Publié par Jean-Patrick Grumberg le 27 septembre 2016

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Le premier débat présidentiel vient de s’achever. Si je devais écouter mes impressions à chaud, je dirais que Donald Trump a échoué ce premier test.

Donald Trump a beaucoup été sur la défensive. Il a pris des coups. Et il n’a pas vraiment contre-attaqué, ou mollement, contrairement à ce que sa réputation et les débats précédents laissaient présager. Il n’a cessé d’approuver Clinton par-çi, d’être d’accord avec elle par-là comme s’il voulait s’attirer un capital de sympathie et effacer sa mauvaise réputation de bulldog.

Hillary Clinton, elle, n’y est pas allée de main morte. Elle a lancé de multiples flèches contre Trump, elle l’a attaqué sur à peu près tous les fronts possibles. Elle l’a accusé de corruption, de racisme, de sexisme, de fraude fiscale, d’incapacité à diriger un pays et j’en passe. Et lui semblait jouer la carte “je vais vous montrer que je suis un gentleman, et non le détestable personnage offensif que j’ai été pendant la primaire républicaine.” Donald Trump a voulu être gentleman tandis que Hillary Clinton l’étripait.

Elle l’a accusé de rendre inquiets les alliés de l’Amérique alors que pourtant le Premier ministre israélien, principal pays allié et plus proche ami des Etats-Unis, a passé plus d’une heure en compagnie de Donald Trump cette semaine et est sorti ravi de cette rencontre. Mais Trump n’a pas réagi, il n’a pas contre attaqué.

Parce qu’il aurait insulté l’islam, elle l’a accusé de s’être mis à dos tous les pays musulmans du Moyen-Orient dont les États-Unis ont impérativement besoin pour endiguer la menace terroriste. Trump aurait pu répondre que le nombre d’attentats n’a jamais été aussi important, malgré sa politique (et celle d’Obama) d’apaisement de l’islam, mais il ne l’a pas dit.

Hillary Clinton a accusé Donald Trump de mépriser les femmes, de les traiter comme des objets, de les insulter, de ne pas leur offrir les mêmes salaires que les hommes à responsabilités égales. Trump aurait pu répondre qu’elle a couvert les coucheries de son président de mari, qu’elle a traîné dans la boue les femmes qui ont déclaré avoir été violées par Bill Clinton. Trump aurait pu dire que Hillary Clinton reçoit sans les avoir jamais dénoncés, des millions de l’Arabie saoudite où la femme n’a pas le droit de conduire une voiture, de sortir sans un chaperon, de disposer de ses biens, ou de son passeport pour voyager. Trump aurait pu rappeler que c’est dans la fondation Clinton que les femmes sont sous-payées, mais il ne l’a pas fait, car il était sur la défensive.

Hillary s’est adressée aux chefs d’État du monde entier, durant le débat, pour les rassurer et leur dire que l’Amérique n’avait qu’une parole et qu’elle comptait. Son message était que celle de Donald Trump n’était pas fiable. Donald Trump aurait pu lui répondre que les alliés trahis par elle : Kadhafi qui a été assassiné, Moubarak qui a été sommé de démissionner, Ben Ali dont la tête a été réclamée, seraient ravis de l’entendre. Mais il n’a pas répondu. Il aurait pu lui répondre que si sa parole était d’appuyer sur le bouton Reset avec la Russie pour qu’ensuite elle envahisse la Crimée et déclenche la guerre en Ukraine, on pouvait se passer d’une telle parole. Mais il ne lui a pas répondu. Il aurait pu lui demander si ce qu’elle appelle respecter sa parole, c’est menacer Assad de représailles s’il dépasse la ligne rouge en usant de gaz chimiques contre son peuple, puis de se coucher quand Assad utilisa les gaz chimiques contre son peuple. Mais ça non Donald Trump ne l’a pas dit.

Hillary Clinton a suggéré que si Donald Trump n’a pas publié sa déclaration d’impôt, c’est qu’il a des choses à cacher au peuple américain. Peut-être ne gagne-t-il pas autant qu’il dit, peut-être doit-il énormément d’argent aux banques, peut-être qu’il fraude et qu’il ne paie pas d’impôts comme il devrait, ou peut-être même qu’il a fait des investissements illégaux, de l’évasion fiscale. Donald Trump aurait pu répondre que la fondation Clinton a encaissé des millions de dollars quand Hillary Clinton était Secrétaire d’État, et que miraculeusement plus de la moitié des gros donateurs privés de la fondation ont eu accès au gouvernement. On appelle cela “pay for play”, qui pourrait se traduire par « si tu veux en croquer, tu dois cracher au bassinet. » Mais il ne l’a pas fait.

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Hillary Clinton a accusé Donald Trump de vouloir une réforme fiscale pour que lui et sa famille payent moins d’impôts. Il aurait pu répondre qu’elle ne peut pas d’un côté l’accuser de ne pas payer d’impôt, et de l’autre l’accuser de vouloir payer moins d’impôts. Il aurait pu lui répondre que la fondation Clinton n’a jamais été auditée par un organisme indépendant et que c’est louche, il aurait pu évoquer certains faits de corruption choquants mis en lumière par le reportage Clinton Cash, mais il n’a rien répondu.

Donald Trump aurait pu parler des nombreuses casseroles de Hillary Clinton. Il y en a tant qu’il n’avait que l’embarras du choix : la somme astronomique qu’elle a reçue pour une conférence à Wall Street dont elle refuse de révéler le contenu, ce qui se cache derrière la décision d’avoir installé un serveur privé d’email, sur le fait qu’elle disait avoir un seul BlackBerry pour des raisons pratiques et un seul ordinateur, alors que le FBI en a recensé 14 et qu’ils ont tous disparu de la circulation – où ont été détruits à coups de marteau, sur le fait qu’elle a déclaré qu’aucun message top secret ou confidentiel n’a transité par ses emails non sécurisés, et que le directeur du FBI a dit qu’elle a menti. Ou que sous le coup d’une commission d’enquête, elle s’est rendue coupable de destruction de preuves au point que cinq de ses collaborateurs ont plaidé la protection derrière le 5e amendement ou l’immunité contre la fourniture de renseignements gênants pour ne pas terminer en prison, mais Donald Trump l’a à peine évoqué.

Oui, je pourrais dire que selon mes impressions, Donald Trump a échoué lors de ce premier débat devant près de 100 millions de personnes, et surtout devant les indécis et les indépendants dont l’élection dépendra.

Je pourrais le dire, mais je ne le ferai pas pour une simple raison : lors du premier débat, l’été 2015, qui a réuni un record de 25 millions de téléspectateurs, mon impression était que Donald Trump n’avait pas été à la hauteur. Et les Américains ont massivement contredit mon impression en le propulsant en haut des sondages, et jusqu’à la présidentielle.

Le dernier sondage national publié avant le débat, le sondage de Blomberg, donnait à Trump un avantage de 2 points sur Clinton à 43 contre 41.

Mon conseil : ne tenez pas compte de ce que j’ai écrit ci-dessus. Demain, les sondages diront qui a remporté ce débat, c’est cela qui vaut.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.

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