Publié par Guy Millière le 18 mai 2015

unnamed

Guy Millière – Il est fort peu de personnes politiques sur la planète pour qui j’ai de l’estime. Il y eut Ronald Reagan, Margaret Thatcher, George Walker Bush dont je persiste à dire qu’il fut, comme je l’ai écrit, l’homme qu’il fallait pour réagir à un désastre à la hauteur de ce que fut le onze septembre 2001.

Il y a, aujourd’hui, dans les débats politiques américains Marco Rubio, Ted Cruz, Scott Walker. Il y eut, en France, Alain Madelin, et j’en parle au passé parce qu’il a choisi de se placer en retrait de la vie politique. C’est le seul homme politique que j’ai eu envie de connaître, le seul pour qui j’ai eu envie de travailler, le seul pour qui j’ai, jusqu’à ce jour, estime et amitié. J’ai eu plaisir à le revoir et à converser avec lui lors du colloque récent du Gatestone Institute à Paris, où j’ai tenu à ce qu’il soit invité.

Il a attiré mon attention sur un texte qu’il avait récemment publié sur son site, AlainMadelin.fr, et je me suis promis d’en parler.

En lisant, je me suis dit une fois de plus qu’il manque à la vie politique française un homme de l’étoffe d’Alain Madelin.

La France est un pays où les idées libérales ont produit des penseurs remarquables : je pense, en particulier à Frédéric Bastiat ou au trop méconnu Yves Guyot. C’est un pays où, hélas, les idées libérales n’ont jamais pénétré en profondeur la vie de la cité et, en particulier, la politique. Les conséquences sont là aujourd’hui, dans ce qu’on pourrait appeler le désastre français : qu’il y ait encore en France des entrepreneurs et des créateurs relève quasiment du miracle, vu le nombre d’obstacles à franchir à chaque instant. Que l’addition des voix recueillies par le Front National et la gauche de la gauche dépasse trente cinq pour cent montre que les obstacles ne sont pas près de disparaître et que l’analphabétisme économique a un bel avenir en France, même si rien d’autre ne semble avoir un avenir.

Sachant ce qu’est la situation, Alain Madelin énonce des propositions, aux fins qu’éventuellement, elles contribuent aux débats, et j’aimerais qu’elles y contribuent.

[toggle title_open=”Fermer l’onglet” title_closed=”L’impôt négatif pour sortir ceux qui sont enfermés dans la ‘trappe à inactivité” hide=”yes” border=”no” style=”default” excerpt_length=”0″ read_more_text=”Read More” read_less_text=”Read Less” include_excerpt_html=”no”]

L’impôt négatif pour sortir ceux qui sont enfermés dans la ‘trappe à inactivité

Il reprend l’idée d’ « impôt négatif » exposée par Milton Friedman dans Capitalisme et liberté*, et propose de substituer l’ « impôt négatif » aux minima sociaux actuels : « un revenu de base serait accompagné par un complément de revenus dégressif en cas d’activité jusqu’à un certain plafond. Ce qui permet à la fois de faciliter la reprise du travail pour celles et ceux qui sont enfermés dans la ‘trappe à inactivité’ et de soutenir le revenu des ‘travailleurs pauvres’ ». Comme l’a écrit Milton Friedman : ce système « n’entraîne pas un phénomène de désincitation au travail, puisque l’allocation est versée sans conditions ». « Il est toujours avantageux de travailler plutôt que de se contenter de l’allocation ». Tout en relevant les effets pervers possibles de l’impôt négatif, Alain Madelin propose de remédier à ceux-ci par l’insertion et par des systèmes tels le « workfare », impliquant que toute allocation aille de pair avec une insertion par le travail : le « workfare » avait été instauré aux Etats Unis sous Bill Clinton, quand Newt Gingricht était Speaker of the House, en 1996. Un impôt négatif serait un bon moyen de briser la culture de l’assistance installée en France depuis de trop nombreuses années.

[/toggle]

[toggle title_open=”Ferme l’onglet” title_closed=”La nécessaire réforme des systèmes de retraite” hide=”yes” border=”no” style=”default” excerpt_length=”0″ read_more_text=”Read More” read_less_text=”Read Less” include_excerpt_html=”no”]

La nécessaire réforme des systèmes de retraite

Alain Madelin évoque ensuite la nécessaire réforme des systèmes de retraite et propose une retraite à la carte, par points, permettant d’intégrer tous les régimes au sein d’un régime universel, aux fins de passer de réformes « paramétriques » (basées sur l’âge de la retraite ou le montant des cotisations) à une réforme systémique. Il ajoute la nécessité d’un équilibre financier : « seul l’argent disponible serait distribué ». Il ajoute aussi la nécessité d’aller davantage dans la direction de systèmes de retraites complémentaires. Ce serait là une excellente façon de sortir de nombre de faux débats et, faute d’instaurer un régime de traites par capitalisation, un moyen d’instaurer une égalité de tous face à la retraite, et de responsabiliser tout un chacun dans ce domaine.

Il passe ensuite au système de santé (secteur que je connais bien puisque, lorsque j’étais Président de l’Institut Turgot, nous avons réalisé des travaux précis sur le sujet). Là, il propose une fois encore une réforme structurelle permettant la réintroduction du marché :

« les institutions d’assurance » seraient placées en situation de concurrence », « les institutions délégataires de l’assurance maladie négocieraient avec les hôpitaux, les cliniques, les médecins, se comporteraient non plus en ‘payeurs aveugles’ mais en ‘acheteurs avisés’ de soins pertinents et de qualité», négocieraient « les prestations de santé dans les meilleures conditions », expérimenteraient « de nombreux mode d’exercices de la médecine et de rémunération ».

C’est là une option très digne d’intérêt, qui permettrait de sortir de la sclérose bureaucratique et, sans doute, des déficits vertigineux inhérents au système actuel, non viable.

[/toggle]

Cet article vous a intéressé ? Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir les nouveaux articles de Dreuz, une fois par jour en fin d’après-midi.

[toggle title_open=”Fermer l’onglet” title_closed=”L’innovation sociale” hide=”yes” border=”no” style=”default” excerpt_length=”0″ read_more_text=”Read More” read_less_text=”Read Less” include_excerpt_html=”no”]

L’innovation sociale

Alain Madelin aborde ensuite « l’innovation sociale » : j’aurais là un peu plus de réserves, car la notion de « justice sociale » me semble mériter les critiques que Friedrich Hayek lui avait adressées dans Droit, législation et liberté*. Cela dit, introduire davantage de flexibilité et de diversité d’initiative dans le secteur dit « social » serait, dans le cadre d’une société sclérosée comme la France aujourd’hui un pas dans la bonne direction : « Il faut savoir aujourd’hui mettre l’initiative privée et associative au service du social », écrit Alain Madelin.

[quote]Un ‘statut de l’entraide’ à l’instar du statut de l’auto-entrepreneur[/quote]

Se trouve ensuite abordé le « développement d’une économie non marchande », et là, Alain Madelin reprend des idées énoncées par Alvin et Heidi Toffler dans leur livre La richesse révolutionnaire*. « Une large part de l’activité humaine échappe à l’univers marchand et au calcul économique », écrit-il, « les technologies numériques, les échanges sur le Web et les réseaux sociaux contribuent au développement » d’une « nouvelle dimension de la richesse ». « Pour favoriser les échanges non marchands, éviter les problèmes fiscaux et sociaux que génèrent ces échanges mal appréhendés par les administrations – on pourrait créer un ‘statut de l’entraide’ à l’instar du statut de l’auto-entrepreneur pour les activités marchandes ».

[/toggle]

[toggle title_open=”Fermer l’onglet” title_closed=”Alain Madelin passe ensuite à l’efficacité de l’Etat : sujet brûlant, s’il en est” hide=”yes” border=”no” style=”default” excerpt_length=”0″ read_more_text=”Read More” read_less_text=”Read Less” include_excerpt_html=”no”]

Alain Madelin passe ensuite à l’efficacité de l’Etat : sujet brûlant, s’il en est

« Pour réduire vraiment la dépense publique, il nous faut réduire le périmètre de l’État, redéfinir ses missions, et passer au crible toutes ses fonctions », écrit-il, « il faut « accroître la part du marché soumis à la concurrence et aux choix individuels, réduire la part de notre économie soumise aux choix collectifs exprimés sur le marché politique ». Je ne saurais mieux dire.

Tout en évoquant la question du statut des fonctionnaires, Alain Madelin dit qu’évoquer cette question est présentement inutile et contreproductif, de même qu’évoquer la question des trente cinq heures. Il propose, là, d’aller vers la « liberté contractuelle ». C’est effectivement une façon d’éviter de poser des questions inutiles, et de sortir de l’objet des questions inutiles en posant la vraie question. La liberté contractuelle permet de se situer ailleurs, de dépasser le statut des fonctionnaires, et de dépasser aussi la fixation par la loi du temps de travail.

[/toggle]

[toggle title_open=”Fermer l’onglet” title_closed=”L’immigration et les flux migratoires” hide=”yes” border=”no” style=”default” excerpt_length=”0″ read_more_text=”Read More” read_less_text=”Read Less” include_excerpt_html=”no”]

L’immigration et les flux migratoires

Alain Madelin passe ensuite à l’immigration et aux flux migratoires : « le premier facteur d’intégration, c’est le travail », rappelle-t-il. « Les quartiers dits ‘sensibles’ ne sont que le miroir grossissant des échecs de notre État-Providence », ajoute-t-il.

Il ajoute : « C’est l’échec de notre urbanisme collectif qui enferme une part de notre jeunesse dans des cités ghettos, qui sécrète une culture de violence et de délinquance, en rupture avec notre société. L’échec des écoles ghettos de ces cités ghettos où les enfants sont assignés à résidence. L’échec de l’État à faire respecter la loi et à assurer la sécurité. »

Je partage cette analyse. La France, comme de nombreux pays occidentaux, est rongée par un Etat providence hypertrophique qui détruit le travail, dissémine l’assistance, cultive la non intégration, crée des cités de « logements sociaux » où on vit d’allocations diverses et de trafics illicites, dans une sous-culture qui valorise le rejet de l’ordre établi et empêche toute intégration ultérieure. Une société a l’immigration qu’elle suscite : la France a l’immigration qu’elle suscite.

Alain Madelin souligne qu’ «il n’est pas choquant de vouloir limiter l’accès aux prestations sociales, RSA ou minimum vieillesse ou allocations familiales”. C’est exact. Limiter l’accès serait tarir l’immigration de rente. Je serais, pour ce qui me concerne, partisan de la nécessité d’aller plus loin : garder un filet de sécurité est légitime, mais inciter au travail, et détruire simultanément l’effet de désincitation au travail que peut constituer la rente est nécessaire à une économie dynamique.

Alain Madelin dit que « la montée d’un islamisme radical aggrave les problèmes, exacerbe les tensions et appelle une mobilisation de l’islam de France pour le délégitimer ». Si je pense que l’islam radical est au cœur des problèmes et, effectivement, exacerbe les tensions, je suis très sceptique quant à la possibilité qu’émerge un islam de France, car l’islam ne connaît pas de frontières, on le voit chaque jour. L’islam en France ressemblera à l’islam tel qu’il est dans le monde musulman sunnite dont les Musulmans français sont, pour la plupart, originaires.

[quote]il existe un « marché de la délinquance »[/quote]

Alain Madelin rappelle ce qu’on oublie trop souvent : il existe un « marché de la délinquance ». Je cite :

« Les économistes spécialistes du ‘marché’ de la délinquance et du crime savent que plus la barrière d’entrée sur ce ‘marché’ est haute – c’est-à-dire le risque d’être arrêté, d’être condamné et d’effectuer une peine suffisamment dissuasive – mieux la délinquance est combattue ».

Ces idées sont celles dont est issue l’idée de la « tolérance zéro » et celle du « criminel rationnel ». Gary Becker et David Fridman, fils de Milton, ont écrit des pages essentielles sur le sujet : je sais qu’Alain Madelin les a lues, et je sais que ceux qui nous gouvernent ne les ont pas lues, c’est une évidence, souvent douloureuse.

[/toggle]

[toggle title_open=”Fermer l’onglet” title_closed=”La « transition énergétique »” hide=”yes” border=”no” style=”default” excerpt_length=”0″ read_more_text=”Read More” read_less_text=”Read Less” include_excerpt_html=”no”]

La « transition énergétique »

Alain Madelin passe ensuite à la « transition énergétique », et évoque l’idée de « sociétés de services énergétiques qui se rémunèrent sur l’économie réalisée (autrefois les Sofergies en France) ». Il ajoute : « pour créer l’industrie financière de l’efficacité énergétique, il faut pouvoir sécuriser juridiquement les économies d’énergie, et standardiser les différents types d’efficacité énergétique afin de les titriser et de les transformer en produits financiers ». C’est là une idée essentielle : ce n’est pas par la contrainte et la réglementation bureaucratique basée sur des lubies telles que le « dérèglement climatique » que l’innovation en matière énergétique et les gains de productivité en ce domaine pourront émerger, mais par le recours au marché et à la finance. Je crains que ceux qui nous gouvernent ne reprennent pas cette idée, mais si d’autres qu’eux la reprenaient, ce serait un immense pas dans une meilleure direction. J’ai publié, avec Max Falque, un recueil de textes amorçant la réflexion en ce sens, il y a vingt cinq ans, Ecologie et liberté*. Je connaissais bien, déjà, Alain Madelin à l’époque. Il était en faveur d’une écologie de marché. Il est resté fidèle à ses idées, et je ne peux que le féliciter.

[/toggle]

[toggle title_open=”Fermer l’onglet” title_closed=”Alain Madelin termine en parlant d’éducation” hide=”yes” border=”no” style=”default” excerpt_length=”0″ read_more_text=”Read More” read_less_text=”Read Less” include_excerpt_html=”no”]

Alain Madelin termine en parlant d’éducation

Je cite : « l’initiative et la créativité des enseignants, impulser une dynamique de changement et d’adaptation, c’est aussi permettre à des équipes enseignantes d’innover en optant pour un statut d’établissement autonome disposant d’une grande liberté des moyens (recrutements extérieurs, horaires, pédagogie, contenu…) dans le cadre d’un budget garanti (sur une base proportionnelle au nombre d’élèves accueillis) et avec évaluation des résultats ». Ce qu’il écrit est, là encore, essentiel. L’autonomie et la concurrence des établissements scolaires seraient cruciaux pour permettre qu’émerge une effective quête de l’excellence. Cela devrait aller de pair avec une liberté de choix, pour les parents, de l’établissement fréquenté par leurs enfants, avec une pleine liberté de choix pour les étudiants dans le supérieur, et avec une liberté de sélection pour les gestionnaires d’établissement. Ces principes sont globalement ceux inhérents à l’idée de chèque éducation, ou, pour reprendre une expression qu’Alain Madelin a utilisée dans le passé (dans un livre appelé Pour libérer l’école*), de « capital éducation ».

[/toggle]

Il est, disais-je en commençant, fort peu de personnes politiques sur la planète pour qui j’ai de l’estime. Il y a, en France, Alain Madelin.

Il manque, disais-je aussi, à la vie politique française un homme de l’étoffe d’Alain Madelin.

Je tenais à le redire en étant très explicite. C’est fait.

Puisqu’Alain Madelin a quitté la vie politique, je dirai que quiconque reprendrait l’essentiel des propositions énoncées par Alain Madelin aurait mon entier soutien.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.

* En achetant les livres avec ces liens, vous soutenez Dreuz qui reçoit une commission de 5%. Cette information est fournie suivant la recommandation 16 CFR § 255.5 de la Federal Trade Commission.

Inscrivez-vous gratuitement pour recevoir chaque jour notre newsletter dans votre boîte de réception

Si vous êtes chez Orange, Wanadoo, Free etc, ils bloquent notre newsletter. Prenez un compte chez Protonmail, qui protège votre anonymat

Dreuz ne spam pas ! Votre adresse email n'est ni vendue, louée ou confiée à quiconque. L'inscription est gratuite et ouverte à tous

En savoir plus sur Dreuz.info

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading