Publié par Jean-Patrick Grumberg le 7 août 2015

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Hier soir, à 18 heures heure de Los Angeles, j’étais devant la télévision pour regarder le fameux débat Républicain organisé par Fox News à Cleveland dans l’Ohio, auquel participait le phénomène de la foire politique, Donald Trump.

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Etaient sélectionnés les dix candidats républicains qui étaient les plus hauts dans les sondages. Une heure avant, s’était déroulé un autre débat avec les 7 autres candidats républicains.

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Carly Fiorina, ex PDG de Hewlett Packard

Il était tout aussi intéressant, peut-être plus… je pense à Carly Fiorina, que personne ne connait si ce n’est qu’elle fut la PDG monde d’une société que tout le monde connait : HP, et son exceptionnelle performance, au dessus de la mêlée.

[quote]Le tsunami Trump s’est cassé la gueule[/quote]

Le tsunami Trump s’est cassé la gueule en plein débat : c’était mon préssentiment et il était juste. Je voyais Trump comme un rigolo, j’avais tort. C’est une girouette équipée de bon sens et d’idées justes qui ne doit son quart d’heure de gloire politique qu’à l’anémie ambiante dans le camp conservateur.

Son interview avec Bill O’Reilly sur Fox News m’avait laissé l’impression qu’il manquait de substance, et j’ai fait mouche. C’est ce qui a été révélé par le premier débat Républicain : il y avait un écart criant entre la qualité des réponses des neufs candidats, lesquels se tenaient dans un mouchoir de poche, et un Trump vraiment très léger.

La soirée était annoncée par les médias non comme un débat des candidats républicains, mais comme le débat Trump.

C’était LE phénomène Trump, parce qu’il avait explosé tous ses concurrents dans les sondages, parce qu’il avait brisé toutes les règles de la politique et du politiquement correct. Il a insulté les journalistes aux questions vicieuses, il a énnoncé clairement des vérités que les Américains ont envie d’entendre, tout cela pour réveiller une Amérique endormie par 50 ans de glissement à gauche qui a culminé par l’élection et la réelection d’un président pacifiste, assez anti-capitaliste, et plutôt anti-américain comme on les aime en France.

Un non débat Trump

En réponse aux questions posées par les trois modérateurs, et elles étaient d’une précision et d’une pertinence qu’on ne risque pas d’entendre dans un débat politique en France, les réponses de Trump étaient souvent vagues, elles manquaient de consistance, de précision et n’avaient aucun impact. Comme on était loin des fracassantes déclarations du Donald Trump de ces dernières semaines !

Pour convaincre, Trump martelait au lieu de parler, mais il enfonçait le même clou alors que les autres candidats, tous les autres candidats, pendant la minute qui leur était impartie pour répondre, trouvaient le moyen de développer, articuler, approfondir leurs réponses, citer des références, et finalement, ils étaient convaincants quand Trump était décevant.

Mon impression, et celle unanime des amis qui m’entouraient ce soir, sera confirmée par l’après débat.

A la fin de la réunion, était présenté un panel d’électeurs républicains réuni par la chaîne afin de recueillir à chaud ce qu’a ressenti l’électeur américain moyen, avant d’être influencé par les analystes, les commentateurs, et les sondages, qui vont ce matin affluer et confirmer j’en suis certain, que la baudruche Trump s’est dégonflée.

Je comparais un temps Donald Trump à Coluche : un homme libre, étranger au monde artificiel de la classe politique, et de la langue de bois. Trump, ses phrases qui touchent le public, ses mots justes qui parlent la même langue que nous autres, un discours à contrepieds du vocabulaire politique. L’inverse d’une catégorie professionnelle qui parle et ne fait pas grand chose – sauf pour elle-même.

[quote]Donald Trump a déçu. Les gens sont tombés de haut[/quote]

Le résultat du panel a été présenté comme LE choc de la soirée : Donald Trump a déçu. Les gens sont tombés de haut.

Le présentateur a demandé à main levée qui soutenait Trump avant le débat. Presque toutes les mains se sont levées. Il a demandé qui soutenait Trump après le débat : deux bras, hésitants, se sont tendus.

Depuis une semaine, la présence de Donald Trump à ce débat était à la une de toutes les chaînes et de tous les débats, toute la journée. CNN, MSNBC, FOX, ABC et CBS l’ont annoncé comme LE phénomène de la politique, LE doigt d’honneur fait à Washington. Le changement tant attendu par une population fatiguée du Congrès, fatiguée des partis politiques, fatiguée de la corruption et de la surpuissance tentaculaire de l’Etat Fédéral, et de la tambouille washingtonienne.

La classe politique, c’est la parlotte politiquement correcte dont les Américains sont gavés.

Des promesses, des belles paroles, des grandes idées, des postures outrées et grandiloquentes, pendant que l’Amérique s’enfonce, que les problèmes s’additionnent, que le nombre d’Américains sans travail stagne, que le nombre de pauvres augmente, et surtout que le rêve américain s’éloigne, tandis que les hommes politiques s’enrichissent.

Les radios de gauche même, qui n’ont pas manqué d’insulter Trump pour ses commentaires outranciers sur les immigrés mexicains, l’ont présenté à la fois comme un grossier personnage mais aussi comme celui qui a bouleversé le paradigme politique.

Dans les débats sur LE débat, sur LE phénomène Trump, tous les cas de figure ont été évoqués (sauf un) : qui attaquera Trump, qui ne l’attaquera pas. Jeb Bush certainement pas, il n’aime pas les confrontations. Scott Walker trop fin débateur, Ben Carson trop posé, John Kasich non plus, pour les mêmes raisons. Christie pas plus : lui et Trump sont amis. Reste Cruz, Huckabee, Marco Rubio et Rand Paul… là était le suspense et les hypothèses. Comment Trump répondra, est-ce qu’il répondra, qui peut gagner des points à l’attaquer, qui a intérêt à ne pas l’attaquer….

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Megyn Kelly
Megyn Kelly

Trump, finalement, a attaqué Megyn Kelly, l’une des trois modérateurs de la soirée et présentatrice vedette de Fox News, qui lui a demandé de s’expliquer sur ses précédéntes déclarations, ce qui le lendemain semble déplaire à plusieurs commentateurs.

Kelly, ancienne avocate, est une très belle femme, intelligente et vive, dont les questions vont droit au but et ne laissent aucune chance à ses invités pour se dérober : elle est l’étoile montante du journalisme télé. C’est elle qui a été désignée pour modérer le premier débat entre les candidats présidentiels désignés par les partis républicain et démocrate, en 2016.

Trump ne s’est pas contenté d’attaquer Megyn Kelly. Certes, il a choqué quand il ne s’est pas excusé des insultes machistes proférées contre les femmes, mais il a lancé à Megyn Kelly qui lui demandait de s’expliquer : “si ça ne vous plait pas, tant pis pour vous”. Bouh! de la salle.

Un faute politique majeure de Trump aux conséquences dévastatrices

C’est surtout à la toute première question du débat, qui lui était secrètement destinée par Bret Baier, un journaliste politique pour lequel j’ai beaucoup de respect, qu’il a volé en éclat.

La question était parfaite, car elle permettait en une phrase de savoir de quoi Donald Trump, qui est passé de fervent soutien d’Obama, de démocrate à “liberal” (gauche) pour enfin s’échouer dans le camp républicain, est vraiment fait.

La question posée à tous les candidats : “Y a-t-il quelqu’un parmi vous, s’il n’est pas choisi comme candidat à l’élection présidentielle par le parti Républicain, qui n’apportera pas son soutien au candidat républicain qui sera désigné, ou se présentera en candidat indépendant contre lui ?”

Un seul a levé la main : Donald Trump, qui a répondu avec honnêteté, accordons-lui cela, qu’il ne s’engage pas à soutenir le candidat républicain s’il n’est pas désigné, ce qui veut dire qu’il pourrait se présenter en candidat indépendant.

Bret Baier insiste : “tous les experts sont d’accord pour dire qu’un candidat indépendant donnera l’élection à Clinton, et vous déclarez ce soir, dans un débat Républicain, que si vous n’êtes pas le candidat choisi, vous pourriez vous présenter en indépendant ?”

Trump a confirmé : “je ne peux pas dire ce soir que je vais respecter la personne qui gagnera.”

Immense Bouh ! de la salle. Rand Paul a vivement réagi (ce qui lui vaudra une pique de Trump) : “ça veut dire qu’il va aider Hillary Clinton s’il n’est pas le gagnant !”

Si encore Trump avait élevé le débat, livré ce qu’il promet, c’est à dire les idées neuves dont l’Amérique, dit-il, a cruellement besoin, peut-être aurait-il fait oublier cette trahison du camp qu’il dit vouloir représenter.

Mais ce ne fut pas le cas.

Ses réponses furent molles, imprécises.

Sur son projet de construction d’un mur de séparation entre le Mexique et les Etats Unis -sa seul idée novatrice – pour empêcher l’immigration illégale, et sa promesse qu’il fera payer sa construction par le président mexicain, Chris Wallace, le second modérateur et journaliste politique star de Fox News lui a demandé comment il espérait contraindre les Mexicains à payer la note.

Trump a répondu, dans un flou peu artistique, que le Mexique a les moyens. Wallace a insisté. Trump a laissé entendre que l’économie mexicaine bénéficie largement des Etats Unis, et que le risque de perdre ce juteux pactole serait un levier suffisant pour la construction d’un mur. Wallace a conclu d’une moue dubitative. Moi aussi.

Je consacrerai probablement un autre article à ce débat, à la façon dont les candidats ont répondu, et qui ont été mes candidats préférés.

Je peux cependant déjà dire ceci :

 – Tous les candidats sans exception ont, à un moment ou un autre, été brillants. Certains plus souvent que d’autres.

 – Jeb Bush a été conforme à ce que je pense de lui : dans le lot, pas au dessus du lot. Pourtant il est le candidat choisi par l’élite républicaine, qui lui a déjà offert plus de 120 millions de dollars pour sa campagne. Et je pense qu’il perdra l’élection contre Clinton, et même, s’il se déclare, contre Joe Biden.

– Scott Walker, Ben Carson, m’ont déçu. Walker est un brillant homme politique, un excellent débatteur, qui a gagné quatre élections difficiles, je l’ai trouvé lisse et sans saveur, il ne sera pas le gagnant Républicain et c’est tant mieux. Carson est un homme posé, complexe et profond, un neuro-chirurgien de grand talent, il ne s’est pas particulièrement distingué. Il ne sera plus dans la course. Donald Trump est éliminé. Chris Christie, Marco Rubio et Rand Paul n’étaient ni vraiment mauvais ni exceptionnellement bons et aucun n’a l’étoffe d’un président. John Kasich, qui n’est pas le candidat préféré des commentateurs politiques, m’a plus convaincu. Lui non plus ne passera pas la barre.

– Rand Paul dérape trop, ses positions en politique étrangère (il veut cesser toute aide financière à Israël), qui est devenue un aspect important de la préoccupation des Américains depuis le 11 septembre, et encore plus depuis l’Irak, l’Afghanistan, la montée de l’Etat islamique et le danger bien ressenti de l’islam, le désservent. Lui qui était le chouchou des sondages, l’étoile montante, est passé bon dernier depuis plusieurs mois.

[quote]Ma première action comme président, je déplacerai l’ambassade des Etats Unis à Jérusalem”[/quote]

– Une mention pour Ted Cruz, qui a la question : “que ferez-vous le premier jour si vous êtes élu président ?” a répondu comme tous les candidats qu’il commencera par annuler tous les ordres exécutifs du président Obama qui sont illégaux et contraires à la constitution, mais a précisé qu’il déplacera l’ambassade des Etats Unis en Israël à Jérusalem, dans les applaudissements enflamés du public.

Mon commentaire : ce n’est pas parce qu’il a été le seul candidat à l’annoncer que les autres, s’ils sont élus, ne le feront pas. Et ce n’est pas parce qu’il l’a annoncé qu’il le fera, s’il est élu. Mais il l’a dit et c’est important.

– Je connais bien et apprécie Mike Huckabee, ancien gouverneur, animateur d’une émission politique de grande qualité sur Fox News, et guitariste dans un orchestre de rock. Toutes ses déclarations ont visé juste. Avec Ted Cruz, qui est cependant considéré dans son propre parti comme un extrémiste de droite et n’a pas su unir les conservateurs, il a été le plus remarqué de cette soirée.

Huckabee ferait un bon président. Ses idées sont limpides. Mais le public américain le connait à peine, et il volerait en éclat devant la notoriété d’Hillary Clinton.

– Une chose encore : des détails plus que des différences séparaient les candidats, qui partagent tous une qualité qui fera échouer les Républicains : le bon sens.

Les Américains, il me peine de le dire, ont tourné le dos au bon sens, qui n’est plus à la mode. Ils se sont laissés séduire par les promesses du camp progressiste.

Plusieurs candidats, gouverneurs, ont fait état de leurs accomplissement dans leurs Etats respects qui devraient suffire à les faire élire à la présidence des Etats Unis : réduction de la dette, élimination des déficits, réduction des impôts, réduction du chômage.

Celà compte plus que les paroles, et l’Amérique a un cruel besoin de retrouver sa compétitivité, sa créativité, et de libérer les forces de travail pour réduire la pauvreté et retrouver sa grandeur.

Hélas, je vois bien que les belles paroles creuses sont douces aux oreilles de la majorité : les promesses d’un monde meilleur et magique, la réduction des inégalités, le progrès… sans aucune connexion avec le monde réel.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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