveuglement angélique typiquement gauchiste aurait servi de prétexte aux médias pour projeter Israël au cœur d’un conflit qui n’est pas le sien, et l’accuser, comme pour Sabra et Chatila, de crimes qu’il n’a pas commis.

Si Israël était, même de loin, impliqué dans le drame des Palestiniens de Yarmouk, Le Monde et le Nouvel Observateur dénonceraient un “massacre inhumain, d’une ampleur sans précédent”. Là, pas un entrefilet.

Les faux culs dont le cœur chavire lorsqu’un Palestinien – qui n’est jamais un terroriste – est éliminé par Israël, les François Cluzet, Eric Cantona, Edwy Plenel, Mia Farrow, ou encore Jacques Weber, l’obsédé anti-israélien, n’ont pas trouvé le temps de dénoncer l’horreur que vivent les Palestiniens de Yarmouk. Pour Gaza, ils trouvent toujours les mots pour dénoncer “l’horreur”, tandis que les Gazaouis font leurs courses ou sont à la plage.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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