Publié par Abbé Alain René Arbez le 31 mai 2016

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« Saintes écritures du peuple juif et bible chrétienne»*. C’est le titre de l’ouvrage publié en 2001 : un véritable événement qui n’a pas eu dans le public chrétien l’impact qu’il méritait.

C’est pourtant la très officielle Commission biblique pontificale qui publiait cette étude approfondie pour faire le point sur les relations entre christianisme et Ecritures juives. Fruit d’un travail collégial considérable, l’ouvrage porte alors la signature du cardinal Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI.

Dans la ligne de Nostra Aetate (il y a cinquante ans) ce document romain rappelle de façon magistérielle ce qui a été trop longtemps perdu de vue : les chrétiens ont reçu comme livre sacré les Saintes Ecritures juives, et le Nouveau testament est incompréhensible sans référence à cette tradition hébraïque.

Alors que circulent encore les clichés marcionites d’un Dieu bon du Nouveau testament opposé à un Dieu vengeur de l’Ancien, il n’est pas inutile de réaffirmer l’unité de la Bible, premier et nouveau testaments, et de relancer le processus de rapprochement et d’estime entre chrétiens et juifs. 

Les diverses parties du document soulignent l’imbrication profonde des thèmes juifs et chrétiens, le nouveau testament ayant été structuré par des juifs et composé à partir de matériaux appartenant clairement à la tradition hébraïque orale et écrite.

L’ouvrage met en lumière le fait que ce qui est devenu le kérygme chrétien n’est pas une croyance autoproclamée surgie de nulle part ! Mais cette dernière version de la bassora tova, la bonne nouvelle, s’inscrit dans la dynamique de la révélation biblique antérieure. Certes, lorsque le Nouveau testament affirme que Jésus « accomplit » ce qui l’a précédé, cette notion est complexe et mérite des approfondissements hors de toute polémique. Car la figure de Jésus n’a pas vocation à disqualifier les profils de ses prédécesseurs, mais ouvre des voies spirituelles renouvelées à l’intérieur de la tradition.

La liberté contestataire et réformatrice de Jésus est une forme de fidélité originale aux grandes thématiques du Premier testament. D’ailleurs de nombreux passages du Nouveau testament trahissent une familiarité indiscutable avec les modes d’expression juifs rabbiniques. Les méthodes d’interprétation fréquemment utilisées par Jésus ressemblent étrangement à celles pratiquées par des figures du Premier testament et on peut dire que le Nouveau testament est une variante des commentateurs juifs de la Bible hébraïque, un midrash. L’oralité précède toujours les écrits et les trames se recoupent.

La fixation des canons juifs et chrétiens des Ecritures a été mise au point par les Tradition juive et chrétienne. Quand les disciples messianiques de Jésus se sont distancés de la synagogue, par étapes, les canons juifs de la Bible n’étaient pas encore définis, et les chrétiens ont reçu du judaïsme le corpus de leurs Ecrits inspirés, pas encore labellisé comme canonique par les rabbins.

On peut constater que chez les juifs comme chez les chrétiens, c’est sur des bases communes qu’Ecriture et Tradition constituent le moteur de l’expression de la foi. Tradition rabbinique et tradition christique se développent alors séparément, mais à partir d’un  tronc commun autour de l’Alliance. Les deux religions issues de la même tradition hébraïque produisent des interprétations parallèles proches mais réellement spécifiques.

Le document montre combien les thèmes du Premier testament constituent la charpente du Nouveau. Le Nouveau Testament ne disqualifie pas l’élection d’Israël qui est définitive. Paul dans sa lettre aux Romains insiste d’ailleurs fortement sur la « greffe de l’olivier sauvage sur le bon olivier », c’est-à-dire Israël. Même s’il affirme que l’alliance version renouvelée relativise certains aspects de l’alliance version première, il ne la renie pas en tant qu’axe essentiel ; et il donne comme perspective finale le salut de tous, Israël, et nouveaux venus respectant les 10 paroles.

Un tournant :

Ce qui est véritablement une posture nouvelle de la part de l’Eglise catholique dans ce document, c’est lorsqu’il est recommandé aux chrétiens « une lecture juive de la Bible ». Car, dit le texte, « les chrétiens ont beaucoup à apprendre de l’exégèse juive pratiquée depuis plus de 2000 ans, et de fait ils ont appris beaucoup au cours de l’histoire ».

Ce qui nous amène à reconsidérer la manière de commenter les textes du Nouveau Testament. Longtemps, pour des raisons apologétiques, la tendance lourde a été d’instrumentaliser les textes du Premier Testament au service du Nouveau, comme un faire-valoir systématique de la personne du Christ.

Le document invite à une démarche tout autre : on n’utilise plus la typologie pour faire dire aux textes ce qu’on voulait qu’ils disent, mais on accueille le message des Ecritures. La compréhension rétrospective rejoint les principes du midrash : maassé aboth simane labanîm (Les faits vécus par les pères sont un signe pour les descendants). 

De même, si nous suivons la dynamique pédagogique de l’évangile des marcheurs d’Emmaüs, nous constatons que Jésus, rabbi « vivant par-delà sa mort », ramène ses disciples vers les Saintes Ecritures d’Israël pour comprendre les événements. Sans ce mouvement de retour, de teshuva, la compréhension du présent demeure impossible. « Commençant par Moïse et parcourant tous les prophètes, il interpréta pour eux dans les Ecritures ce qui le concernait… » (Luc 24.25).

Des rabbins ont exprimé le fait qu’en passant d’étape en étape à travers les textes bibliques, on ressent le feu intérieur de la prise de conscience révélatrice. (La Torah, les Prophètes, les Ecrits). Ce feu évoque la révélation au Sinaï, et c’est quelque chose de cet ordre que semblent avoir vécu les marcheurs d’Emmaüs : « notre cœur n’était-il pas brûlant quand il nous interprétait les Ecritures ? » Ce qui correspond bien au bel adage rabbinique qui cite « bereshit bara» la création au commencement, où bereshit est transposé en « berit esh » alliance de feu !

Suivre Jésus, c’est par conséquent comme lui se référer aux Ecritures du judaïsme pour donner sens révélateur à l’actualité. Lumière et chaleur de la fulgurance d’en haut dans nos réalités terrestres.

Le document « Le peuple juif et ses saintes Ecritures dans la Bible chrétienne » invite les chrétiens au « respect pour l’interprétation juive de l’Ancien Testament » selon les mots du cardinal Joseph Ratzinger. Cette conviction explicite l’apport central de Nostra Aetate ainsi réactivé par le document romain de 2001 : « Les deux religions, catholique et juive, se rencontrent dans l’héritage commun de la Sainte Ecriture d’Israël ».

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C’est bien cette vision qui anime les rencontres du dialogue judéo-chrétien et qui devrait encourager les catholiques et les juifs à partager leurs approches dans le respect des spécificités et des richesses de chaque tradition issue des mêmes origines. Le monde catholique qui applique à la personne historique de Jésus la notion d’ « incarnation » de la Parole de Dieu devrait être capable d’appliquer le même principe à la Terre qui fait partie intégrante de l’alliance entre Dieu et Israël. Comme le dit le rabbin Jacquot Grunewald, l’Etat d’Israël est la seule garantie terrestre contre les antisémitismes meurtriers. Les citoyens libres des démocraties comme les membres des chrétientés orientales menacés par le terrorisme islamique doivent le comprendre, puisque comme les juifs ils sont devenus des cibles.

Le monde de 2016, fragilisé par les événements tragiques qui l’atteignent chaque jour, a besoin de ce souffle vital de la Bible pour se distancer des abîmes de la déshumanisation et pour retrouver un supplément d’âme salvateur.

Constatons que juifs et chrétiens ont plus que jamais la responsabilité de porter ensemble le flambeau de l’humanisme biblique qui les rend interdépendants dans un monde hostile!

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez pour Dreuz.info.

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